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Un Cadet de Famille, v. 2/3

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LIII

De Ruyter se rendit à bord de la corvette pour dire à son capitaine que les Anglais avaient levé le blocus du Port-Louis. Contraints à cette retraite par les pertes qu'ils avaient faites de leurs hommes et de leurs bateaux, les Anglais voulaient encore avoir le temps de rentrer à Madras avant que le sud-ouest mousson commençât à se faire sentir. D'ailleurs, comme la flotte qui devait regagner l'Angleterre était censée avoir passé les latitudes des îles, le but des frégates qui bloquaient Port-Louis se trouvait atteint.

De Ruyter convint avec la corvette qu'aussitôt qu'elle aurait renouvelé sa provision d'eau et de vivres, elle irait au Port-Louis, et que, par la traverse sur terre, de Ruyter la rejoindrait avant son départ pour lui donner les dépêches destinées au général français.

Cet arrangement fait, de Ruyter remonta sur le grab et nous envoyâmes les prisonniers et les blessés sur la corvette.

– Il faut maintenant songer à nos malades, me dit de Ruyter, lorsque le transport des étrangers fut opéré. Je vais me mettre à la recherche de quelques logements, et vous envoyer toutes les choses dont vous pouvez avoir besoin.

Le lendemain, de Ruyter nous quitta encore pour se rendre au Port-Louis; mais, avant son départ, il me donna des instructions précises sur tout ce que je devais faire pendant son absence, et il quitta le vaisseau en nous promettant d'être rentré dans trois ou quatre jours.

Il avait été convenu qu'après avoir chargé le grab, nous le mettrions dans un lieu sûr, et que nous irions passer quelque temps dans la maison de campagne de de Ruyter, car mon ami possédait des terres considérables dans l'intérieur de l'île.

Cette île a, relativement au climat, une particularité digne de remarque, et je n'ai jamais trouvé dans aucune autre partie de l'Inde l'étrange bizarrerie de sa température. Généralement les îles ont sur les côtes une atmosphère douce et fraîche, tandis que l'intérieur des terres est chaud, malsain, excepté toutefois les hauteurs du centre de l'île; mais, à l'île Maurice, c'est le contraire: il fait si horriblement chaud le long de la côte entière, l'air y est si impur, qu'à Port-Louis et dans ses environs, personne n'ose sortir pendant six mois de l'année, tellement on est sûr de recevoir un coup de soleil, coup de soleil fort dangereux, car d'ordinaire il amène la frénésie, la fièvre, le choléra-morbus ou la dyssenterie. En revanche et à la même période de l'année, dans l'intérieur de l'île, et surtout au côté opposé au vent, l'air est doux, suave et sain.

Depuis novembre jusqu'en avril, l'air de la ville de Saint-Louis est si insupportablement chaud, que peu de personnes, à l'exception des esclaves, osent y rester. Les habitants assez heureux pour avoir la liberté de choisir le lieu de leur résidence vont s'établir dans l'intérieur de l'île. Ajoutez à ces six mois d'étouffante chaleur une fin d'année pluvieuse, pendant que d'horribles orages ravagent les côtes. Toujours à la même époque, l'intérieur de l'île est calme, doucement chauffé par le soleil. J'ai été témoin de ce fait, fait d'autant plus étrange que l'île, nous l'avons dit, n'a que dix-neuf lieues de circonférence.

J'exécutais avec une infatigable ardeur les ordres de de Ruyter; l'insomnie et le travail étaient pour moi un plaisir, car mon corps était fort et mon esprit avait des ailes. Nous eûmes bientôt construit sur le rivage des magasins en barres de bois, en planches et en paillassons, et toutes les choses qui n'appartenaient pas au grab furent débarquées et envoyées dans la ville sur le dos des mulets, des buffles et des esclaves. (Je rougis d'être obligé de dire que les esclaves sont les principales bêtes de somme de l'île Maurice).

De Ruyter avait fait de grands efforts et de grands sacrifices afin d'obtenir des buffles et des ânes pour remplacer les esclaves dans l'humiliante et pénible fatigue de porter des fardeaux pendant des journées d'une chaleur insupportable. Mais la moindre indifférence, mais le cruel égoïsme avec lesquels les propriétaires des esclaves accueillirent les humaines propositions de de Ruyter rendirent sa tâche difficile.

Ces trafiquants sans cœur ne veulent ni voir ni entendre parler d'un projet qui ne tend pas à augmenter sur-le-champ leur bénéfice. Chez eux, les organes communs de la nature sont abrutis; leur vue des choses est rétrécie à la circonférence qu'embrasse le regard.

