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Un Cadet de Famille, v. 2/3

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LV

On nous avait dit à l'île Maurice que le lac auprès duquel nous nous reposions possédait des crevettes aussi grosses que des homards, et que des anguilles avaient quinze ou vingt pieds de longueur.

Les deux principales rivières de l'île prennent leur source dans cette plaine; en marchant elles augmentent leur volume par le tribut que leur payent une infinité de ruisseaux, jusqu'à ce qu'elles arrivent à être fortes et puissantes. Coulant parallèlement pendant quelque temps, elles finissent, en rivales bien apprises, à tenter de se surpasser en largeur et en vélocité. Après cette lutte ambitieuse et coquette, elles se séparent; l'une va forcément à droite, l'autre à gauche, arrosent leurs districts respectifs, et finissent par payer à leur tour un tribut au puissant océan.

Après avoir rassasié nos sens de la vue des incomparables beautés de cette riche nature, nous fûmes obligés de penser à des choses moins poétiques et moins délicates, car nos estomacs demandaient à grands cris d'être promptement restaurés. Nos gens placèrent devant nous les mets favoris des marins, c'est-à-dire du poisson, des fruits, des légumes, nourriture simple et sans apprêt, dont nous savourâmes les délices avec un zèle vraiment sacerdotal.

Vers la fin de ce frugal déjeuner, nous retombâmes insensiblement dans la contemplation des sublimes merveilles que renfermait cette île. La tiède chaleur du soleil levant faisait monter vers nous le parfum des citrons, des oranges, des framboises, celui encore plus doux des mangoustans sauvages et des fraises. Ces enivrantes odeurs se mêlaient à celles des herbes et des arbrisseaux aromatiques dont la vallée envoyait l'encens confondu avec la rosée du matin. L'air pur et frais des premières heures du jour, en se pénétrant de toutes ces émanations embaumées, remplissait nos cœurs et nos sens d'un indéfinissable bien-être. Mes membres étaient si légers, si souples, si élastiques, qu'il ne m'eût pas semblé impossible de devancer à la course les cerfs en émoi que nous apercevions traversant les clairières pour se précipiter dans la profondeur des couverts.

Le plaisir que je ressentais se communiqua à Zéla; elle effeuillait des fleurs en nous montrant, sous ses beaux sourires, l'émail de ses dents de perle.

Nous mangions pour la première fois ensemble le pain et le sel, et quand je lui en fis l'observation, elle me dit gaiement:

– Il faut aujourd'hui, mon frère, que nous soyons bons amis, et si vous tenez à suivre les coutumes de notre pays, vous ne devez plus froncer les sourcils en me regardant, parce que je suis votre hôte jusqu'à ce que le soleil se couche et se lève de nouveau.

En nous promenant ensemble, j'aidai Zéla à cueillir des fleurs, et je l'interrogeai sur leur classification, non sur celle que leur assigne la botanique, mais les poëtes orientaux qui ont chanté l'amour.

De Ruyter interrompit notre douce causerie en nous criant qu'il fallait nous mettre en route.

Après avoir laissé le lac à notre droite, traversé la base du piton du Milieu, sur un terrain volcanique et réduit en poudre, nous nous dirigeâmes vers le sud et nous nous trouvâmes bientôt dans des plaines entourées de montagnes.

Ces plaines vertes, bordées de bois sombres, se trouvaient coupées par des marais remplis de vétyver, de fougère, de mauve, de bambous ondoyants et de tabac sauvage. Nous aperçûmes encore des plantations de manioc, de maïs, de patates, de cotonniers, de cannes à sucre, de café et de clous de girofle. Après avoir traversé ces vastes champs, nous franchîmes des canaux, dont l'eau claire et limpide coulait sans bruit, réfléchissant dans son onde cristalline des chênes nains, des oliviers d'un vert sombre, près desquels fleurissait le figuier au fruit rouge comme une fraise. Plus loin le majestueux palmier, isolé de tout entourage, élevait vers le ciel sa tête couronnée d'un unique fruit, et quand ce roi de la végétation perd son diadème, semblable aux monarques de la terre, il cesse de vivre en cessant de régner.

