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Les français au pôle Nord

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VIII

Fractionnement des vivres. – Trois dépôts sur le pack. – En prévision d'un désastre. – Abnégation. – Temps affreux. – A propos d'un ours blessé. – Allemands et Français. – Collision évitée. – La retraite! – Bredouilles. – Encore l'ouragan. – Transes mortelles. – Agonie d'un navire. – Chute d'un mât. – Sauvée! – Signal involontaire. – Désastre. – Commencement de débâcle. – Perte de la Germania.

L'effroi grandit encore à l'aspect de la goélette qui s'incline de plus en plus.

– Courage, enfants! dit le capitaine dont l'admirable sang-froid ne se dément pas en présence d'un tel péril.

«Courage!.. et je réponds de tout.

«Aux provisions!»

Devant la menace d'une catastrophe subite, il faut, à tout prix, et au plus vite, assurer la subsistance du lendemain.

Aura-t-on le temps matériel d'arracher quelques épaves à ce désastre, dont chacun prévoit l'épouvantable horreur!

Le premier en tête, l'intrépide officier s'élance vers la cale où sont emmagasinés les vivres, et, prêchant d'exemple, essaye d'enlever les tonneaux et les caisses.

Malheureusement, la température est très basse dans cette partie du navire. D'épaisses croûtes de glace formées depuis l'hiver aux dépens de l'humidité ambiante, tapissent la muraille de bois, encastrent les récipients et les soudent les uns aux autres.

Il faut la hache, la scie, le couteau à glace pour les dégager!

Aussi, que de temps perdu, que d'efforts écrasants pour arriver à sortir et à hisser un millier de rations!.. de quoi ne pas mourir de faim pendant une vingtaine de jours.

Ce n'est pas tout. Ces rations, qui représentent peut-être l'unique ressource du lendemain, il est urgent de les déposer sur la glace.

Mais, comment? Par quel moyen?.. Les cordages, encore encroûtés de glace, sont gros comme la jambe. Les poulies sont larges et épaisses comme des meules.

Impossible, en conséquence, de frapper un palan.

Les chasseurs arrivent enfin, apportant le secours de leur vigueur et de leur énergie.

La besogne est distribuée méthodiquement, et le navire, menacé de perdition, offre bientôt le spectacle d'une ruche en travail.

Travail convulsif, presque désespéré, nécessitant des efforts terribles sous lesquels succomberait l'organisme humain, si le devoir et la poignante nécessité n'en décuplaient la résistance.

La couche de neige tassée recouvrant le pont est attaquée à grands coups de pic, au niveau des panneaux de charge. Cordages et poulies sont débarrassées de leur enduit. On dégage, au prix de quelles peines! la chaloupe prise la quille en l'air, sous deux mètres de glaçons.

Fritz a reçu l'ordre de chauffer, afin de fournir assez de vapeur pour actionner le petit cheval.

Mais les chaudières ont été vidées avant les grands froids, on manque d'eau douce pour les remplir et les alimenter.

Le mécanicien fait installer une manche à air en toile partant du pont et débouchant dans la chambre. Ses hommes la remplissent de neige entonnée à pleines pelletées. On la fera fondre en bas, comme on pourra.

Chose à peine croyable, le brave Alsacien réussit en moins de trois heures à obtenir de la pression. Mais il est épuisé ainsi que son collègue et les deux chauffeurs qui ont dû rompre, avec des pics, le charbon des soutes gelé à fond et formant un bloc aussi compact, que le granit.

Enfin le petit cheval fonctionne et les élingues peuvent aller chercher, au fond des cales, ces mille et un objets disparates composant tout un monde.

Un premier dépôt est installé provisoirement à cent mètres du navire, en un point où la glace paraît n'avoir pas travaillé. Les traîneaux reçoivent directement les barils et les caisses, puis les transportent rapidement sous la tente.

Vingt-quatre heures s'écoulent ainsi au milieu d'angoisses mortelles, et sans que nul ait songé à prendre un moment de repos, car la situation, au lieu de s'améliorer, semble encore empirer s'il est possible.