Ils sont semblables à la guêpe, dont l'œil, rond comme une lentille, grossit dans des proportions énormes le plus petit objet qui se trouve devant lui, mais qui ne peut pas distinguer un mur d'une fleur, s'il est éloigné d'un mètre du centre de son regard. Ces hommes stupides voient donc les objets aussi clairement que la guêpe. Il était inutile de leur parler d'un gain à venir, gain que la recherche des ânes et des buffles pouvait leur produire. Ils disaient que cette recherche était une perte de temps, et que, les esclaves étant tout prêts, il fallait s'en servir. Quant à la souffrance de ces malheureux, elle ne pouvait attendrir des êtres qui n'ont pas de sentiments humains. À toutes les réflexions généreuses que fit de Ruyter, ils opposèrent cette étrange question:

– Est-ce la loi? Je ne puis pas la trouver: elle n'est pas dans mon livre.

Tel est, en un mot, le résumé de leurs réponses aux avocats de l'humanité. À chaque appel, ils restent aussi sourds que des crocodiles, et pendant que vous leur parlez de charité chrétienne, ils fouettent ou donnent l'ordre de fouetter le dos nu d'un pauvre esclave succombant de fatigue sous le poids d'une trop lourde charge.

J'ai vu de ces malheureux nègres couverts d'ulcères, et dont les plaies saignantes étaient déjà à moitié dévorées par des mouches et par des vers. C'est alors que ces infortunés appellent de tous leurs vœux celle que les riches craignent tant: la mort, la mort qui devient leur seul refuge, leur seule espérance, est accueillie comme une fée bienfaisante, et, après la suprême séparation de l'âme d'avec le corps, ce corps, masse morte et corrompue, est jeté, sans cercueil, dans la mer ou dans un fossé. J'ai vu le dos de ces pauvres martyrs aussi couvert de nœuds qu'un pin, et la peau en était aussi dure et aussi rocailleuse; de cette peau, semblable à de l'écorce d'arbre, le sang tombait goutte à goutte comme de la gomme.

Pendant que des centaines de ces malheureux travaillaient tous les jours dans les chantiers, à Port-Louis, sous un soleil brûlant, leurs maîtres, abrités et protégés dans l'intérieur de leurs habitations, se plaignaient de la chaleur en faisant de temps à autre des pas de tortue pour donner un ordre.

La pitié et la douleur que je ressentis en voyant le déplorable état dans lequel se trouvaient les esclaves à l'île Maurice, ne pouvaient être comparées, dans l'énergie de leur sensation, qu'à l'ardent souhait que je fis en suppliant le ciel d'envoyer sur la tête des oppresseurs les plus terribles malédictions. Ces monstres seront un jour anéantis, je l'espère, et s'ils doivent être immortels, que ce soit dans l'éternité, mais dans une éternité de souffrance. En toute justice, le mal qu'ils ont fait aux nègres doit leur être rendu, et je défie l'invention la plus hardie des démons d'arriver à égaler la cruauté de ces êtres sans âme.

Quoique ce barbare traitement des esclaves ne fût pas tout à fait aussi rigoureux dans l'intérieur de l'île, je me hâtai, le cœur plein de dégoût, de reconquérir, en terminant mes affaires le plus promptement possible, le bonheur d'aller chercher quelques jours de repos sur la colline déserte et boisée que de Ruyter m'avait indiquée comme étant le lieu de sa résidence. Je savais que là, s'il y avait du pouvoir, la douleur de l'oppression y était non-seulement adoucie, mais encore à peine sensible.

De Ruyter rentra au grab le troisième jour de son départ, et, quoique actif et énergique dans toutes ses entreprises, il fut étonné de l'extrême promptitude que nous avions mise à opérer le débarquement. Le vaisseau qui, avec sa carène chargée et toutes voiles déployées, était entré dans le port quelques jours auparavant à demi submergé sous le poids de sa cargaison, flottait maintenant sur l'eau aussi légèrement qu'une mouette endormie. Ses voiles étaient détendues, ses mâts et ses vergues baissés et démantelés, et le grab lui-même amarré près du rivage.

De Ruyter apprit à Aston qu'il avait obtenu la permission de le garder avec lui, ainsi que les quatre hommes de sa frégate, et que la parole d'honneur du jeune lieutenant était la seule chaîne qui l'attachât au grab.

Aston parut enchanté, et serra avec une reconnaissante affection la main de de Ruyter.

