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Les français au pôle Nord

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VII

Inaction forcée. – Brûlure par congélation. – Le plus grand froid de l'année. – Souffrances des chiens. – La maladie groenlandaise. – Premières victimes. – Courant circulaire. – La goélette revenue à son point de départ. – Aurores boréales. – Observations tirées de leur apparition. – Les crépuscules polaires. – Retour du soleil. – Phénomène de réfraction. – Premières tempêtes. – Nouveaux périls. – Situation critique de la Gallia.

Quoique la chose parût en principe impossible, le thermomètre descendit encore pendant le mois de janvier et la première quinzaine de février.

Le commandant Nares et le lieutenant Greely avaient observé, pendant leur hivernage, un abaissement de 58° au-dessous de zéro. Les marins de la Gallia éprouvèrent, durant une semaine entière, un froid de −59°!..

Malgré toute leur énergie et leur formelle intention de réagir, ils demeurèrent claquemurés dans le poste, ne sortant qu'en cas de besoin absolu, pour recueillir la quantité de neige indispensable à la consommation quotidienne.

On avait dû renoncer provisoirement à aller chercher de la glace tant cette épouvantable température rendait difficile le travail des hommes et des chiens. Du reste, la fusion de la neige suppléait parfaitement à celle de la glace, tant pour la cuisine que pour la toilette. Malgré toutes les précautions et en dépit d'une active surveillance, la pompe gelée à fond ne fonctionnait plus. Mais comme il y avait surabondance de neige, cet inconvénient se trouvait en partie compensé.

La température du poste s'était légèrement abaissée. Grâce pourtant à la couche de neige sous laquelle disparaissait entièrement le navire et qui agissait comme isolant, grâce aussi au feu d'enfer entretenu sans relâche, elle ne fut pas inférieure à 3° au-dessus de zéro.

Inquiets pour la première fois d'une telle rigueur des éléments attribuée par eux à une sorte d'aberration de la nature, abrutis par leur claustration et la permanence des ténèbres, les matelots se sentaient devenir de jour en jour plus sombres.

– Allons, mes enfants, ne cessait de répéter le docteur, du nerf!.. réagissons, morbleu!

«Un peu de patience et vous reverrez bientôt le soleil.

– Pas de refus, allez, Monsieur, gémissait une voix sortant d'un paquet de fourrures, car, y s'fait rudement espérer.

– Et dire qu'il y a des gens qui meurent en ce moment d'insolation.

– C'est égal, je ne peux pas croire que la chaleur puisse être aussi dure à supporter que ce froid noir.

– C'est ce qui vous trompe, mon garçon.

«On observe en Syrie, ou dans les steppes de l'Asie centrale, et en certains points de l'Afrique équatoriale, des chaleurs de 60 et 65° au-dessus de zéro.

«C'est une fournaise, un bain de vapeur qui congestionnent les gens et vous les assomment tout net.

– Ma foi, congestion pour congestion, j'aimerais encore mieux celle-là.

«Et puis, enfin là-bas, on voit du moins clair à son ouvrage…

– Plaignez-vous donc!

«Est-ce que vous n'avez pas déjà deux heures de crépuscule à midi. Les étoiles disparaissent pendant ce temps et vous apercevez un homme à plus de deux cents mètres!

«Et vous n'êtes pas contents!

– Faites excuse, monsieur le docteur, mais le mathurin quand il n'a rien à fiche de ses dix doigts pendant des semaines entières, y d'vient ronchonneur.

– C'est un tort!

«Car, enfin, vous êtes ici comme des coqs en pâte, et vous avez subi, sans l'ombre de maladie, les rigueurs d'un hivernage terrible.

«A peine quelques cas de gelure bénigne qui vous a bleui le bout du nez, tandis que vos prédécesseurs ne s'en sont jamais tirés sans ophtalmies graves, et sans scorbut.

«Allons! le plus dur est passé. Dans peu de temps le thermomètre va remonter et vous pourrez vaquer à vos occupations, en attendant le jour bienheureux de la débâcle.»