Nous pénétrâmes bientôt dans les sauvages forêts où poussent l'arbre de bois de fer, le chêne, le cannellier noir, le pommier, l'acacia, le tamarin et la muscade. Le chemin que nous suivions était couvert comme une charmille par des vignes vierges, du jasmin et une multitude infinie de plantes rampantes d'un rouge brillant. Ces plantes avaient si épaissement entrelacé leurs vivants cordages, que ni le soleil ni la tempête ne pouvaient les pénétrer. Si, par hasard, un rayon égaré trouvait un passage au travers de cet épais treillis, il ne lui était possible d'étendre sa lumineuse clarté que sur une touffe de violette ou de fraisier. La bienfaisante chaleur de ce doux rayon réchauffait le fruit et la fleur, qui grandissaient avec force, en regardant d'un air de commisération les pâles et frêles enfants de l'obscurité.

Les songes les plus poétiques des rêveurs ne pourront jamais inventer de plus radieuses, de plus admirables merveilles que celles que nous présentait cette nature sauvage et si réellement idéale. Ces retraites, ombragées par de grands arbres verts, ces gazons émaillés de fleurs suaves, me semblaient la demeure d'un peuple de génies, et je considérais notre passage comme une odieuse profanation de leurs droits divins.

Pour la première fois de ma vie, les belles voix d'Aston et de de Ruyter me parurent discordantes, leurs formes si magnifiquement dessinées, leurs fronts fiers, mais hâlés, ne me paraissaient nullement en harmonie avec le lieu dans lequel nous nous trouvions.

– Ils sont fort déplacés ici, pensais-je en moi-même, le véritable encadrement qui puisse faire ressortir leurs martiales figures est le pont d'un vaisseau armé en guerre.

J'avais beau chercher à les assimiler à l'entourage de féerie qu'embrassait ma vue, il m'était impossible de les grouper, ni par la pensée, ni par les yeux, d'une façon assez avantageuse pour les faire contribuer à la splendeur de la scène. Le regard le plus bienveillant, le plus favorablement disposé, ne pouvait les prendre que pour des démons, des jungles admee (hommes sauvages), des orangs-outangs ou des centaures.

La vieille nourrice Kamalia, suivie de deux esclaves noirs, marchait derrière nous, et je fus si certain, dans la fièvre de mon imagination, qu'elle était ou une sibylle ou une sorcière accompagnée de deux démons prêts à exécuter les plus horribles enchantements, que je commençai à maudire l'obscurité de la forêt en désirant de revoir le soleil. Zéla arrêta tout à coup son cheval, et la sorcière noire, toujours suivie de près par les deux démons, s'approcha de la jeune fille.

Sous l'influence de mon étrange hallucination, je me précipitai vers Zéla, je saisis la bride de son cheval, dont j'excitai vivement la marche. J'avais peur de voir ma petite fée se transformer en faon blanc et s'élancer vers les bois. La suite de cette métamorphose devait m'envelopper dans la peau d'un chien noir et me condamner à poursuivre la fugitive dans les mystérieux sentiers de cette ténébreuse et impénétrable forêt.

Mes craintes se dissipèrent un peu quand je vis Zéla maintenir avec force l'impétuosité de son cheval, qui voulait s'élancer en avant, et, penchée vers moi, me dire de sa voix musicale:

– Laissez-moi libre, mon frère, vous allez me faire tomber; marchez un peu en avant, je désire parler à Kamalia et lui demander le nom des belles fleurs rouges qui sont sur cet arbre. Oh! regardez, ce ne sont point des fleurs, mais de petits oiseaux; vous les avez effrayés en voulant arrêter ma marche. Quel malheur! ils se sont enfuis.

Revenu à moi, je communiquai en riant mes chimériques angoisses à la jeune fille.

– Et, me demanda-t-elle, quelle figure avais-je prise dans votre esprit avant d'être transformée en faon?

– Vous, chère, vous êtes le doux Ariel, l'esprit enchanteur de ce bois, votre demeure, votre empire. Rien d'humain ne doit vous entourer, car chaque chose humaine a sa faiblesse ou son défaut. Ici, il y a des murs de fleurs pour vous cacher à tous les regards: vous vivrez comme les abeilles, comme les brillants oiseaux que vous venez d'admirer, de parfums, de fruits et de rosée.

