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Oeuvres illustrées de George Sand

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Oeuvres illustrées de George Sand
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Au moment où le ministère allait subir à la chambre le grand assaut dont il est sorti sain et sauf, à ce qu'on assure, un écrivain anonyme du gouvernement, tout rempli de son sujet, et livré apparemment à de paniques terreurs, s'est élancé à la tribune du Journal des Débats pour nous apprendre que, si les passions ameutées se préparaient à ébranler ce pouvoir gui représente aujourd'hui en France l'ordre et la paix, c'était, après la faute de Voltaire et la faute de Rousseau (le vieux refrain est sous-entendu), la faute du livre de M. La Mennais. Par conséquent, s'écrie l'anonyme avec une emphase fort plaisante: «Il n'est pas inutile d'appeler l'attention du public sur son livre étrange qui, vient d'être sournoisement jeté, avec un titre emprunté à une langue morte depuis deux mille ans, au milieu de la polémique des partis.»

Voilà certes un admirable début, ou bien l'anonyme ne s'y connaît pas! Voyez-vous bien, lecteur ingénu, la sournoiserie de l'auteur des Paroles d'un Croyant! emprunter son titre à une langue morte depuis deux mille ans! Quelle perfidie! Jeter sournoisement son livre dans les mains d'un éditeur, qui le jette dans celles du public plus sournoisement encore, lequel public le lit avec une sournoise avidité, tout cela au moment où les écrivains du gouvernement tressaillent, palpitent, perdent le sommeil et l'appétit dans l'attente du triomphe ou de la défaite du ministère! Appelons donc bien vite l'attention du public sur cette ruse abominable. Apparemment le public ne s'apercevrait pas tout seul de l'apparition du livre et du coup qu'il va porter à la position des écrivains anonymes du gouvernement. Certainement M. La Mennais ne l'a pas fait dans un autre dessein. Il n'a pas eu autre chose en tête depuis qu'il a appelé, lui aussi, l'attention du monde entier sur les maux du peuple et l'esprit de l'Évangile, que de faire passer une mauvaise nuit, du 2 au 3 mars, aux partisans de M. Guizot! Est-ce qu'il s'intéresse véritablement au peuple? Qu'est-ce qui s'intéresse à cela, je vous le demande? Est-ce qu'il se soucie le moins du monde de la justice et de la vérité? Qui diable se soucie de pareilles balivernes par le temps qui court? Non, tout cela n'est qu'un masque emprunté par M. La Mennais, l'écrivain le plus sournois du monde, comme chacun sait, pour ameuter les passions contre nous et les nôtres, pour donner l'assaut ou seul pouvoir qui représente aujourd'hui en France l'ordre et la paix, pour nous désobliger, puisqu'il faut le dire.

«Ce livre a pour auteur (c'est toujours l'anonyme qui parle) M. La Mennais.» Premier grief: car, remarquez-le bien, Messieurs, si le livre n'était pas de M. La Mennais, le livre ne serait pas coupable; et si M. La Mennais ne faisait pas de livres, on pourrait ne pas trop s'inquiéter de lui. Il ne sollicite pas d'emploi, il ne fait pas valoir le plus léger droit aux fonds appliqués à secourir les gens de lettres indigents ou endettés. Il ne brigue pas l'honneur d'enseigner le rudiment au plus petit prince de l'univers. Il ne marche sur les brisées de personne. Enfin, il n'est pas gênant de son naturel. Que ne se tient-il tranquille? Quelle mouche le pique d'écrire des livres? Pure sournoiserie de sa part!

Deuxième grief, j'allais presque dire deuxième chef d'accusation; car cette belle période a la concision, la netteté, et surtout la sincérité d'un réquisitoire: «Ce livre a pour titre: Amschaspands et Darvands.» C'est ici, Messieurs, que les méchantes intentions de l'auteur se dévoilent. Les bons et les mauvais génies! Qu'est-ce que cela signifie? N'est-ce pas une insulte directe contre nous, qui ne voulons pas de génies, et de bons génies encore moins? Si M. La Mennais, supprimant cette antithèse impertinente, avait intitulé son livre tout simplement en bon français, Chenapans et Pédants, cela eût été bien plus clair, et nous aurions compris ce qu'il voulait dire.