Malgré les encouragements du digne homme qui résiste moralement et physiquement à la dépression du froid avec un courage surhumain, la situation n'en est pas moins cruelle.

Pouvons-nous bien, en effet, imaginer des températures si effroyables, nous qu'un simple abaissement de 12 ou 15° embobeline de fourrures ou consigne devant le foyer.

59° au-dessous de zéro! Mais c'est à croire que la terre a cédé par rayonnement tout son calorique aux espaces célestes; que la masse atmosphérique accumulée à l'équateur par la force centrifuge n'est plus assez épaisse, au pôle, pour empêcher cette effroyable déperdition, et qu'il y a, là-haut, comme une déchirure à ce revêtement protecteur, une fuite par où s'en va la chaleur de notre planète. C'est à penser que toute source de calorique est à jamais tarie, et que la terre va prochainement se transformer en un colossal glaçon que le soleil n'échauffera plus.

Du reste, tout semble concourir, à chaque instant de leur triste vie, pour rappeler aux matelots l'implacable ennemi. La morsure tenace du froid qui les pénètre jusqu'aux os dès qu'ils s'aventurent au dehors, l'aspect désolé de l'espace environnant, la neige sous laquelle la goélette a cessé de faire saillie, la fine poussière qui tombe sans relâche, même par les nuits les plus sereines, et laisse apercevoir les astres comme à travers une gaze, la sonorité exaspérée des glaçons qui craquent sans trêve, les congélations partielles qu'on ne compte plus et jusqu'aux surprises occasionnées par le contact d'objets en apparence inoffensifs.

Un exemple entre cent. Un jour, Constant Guignard, après sa faction, voulut au moment de rentrer au poste, consulter le grand thermomètre à mercure, suspendu au-dessous du falot éclairant le pont.

Il marquait seulement −43°, tandis que le thermomètre à alcool placé à côté marquait −47°.

– Tiens! y radote, c'ui-là, dit le Normand à son camarade.

– P't'êt'e qu'il est gelé.

– J'vas y souffler dessus, ça le fera monter.

Et voila mon Normand qui s'époumonne à entourer des vapeurs de son haleine la boule de verre, sans autre résultat, d'ailleurs que de la couvrir d'une croûte de givre.

– T'as raison? il est gelé… mâtin!.. même du métail qui sert à mesurer la fraid!..

«Si j'l'entonnais dans mon gant!»

L'enveloppement avec la fourrure n'ayant pas plus réussi, Guignard continue à tripoter l'appareil, tant et si bien qu'il lui glisse des mains et se brise sur la glace couvrant le pont.

O surprise! il s'échappe du tube un petit lingot métallique, solide et aussi luisant que de l'argent.

Comme un enfant qui veut esquiver les suites de sa maladresse, le premier soin du matelot est de saisir le lingot et de le réintégrer dans les fragments du tube.

A peine l'a-t-il serré entre le pouce et l'index, qu'il pousse un cri de stupeur.

– Quoi donc qu'y a? demande le camarade.

– Vingt-cinq noms d'un d'là!.. c'est comme si que je tenais un fer rouge.

– T'es bête!..

– Ou! lè! là!.. ou! lè! là!.. ça me brûle jusqu'aux os… Il laisse enfin tomber le lingot, mais trop tard pour éviter une cruelle brûlure par congélation.

Arrivé tout penaud au poste, il cache sa main qui bientôt se gonfle et devient de plus en plus douloureuse.

– Qu'est-ce que vous avez encore, vous? demande le docteur auquel rien n'échappe.

– Rin! monsieur le docteur.

– Mais vous vous êtes brûlé! il faut panser cela!..

– Faites excuse, Monsieur, c'est pas une brûlure, c'est une chose arrivée censément par rapport à la fraid.

– Pas tant d'histoires!.. la vérité!.. sinon je serai forcé de vous abattre plus tard deux doigts.