– Ce bois est un séjour vraiment enchanté, mon frère, je partage votre admiration; mais je ne voudrais pas y vivre toute seule, puis je ne saurais être heureuse emprisonnée: fleurs ou barreaux, marbre ou pierre, les murs sont toujours sombres, et j'aime la liberté, l'espace, le caprice qui m'emporte où m'appelle ma fantaisie.

– Ma bien-aimée, répondis-je à Zéla, je resterai avec vous comme votre esclave.

– Mon esclave! oh! non, non, non, pas d'esclave; vous avez dit hier qu'il ne devait point y en avoir, je pense et je dis comme vous: la liberté pour tous.

Le sentier que nous suivions s'élargit bientôt; son obscurité se dissipa, et nous atteignîmes l'entrée d'une grande plaine. L'éblouissante clarté d'un ciel limpide, brillamment inondé par les rayons du soleil, nous rendit presque aveugles.

En traversant une rivière sur un pont rustique, je reconnus la main de de Ruyter dans la construction forte et élégante de ce pont. Après avoir gravi de nouveau un sentier très-irrégulier, nous montâmes, au travers d'une longue allée d'arbres et de buissons, sur une plate-forme élevée. Sur cette plate-forme était assise la maison de de Ruyter.

– Aston, criai-je joyeusement au lieutenant, voici notre résidence, je suis certain que c'est bien elle. Quel autre que de Ruyter aurait eu l'esprit de trouver cette délicieuse, cette ravissante situation! Toutes les beautés que nous avons admirées ne sont point comparables à celles qui environnent ce charmant séjour. La possession de ce paradis terrestre doit satisfaire à jamais toutes les ambitions, tous les désirs d'un homme; car la nature y a jeté à profusion toutes ses parures pour le rendre parfait.

– Vous dites vrai, me répondit Aston en regardant autour de lui et dans l'immensité de l'espace; quelle magnificence! quelle grandeur! je n'ai jamais rêvé rien d'aussi splendidement beau.

 

– Allons, allons, cria de Ruyter, descendez de cheval; demain, vous aurez la journée entière pour admirer tout cela. Maintenant il faut songer au repas; votre mari, continua de Ruyter en se tournant vers Zéla, n'est bon à rien, si ce n'est cependant à rôder dans les déserts; regardez, mon enfant, il a choisi la place la moins ombragée du jardin, afin de recevoir sur sa tête toute la chaleur des rayons du soleil. Par le ciel! je crois qu'il ôte son turban; il serait un saint parmi les Raypaats (descendants du soleil).

Zéla accourut vers moi et me dit doucement:

– Ne restez pas au soleil, mon frère; dans ce moment-ci sa chaleur est très-dangereuse. Voyez comme les boutons et les fleurs cherchent à échapper à son brûlant contact, en fermant leurs corolles et en se cachant sous l'ombre des feuilles, qui baissent également avec tristesse leur tige fatiguée. Les oiseaux, les insectes sont tous endormis dans les bois; il n'y a pas un animal qui ose rester sans abri quand la chaleur est aussi étouffante. Tout dort maintenant; le vent même est allé se cacher dans les cavernes que nous avons vues ce matin sur le rivage. Il n'y a que la méchante mouche qui soit éveillée; elle ramasse les vapeurs empoisonnées pour s'en faire un venin, et la nuit elle jette son cri de guerre; puis elle perce avec sa lance le doux et bienfaisant sommeil: la mouche est le mauvais esprit des ténèbres et le sommeil en est le bon. Venez, mon frère, le capitaine l'ordonne, et vous obéissez mieux à sa voix qu'à celle de Zéla.

Je suivis la jeune fille, en pensant qu'elle avait fait une très-jolie description de la tribu des mouches.

Tout le monde mit pied à terre sous une verandah, et nous fûmes conduits par de Ruyter dans l'intérieur de la maison. Une double rangée de persiennes protégeait les appartements contre les ardeurs du soleil, et laissait l'air et le vent circuler par les ouvertures en toute liberté. La salle d'entrée occupait le tiers de la maison: elle était pavée en grands carreaux de marbre blanc, et un bassin d'une forme ovale, rempli d'eau, jetait dans l'air la fraîcheur la plus suave.

En visitant le jardin, je découvris une citerne dont l'eau, après avoir arrosé la terre, formait une cascade et allait sauter de rocher en rocher, jusqu'à ce qu'elle eût atteint la rivière, dont on voyait, des hautes fenêtres de la maison, la nappe calme et argentée.