Troisième grief: «Ce livre a pour prétexte la réforme sociale.» Beau prétexte, en vérité! Est-ce que nous nous payons d'une pareille monnaie, nous autres qui avons le monopole de ce prétexte-là? Il ferait beau voir qu'on vînt nous le disputer, lorsque nous nous en servons si bien! Allez, monsieur La Mennais (nous sommes forcés de vous appeler ainsi, puisque, perdant toute mesure et toute convenance, vous ne voulez point vous parer de l'anonyme)! nous ne croirons jamais que votre réforme sociale soit un prétexte bon et sincère pour écrire. Nous avons nos raisons pour cela, et ce n'est pas à nous, anonymes brevetés de la réforme sociale, qu'il faut venir conter de pareilles sornettes!

Quatrième chef d'accusation: «Ce livre a pour sujet véritable…» Ici l'anonyme s'embarrasse, et avoue avec une surprenante bonhomie «qu'il a besoin de plus d'un détour pour dire quel est le sujet véritable du livre de M. La Mennais.» Mais nous-mêmes nous suspendrons un instant cette curieuse analyse pour dire sans aucun détour à monsieur l'anonyme qu'il s'est mépris au début de son acte d'accusation, qu'il a fait un lapsus calami en écrivant qu'il allait appeler l'attention du public sur ce livre révolutionnaire, incendiaire et sournois. En effet, dans quelle contradiction n'êtes-vous pas tombé, si vous avez voulu appeler l'attention du public, sur un livre dont tout le crime est d'être publié! Vouliez-vous donc employer les chastes et pieuses colonnes du Journal des Débats à servir d'annonce au livre en question? On le dirait presque, à voir la complaisance que vous avez mise à les couvrir de citations, dont plusieurs semblent être traduites de quelques fragments inédits de la Divine Comédie du Dante. Quant à nous, qui n'avions pas encore lu les Amschaspands et Darvands, s'il eût été possible que nous fussions dans la même ignorance des ouvrages précédents de l'auteur, votre long article, votre généreux appel à notre attention, et les heureuses citations que vous avez choisies, nous l'auraient fait lire avec empressement. Serait-ce que, malgré vous, et en dépit de la consigne, vous auriez cédé à l'entraînement, à l'instinct du beau, au souvenir douloureux d'avoir été ou d'avoir pu être homme de goût et de talent? Oui vraiment, vos extraits, ces spécimens que vous nous avez transcrits obligeamment, révèlent on vous un certain enthousiasme mal étouffé, et vous vous connaissez en beau style, car à cet égard, vous ne vous refusez rien.

Mais enfin il vous était défendu d'admirer, et vous avez blâmé. Il ne vous était pas ordonné sans doute d'offrir la prose de M. La Mennais à l'attention, c'est-à-dire à l'admiration du public: donc la plume vous a tourné dans les doigts en écrivant public; c'était parquet que vous vouliez dire. Le mot commence par la même lettre. Ou bien peut-être que votre écriture n'est pas très-lisible, et que le prote des Débats s'y sera trompé. Mettons que c'est une faute d'impression, et n'en parlons plus.

Hélas! de cette façon, votre exposition devient très-claire, votre procédé de citations très-logique. Ce sont les passages incriminés que vous signalez à l'attention des juges. Le Journal des Débats n'est pas novice en ces sortes d'affaires, et votre fonction dans celle-ci n'est pas si plaisante qu'elle le semblait au premier coup d'oeil. Vous nous ôtez l'envie de rire; car ce n'est pas un bout d'oreille que vous laissez voir: c'est un bout de griffe, et le bruit sec de vos paroles creuses ressemble à un bruit de verrous et de chaînes.

