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Cymbeline

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SCÈNE V

Appartement dans le palais de Cymbeline
Entrent CYMBELINE, LUCIUS, LA REINE, CLOTEN, et les seigneurs de la cour

CYMBELINE. – Je te quitte ici et te fais mon adieu.

LUCIUS. – Noble roi, je te rends grâces; j'ai reçu les ordres de mon empereur; il faut que je parte de ces lieux, et je suis bien fâché d'être obligé de t'annoncer à Rome pour l'ennemi de mon maître.

CYMBELINE. – Mes sujets, seigneur, ne veulent plus endurer son joug, et il serait indigne d'un roi de se montrer moins jaloux qu'eux de sa dignité.

LUCIUS. – Ainsi, seigneur, je vous demande une escorte qui me conduise jusqu'au havre de Milford. – Madame, que toutes les félicités accompagnent Votre Majesté et les siens.

CYMBELINE. – Seigneurs, j'ai fait choix de vous pour cet office. N'omettez aucun des honneurs qui lui sont dus. Adieu, noble Lucius.

LUCIUS. – Votre main, seigneur.

CLOTEN. – Reçois-la comme celle d'un ami; mais à partir de ce moment je la tiens pour celle de ton ennemi.

LUCIUS. – L'événement n'a pas encore nommé le vainqueur, seigneur. Adieu.

CYMBELINE. – Mes bons seigneurs, ne quittez point le brave Lucius qu'il n'ait passé la Severn. Soyez heureux!

(Lucius part.)

LA REINE. – Il s'en va en fronçant le sourcil: mais c'est un honneur pour nous de lui en avoir donné sujet.

CLOTEN. – Tout est au mieux; la guerre est le voeu général de vos vaillants Bretons.

CYMBELINE. – Lucius a déjà mandé à l'empereur ce qui se passe ici. Il nous importe par conséquent que nos chars et notre cavalerie soient promptement sur pied. Les forces qu'il a déjà dans la Gaule seront bientôt rassemblées en corps d'armée, et de là il portera la guerre en Bretagne.

LA REINE. – Ce n'est pas une affaire sur laquelle il faille s'endormir: il faut s'en occuper avec diligence et vigueur.

CYMBELINE. – Comme je m'attendais à ce que les choses se passassent ainsi, je suis en mesure. Mais, ma douce reine, où est notre fille? Elle n'a point paru devant le Romain; elle ne nous a point rendu ses devoirs journaliers. Il y a en elle plus de mauvaise volonté que de tendresse filiale. Je m'en suis aperçu. Faites-la venir devant nous: nous avons supporté trop facilement sa désobéissance.

(Un serviteur sort.)

LA REINE. – Sire, depuis l'exil de Posthumus elle mène une vie très-retirée; il n'y a que le temps qui puisse la guérir. Je conjure Votre Majesté de lui épargner les paroles sévères: c'est une âme si tendre aux reproches, que les paroles sont des coups pour elle, et les coups lui donneraient la mort.

(Le serviteur revient.)

CYMBELINE. – Eh bien! vient-elle? Comment va-t-elle justifier ses mépris?

LE SERVITEUR. – Sauf votre bon plaisir, seigneur: ses appartements sont tous fermés, et on n'a point répondu à tout le bruit que nous avons pu faire.

LA REINE. – Seigneur, la dernière fois que j'ai été la voir, elle m'a prié d'excuser sa profonde retraite, y étant forcée par sa mauvaise santé, et elle m'a prévenue qu'elle suspendrait les devoirs qu'elle était obligée de vous rendre chaque jour. Elle m'avait prié de vous en prévenir; mais les soins de notre cour ont mis ma mémoire dans son tort.

CYMBELINE. – Ses portes fermées, sans qu'on l'ait vue dernièrement! Ciel! accorde-moi que mes craintes soient fausses!

(Il sort.)

LA REINE, à Cloten. – Mon fils, je vous l'ordonne, suivez le roi.

CLOTEN. – Cet homme qui lui est attaché, Pisanio, ce vieux serviteur, je ne l'ai pas vu non plus depuis deux jours.

LA REINE. – Allez, suivez ses traces. (Cloten sort.) Ce Pisanio, si dévoué à Posthumus, tient de moi une drogue… Je prie le ciel que son absence vienne de ce qu'il l'a avalée; car il est persuadé que c'est un élixir précieux. – Mais elle, où est-elle allée? Peut-être le désespoir l'aura saisie; ou bien, entraînée par l'ardeur de son amour elle aura fui vers son cher Posthumus. Sûrement, elle marche à la mort, ou au déshonneur; et je puis faire bon usage pour mes fins de l'une ou de l'autre. Elle écartée, c'est moi qui dispose à mon gré de la couronne de Bretagne. (Cloten rentre.) Eh bien! mon fils?

CLOTEN. – Son évasion est certaine. Allez apaiser le roi: il est en fureur: personne n'ose l'approcher.

LA REINE. – Tant mieux. Puisse cette nuit le priver d'un lendemain!

(Elle sort.)

CLOTEN. – Je l'aime et je la hais. – Elle est belle, et princesse: elle possède toutes les brillantes qualités de la cour: elle en a plus à elle seule qu'aucune dame, que toutes les dames, que toutes les femmes. Elle a de chacune d'elles ce qu'elle a de mieux, et, formée de cet ensemble, elle les surpasse toutes; voilà pourquoi je l'aime: mais d'un autre côté ses dédains pour moi, tandis qu'elle prodigue ses faveurs à ce vil Posthumus, font si grand tort à son jugement que toutes ses rares perfections en sont étouffées: aussi cela me détermine à la haïr, bien plus à me venger d'elle… car les dupes… (Entre Pisanio.) Qui va là? Quoi! tu t'esquives? Approche ici: ah! c'est toi, vil entremetteur: misérable, où est ta maîtresse? Réponds en un mot, ou bien tu vas tout droit voir les démons.