L'équipage est divisé en deux bordées. L'une restera sous la tente, avec des sentinelles relevées d'heure en heure, pour signaler l'apparition très probable d'ours attirés par l'odeur des vivres et les émanations des hommes ou des chiens. L'autre couchera au poste, mais prête à évacuer le bord en cas de péril absolu. Malgré le fracas des vents et des glaçons, chacun s'endort d'un sommeil agité, peuplé de cauchemars.

Par prudence, le capitaine a fait éteindre le calorifère. Il gèle maintenant dans le dortoir, mais les hommes, blottis trois par trois dans les sacs de fourrures, n'ont pas à souffrir du froid. Du reste, leurs camarades, campés sous la tente, sont encore plus mal partagés.

Cette sage précaution de l'officier n'est point superflue. A une heure du matin, une secousse plus violente que les autres, et suivie d'un craquement sinistre, se fait entendre.

La goélette roule bord sur bord, prise cette fois d'un mouvement de roulis que rien ne faisait prévoir. Le globe de l'appareil électrique vole en éclats, et le calorifère désarticulé s'abîme sur le plancher.

Nul doute que, s'il eût été bourré de charbons incandescents, un terrible incendie se fût aussitôt déclaré.

Les hommes éperdus s'arrachent de leurs couches, empoignent leur carabine, le sac renfermant leur bagage et enfilent en titubant l'escalier.

La houle de glaçons oscille encore, mais plus faiblement. Allons! ce n'est qu'une alerte. Pas la dernière, hélas!

A quatre heures, les travaux reprennent avec la même ardeur. Les hommes, lestés d'un bon déjeuner additionné de copieuses rasades, envisagent plus froidement l'éventualité d'une catastrophe.

Ils ont lu, pendant l'hivernage, maintes relations de voyages arctiques et savent que souvent des marins, privés de leur navire, n'en ont pas moins terminé favorablement leur exploration.

De son côté, le capitaine, après mûres réflexions, s'est arrêté à un plan fort sage qui semble répondre à toutes les exigences.

Dans son esprit, la Gallia est très gravement compromise, si elle n'est pas irrévocablement perdue. Si les pressions n'ont pas déterminé de voies d'eau dans sa coque, pourra-t-elle jamais se relever ou se dégager au moment de la débâcle!

Comme elle est approvisionnée pour trois ans et quelques mois, voici ce qu'il a résolu.

Trois dépôts de vivres, représentant chacun la ration de l'équipage pendant une année, seront installés en équerre sur le pack, autour de la goélette, et sur des points paraissant le moins menacés.

Chaque dépôt doit renfermer tout un approvisionnement en aliments, spiritueux, thé, café, médicaments, habillements, appareils de navigation, armes, outils, munitions, plus un traîneau et une embarcation. Bref, un matériel complet.

De cette façon, quand bien même la fatalité permettrait que non seulement le navire, mais encore, chose peu admissible, deux dépôts soient anéantis, il en resterait au moins un troisième, où les explorateurs trouveraient les moyens de se rapatrier.

En outre, comme il faut tout prévoir, même l'invraisemblable, le capitaine décide que la Gallia conservera deux mois de vivres, au cas bien improbable où, contre toute précision, elle survivrait seule à un désastre complet.

Un approvisionnement de deux mois serait alors plus que suffisant pour permettre d'atteindre les établissements danois.

Enfin, au fractionnement de la cargaison doit correspondre un fractionnement de l'équipage. Quatre hommes commandés par un officier seront commis, avec six chiens, à la garde de chaque dépôt, du moins pendant la nuit.

Le capitaine, lui, reste à bord avec son vieux maître d'équipage Guénic Trégastel, Fritz Hermann le mécanicien, et deux chiens, sentinelles vigilantes dont le flair infaillible doit signaler les rôdeurs nocturnes.

Du reste, on est à portée de la voix, et il est impossible que l'alarme donnée par un coup de feu ne soit point entendue. Dans ce cas, ordre formel à tous les postes de se replier sur celui qui est en alerte, et de lui prêter sans retard main forte.