Eh bien, que voulez-vous donc faire, écrivain moral et consciencieux, ami anonyme de la paix et de la vérité, qui appelez, sans vous compromettre, à votre aide le procureur du roi et le geôlier en gardant l'anonyme? Vous vous êtes chargé là d'un office dont je ne vous ferai pas mon compliment. Comment appelle-t-on le métier que vous faites? ce n'est pas celui d Accusateur public; ceux-là n'agissent pas dans l'ombre; ils se montrent à nous revêtus de fonctions qu'ils peuvent faire respecter quand ils les comprennent, avec un front sur lequel chacun de nous peut lire la fourbe ou la probité, avec un nom que nous pouvons traduire à la barre de l'opinion publique outragée, ou invoquer pour apaiser les murmures des sympathies blessées. Mais vous, vous qu'on ne voit pas; qu'on ne connaît pas; vous qui n'avez pas de nom, vous qui êtes peut-être deux, peut-être trois pour écrire en secret ces pages dont le prétexte est l'ordre public et dont le but est d'alarmer le pouvoir, d'aigrir et de réveiller les vieilles rancunes personnelles, comment s'appelle votre métier, répondez? Monsieur l'anonyme n'est pas un titre auprès de cette société dont vous vous faites l'appui et le conservateur: monsieur l'accusateur secret vous convient-il mieux? M'est avis qu'il vous convient en effet. Prenez-le donc, monsieur! Hélas! je comprends que vous ayez besoin de plus d'un détour pour exercer votre charge, et je crains qu'il n'y ait rien au monde de plus sournois que cette charge-là.

Je reprends l'examen de votre acte secret d'accusation. A propos des nombreux revirements d'opinion de M. La Mennais, vous répétez en style pompeux, et sans vous faire faute de l'allusion obligée à M. de Lamartine, les gémissements de la Revue des Deux Mondes sur l'inconstance des hommes de lettres. Vous avez grand tort, et je ne sais pas de quoi vous vous plaignez si amèrement. Si vous étiez aussi fins et aussi bons politiques que vous en avez la prétention, vous ne laisseriez pas voir que ces gens-là sont dignes de votre colère et de vos regrets. Vous garderiez un silence diplomatique. Mais vous ne le pouvez pas, et votre dépit, même à propos des moindres transfuges ou des plus faibles opposants, s'échappe malgré vous. Comment pourriez-vous vous abstenir de crier au feu et de sonner le tocsin quand des hommes comme ceux que je viens de nommer vous somment de faire votre devoir? Cependant, si vous avez sujet de vous plaindre quant à la qualité, je ne vois pas que vous soyez fondé à verser des larmes hypocrites sur la quantité de ceux qui vous abandonnent. Vos chefs ont assez bien manoeuvré depuis douze ans pour que les désertions n'aient pas été fréquentes dans votre régiment. Nous voyons bien, nous autres, qu'au contraire vous recrutez tous les jours, grâce à des arguments irrésistibles que vous possédez. Vraiment, vous avez tort d'accuser la popularité de vous ravir l'adhésion de tant d'intelligences. La popularité n'est pas riche, Messieurs, et, le fût-elle, elle n'achèterait pas. De sa nature, elle n'aime que ceux qui se donnent; et le métier n'étant pas lucratif, il est rare qu'on vous quitte pour elle. Ainsi, quand je regarde votre demeure (le poëte a dit antre, mais comme vous n'êtes pas des lions je n'appliquerai pas ce mot à votre presse conservatrice):

 
 
Je vois fort bien comme l'on entre,
Et ne vois pas comme on en sort.
 

Allons! vous êtes des ingrats! Si vous avez vu tourner bien des têtes, et changer la couleur de bien des drapeaux fièrement plantés dans un sable mouvant, c'est vers vous que le vent de la politique a poussé tous ces oiseaux de nos rivages, et vous dites cela pour faire une belle phrase. Hélas! non, notre pays n'est pas tout plein d'illustres métamorphoses dans le sens où vous l'entendez. Ce serait à nous de les constater en sens contraire, et, quant à moi, je ne les citerai pas:

 
Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui,
Ce ne sont pas là mes affaires.
 

Quant à la popularité (finissez-en avec tous vos détours qui ne servent de rien ici; c'est le peuple que vous voulez dire), le peuple compte les âmes indépendantes, véraces et fortes, que le sentiment de la charité humaine a fait tressaillir, que la révélation de la fraternité a jetées dans ses bras. Il y en a peu, fort peu malheureusement, dans vos classes éclairées; mais on s'en contente. M. La Mennais en vaut bien quelques-uns comme ceux qui vous restent. Le peuple le sait, et ne traduit pas ses déserteurs devant le jury.