À l'arrivée de notre commandant, je traitais avec Aston la grande question des esclaves. De Ruyter prit la parole et nous dit:

– Il y a de cela deux jours, je me rendais vers la porte d'une église (je ne vais jamais au delà), qui, ouverte pour la première fois à la piété des fidèles, venait d'être consacrée. J'allais donc aux environs de cette église pour y chercher un marchand d'esclaves avec lequel j'avais une affaire à traiter. Cet homme, qui est un misérable fripon, ajoute à ses vices naturels celui d'être faussement religieux et d'affecter une grande exactitude dans l'accomplissement de ses devoirs de chrétien; il pousse l'hypocrisie si loin, que, s'il restait sur le globe en compagnie d'un seul homme dont les croyances différeraient de celles qu'il a adoptées, il poignarderait ou brûlerait cet homme. Sa foi est un fanatisme, un fanatisme aveugle, irréfléchi et intolérant.

Ne trouvant pas mon coquin, je m'approchai de la porte ouverte de l'église. Un coup d'œil dans l'intérieur me montra que les carreaux blancs de la nef étaient obscurcis par une douzaine de prêtres noirs. Une foule de monde venue pour voir la cérémonie encombrait l'église. Rien ne m'intéressant, j'allais continuer mes recherches, car un mélange d'encens, d'ail et de sueur formait une si horrible atmosphère que, pour l'avoir respirée une seconde, j'avais déjà des nausées.

 

Au moment de mon départ, je fus presque coudoyé par un esclave converti qui entrait dans l'église. Voyant à sa droite un bassin de pierre rempli d'eau, le nègre crut que cette eau était mise là pour servir aux ablutions; il y plongea vivement ses deux mains et lava jusqu'aux coudes ses bras noirs et sales. Un dévot, qui s'aperçut de cette action, frappa sur la tête du nègre penché avec une croix qu'il tenait à la main. La croix de la rédemption servit à exécuter un meurtre! Je frissonnai; je ne comprends pas ainsi la religion. Si j'avais été Dieu, j'aurais foudroyé ce stupide enthousiaste. Le pauvre nègre tomba baigné dans son sang, il n'eut même pas le temps d'exhaler une plainte.

– Qu'a-t-on fait à ce misérable assassin? demanda Aston.

– Rien. La cérémonie ne fut pas interrompue, car un nègre n'est pas un homme.

– C'est horrible! m'écriai-je; mais n'en parlons plus, de grâce, et hâtons-nous d'aller établir nos quartiers sur la colline, loin des oppresseurs et des esclaves.

LIV

De Ruyter laissa le rais à bord du grab en qualité de commandant, et quand tous les préparatifs de notre départ furent terminés, nous nous mîmes en route.

Le personnel de la caravane se composait de de Ruyter, d'Aston, de Zéla, accompagnée de ses femmes et de quelques Arabes de sa tribu. Notre voyage dans l'intérieur des terres se fit sur des mulets, des petits chevaux et des ânes. Nous suivîmes le rivage de la mer, qui était magnifiquement tessellé d'une grande variété de coquillages de toutes les couleurs et de toutes les formes. Je marchais aux côtés de Zéla, qui était gracieusement assise sur un petit cheval dont elle dirigeait vaillamment la marche.

– Chère sœur, lui dis-je, regardez la sublime beauté de ce paysage, voyez comme les nuages gris laissent à découvert le sommet des collines, tandis que leurs bases sont encore cachées par la vapeur: elles ressemblent à un groupe de magnifiques îles ou à une compagnie de cygnes noirs nageant sur un lac calme et silencieux. Quelques-unes sont couvertes d'arbres et de buissons jusqu'à la crête, tandis que d'autres se montrent dépouillées et flétries par les feux volcaniques.

Le sang d'une race intrépide coulait dans les veines de Zéla. Elle avait été élevée au milieu des périls de la guerre, et ne savait point affecter des sentiments qu'elle n'éprouvait pas. Elle traversa les ravins, marcha le long des précipices, passa à gué les ruisseaux et les rivières, non-seulement sans nous arrêter par une représentation de craintes imaginaires, de larmes forcées, de prières, de cris, d'évanouissement; mais encore en ne faisant attention aux dangers réels des passages que pour dire de sa voix douce et mélodieuse que les endroits que nous traversions étaient charmants aux regards, ou bien encore elle arrêtait sa monture sur les bords d'un précipice pour cueillir quelque fleur rare ou arracher les ondoyantes branches du plus gracieux des arbres indiens, l'impérial mimosa, dont la délicatesse est aussi sensible que celle de l'amour vrai, car il fuit le toucher des mains profanes.