Ces différents travaux s'accomplissent dans un ordre parfait, et avec cette admirable discipline dont les marins offrent de si magnifiques exemples dans les situations les plus désespérées.

Le temps est toujours affreux. Le vent ne cesse de souffler en tempête, poussant les glaçons à l'assaut les uns des autres, prenant le pack en enfilade, le tordant sur les flots qui résistent et menacent à chaque moment de produire un gigantesque effondrement.

La neige tombe en flocons serrés, intenses, aveuglants. On ne voit rien à vingt mètres. Si parfois les nuages gris de plomb sont balayés par l'ouragan, la tempête redouble de rage, tant ces innombrables corpuscules paraissent, en dépit de leur ténuité, faire obstacle à sa fureur.

Alors on aperçoit brusquement un soleil aux lueurs crues, éblouissantes, qui affectent douloureusement les yeux et occasionnent des migraines atroces.

Chose bizarre, bien que cette incandescence n'élève pas sensiblement la température ambiante, elle produit sur la peau une sensation de chaleur très vive, presque pénible.

Aussi, arrive-t-il qu'un homme, immobile en plein soleil, se trouve gelé d'un côté et légèrement échaudé de l'autre.

Pendant la nuit, le thermomètre descend généralement à −30°, mais il marque pendant le jour, environ −20°. Ce qui, en somme, est supportable.

Du reste, les hommes, tenus en haleine par leurs travaux menés fiévreusement, n'ont point trop à souffrir. Le soir venu, ils s'endorment harassés, et s'éveillent avec cette sensation désagréable bien connue de ceux qui ont bivouaqué dans la neige. Il semble que les yeux sont gelés sous les paupières cerclées de glace, comme aussi les gencives qui demandent des frictions énergiques pour récupérer leur température.

 

Ils ont d'ailleurs construit des maisons de neige à la façon des Esquimaux, grâce aux conseils d'Oûgiouk passé architecte, et se trouvent aussi bien que possible sous ces abris primitifs.

Quand le temps est très clair, il arrive parfois qu'on regarde, d'une manière en quelque sorte inconsciente, du côté des Allemands dont, par un accord tacite, on ne parle jamais.

A peine si deux camarades, pendant une pause, se font un léger signe, accompagné d'un clignement d'yeux dans la direction de la Germania.

– C'qui est mauvais pour l'un, n'est pas bon pour l'autre, hein!

– Ils ne doivent pas s'amuser plus que nous.

C'est tout.

Un incident futile allait pourtant mettre en communication, avec eux, et pour un temps très court, les marins de la Gallia.

Le déchargement de la goélette, commencé depuis huit jours, était presque achevé. Restait à compléter l'agencement de chaque dépôt, de façon à empêcher les rapines des ours que la faim rendait de plus en plus audacieux.

Le Parisien et son inséparable Dumas se trouvaient occupés à ranger les caisses, quand ce dernier, se retournant brusquement se trouve en tête à tête avec un ours.

– Quésaco? s'écria le Provençal.

– Une visite!.. ousqu'est mon fusil?

Plume-au-Vent, plus tôt prêt que son camarade, met en joue l'intrus qui détale, pris de peur, et lui envoie au bas des reins une balle qui le fait hurler de douleur.

Dumas fait feu à son tour. Mais l'animal, présentant aux tireurs une surface peu vulnérable, n'est point arrêté.

– Coquine de Diou!.. il s'ensauve…

«Allons, Parisien! en çasse, mon bon… nous ne pouvons pas laisser perdre ainsi cinq cents kilos de viande.»

Et les voilà partis, toujours tiraillant sur l'ours qui traîne la patte et semble de plus en plus mal en point.

Par hasard, cette fuite éperdue le conduit vers la Germania, près de laquelle il s'en va tomber en beuglant comme un taureau musqué.

Très fiers de leur exploit, et croyant naïvement que nul ne saurait leur contester la propriété du gibier, les deux chasseurs, pressent le pas et arrivent époumonnés, au moment où cinq matelots allemands ont déjà opéré une prise de possession.