Mais dans quelle contradiction tombez-vous! j'en demande bien pardon à votre logique secrète. Vous nous peignez d'abord M. La Mennais enivré de sa popularité, recevant les acclamations du peuple, harangué par la jeunesse, porté en triomphe par les prolétaires; et puis, un instant après, vous nous le montrez comme un cerveau bizarre, excentrique, désespéré, qui n'éveille apparemment aucune sympathie, puisque, dans son orgueilleuse démence, il se venge de son isolement sur la société tout entière. Il faut pourtant choisir: ou M. La Mennais vit modestement retiré de tout contact extérieur avec cette popularité qui le cherche (et c'est là la vérité), et dans ce cas il n'est ni chagrin ni colère; ou bien il vit dans les triomphes de cette popularité, et il n'a ni envie ni sujet de s'en prendre à vos personnes de son isolement et de son abandon. Encore une fois, vous faites des phrases, vous les faites fort bien; mais c'est de l'éloquence secrète que personne ne comprend.

Puis, vous vous attaquez à son style, à son énergie, à la grandeur de sa forme, à la brûlante indignation de sa parole. Vous les qualifiez de rage concentrée, de sombre vengeance, de haine démagogique. Vraiment, vous avez trop de douceur et de charité pour souffrir cela, et vous dites dans votre style, à vous, qui est bénin et apostolique au dernier point: «Aussi rusé que violent, il attire sa victime dans un cercle de métaphores, l'enlace dans un réseau de poésie, la saisit doucement et l'égorge avec fureur.» Tout doux! vous vous échauffez trop, ami de la paix! Mais il ne suffit pas d'être beau diseur, il faut encore savoir ce qu'on dit. Quelle victime M. La Mennais a-t-il donc égorgée ainsi? Je n'en avais ouï parler de ma vie. Mangerait-il des enfants à son déjeuner, comme feu Byron et feu Napoléon? Allons, vous vous trompez. Il n'a jamais coupé la langue ni les oreilles à personne; et si vous lui demandiez de tailler votre plume, elle serait mieux taillée qu'elle ne l'a jamais été. Vous en seriez satisfait, et il vous donnerait encore l'encre et le papier pour écrire contre lui aussi secrètement que vous voudriez. C'est donc le lecteur, un lecteur quelconque, que vous voulez désigner par cette victime prise en sa phrase comme en une toile d'araignée, et puis égorgée si doucettement? Vraiment, si quelque lecteur se plaint d'avoir été traité ainsi, il faut que en soit un lecteur visionnaire, tourmenté de quelque affreux remords et assailli d'un bien sombre cauchemar. La beauté du style lui aura semblé un noeud coulant, l'indignation de l'écrivain un gril de fer rouge, et la vérité une strangulation finale. Je ne pensais pas qu'on gagnât de telles angines à lire une belle prédication, et je n'aurais pas conseillé à des gens si délicats d'aller entendre Massillon, Bourdaloue, et encore moins saint Matthieu nous racontant la sainte colère du Christ. Mon avis est, puisque ces gens sont si pernicieux que de tuer, par la parole, les personnes mal contentes d'elles-mêmes (vu qu'il y a beaucoup de ces personnes-là), d'envoyer M. La Mennais en prison, les prédicateurs et les prophètes, les poëtes et les saints, depuis le divin maître, qui se permettait de chasser du temple, sans aucun procédé, d'honnêtes spéculateurs et d'honorables industriels, jusqu'au Dante, qui a fait parler le diable trop crûment, enfin toute cette séquelle de diseurs de vérités dures, au feu, pêle-mêle et sans retard. Le ministère ne peut pas triompher sans cela dans les chambres. Vous l'avez dit et prouvé, je me rends.