De Ruyter avait fait creuser la montagne jusqu'à la source d'une de ces fontaines, dont il dirigeait le cours dans ses terres.

Autour de la salle dans laquelle nous étions entrés s'étendait un large divan garni de coussins; les murs étaient ornés d'armes indiennes et européennes pour la chasse, mêlées à des dessins et à des gravures de prix.

Zéla et ses femmes furent conduites dans une aile de la maison, et sur la porte d'entrée de l'appartement qui s'y trouvait était écrit ce mot en caractères persans: Le Zennanah.

– Cette désignation, nous dit de Ruyter, est une fantaisie de l'artiste qui a peint l'intérieur de la maison; car votre Zéla est la première femme qui entre ici.

Après avoir montré à Aston la chambre qui lui était destinée, de Ruyter se tourna vers moi et me dit:

– Je crois, mon Trelawnay, qu'une chambre entourée de murailles ne pourrait convenir à votre esprit errant: nous vous laisserons aller çà et là; du reste, je sais que vous le feriez sans ou avec ma permission. Si vous avez besoin de quelque chose, frappez dans vos mains, et si ces besoins sont des besoins réels, ils seront à l'instant satisfaits. Quant aux choses luxueuses, j'évite ce luxe du climat; mais il n'est pas défendu. La défense n'atteint jamais son but et met une valeur sur des ombres. Quand la cloche sonnera une heure, le déjeuner sera servi dans la salle.

LVI

Quand de Ruyter nous eut quittés, Aston s'écria d'un ton surpris:

– Que veut-il dire? Quel est le sens réel de sa phrase? Parle-t-il bien sérieusement du luxe intérieur de sa maison, de ce luxe dont la grandiose simplicité surpasse les splendeurs les plus raffinées et les plus exquises de la civilisation?

– Je crois, répondis-je en riant, que de Ruyter se moque de nous, ou qu'il cherche à se mettre en garde contre les excès complimenteurs de notre juste admiration.

– Vous avez peut-être raison, mon cher Trelawnay, reprit mon ami; mais une chose dont je suis bien certain, c'est qu'un long séjour dans cette royale résidence du désert nous rendra fort difficiles sur le choix d'une habitation, en les faisant toutes paraître à nos yeux plus laides et plus sales qu'une hutte irlandaise.

Tout en causant, nous nous promenions autour de la salle, et j'allais proposer à Aston de m'accompagner dans le jardin, lorsque la cloche dont nous avait parlé de Ruyter annonça que le déjeuner était servi.

Nous nous mîmes à table.

– Je crains fort, mon cher Trelawnay, me dit de Ruyter en riant, que vous ne soyez un triste convive, si la reine des abeilles ne daigne pas abandonner en votre faveur les coutumes de son pays pour se conformer à celles du nôtre.

Une femme fut appelée, et je lui donnai l'ordre d'aller chercher lady Zéla. Après d'assez longues hésitations entremêlées de pourparlers, la jeune fille se décida à se rendre à nos prières.

Une couche disposée à la hâte reçut la belle Arabe, qui ne s'était jamais assise sur une chaise.

Les jolis petits doigts de Zéla essayèrent vainement de se servir pour manger d'une vilaine fourchette de fer: leurs gracieux et impuissants efforts donnaient à tous les gestes de la jeune fille une si adorable gaucherie, qu'après avoir contemplé un instant son léger embarras, je lui ôtai la fourchette des mains en la priant de m'apprendre à me servir de mes doigts pour ramasser les grains de riz servis sur mon assiette et les porter à mes lèvres; mais la leçon, rieusement donnée, fut très-peu profitable, car l'impatience me faisait avaler ensemble et le riz et la chair du poulet.

Zéla sortit de table avant la fin du déjeuner, et nous promit gracieusement que sa présence charmerait notre promenade du soir.

Quand les débris du repas eurent été remplacés par le café et les pipes, nous nous couchâmes sur les divans qui entouraient la salle, et nos yeux, alanguis par la fatigue, se reposèrent doucement dans la contemplation de l'eau limpide du bassin, qui ressemblait à une glace entourée d'un cadre de marbre. Trop heureux pour analyser nos jouissances et nous faire part mutuellement des sensations de bien-être qui remplissaient nos cœurs, nous restions silencieux, et cet engourdissement moral se répandit peu à peu sur la nature physique; car nous tombâmes, sans nous en apercevoir, dans le repos d'un profond sommeil.

