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Oeuvres illustrées de George Sand

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Ce détail n'est consigné dans aucune histoire, mais la tradition est là qui en fait foi; et maintenant voici la légende de l'Orme Râteau qui est jolie, malgré la nature des animaux qui y jouent leur rôle.

Un jeune garçon gardait un troupeau de porcs autour de l'Orme Râteau. Il regardait du coté de la Châtre, lorsqu'il vit accourir une grande bande armée qui dévastait les champs, brûlait les chaumières, massacrait les paysans et enlevait les femmes. C'étaient les Anglais qui descendaient de la Marche sur le Berry et qui s'en allaient ravager Saint-Chartier. Le porcher éloigna son troupeau, se tint à distance, et vit passer l'ennemi comme un ouragan. Quand il revint sous l'orme avec son troupeau, la peur qu'il avait ressentie fit place à une grande colère contre les Anglais et contre lui-même. «Quoi! pensa-t-il, nous nous laissons abîmer ainsi sans nous défendre! Nous sommes trop lâches! Il y faut aller!» Et, s'approchant de la statue de saint Antoine, qui était une des quatre autour de l'orme: «Bon saint Antoine, lui dit-il, il faut que j'aille contre ces Anglais, et je n'ai pas le temps de rentrer mes bêtes. Pendant ce temps-là, ces méchants-là nous feraient trop de mal. Prends mon bâton, bon saint, et veille sur mes porcs pendant trois jours et trois nuits; je te les donne en garde.»

Là-dessus, le jeune gars mit sa binette de porcher (qui est un court bâton avec un triangle de fer au bout) dans les mains de la statue, et, jetant là ses sabots, s'en, courut à Saint-Chartier, où, pendant trois jours et trois nuits, il fit rage contre les Anglais avec les bons garçons de l'endroit, soutenus des bons hommes d'armes de France. Puis, quand l'ennemi fut chassé, il s'en revint à son troupeau; il compta ses porcs et pas un ne manquait; et cependant il avait passé là bien des traînards, bien des pillards et bien des loups attirés par l'odeur du carnage. Le jeune porcher reprit à saint Antoine son sceptre rustique, le remercia à genoux, et sans rêver les hautes destinées et la grande mission de Jeanne d'Arc, content d'avoir au moins donné son coup de main à l'oeuvre de délivrance, il garda ses cochons comme devant.

Une autre tradition plus confuse attribue à l'Orme Râteau une moins bénigne influence. Des enfants, saisis de vertige, auraient eu l'horrible idée de jouer leur vie aux petits palets et auraient enterré vivant le perdant sous la pierre de saint Antoine.

Mais voici la légende principale et toujours en crédit de l'Orme Râteau. Un monsieur s'y promène la nuit; il en fait incessamment le tour. On le voit là depuis que le monde est monde. Quel est-il? Nul ne le sait. Il est vêtu de noir, et il a vingt pieds de haut. C'est un monsieur, car il suit les modes; on l'a vu au siècle dernier, en habit noir complet, culotte courte, souliers à boucles, l'épée au côté; sous le Directoire, on l'a vu en oreilles de chien et en large cravate. Aujourd'hui, il s'habille comme vous et moi; mais il porte toujours son grand râteau sur l'épaule, et gare aux jambes des gens ou des bêtes qui passent dans son ombre. Du reste, pas méchant homme, et ne se faisant connaître qu'à ceux qui ont le secret.

Si vous n'y croyez, allez-y voir. Nous y avons été à l'heure solennelle du lever du la lune; nous l'avons appelé par tous les noms possibles, en lui disant toujours monsieur, très-poliment, mais nous n'avons pas trouvé le nom auquel il lui plaît de répondre, car il n'est pas venu, et, d'ailleurs, il n'aime pas la plaisanterie, et, pour le voir, il faut avoir peur de lui.

L'Allemagne passe pour être la terre classique du fantastique. Cela tient à ce que des écrivains anciens et modernes ont fixé la légende dans le poëme, le conte et la ballade. Notre littérature française, depuis le siècle de Louis XIV surtout, a rejeté cet élément comme indigne de la raison humaine et de la dignité philosophique. Le romantisme a fait de vains efforts pour dérider notre scepticisme; nous n'avons su qu'imiter la fantaisie allemande. Le merveilleux slave, bien autrement grandiose et terrifiant, nous a été relevé par des traductions incomplètes qui ne sont pas devenues populaires. On n'a pas osé imiter chez nous des sabbats lugubres et sanglants comme ceux d'Adam Mickiewicz.