Il y a cependant une exception que vous daignerez faire. Vous aimez Montesquieu, à ce qu'il paraît, et vous goûtez assez les Lettres persanes. On leur fera grâce, puisqu'elles vous amusent. Elles ont paru dans leur temps, d'ailleurs, et nous n'étions pas là. Il est assez probable qu'il n'a pas eu l'intention de nous désobliger. Les moeurs étaient si corrompues dans son temps! et aujourd'hui elles sont si pures! il faut bien pardonner quelque chose aux réformateurs qui sont morts, surtout quand ils ont eu la précaution d'envelopper leurs allusions sous un voile épais, et de ne pas appeler un chat un chat.

Il reste un compliment à vous faire sur l'admirable bonne foi avec laquelle vous avez fait parler des démons dans vos citations, sans jamais laisser intervenir les anges, sans daigner faire mention de leur rôle et de leurs conclusions dans le poëme de M. La Mennais. Si vous eussiez vécu au temps de Michel-Ange, et que, parmi les affreuses figures qui occupent le bas de son tableau du Jugement dernier, vous eussiez cru saisir quelque allusion à des gens de votre connaissance, vous auriez fait mutiler la partie du chef-d'oeuvre où les saints et les anges apparaissent dans leur splendeur; et, appelant l'attention du public sur cette oeuvre infernale, vous eussiez conclu, de cette représentation allégorique du crime et du vice, à l'immoralité et à la férocité du peintre. C'est une nouvelle manière de juger et de critiquer, qui est tout à fait de mode en ce temps-ci. Dans un roman de Walter Scott, un vieux seigneur, contemporain de Shakspeare, mais amateur encroûté des classiques de sa jeunesse, s'élève avec indignation contre l'auteur d'Hamlet et d'Othello. «Vous voyez bien, dit-il aux jeunes gens, pour les dégoûter de cette pernicieuse lecture, que votre Shakspeare est un scélérat, un homme capable de toutes les trahisons et imbu des plus abominables principes. Voyez seulement comment il fait parler Yago! Il n'est qu'un fourbe et un menteur qui puisse créer de pareils types, et leur mettre dans la bouche des discours d'une telle force et d'une telle vraisemblance.» Ce bon seigneur aurait voulu que l'honest Yago parlât comme un saint en agissant comme un diable; et il faut convenir que Racine, peignant les coupables ardeurs de Phèdre, osant nommer l'infâme Pasiphaé et tracer ce vers immoral:

 
C'est Vénus tout entière à sa proie attachée,
 

se montrait bien ennemi des convenances et bien entaché d'inceste et d'adultère dans ses secrets instincts. On n'y prit pas garde d'abord. Le siècle était si corrompu! Mais on doit s'en offenser et condamner Racine, aujourd'hui qu'on est pieux et austère jusqu'à ne pas permettre à l'art et à la poésie de peindre le vice et le crime sous des couleurs sombres et avec l'énergie que comporte le sujet. J'avoue cependant, pour ma part, que c'est une méthode de critique à laquelle je ne comprends rien du tout.

Ainsi donc, le Génie de l'impureté, celui de la cruauté, celui de la profanation et celui du mensonge ne devaient pas être mis en scène, selon vous; parce que le mensonge, l'impiété, la férocité et le libertinage sont choses respectables, auxquelles l'art ne doit pas s'attaquer. Tant pis pour les esprits fâcheux qui ne s'en accommodent pas. Ces petites imperfections de la société sont inviolables, et les flétrir est la conséquence d'un caractère chagrin et intolérant. Soit! vous ne voulez entendre que les concerts des anges; les hymnes de la miséricorde, de la bénédiction et de l'espérance sont seuls dignes de vos oreilles pudiques, de vos âmes béates. Il paraîtrait cependant que vous avez l'oreille dure et l'âme fermée à cette musique-là. Car les amschaspands (les bons Génies) parlent et chantent tout aussi souvent que les darvands et les dews dans le poëme incriminé. Il y a là toute une contre-partie, toute une antithèse, savamment soutenue et délicatement développée, ainsi que l'annonce le titre de l'ouvrage. Vous n'y avez pas fait la moindre attention, et vous en avez détourné l'attention du public avec une rare sincérité. C'est beau! c'est bien de votre part! Quelle charité pour nous, quelle impartialité envers l'auteur! Ah! vraiment, vous faites noblement les choses!