«Ma parole, vous avez envie de vous en aller par morceaux et c'est à croire que vous collectionnez les avaries.

«Décidément, votre nom vous prédestine.»

Le matelot très effrayé confessa enfin sa maladresse et reçut des soins en conséquence.

Il jura, mais un peu tard qu'on ne le reprendrait plus à toucher avec ses mains nues tout ce qui est métail, et se vit condamné à une incapacité absolue de travail pendant plus de quinze jours.

Enfin, si les hommes souffrent si durement des rigueurs de l'hivernage, il n'est pas jusqu'aux chiens qui ne leur payent aussi un terrible tribut.

Pendant la cruelle semaine qui amena la dépression de −59°, les pauvres bêtes, jusqu'alors indemnes, sont tout à coup décimées par les ravages de la maladie groenlandaise.

En moins de trois jours, dix d'entre eux, après avoir refusé de boire et de manger, sont pris de convulsions terribles. Crispés, la langue pendante et injectée, la gueule souillé d'écume, le poil hérissé, l'œil fou, ils poussent de rauques et sinistres aboiements.

Bien que la maladie ne se communique pas, dit-on, par la morsure, elle offre tous les symptômes de l'hydrophobie, et débute spontanément chez les chiens soumis à un froid exceptionnel.

Malheureusement elle est incurable comme la rage.

En dépit des soins les plus attentifs et les plus éclairés, les pauvres animaux succombèrent en moins de huit jours.

Par bonheur, les vingt qui restaient et parmi eux les favoris du Parisien, demeurèrent complètement à l'abri du fléau.

Si tous ces faits contribuent à assombrir les marins de la Gallia, il est un autre sujet de préoccupation bien autrement grave qui inquiète les officiers.

C'est la dérive du pack. L'implacable dérive dont la direction assez longtemps favorable aux explorateurs, se modifie pour la troisième fois.

Après être descendue franchement du nord-est au sud-ouest, et être remontée vers le nord, la banquise resta immobile pendant trois semaines environ, quand elle eut atteint le point le plus septentrional.

Déjà le capitaine espérait qu'elle était fixée enfin jusqu'à la débâcle, et qu'il pourrait, aux beaux jours, prendre de là son audacieuse envolée vers le pôle.

La goélette se trouvait alors à peu près par 86° de latitude nord. Par conséquent à 4° seulement de l'axe terrestre! C'est-à-dire à quatre cent quarante-quatre kilomètres… un peu plus de cent dix lieues.

 

Malheureusement elle abandonna peu à peu ce point mort où l'influence du courant était contre-balancée par une cause inconnue, et reprit son mouvement circulaire qui l'entraîna vers le nord-est.

Le capitaine, attentif à toutes les variations de latitudes, est édifié désormais.

Le courant océanique accomplit un cycle régulier dans le sens des aiguilles d'une montre et emporte avec lui, dans cette colossale circonférence, la barrière de glace.

Il n'y a plus de doute possible, le navire oblique maintenant vers le nord-est. Etant donnée sa vitesse de translation, il se trouvera, dans un mois, c'est-à-dire au 10 mars, à peu de chose près où il était avant l'hivernage. Avec cette différence toutefois que le vaisseau allemand sera placé au nord, et la Gallia au sud, son avant dirigé vers le détroit de Robeson, puisque l'évolution aura été complète.

Oh! les désespérantes surprises ménagées aux téméraires qui l'osent braver par l'implacable région hyperboréenne!

Eh! quoi, tant de constance, tant d'efforts, tant de labeurs pour arriver, en fin de compte, à perdre un kilomètre! Ces travaux de géants accomplis sans murmure, cette lutte fiévreuse contre le pack, ce chenal, une merveille de patience et d'énergie, bref, tout ce que peut entreprendre et réaliser la vaillance humaine décuplée par l'espérance, tout cela se chiffre, comme résultat, par une quantité négative: −un kilomètre!..

Comment informer de ce lugubre incident les matelots énervés moralement par l'interminable hivernage, et déprimés physiquement par ce froid mortel!