Deux heures après nous sortions du bain, et on nous apportait des rafraîchissements avec une corbeille remplie de fruits et de confitures. Quand nous eûmes savouré le jus acide de la grenade et celui de l'orange mêlé à de l'eau glacée, nous rentrâmes dans la salle, où du café brûlant et nos pipes nous aidèrent à attendre sans impatience la disparition du soleil derrière les montagnes. À la chute du jour, Zéla se rendit à notre appel, et nous visitâmes les terres cultivées qui entouraient la maison de de Ruyter.

Un sentier sablonneux, ombragé d'arbres touffus, nous conduisit par une montée facile dans une chambre d'été, dont la construction extérieure, aussi bien que la couleur des murs, ressemblaient exactement aux draperies d'une tente. Des fenêtres de cette chambre on découvrait un panorama magnifique, car toutes les mystérieuses beautés de l'île se montraient sans voile: d'un côté, les plaines laissaient pleinement voir leur robe de pourpre et d'émeraude; de l'autre, la mer et le port entier de Bourbon s'offraient aux regards.

– Je vois le vaisseau! s'écria Zéla en frappant joyeusement ses petites mains l'une contre l'autre; regardez, mon frère, ne dirait-on pas qu'il est tout près de nous?

Armé d'un télescope, je vis si distinctement le grab, que mon imagination me montra aussitôt Louis-le-Grand, l'air empressé, égorgeant des tortues sous la banne du pont.

Je sortis avec Zéla de la chambre d'été, et j'allai m'asseoir sur un morceau de rocher, qui formait un dôme arrondi au-dessus d'un profond abîme. Des hauteurs de ce trône improvisé je pus, sans être importun, suivre des regards les mouvements légers et souples de Zéla, qui voltigeait, comme une abeille, de fleurs en fleurs, d'arbres en arbres, effleurant tout du bout de ses jolis doigts, penchant sur chaque arbuste ou sur chaque buisson sa jolie tête et ses beaux yeux rayonnants de plaisir.

Les mouvements gracieux et élégants du corps, l'adresse modeste et dégagée des gestes atteignent dans l'Est une réelle perfection. Comme si elle redoutait la rivalité de l'art, comme si elle s'en indignait, tout en dédaignant de le combattre, la nature a jeté là ses dons les plus rares, les plus précieux et les plus recherchés. Innés chez ce peuple, ils sont défigurés sous la laide forme de l'affectation dans les pays qu'on appelle civilisés; la beauté du corps, la majesté simple et naturelle des gestes, la grâce des mouvements, cet ensemble des qualités extérieures qui ont un charme si séduisant, a déserté les villes populeuses pour se jeter dans les déserts et dans les montagnes. La beauté vit là; elle joue avec les enfants, elle pare le front des jeunes filles, elle flotte sur l'aile du pigeon ramier, elle étincelle dans le brillant et doux regard de la sauvage gazelle.

Un enfant du désert ressemble à une vigne vierge étendant avec profusion ses branches couvertes de feuilles. Arrêtez cette croissance, taillez la vigne, rendez-la productive, et vous aurez un vilain feuillage et une mesquine vendange. La vigne et l'olivier sont les enfants des collines et des sables, ils sont nourris par les rayons du soleil; libres de grandir, ils deviennent splendides. Le cheval du désert et l'antilope sont les plus rapides et les plus beaux des animaux.

Le majestueux roi des oiseaux, ce roi dont le plumage voltige sur le diadème des souverains du monde ou se penche en triomphe sur un corbillard royal, habite les landes sablonneuses.

Les fruits les plus riches, les fleurs les plus belles, l'air le plus odoriférant, l'eau la plus limpide, se trouvent dans les plaines, dans les rochers, dans les sables, et sont tous nourris dans la solitude par le soleil de la liberté.

C'est là que l'homme parle avec son Dieu jusqu'au moment où le cœur, rempli d'amour et d'admiration, divinise ses sentiments.