La France populaire des campagnes est tout aussi fantastique cependant que les nations slaves ou germaniques; mais il lui a manqué, il lui manquera probablement un grand poëte pour donner une forme précise et durable aux élans, déjà affaiblis, de son imagination.

Une seule province de France est à la hauteur, dans sa poésie, de ce que le génie des plus grands poëtes et celui des nations les plus poétiques ont jamais produit; nous oserons dire qu'elle les surpasse. Nous voulons parler de la Bretagne. Mais la Bretagne, il n'y a pas longtemps que c'est la France. Quiconque a lu les Barza-Breiz, recueillis et traduits par M. de la Villemarqué, doit être persuadé avec moi, c'est-à-dire pénétré intimement, de ce que j'avance. Le Tribut de Nomenoé est un poëme de cent quarante vers, plus grand que l'Iliade, plus complet, plus beau, plus parfait qu'aucun chef-d'oeuvre sorti de l'esprit humain. La Peste d'Eliant, les Nains, Lesbreiz et vingt autres diamants de ce recueil breton attestent la richesse la plus complète à laquelle puisse prétendre une littérature lyrique. Il est même fort étrange que cette littérature, révélée à la nôtre par une publication qui est dans toutes les mains depuis plusieurs années, n'y ait pas fait une révolution. Macpherson a rempli L'Europe du nom d'Ossian; avant Walter Scott, il avait mis l'Écosse à la mode. Vraiment nous n'avons pas assez fêté notre Bretagne, et il y a encore des lettrés qui n'ont pas lu les chants sublimes devant lesquels, convenons-en, nous sommes comme des nains devant des géants. Singulières vicissitudes que subissent le beau et le vrai dans l'histoire de l'art!

Qu'est-ce donc que cette race armoricaine qui s'est nourrie, depuis le druidisme jusqu'à la chouannerie, d'une telle moelle? Nous la savions bien forte et fière, mais pas grande à ce point avant qu'elle eût chanté à nos oreilles. Génie épique, dramatique, amoureux, guerrier, tendre, triste, sombre, moqueur, naïf, tout est là! Et au-dessus de ce monde de l'action et de la pensée plane le rêve: les sylphes, les gnômes, les djiins de l'Orient, tous les fantômes, tous les génies de la mythologie païenne et chrétienne voltigent sur ces têtes exaltées et puissantes. En vérité, aucun de ceux qui tiennent une plume ne devrait rencontrer un Breton sans lui ôter son chapeau.

Nous voici bien loin de notre humble Berry, où j'ai pourtant retrouvé, dans la mémoire des chanteurs rustiques, plusieurs romances et ballades, exactement traduites en vers naïfs et bien berrichons, des textes bretons publiés par M. de la Villemarqué. Revendiquerons-nous la propriété de ces créations, et dirons-nous qu'elles ont été traduites du berrichon dans la langue bretonne? Non. – Elles portent clairement leur brevet d'origine en tête. Le texte dit: En revenant de Nantes, etc.

Et ailleurs: Ma famille de Nantes, etc.

Le Berry a sa musique, mais il n'a pas sa littérature, ou bien elle s'est perdue comme aurait pu se perdre la poésie bretonne si M. de la Villemarqué ne l'eût recueillie à temps. Ces richesses inédites s'altèrent insensiblement dans la mémoire des bardes illettrés qui les propagent. Je sais plusieurs complaintes et ballades berrichonnes qui n'ont plus ni rime ni raison, et où, ça et là, brille un couplet d'une facture charmante, qui appartient évidemment à un texte original affreusement corrompu quant au reste.

Pour être privée de ses archives poétiques, l'imagination de nos paysans n'est pas moins riche que celle des Allemands, et ce sens particulier de l'hallucination dont j'ai parlé précédemment, l'atteste suffisamment.