Comment leur dire: «Nous combattons depuis dix mois et nous sommes vaincus à la fois par les hommes et les éléments!»

Toutes réflexions faites, il vaut mieux attendre le retour du soleil qui va succéder aux longs crépuscules. A ce moment, les hommes, soustraits à l'influence néfaste des ténèbres et de la claustration, auront partiellement récupéré leur énergie, et l'effet de la mauvaise nouvelle se trouvera notablement atténué.

Entre temps, les matelots toujours en quête de distractions, se complaisent au spectacle féerique des aurores boréales qui surabondent à cette époque de l'année.

Ces incomparables météores qui constituent l'unique manifestation extérieure de la vie, deviennent de plus en plus nombreux de janvier à mars, et se montrent souvent plusieurs fois en une seule nuit.

Bien que ces mystérieuses clartés soient trop faibles et trop passagères pour rompre d'une façon appréciable la triste monotonie des ténèbres polaires, elles n'en excitent pas moins une admiration toujours nouvelle, exempte de satiété.

Du reste, le capitaine sait tirer parti de leur apparition pour imposer à ses hommes une tâche qui les occupe. Tel est chargé de les signaler. Tel autre doit observer leur durée. Tel étudie les variations de l'aiguille aimantée. Les plus intelligents s'ingénient à les décrire, et tous de très bonne foi s'imaginent collaborer ainsi au grand œuvre.

Généralement le phénomène a pour lieu d'élection la partie septentrionale de l'azur céleste.

On voit d'abord apparaître, dit le lieutenant Payer, un des plus consciencieux observateurs, sur l'horizon, un arc pâle qui s'élève peu à peu vers le zénith. Il est parfaitement régulier. Ses deux extrémités touchent presque l'horizon et s'allongent du côté de l'Est et de l'Ouest, à mesure que monte le météore.

L'ensemble présente une belle couleur tendre à peu près uniforme, d'un blanc diaphane légèrement teinté de vert, assez analogue à celui d'une jeune plante qui aurait poussé à l'ombre loin des regards du soleil. La clarté de la lune paraît jaune à côté de cette nuance délicate, très douce à l'œil, et dont les mots ne sauraient donner une idée.

La largeur de cet arc peut atteindre le triple de celui de l'arc-en-ciel, et le scintillement des étoiles la traverse sans être affaibli.

Il s'élève de plus en plus dans une majesté tranquille; de temps en temps seulement, une onde lumineuse se meut lentement d'un côté à l'autre, et laisse apercevoir distinctement les hummocks.

Bien avant que la ligne cintrée ait atteint le zénith, un second arc naît, au Sud, du sombre segment primitif, puis est suivi après de plusieurs autres qui cerclent ensemble ou tour à tour le firmament, puis pâlissent et s'éteignent.

D'autres fois, ce sont des rubans lumineux de même couleur que les arcs, qui se déploient et se meurent en spires ondoyantes de droite à gauche ou de gauche à droite, pareils aux plis retombants d'un rideau. Souvent ces bandes de lumière se réunissent en un point commun du ciel.

La bizarre fantasmagorie peut enfin se compléter d'un jeu vigoureux de rayons qui convergent dans le sens de l'inclinaison de l'aiguille aimantée et embrasent littéralement de leurs trépidations et de leurs voltiges la voûte céleste.

C'est alors un véritable feu d'artifice, tel que l'imagination la plus hardie ne saurait s'en figurer. Involontairement l'on prête l'oreille comme pour saisir un pétillement, une détonation. Mais le plus profond silence ne cesse d'accompagner ces mouvantes illuminations dont un pinceau ne saurait jamais rendre la décevante beauté.

Les formes sous lesquelles se présentent généralement les aurores boréales sont trop fugitives et trop multiples, pour qu'on essaye de les caractériser. Généralement, elles affectent, soit des arcs lumineux, avec de beaux globes étincelants, soit l'aspect d'une sorte de voie lactée, ou de festons multicolores agités de frissons qui les font onduler sur l'écran bleu du firmament.