L'ours, égorgé d'un coup de couteau, est attaché, à leur nez, à leur barbe, avec un grelin, et va être halé vers le navire, distant de cent mètres à peine.

Plume-au-Vent, très calme, salue poliment, et dit:

– Pardon! Messieurs, vous semblez ignorer que ce gibier nous appartient.

Feignant non seulement de ne pas comprendre, mais encore de ne pas entendre l'observation du jeune homme, les Allemands s'attellent au grelin et tirent de toutes leurs forces.

Le Parisien, de son côté, empoigne une patte de la bête, et tire en sens inverse, pour bien montrer qu'il n'abandonne rien de ses prétentions.

Alors, un grand diable à tignasse rousse, une sorte d'hercule mal équarri, pousse un juron et lâchant le cordage, se rue sur le jeune homme, le couteau levé.

Prompt comme l'éclair, Dumas le met en joue et s'écrie d'une voix que la fureur fait trembler.

– Bas le couteau, coquin! ou je te fais sauter la face.

Le rustre intimidé crache une imprécation allemande et semble appeler à l'aide.

– Ah!.. ah!.. paraît que vous n'êtes pas assez nombreux encore…

«Pourtant, cinq contre deux!..

«Eh bien!.. venez-y donc tous et nous allons rire.

– Parisien, mon bon, tu parles comme un livre!

«Le diable m'emporte si nous ne chambardons pas la sacrée cambuse.

– Malheur que mon pauvre Fritz soit pas là!

«Qué pétard!»

Une terrible collision va se produire, car le Parisien et le Provençal, supérieurement armés d'ailleurs de carabines à répétition, ne sont pas hommes à lâcher prise.

Trois hommes brandissant des fusils accourent de la Germania. Dumas pour la seconde fois met en joue, quand une forte détonation partie de la Gallia retentit et se répercute avec fracas sur les collines de la banquise.

– Un coup de canon, s'écrie Plume-au-Vent.

– Pécaïre!.. signal d'alarme.

– Matelot, rappliquons là-bas!

«C'est l'ordre…

– Allons, partie remise et rentrons bredouilles.

«Mais, nous nous reverrons, tas de…»

Furieux de ce contretemps, mais esclaves de la consigne, les deux Français font volte-face et regagnent en courant leur bord, poursuivis par les huées des pillards.

Cependant le capitaine, averti par les coups de feu tirés sur l'ours, a suivi, avec sa lorgnette, les péripéties de la chasse. Ennuyé d'abord en voyant la direction prise par l'animal blessé, trop éloigné pour crier à ses deux hommes d'abandonner la poursuite, il attend impatiemment la fin de l'équipée, ne pouvant pas croire, dans sa loyauté, à un pareil manque de courtoisie, de la part des Allemands.

Mais les affaires se gâtent. Le Parisien et son camarade ont la tête près du bonnet. Un conflit est imminent.

Sans perdre une seconde, le capitaine se précipite vers un des canons à signaux toujours chargés, fait agir le cordon tire-feu et provoque l'explosion.

Dix minutes après, Dumas et Plume-au-Vent, très penauds, se trouvaient devant leur chef.

Celui-ci, ne pouvant en bonne justice les réprimander, leur enjoint formellement, à l'avenir, d'éviter tout contact, même indirect avec «ces gens de là-bas», dont il n'y a rien de bon à espérer.

– Ainsi, c'est entendu, n'est-ce pas, matelots: sous aucun prétexte.

– Mais, capitaine, s'ils nous attaquent!

– Dans ce cas, c'est moi-même qui commanderai le branle-bas.

«Car je suis le gardien de votre honneur et de votre sécurité.

«Je ne permettrai donc pas qu'il y soit fait la plus légère atteinte.

«Mais, ne provoquez jamais!

– Foi de matelots, capitaine, nous vous le jurons!

«Nous ne sommes pas gens à chercher ces querelles idiotes si bien nommées «querelles d'Allemands».

«Après tout, ils nous ont volé un ours, grand bien leur fasse.

– Parfaitement raisonné, mon ami.

– Et puis, pour chaparder ainsi notre gibier, faut croire que leur cambuse n'est pas garnie comme la nôtre.