Une des plus singulières apparitions est celle des meneurs de nuées, autour des mares ou au beau milieu des étangs. Ces esprits nuisibles se montrent aux époques des débordements de rivières, et provoquent le fléau des pluies torrentielles intempestives. Autant qu'on peut saisir leurs formes vagues dans la trombe qu'ils soulèvent, ou reconnaît parmi eux, assez souvent, des gens mal famés dans le pays, des gens qui ne possèdent rien, bien entendu, sur ta terre du bon Dieu, et qui ne souhaitent que le mal des autres. Réunis aux génies des nuages, armés de pelles ou de balais, vêtus de haillons fangeux et incolores, ils s'agitent frénétiquement, ils dansent et enragent, comme disent les ballades bretonnes; et le voyageur attardé qui les aperçoit sur les flaques brumeuses semées dans les landes désertes, doit se hâter de gagner son gîte, sans les déranger et sans leur montrer qu'il les a vus. Certainement ils se mettraient, en bourrasque, à ses trousses, et il n'y ferait pas bon.

On est étonné de voir combien les scènes de la nature impressionnent le paysan. Il semblerait qu'elles doivent agir davantage sur l'imagination des habitants des villes, et que l'homme, accoutumé dès son enfance à errer ou à travailler le jour et la nuit dans une même localité, en connaît si bien les détails et les différents aspects qu'il ne puisse plus y ressentir ni étonnement ni trouble. C'est tout le contraire: le braconnier qui, depuis quarante ans, chasse au collet ou à l'affût, à la nuit tombante, voit les animaux mêmes dont il est le fléau prendre, dans le crépuscule, des formes effrayantes pour la menacer. Le pêcheur de nuit, le meunier qui vit sur la rivière même, peuplent de fantômes les brouillards argentés par la lune; l'éleveur de bestiaux qui s'en va lier les boeufs ou conduire les chevaux au pâturage, après la chute du jour ou avant son lever, rencontre dans sa haie, dans son pré, sur ses bêtes mêmes, des êtres inconnus, qui s'évanouissent à son approche, mais qui le menacent en fuyant. Heureuses, selon nous, ces organisations primitives, à qui sont révélés les secrets du monde surnaturel, et qui ont le don de voir et d'entendre de si étranges choses! Nous avons beau faire, nous autres, écouter des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête, nous battre les flancs pour y croire, courir la nuit dans les lieux hantés par les esprits, attendre et chercher la peur inspiratrice, mère des fantômes, le diable nous fuit comme si nous étions des saints: Lucifer défend à ses milices de se montrer aux incrédules. – Les animaux sorciers ne sont pas rares: c'est pourquoi il faut faire attention à ce qu'on dit devant certains d'entre eux. Un métayer de de nos environs voyait tous les jours un vieux lièvre s'arrêter à peu de distance de lui, se lécher les pattes, et le regarder d'un air narquois: or ce métayer finit, en y faisant bien attention, par reconnaître son propriétaire sous le déguisement dudit lièvre. Il lui ôta son chapeau, pour lui faire entendre qu'il n'était point sa dupe, et que la plaisanterie était inutile. Mais le bourgeois, qui était malin, parut ne pas comprendre, et continua à le surveiller sous cette apparence.

 

Cela fâcha le métayer, qui était honnête homme, et que le soupçon blessait d'autant plus, que son maître, lorsqu'il venait chez lui sous figure de chrétien, ne lui marquait aucune méfiance. Il prit son fusil un beau soir, comptant bien lui faire peur, et le corriger de cette manie de faire le lièvre. Il essaya même de le coucher en joue; mais la preuve que cet animai n'était pas plus lièvre que vous et moi, c'est que le fusil ne l'inquiéta nullement, et qu'il se mit, à rire. – Ah ça, écoutez, not' maître! s'écria le brave homme perdant patience, ôtez-vous de là, ou, aussi vrai que j'ai reçu le baptême, je vous flanque mon coup de fusil.

M. Trois-Étoiles ne se le fit pas dire deux fois: il vit que le paysan était émalicé tout de bon, et, prenant la fuite, il ne reparut plus.

On a vu souvent des animaux de ce genre, frappés et blessés, disparaître également; mais le lendemain, la personne soupçonnée ne se montrait pas, et, si on allait chez elle, on la trouvait au lit, fort endommagée. On aurait pu retirer de son corps le plomb qui était entré dans celui de la bête, car aussi vrai que ces choses se sont vues, c'était le même plomb.