J'ai vu les vierges de l'Est (Zéla en était une) aussi ignorantes que ses plus sauvages enfants, et dont la beauté exquise ferait tomber le ciseau des mains des sculpteurs grecs. J'ai regardé leurs formes, leurs traits, l'expression de leurs figures, et tout se mêlait si harmonieusement ensemble, que je ne pouvais pas comprendre qu'il fût possible de rester froid devant tant de beauté, en cherchant à découvrir si les lignes étaient de la forme grecque ou romaine. Il serait plus facile au hibou de regarder le soleil sans en être ébloui, qu'à un homme de cœur et d'imagination de contempler avec calme l'idéale beauté des vierges de l'Est.

La plus belle et la plus délicieuse de ces vierges était à mes yeux ma jeune et charmante femme. Zéla venait d'atteindre sa quinzième année; et quoique ne pouvant, même dans l'Est, être considérée comme une femme faite, son développement précoce donnait des promesses de la plus rare beauté. Élevée dans l'ombre, Zéla avait le teint pâle, et cette pâleur de camellia paraissait de l'albâtre au milieu des femmes brunes qui entouraient la jeune fille. La largeur et la profondeur du front de Zéla, clair et poli comme de l'ivoire, étaient à moitié cachées par une magnifique couronne de cheveux fins, abondants et légèrement ondulés.

Ses yeux étaient expressifs, même pour une Orientale, mais ni brillants, ni saillants; ils étaient aussi doux que ceux d'une grive, lorsque le calme du repos ne laissait ni la joie, ni la douleur, ni la surprise y jeter leur brillante étincelle de satisfaction ou de souffrance. Les cils d'ébène qui ombrageaient ce beau regard étaient extraordinairement longs, et quand la jeune fille dormait, ils se pressaient contre ses pâles joues en y jetant le doux reflet de leur ombre. La bouche était pleine d'harmonie et de grâce; la figure, petite et ovale, était fièrement portée par un joli cou aux mouvements onduleux; les membres de Zéla, longs, pleins et arrondis, avaient des gestes vifs et légers.

Au moment où j'analysais les rares perfections de la jeune fille, elle se tenait debout sous l'ombrage d'un arbre dont les languissantes branches tombaient en grappes autour d'elle. Cet arbre indou cache, dit-on, dans ses feuilles fermées, l'asile d'une fée. Je crus que Zéla, leur reine, était descendue de sa demeure de verdure pour folâtrer un instant sur un gazon de fleurs, et, sous la fascination de cette idée, je descendis rapidement auprès d'elle.

 

– J'ai guetté votre chute, lui dis-je en la prenant dans mes bras, chère enfant! Je vous tiens, je vous garderai auprès de moi.

– Oh! mettez-moi par terre, s'écria la jeune fille effrayée, vous me faites mal. Je ne suis pas tombée; laissez-moi, je vous prie, laissez-moi m'en aller.

– J'y consens, si vous voulez me promettre de ne pas fuir, de ne pas remonter dans le feuillage de cet arbre, votre féerique habitation.

– Je ne vous comprends pas, me répondit Zéla en ouvrant de grands yeux; laissez-moi, vous me serrez avec trop de violence.

Je posai doucement la jeune fille à terre et je lui fis part de mes craintes; mais elle m'écouta à demi, car, à peine libre, elle courut vers sa vieille nourrice d'un air aussi effrayé qu'un jeune levraut.

Le lecteur aurait tort s'il m'accusait d'exagération dans l'éloge que je fais des Arabes de l'Inde. S'il doute de ma véracité, il en croira peut-être mieux les paroles d'un savant voyageur tout à fait exempt de préjugés. Ce voyageur dit:

«Les Arabes sont nombreux dans l'Inde; ce sont des hommes magnifiques, au teint blanc, aux formes belles, osseuses et musculeuses; leurs mines nobles, leurs costumes pittoresques, leurs regards intelligents, hardis, etc, etc.»

Ceci est donc le portrait du père de Zéla. Sa mère, d'une beauté célèbre, avait été apportée du Caucase géorgien, et le hasard de la guerre l'avait faite deux fois captive. La naissance de Zéla fut la mort de cette femme, et elle quitta le monde, heureuse d'y laisser sa vivante image.

Zéla était belle, plus belle que je n'ai pu la décrire, car je ne suis pas versé dans la science des paroles, et les paroles sont souvent impuissantes à représenter ce que l'œil voit, aussi bien qu'à exprimer ce que le cœur ressent.

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