«Ils vous ont des figures de vent debout!

«Malgré ça, on a l'air de travailler ferme chez eux.

– A propos, puisqu'ils se posent d'eux-mêmes en ennemis, je puis utiliser les renseignements que vous avez recueillis pendant votre reconnaissance involontaire.

«Où en sont-ils?

– Ma foi, capitaine, ils ne sont guère mieux traités que nous par la banquise.

«Leur navire, au lieu de s'enfoncer par l'avant comme notre Gallia, se trouve droit perché sur un piédestal haut de plus de cinq mètres, ce qui lui donne un air tout drôle de champignon.

«Sûr qu'ils ont déménagé aussi, car il y a sur la glace quatre ou cinq maisons de neige qui m'ont l'air de magasins.

– C'est tout?

– Oui, capitaine.

– Très bien! Retournez à votre poste, et n'oubliez pas mes recommandations.»

… Les jours s'écoulent avec des alternatives de beau et de mauvais temps, plutôt mauvais que beau, et la situation générale ne s'améliore pas. Si la tempête semble s'apaiser pendant quelques heures, elle reprend avec une nouvelle rage après un calme subit, de mauvais augure.

On vit dans des transes continuelles, car le pack, n'étant plus soudé par les froids terribles de l'hiver, a perdu en grande partie sa rigidité.

Néanmoins, le service est fait avec une rigoureuse ponctualité, malgré les alertes, les craquements, les ruptures partielles, les enfouissements dans la neige, les attaques des fauves, et les difficultés de toutes sortes surgissant inopinément.

Sauf cinq cas d'ophtalmies légères produites par la réverbération du soleil sur la neige, la santé se maintient bonne.

On arrive à la date du 21 mars. Le jour béni où, malgré les giboulées, le doux mot de printemps est ici dans toutes les bouches, avec son exquise et bienfaisante saveur de renouveau.

Là-bas, sur la lugubre banquise, l'ouragan se déchaîne avec une épouvantable furie.

Jamais peut-être le fracas de la matière en révolte n'atteignit pareille intensité. Le pack tremble et oscille jusqu'à sa base, comme s'il allait être pulvérisé. On dirait qu'un volcan gronde sous l'énorme agglomération qu'il secoue et disloque, avec des grondements qui rappellent ceux du tonnerre de l'équateur.

En cinq minutes, des fractures balafrent en tout sens la glace qui s'écarte, se resserre, s'ouvre de nouveau, s'effondre et s'engloutit.

Aussi loin que la vue peut s'étendre, le spectacle est terrifiant.

Une houle de glaçons monstrueux, soulevée par les flots invisibles, monte, comme la vague d'un océan de pierres, et se rue, avec une force irrésistible, sur les collines qu'elle rase d'un seul coup.

Jusqu'à présent, la goélette, après avoir failli être dix fois submergée ou broyée, tient bon, par miracle.

Le capitaine, resté à bord avec ses deux hommes, ne perd pas de l'œil les dépôts de vivres, près desquels se tiennent les marins impassibles. Jusqu'à présent les fractures les ont épargnés. Mais combien va durer cette immunité. A chaque minute le brave officier craint de les voir s'engloutir et son cœur éprouve d'atroces battements, quand il les voit isolés par un abîme d'où jaillit un nuage d'écume. Comme il gèle toujours, ces blessures se cicatrisent bientôt. Du reste, l'effort qui les a ouvertes, tente aussitôt à les rapprocher.

Mais si elles allaient se produire au niveau même d'un dépôt!

Le capitaine a déjà hésité s'il ne ferait signe de rallier le bord. Mais les instants du navire semblent comptés au milieu d'un tel bouleversement, et le danger n'est-il pas plus grand ici, que là-bas!

… Brusquement, la goélette, inclinée par l'avant sous un angle d'environ 28°, reçoit par la poupe un choc effroyable. Les blocs qui la soulèvent, disloqués par une convulsion plus intense, s'effondrent à pic. N'étant plus maintenue par l'arrière, elle retombe lourdement dans une flaque d'eau vive. L'avant, sollicité par une réaction égale au poids de l'arrière augmenté dans d'énormes proportions par la chute verticale, se soulève à son tour en rompant les jeunes glaces qui l'emprisonnent.