– Mettez cette branche fleurie dans votre turban, me dit Zéla en me tendant une de celles qu'elle venait de cueillir, car je suis sûre que dans ces cavernes ou dans ces abîmes il y a des ogres qui nourrissent leurs petits avec du sang humain, et ils aiment à leur donner les hommes jeunes et beaux. Mettez donc la branche dans votre turban, mon frère; je vous nomme ainsi parce que vous m'avez priée de ne point vous appeler mon maître, et ne froncez jamais vos sourcils: je n'aime pas l'expression que cet air sévère donne à votre physionomie, il nuit à votre beauté; le sourire vous va bien, mais ne riez pas maintenant, prenez ma branche, elle sera pour vous un préservatif contre les charmes de la magie.

J'acceptai en souriant les fleurs du mimosa et je les plaçai dans mon turban.

En traversant une plaine sablonneuse, Zéla tressaillit, et sans arrêter son cheval, qui marchait lentement, elle sauta par terre et courut comme une biche vers une colline de sable. N'ayant jamais été le témoin d'une adresse et d'une légèreté semblables, Zéla eut le temps de revenir avant que l'étonnement dans lequel j'étais plongé se fût tout à fait dissipé.

– Un ogre vous a-t-il attirée par un mauvais regard? lui dis-je en riant.

– Oh! non, s'écria-t-elle; regardez, vous qui aimez les fleurs, dites-moi si vous en avez jamais vu une qui soit aussi radieusement belle que celle-ci. Sentez-la, son odeur et sa beauté sont supérieures à celles de la rose, qui perd parfum et fraîcheur par jalousie si elle se trouve auprès de cette invincible rivale.

Je crus un instant que Zéla était ensorcelée par l'odieuse fleur dont elle aspirait si joyeusement la prétendue suavité. Cette fleur était une grande branche rouge, couverte de boutons bruns, de baies jaunes, et exhalant l'horrible odeur du musc.

– En vérité, ma chère sœur, m'écriai-je, la rose aurait autant raison d'être jalouse que vous de craindre le voisinage de la figure de Kamalia, votre nourrice. Cette fleur ressemble à une ronce, et son abominable odeur me rend malade.

Je fus sans doute poussé à accueillir la fleur de Zéla avec ces rudes paroles par l'impatience et le chagrin que me firent éprouver les caresses dont elle couvrit la branche appuyée sur ses lèvres.

Les yeux noirs de Zéla se dilatèrent; et pendant une seconde elle me contempla avec un étonnement plein de tristesse, puis l'éclat de son regard se ternit, et ses longues paupières se couvrirent d'une rosée de perles; la branche aimée s'échappa des mains de la jeune fille, sa figure pâlit, et le son de sa voix eut la navrante tristesse du dernier adieu qu'elle fit à son père, lorsqu'elle murmura faiblement:

– Pardonnez-moi, étranger, je ne me souvenais plus que vous n'étiez pas né dans la tribu de mes pères. Cet arbre, que j'aime, ressemble à celui qui abritait la tente de ma famille; il nous protégeait contre l'ardeur du soleil, quand nous dormions sous son ombre. Nos vierges entrelacent ses fleurs en couronne pour parer leurs fronts, et si elles meurent, on en couvre la pierre de leurs tombeaux. Pardonnez-moi d'avoir cueilli ce souvenir du passé, je ne puis empêcher mon cœur de préférer cette fleur à toutes les fleurs; mais puisque vous dites qu'elle vous rend malade, eh bien!.. je ne l'aimerai plus, je ne la cueillerai plus!.. Puis, ajouta la jeune fille d'une voix entrecoupée par les sanglots, pourquoi parerais-je mes cheveux d'une couronne de cette fleur, puisque j'appartiens à un étranger et que mon père est mort?

Je n'ai pas besoin de dire que non-seulement je ramassai la fleur pour la remettre entre les mains de Zéla, mais encore je lui fis comprendre que mon ignorance était l'excuse de ma conduite. Après avoir calmé le chagrin de la douce et sensible enfant, je courus sur la colline, j'arrachai l'arbre garni de ses racines, et je dis à Zéla:

– Chère sœur, j'ai dédaigné cette fleur uniquement parce que vous avez dit du mal de la rose, la plus belle parure de nos parterres, mais en examinant de près cet arbuste chéri (et je regardai Zéla), je me suis assuré que la rose peut en être jalouse aussi bien que mes compatriotes pourraient l'être de vous. Je planterai cet arbre dans le jardin de notre habitation.

– Vous êtes bon, mon frère, me dit Zéla. Eh bien, moi, je planterai un rosier auprès de lui, et ces deux charmantes fleurs uniront leurs parfums. Notre affection et nos soins pour ces chers arbustes les feront grandir, prospérer et vivre ensemble, sans rivalité jalouse. On doit aimer sans préférence exclusive tout ce qui est beau; moi, j'aime tous les arbres, tous les fruits et toutes les fleurs.