Eh bien, nous qui ne nous piquons pas de si savants détours pour dire l'impression que ce livre a faite sur nous, nous citerons un peu de la contre-partie qui a échappé à votre talent d'examen ou à la fidélité de votre mémoire. C'est le Génie de la pureté qui parle au Génie de la terre:

«Rien ne périt, tout se transforme. Vous me demandez, ô Sapandomad, ce que l'avenir cache sous son voile, si c'est un berceau, ou un cercueil? Fille d'Ormuzd, ignorez-vous donc que le cercueil et le berceau ne sont qu'une même chose? Les langes du nouveau-né enveloppent la mort future; le suaire du trépassé enferme dans ses plis la vie renaissante.

«Le pouvoir des Daroudjs n'est pas ce qu'ils le croient être. Lorsqu'ils renversent et brisent les sociétés humaines, lorsqu'ils y versent leur venin pour en hâter la dissolution, ils concourent encore au dessein de la Puissance même qu'ils combattent. Ce qu'ils détruisent, ce n'est pas le bien, mais la sèche écorce du bien, qui opposait à son expansion un obstacle invincible. Pour que la plante divine refleurisse, il faut qu'auparavant ce qu'a usé le travail interne se décompose.

«Considérez, ô Sapandomad, et les vieilles opinions des hommes, inconciliables entre elles, et le droit sous lequel ils ont jusqu'ici vécu. Ces opinions, est-ce donc le vrai? Ce droit, est-ce donc le juste? Et pourtant c'est là tout ce qu'ils appellent l'ordre social. Que cet informe édifice croule, y a-t-il lieu de s'en alarmer?

«Craindrait-on que ces ruines n'entraînassent celle des principes salutaires qui ne laissent pas de subsister au milieu des désordres nés des fausses croyances et des institutions vicieuses? Illusion. Qu'ils soient obscurcis momentanément, cela peut, cela doit être, à cause du lien factice qui les unissait à l'erreur destinée à disparaître tôt ou tard. Mais, vous l'avez remarqué vous-même, inaltérables au fond de la conscience du peuple, ils s'y conservent immuablement. Quand tout le reste passe, ils demeurent; ils sont comme l'or qu'on retrouve, séparé de ce qui le souillait, sur le lit du torrent qui emporte l'impur limon.

«Quand donc, attentifs au cours des choses, les Izeds annoncent d'inévitables catastrophes, de grandes et prochaines révolutions, ils annoncent par cela même un renouvellement certain, une magnifique évolution de l'Humanité en travail pour produire au dehors le fruit qui a germé dans ses entrailles fécondes. Si elle n'enfante point sans douleur, c'est que rien ne se fait sans effort; c'est qu'enfermé dans le corps qui se dissout, l'esprit qui aspire à le quitter, à prendre possession de celui qui bientôt va naître, souffre à la fois et de son état présent et de son état futur, de son dégoût de ce qui est et de son désir de ce qui sera; car le désir même est une souffrance, et l'espérance aussi, tant qu'elle n'a pas atteint son terme.

 

«Plaignez, Sapandomad, les générations sans patrie que des souffles opposés poussent et repoussent dans le vide, entre le monde du passé et le monde de l'avenir. Elles ressemblent à la poussière roulée par Vato1. Mais, nuage ténébreux, ou trombe qui dévaste, cette poussière retombe sur le sol, où, pénétrée des feux du ciel, humectée de ses pluies, elle se couvre de verdure.»

Ailleurs, le Génie de l'équité dit à celui qui bénit le peuple:

«Un germe tombe sur la terre; il se développe et croît, et produit ses fleurs et ses fruits, après quoi la plante épuisée se dessèche et meurt. Ce germe, c'est une portion de la vérité infinie, qu'Ormuzd dépose dans l'esprit de l'homme; cette plante est ce qu'il nomme religion: mais la mort n'en est qu'apparente, elle renaît toujours, se transformant chaque fois selon les besoins de l'Humanité, dont elle suit le progrès et dont elle caractérise l'état.

1Esprit de l'ouragan.
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