Un animal plus incommode encore que ceux qui espionnent l'ouvrier des champs, c'est celui qui se fait porter. Celui-là est un ennemi déclaré, qui n'écoute rien, et qui se montre sous diverses formes, quelquefois même sous celle d'un homme tout pareil à celui auquel il s'adresse. En se voyant ainsi face à face avec son sosie, on est fort troublé; et, quelque résistance qu'on fasse, il nous saute sur les épaules. D'autres fois, on sent son poids qui est formidable, sans rien voir et sans rien entendre. La plus mauvaise de ces apparitions est celle de la levrette blanche. Quand on l'aperçoit d'abord, elle est toute petite; mais elle grandit peu à peu, elle vous suit, elle arrive à la taille d'un cheval et vous monte sur le dos. Il est avéré qu'elle pèse deux ou trois mille livres; mais il n'y a point à s'en défendre, et elle ne vous quitte que quand vous apercevez la porte de votre maison. C'est quand on s'est attardé au cabaret qu'on rencontre cette bête maudite. Bien heureux quand elle n'est pas accompagnée de deux ou trois feux follets qui vous entraînent dans quelque marécage ou rivière pour vous y faire noyer. La cocadrille, bien connue au moyen âge, existe encore dans les mines des vieux manoirs. Elle erre sur les ruines la nuit, et se tient cachée le jour dans la vase et les roseaux. Si on l'aperçoit alors, on ne s'en méfie point, car elle a la mine d'un petit lézard; mais ceux qui la connaissent ne s'y trompent guère et annoncent de grandes maladies dans l'endroit, si on ne réussit à la tuer ayant qu'elle ait vomi son venin. Cela est plus facile à dire qu'à faire. Elle est à l'épreuve de la balle et du boulet, et, prenant des proportions effrayantes d'une nuit à l'autre, elle répand la peste dans tous les endroits où elle passe. Le mieux est de la faire mourir de faim, ou de la dégoûter du lieu qu'elle habite en desséchant les fossés et les marais à eaux croupissantes. La maladie s'en va avec elle.

Le follet, fadet ou farfadet n'est point un animal, bien qu'il lui plaise d'avoir des ergots et une tête de coq; mais il a le corps d'un petit homme, et, en somme, il n'est ni vilain ni méchant, moyennant qu'on ne le contrariera pas. C'est un pur esprit, un bon génie connu en tous pays, un peu fantasque, mais fort actif et soigneux des intérêts de la maison. En Berry, il n'habite pas le foyer, il ne fait pas l'ouvrage des servantes, il ne devient pas amoureux des femmes. Il hante quelquefois les écuries comme ses confrères d'une grande partie de la France; mais c'est la nuit, au pâturage, qu'il prend particulièrement ses ébats. Il y rassemble les chevaux par troupes, se cramponne à leur crinière, et les fait galoper comme des fous à travers les prés. Il ne parait pas se soucier énormément des gens à qui ces chevaux appartiennent. Il aime l'équitation par elle-même; c'est sa passion, et il prend en amitié les animaux les plus ardents et les plus fougueux. Il les fatigue beaucoup, car on les trouve en sueur quand il s'en est servi; mais il les frotte et les panse avec tant de soin, qu'ils ne s'en portent que mieux. Chez nous, on connaît parfaitement les chevaux pansés du follet. Leur crinière est nouée par lui de milliards de noeuds inextricables.

C'est une maladie du crin, une sorte de plique chevaline, assez fréquente dans nos pâturages. Ce crin est impossible à démêler, cela est certain; mais il est certain aussi qu'on peut le couper sans que l'animal en souffre, et que c'est le seul parti à prendre.

Les paysans s'en gardent bien. Ce sont les étriers du follet; et, s'il ne les trouvait plus pour y passer ses petites jambes, il pourrait tomber; et, comme il est fort colère, il tuerait immédiatement la pauvre bête tondue.

La nuit de Noël est, en tous pays, la plus solennelle crise du monde fantastique. Toujours par suite de ce besoin qu'éprouvent les hommes primitifs de compléter le miracle religieux par le merveilleux de leur vive imagination dans tous les pays chrétiens, comme dans toutes les provinces de France, le coup de minuit de la messe de Noël ouvre les prodiges du sabbat, en même temps qu'il annonce la commémoration de l'ère divine. Le ciel pleut de bienfaits à cette heure sacrée; aussi l'enfer vaincu, voulant disputer encore au Sauveur la conquête de l'humanité, vient-il s'offrir à elle pour lui donner les biens de la terre, sans même exiger en échange le sacrifice du salut éternel: c'est une flatterie, une avance gratuite que Satan fait à l'homme. Le paysan pense qu'il peut en profiter. Il est assez malin pour ne pas se laisser prendre au piège; il se croit bien aussi rusé que le diable, et il ne se trompe guère.