Malgré ces paroles joyeuses et calmes, je voyais à travers les plis vaporeux de la légère robe de Zéla son pauvre petit cœur aussi agité qu'un oiseau mis en cage. Pour arracher ses pensées au sujet qui l'avait attristée, je dis en lui serrant la main:

– Vous devez être fatiguée, chère Zéla; mais ne craignez rien, voici le dernier ruisseau que nous avons à traverser, et nous serons bientôt dans cette magnifique plaine.

– Oh! me répondit la jeune fille, Zéla n'a jamais craint que son père quand il était en colère, car alors ceux qui osaient regarder les éclairs qui déchirent la nue en feu ne pouvaient soutenir le regard de leur chef. La voix de mon père était plus forte que le bruit du tonnerre, et sa lance plus fatale que l'éclat de la foudre. Hier au soir, en parlant à cet homme grand qui est si doux, je croyais que vous alliez le tuer, et je voulais vous dire de ne pas le faire, parce que j'avais lu dans ses yeux qu'il vous aime de tout son cœur; c'est très-mal, mon frère, de se fâcher contre ceux qui nous aiment.

– Vous voulez parler d'Aston, ma chère Zéla, mais je n'étais nullement en colère contre lui: je l'aime beaucoup, et nous sommes les meilleurs amis du monde; la vivacité de mes paroles était puisée dans le sujet de notre conversation, car nous parlions des horribles cruautés qui sont exercées dans l'île Maurice sur les pauvres esclaves.

– Je voudrais bien connaître votre langue, mon frère, j'aimerais tant à vous écouter! Si j'avais compris vos paroles, j'aurais passé une nuit calme; car, ignorant le sujet de votre conversation, j'ai beaucoup pleuré, j'avais tant de chagrin de vous croire fâché contre une personne qui vous aime!

Je rassurai bien tendrement l'adorable jeune fille, et nous reprîmes avec joie notre route. De Ruyter vint nous rejoindre, et nous nous trouvâmes bientôt sur une plaine élevée nommée Vacois, au milieu de l'île. Notre montée avait été très-difficile et très-rude. Devant nous, au centre de la plaine que nous traversions, se trouve la montagne pyramidale dont j'ai déjà parlé, et qu'on nomme le piton du Milieu. Sur notre droite s'étendaient le port et la ville de Saint-Louis. Vers le sud, nous découvrîmes de grandes et magnifiques plaines, dont la riche végétation se mire dans une belle rivière; et vers le nord, d'autres plaines se penchant vers la mer: elles paraissaient les unes arides, les autres cultivées. On distinguait çà et là des champs de cannes à sucre, d'indigo et de riz. Du sud à l'est, le pays volcanique et montagneux est couvert de jungles et d'anciennes forêts, mais le nord-est est presque une surface plane. Dans la plaine où nous nous trouvions, il y a un grand nombre de mares d'eau qui forment de jolis lacs, et à l'époque des grandes pluies, le débordement de ces lacs rend la plaine marécageuse et la couvre de cannes, de roseaux et d'herbes gigantesques.

Telle était la magnifique scène qui se déroulait sous nos yeux. Le soleil, qui s'était levé à l'est au-dessus de la montagne, dispersa les brouillards jaunes du matin et découvrit entièrement les beautés mystérieuses de cette île, fraîche et radieuse comme une vierge sortant du bain.

Nous mîmes pied à terre pour nous reposer sous l'ombrage d'un groupe de bananiers qui semblaient s'être plu à dessiner un cercle enchanté autour d'un chêne incliné vers le lac, dont l'eau, claire et limpide comme un diamant, avait une incommensurable profondeur. Des poissons rouges de la Chine jouaient sur la surface de l'eau, et les mouches-dragons rouges, vertes, jaunes et bleues volaient en bourdonnant autour de nous.

Interrompus dans leurs ablutions matinales, le chaste pigeon ramier et la blanche colombe s'envolaient vers les bois; la perdrix grise courait se cacher, les oiseaux aquatiques plongeaient dans l'eau, tandis que les perroquets jaseurs caquetaient sur les arbres comme des femmes mariées en mauvaise humeur. Pendant le bruissement harmonieux de ses fuites, de ses gais ramages, le nonchalant babouin au ventre rebondi mangeait avec la gloutonne voracité d'un moine: il était inattentif à tout ce qui ne tendait pas à gorger de bananes son insatiable panse.

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