La plupart du temps, d'ailleurs, ces formes s'engendrent mutuellement et se confondent dans une radieuse féerie.

Très intrigués à l'aspect de ces fulgurations silencieuses, les matelots s'ingéniaient à en chercher la cause, et pour la première fois ne trouvaient pas chez le docteur leur impeccable Mentor, un «parce que» catégorique à leurs interminables «pourquoi»?

Bien qu'on leur attribue, en effet, une origine électrique, les aurores boréales sont influencées très notablement dans leur formation et leur développement par les vapeurs atmosphériques. Et il est tel ou tel observateur qui se trompe rarement à l'aspect d'une buée qui favorise ou non la formation du météore.

Elles ont également sur les variations de l'aiguille aimantée une action très variable. Cette influence presque nulle quand les arcs lumineux sont immobiles et peu éclatants, s'accroît avec l'intensité des couleurs et des vibrations. Les perturbations manifestées par l'aiguille aimantée se produisent toujours à l'Est.

Enfin, remarque très importante confirmée par des observations nombreuses, les aurores boréales sont presque infailliblement suivies de mauvais temps quand elles se développent avec leur émerveillante splendeur. Si au contraire leur éclat est modéré, si elles sont peu élevées sur l'horizon et si leurs vibrations sont peu accentuées, elles pronostiquent le calme.

Cependant les heures s'écoulent et la durée des crépuscules va croissant. Il fait grand jour à midi, au point que les hommes venant du poste sur le pont du navire ont les yeux affectés par le changement de lumière.

Au 2 mars on doit apercevoir pour la première fois la réfraction du soleil, et il y a fête à bord pour célébrer la résurrection du Dieu Lumière.

La température est épouvantable: −41°! Mais qu'importe! On est heureux quand même, tant ce retour est impatiemment attendu.

Le soleil devrait réellement émerger au-dessus de l'horizon à la date du 5 mars. Mais, par un effet de réfraction dû à cette basse température, il est donné aux hivernants de l'apercevoir trois jours plus tôt.

A quelque chose malheur est bon, et pour la première fois on est tenté de bénir l'austère frimas.

Silencieux, attentifs, recueillis, officiers et matelots, cramponnés aux agrès capitonnés de givre, attendent la première onde lumineuse qui va enfin animer la morne solitude.

Jamais naufragés ballottés à demi morts sur une épave, n'ont interrogé plus anxieusement l'horizon, au moment où retentit ce mot magique de: Terre! qui renferme à la fois l'espérance et le salut!

Enfin une bande cramoisie s'allume sur le fond rosé du ciel, baigne les crêtes des hummocks, flamboie à la cime des mâts et soudain apparaît, immense, démesuré, le soleil rouge comme un disque de métal.

Il monte lentement et en quelque sorte à regret, au-dessus de la plaine désolée, s'arrête un moment et commence à décliner.

A peine si les observateurs ont pu, de la place élevée qu'ils occupent, l'apercevoir en son entier…

Les ombres opaques des glaçons s'allongent sur le rose tendre qui colorent étrangement le champ de glace… L'or, le pourpre et le violet qui s'étalent sur le ciel en une merveilleuse teinte dégradée pâlissent… L'embrasement de la mâture et des manœuvres s'éteint et la radieuse apparition s'enfonce derrière la muraille dentelée qui forme l'horizon polaire.

Contre toute prévision, les marins gardent un silence absolu. Pas un vivat, pas un cri, pas un mot!

Est-ce le regret de la vision trop vite évanouie?.. Est-ce la désillusion qui succède au bonheur trop longtemps attendu et trouvé inférieur à l'espérance?.. Ont-ils constaté pendant cette fugitive incandescence qui leur montre sous leur aspect réel les hommes et les choses, les ravages occasionnés par le ténébreux hiver?..

Peut-être!