Dans notre vallée noire, le métayer fin, c'est-à-dire savant dans la cabale et dans l'art de faire prospérer le bestiau par tous les moyens naturels et surnaturels, s'enferme dans son étable au premier coup de la messe; il allume sa lanterne, ferme toutes ses huisseries avec le plus grand soin, prépare certains charmes, que le secret lui révèle, et reste là, seul de chrétien, jusqu'à la fin de la messe.

Dans ma propre maison, moi qui vous raconte ceci, la chose se passe ainsi tous les ans, non pas sous nos yeux, mais au su de tout le monde, et de l'aveu même des métayers.

Je dis: non pas sous nos yeux, car le charme est impossible si un regard indiscret vient le troubler. Le métayer, plus défiant qu'il n'est possible d'être curieux, se barricade de manière à ne pas laisser une fente; et d'ailleurs, si vous êtes là quand il veut entrer dans l'étable, il n'y entrera point; il ne fera pas sa conjuration, et gare aux reproches et aux contestations s'il perd des bestiaux dans l'année: c'est vous qui lui aurez causé le dommage.

Quant à sa famille, à ses serviteurs, à ses amis et voisins, il n'y a pas de risque qu'ils le gênent dans ses opérations mystérieuses. Tous convaincus de l'utilité souveraine de la chose, ils n'ont garde d'y apporter obstacle. Ils s'en vont bien vite à la messe, et ceux que leur âge ou la maladie retient à la maison ne se soucient nullement d'être initiés aux terribles émotions de l'opération. Ils se barricadent de leur côté, frissonnant dans leur lit si quelque bruit étrange fait hurler les chiens et mugir les troupeaux.

Que se passe-t-il donc alors entre le métayer fin et le bon compère Georgeon? Qui peut le dire? Ce n'est pas moi; mais bien des versions circulent dans les veillées d'hiver, autour des tables où l'on casse les noix pour le pressoir; bien des histoires sont racontées, qui font dresser les cheveux sur la tête.

D'abord, pendant la messe de minuit, les bêtes parlent, et le métayer doit s'abstenir d'entendre leur conversation. Un jour, le père Casseriot, qui était faible à l'endroit de la curiosité, ne put se tenir d'écouter ce que son boeuf disait à son âne. « – Pourquoi que t'es triste, et que tu ne manges point? disait le boeuf. – Ah! mon pauvre vieux, j'ai un grand chagrin, répondit l'âne. Jamais nous n'avons eu si bon maître, et nous allons le perdre! – Ce serait grand dommage, reprit le boeuf, qui était un esprit calme et philosophique. – Il ne sera plus de ce monde dans trois jours, reprit l'âne, dont la sensibilité était plus expansive, et qui avait des larmes dans la voix. – C'est grand dommage, grand dommage! répliqua le boeuf en ruminant. – Le père Casseriot eut si grand peur, qu'il oublia de faire son charme, courut se mettre au lit, y fut pris de fièvre chaude, et mourut dans les trois jours.

Le valet de charrue à Jean de Chassignoles, a vu une fois, au coup de l'élévation de la messe, les boeufs sortir de l'étable en faisant grand bruit, et se jetant les uns contre les autres, comme s'ils étaient pousses d'un aiguillon vigoureux: mais il n'y avait personne pour les conduire ainsi, et ils se rendirent seuls à l'abreuvoir, d'où, d'après avoir bu d'une soif qui n'était pas ordinaire, ils rentrèrent à l'étable avec la même agitation et la même obéissance. Curieux et sceptique, il voulut en savoir le fin mot. Il attendit sous le portail de la grange, et en vit sortir, au dernier coup de la cloche, le métayer, son maître, reconduisant un homme qui ne ressemblait à aucun autre homme, et qui lui disait «Bonsoir, Jean, a l'an prochain!» Le valet de charrue s'approcha pour le regarder de plus près; mais qu'était-il devenu? Le métayer était tout seul, et, voyant l'imprudent: « – Par grand bonheur, mon gars, lui dit-il, que tu ne lui as point parlé; car s'il avait seulement regardé de ton côté, tu ne serais déjà plus vivant à cette heure!» La valet eut si grand'peur, que jamais plus il ne s'avisa de regarder quelle main mène boire les boeufs pendant la nuit de Noël.

GEORGE SAND

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