Le capitaine et les deux marins roulent pêle-mêle sur le pont.

En même temps un craquement sinistre retentit. Mais celui-là n'est pas occasionné par la glace. C'est le grincement particulier du bois qui cède et se brise.

Le capitaine, aussitôt debout, voit le mât de misaine osciller, puis s'abattre, fracassé comme une allumette, en entraînant dans sa chute un fouillis de haubans, d'étais et de manœuvres.

Par un hasard inouï, la goélette se trouve remise dans son aplomb! Elle flotte entre deux glaçons, deux murailles, qui lui forment comme un dock.

Si la coque n'a pas été enfoncée par le choc, elle est sauvée, du moins pour l'instant, et sans autre dommage que la perte du mât.

Cette réflexion traverse en une seconde la pensée de l'officier, qui regarde ses hommes et les voit lever les bras, en signe d'épouvante.

La dislocation s'étend de proche en proche et broie en capricieux zigzags le pack, aux alentours du navire. L'eau surgit de toutes parts en cascades écumantes…

Les malheureux vont être engloutis!

Le capitaine s'élance sur le bastingage, leur fait des signes désespérés et s'écrie:

– Revenez à bord!.. Mais revenez donc!

Ses signes ne sont pas compris, sa voix est couverte par le fracas des glaces, et le péril mortel grandit encore, sans que les matelots rivés par le devoir, pensent à quitter leur poste.

En proie à une affreuse angoisse, le capitaine s'apprête à quitter le navire pour courir vers eux, essayer de les sauver ou périr avec eux…

Mais une flamme ardente surgit à deux pas de lui. Un nuage de vapeur l'environne et le fracas assourdissant d'une détonation lui brise le tympan.

– Tonnerre de Brest! crie une voix effarée, je me suis empêtré dans le cordon!

C'est Guénic, le maître d'équipage, qui, chaviré par le choc, est allé jaillir, à demi assommé, près d'un canon à signaux. Le vieux Breton, enfoui sous une avalanche de cordages provenant de la chute du mât, s'est dégagé au hasard, en écartant convulsivement les obstacles; le cordon tire-feu s'est trouvé sous sa main, au milieu d'autres objets, et l'effort inconscient du bonhomme a suffi pour actionner l'étoupille.

A ce signal involontaire, mais envoyé avec tant d'à-propos, les marins relevés de leur consigne s'enfuient à toutes jambes, trébuchant sur les glaçons, pataugeant dans les flaques et précédés par les chiens qui font voler derrière eux les traîneaux.

Cinq minutes après, tout le monde est à bord avec les sacs empilés à la hâte sur les traîneaux, ainsi que les armes et les objets les plus précieux.

 

Il est temps, car l'œuvre de désorganisation s'accomplit dans toute sa sinistre horreur.

Une débâcle partielle s'opère autour du navire sauvé miraculeusement par ce qui devait amener sa perte. Les glaçons, disloqués en mille points différents, se brisent en se choquant avec une force inouïe. Tout croule, tout s'effondre au milieu de trombes d'eau qui balayent et submergent les éclats.

Les dépôts de vivres, constituant la suprême ressource de l'expédition, l'élément indispensable d'une lutte à peine commencée, s'engloutissent un à un, aux yeux des matelots qui protestent par des cris de rage impuissante!..

Mais la furie des éléments, calmée sur un point, se déchaîne ailleurs avec une nouvelle et plus terrible violence.

Là-bas, vers le Nord, la banquise paraît s'enfler sous l'effort d'une poussée irrésistible…

Un déchirement épouvantable ébranle les couches d'air. Une immense rupture se produit, et le navire allemand, parfaitement visible sur le champ de neige, s'incline sur tribord, se couche, perd son point d'appui, et, ouvert sans doute par le choc, s'emplit, puis coule à pic.

En moins de dix minutes ses perroquets disparaissent.

La Germania a vécu!

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