Habitués à se voir sous la lumière artificielle qui pendant si longtemps fut leur soleil, ils n'avaient pas constaté cette lividité qui étendait sur leurs visages ses teintes blafardes; et ils se trouvaient tout à coup ressembler à autant de spectres, ou du moins de prisonniers en rupture de cachot.

Du reste, l'influence du jour qui, dès le lendemain, s'accrut notablement, fit disparaître cette première et néfaste impression. La joie revint et l'espérance avec elle.

D'autre part, quelque courtes que fussent pendant les premiers temps les apparitions du soleil, elles n'en produisirent pas moins une élévation assez notable de température.

… Allons, c'est fini. Si le thermomètre s'oublie parfois jusqu'à −35° pendant la nuit, il remonte pendant le jour à −28°.

Ma foi! il semble qu'on a chaud, même en plein air, du moins prétendent les optimistes.

Entre temps, les ours, éveillés aussi par le soleil, font leur apparition. Magnifiques aubaines pour les chasseurs et régal savoureux pour les estomacs.

Ah! si la damnée banquise n'était pas revenue à son point de départ, comme la joie serait complète!

Mais voici qu'après les ténèbres sans fin de l'hiver, on commence à pressentir les interminables clartés, qui dans deux mois vont rayonner sur le désert de glace.

A partir du 18 mars, les reflets roses du crépuscule se maintiennent longtemps sur l'horizon, à tel point qu'à onze heures du soir et à deux heures du matin, les lueurs sont comparables à celles de décembre.

Il n'y a plus guère que trois heures de nuit réelle.

Malheureusement cette élévation trop subite et beaucoup trop prématurée de la température est bientôt suivie de violentes perturbations atmosphériques.

Des vents terribles, singulièrement inconstants, soufflent avec rage et sautent brusquement d'un point à un autre. De grosses nuées grises, très basses, courent et tournoyent avec une vélocité prodigieuse, et se résolvent on colossales averses de neige.

Un jour terne, blafard succède aux premiers ensoleillements, et fait presque regretter aux marins des nuits d'antan, glacées, mais splendides sous leur scintillement d'étoiles.

En outre, le pack n'étant plus comme autrefois maintenu par l'implacable froid, s'agite en proie à des convulsions de mauvais augure. Sourdement travaillé par les vents et le courant sous-marin, il craque, détone, et semble repris de ses anciennes colères.

A ces trépidations caractéristiques rappelant à s'y méprendre celles des tremblements de terre, se joignent des pressions latérales amenant de brusques dénivellations auxquelles succèdent des ruptures.

Les glaçons, comprimés avec une violence inouïe, se soulèvent, sautent sur place et découvrent un abîme.

La goélette n'est jamais immobile. Secouée à chaque instant, elle gémit lugubrement, et suit passivement les capricieuses fluctuations du pack. Il arrive parfois qu'elle est soulevée de deux ou trois mètres sur une sorte de piédestal qui l'isole tout entière. Parfois aussi, elle s'abaisse comme sollicitée de haut en bas par une attraction mystérieuse qui menace de l'engloutir.

Le capitaine, de plus en plus inquiet, en arrive à craindre qu'elle ne soit ou disloquée, ou submergée sur place, tant ces révoltes de la barrière flottante sont rapides et irrésistibles.

 

Un jour, pendant que la moitié de l'équipage était à la chasse avec les chiens et les traîneaux, la muraille de glace élevée à l'avant du navire disparut soudain, comme escamotée, dans une faille instantanément creusée.

Deux heures plus tôt ou plus tard, les vingt chiens échappés à la maladie groenlandaise coulaient à pic dans leur chenil, adossé, l'on s'en souvient, à la massive construction.

La Gallia soulevée par l'arrière piqua de l'avant, et demeura inclinée à 25° environ!

Malgré son intrépidité, le capitaine frémit en pensant que, si ce mouvement se continue, son navire va sombrer par l'avant.

Un cri d'angoisse échappe aux marins qui voient le péril, abandonnent précipitamment le pont et se pressent éperdus autour de leur chef.

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