PISANIO. – O mon bon prince!

CLOTEN. – Où est ta maîtresse? Par Jupiter, je ne te le demanderai pas une fois de plus. Discret scélérat, je tirerai ce secret de ton coeur, ou je t'ouvre le coeur pour l'y trouver. Est-elle avec ce Posthumus, duquel on ne pourrait tirer une seule drachme de mérite au milieu d'un grand poids de bassesse?

PISANIO. – Hélas! seigneur! comment serait-elle avec lui? Quand a-t-elle disparu? Posthumus est à Rome.

CLOTEN. – Où est-elle? Allons, approche encore: point de vaines défaites: satisfais-moi sans détour; qu'est-elle devenue?

PISANIO. – O mon digne prince!

CLOTEN. – O mon digne scélérat! découvre-moi où est ta maîtresse. Au fait, en un seul mot. – Plus de digne prince! – Parle, ou ton silence te vaut à l'instant ton arrêt et ta mort.

PISANIO lui présente un écrit. – Eh bien! seigneur, ce papier renferme l'histoire de tout ce que je sais sur son évasion.

CLOTEN. – Voyons-le; je la poursuivrai jusqu'au trône d'Auguste. Donne, ou tu meurs.

PISANIO, à part. – Elle est assez loin: tout ce qu'il apprend par cet écrit peut le faire voyager; mais sans danger pour elle.

CLOTEN, lisant. – Hum!

PISANIO, à part. – Je manderai à mon maître qu'elle est morte. O Imogène! puisses-tu errer en sûreté, et revenir un jour en sûreté!

CLOTEN. – Coquin: cette lettre est-elle véritable?

PISANIO. – Oui, prince, à ce que je crois.

CLOTEN. – C'est l'écriture de Posthumus; je la connais. – Drôle! si tu voulais ne pas être un misérable, mais me servir fidèlement, employer sérieusement ton industrie dans tous les offices dont j'aurais occasion de te charger; j'entends que quelque fourberie que je te commande, tu voulusses l'exécuter à la lettre et loyalement, alors je te croirais un honnête homme, et tu ne manquerais ni de moyens de subsistance, ni de ma protection pour avancer ta fortune.

PISANIO. – Eh bien! mon bon seigneur?

CLOTEN. – Veux-tu me servir? Puisqu'avec tant de constance, tant de patience, tu restes attaché à la stérile fortune de ce misérable Posthumus, tu dois, à plus forte raison, par reconnaissance, t'attacher à la mienne en zélé serviteur. Veux-tu me servir?

PISANIO. – Seigneur, je le veux bien.

CLOTEN. – Donne-moi ta main: voici ma bourse. N'as-tu pas en ta possession quelque habit de ton ancien maître?

PISANIO. – Seigneur, j'ai à mon logement l'habit même qu'il portait lorsqu'il a pris congé de ma dame et maîtresse.

CLOTEN. – Ton premier service, c'est de m'aller chercher cet habit: que ce soit ton premier service; va.

PISANIO. – J'y vais, seigneur. (Il sort.)

CLOTEN. -Te joindre au havre de Milford?-J'ai oublié de lui demander une chose; mais je m'en souviendrai tout à l'heure. – Là même, misérable Posthumus, je veux te tuer. – Je voudrais que cet habit fût déjà venu. Elle disait un jour (l'amertume de ces paroles me soulève le coeur) qu'elle faisait plus de cas de l'habit de Posthumus que de ma noble personne, ornée de toutes mes qualités. Je veux, revêtu de cet habit, abuser d'elle; et d'abord le tuer, lui, sous les yeux de sa belle: elle verra alors ma valeur, et après ces mépris ce sera pour elle un tourment. Lui à terre, après ma harangue d'insulte finie sur son cadavre, lorsque ma passion sera rassasiée, ce que je veux, comme je le dis, accomplir pour la vexer, dans les mêmes habits dont elle faisait tant de cas, alors je la fais revenir à la cour et la fais marcher à pied devant moi. Elle s'égayait à me mépriser, je m'égayerai aussi moi à me venger. (Pisanio revient avec l'habit.) Sont-ce là ces habits?

PISANIO. – Oui, mon noble seigneur.

CLOTEN. – Combien y a-t-il qu'elle est partie pour le havre de Milford?

PISANIO. – A peine peut-elle y être arrivée à présent.

CLOTEN. – Porte ces vêtements dans ma chambre; c'est la seconde chose que je t'ai commandée. La troisième est que tu deviennes volontairement muet sur mes desseins. Songe à m'obéir, et la fortune viendra d'elle-même s'offrir à toi. – C'est à Milford qu'est maintenant ma vengeance! Que n'ai-je des ailes pour l'y atteindre. – Va, sois-moi fidèle.

(Il sort revêtu de l'habit de Posthumus.)

PISANIO. – Tu me commandes ma perte; car t'être fidèle, c'est devenir ce que je ne serai jamais, traître à l'homme le plus fidèle. – Va, cours à Milford, pour n'y pas trouver celle que tu poursuis. – Ciel! verse, verse sur elle tes bénédictions! Que les obstacles traversent l'empressement de cet insensé, et qu'un vain labeur soit son salaire!

 
(Pisanio sort.)

SCÈNE VI

Devant la caverne de Bélarius
Entre IMOGÈNE en habit d'homme

IMOGÈNE. – Je vois que la vie d'un homme est pénible; je me suis fatiguée, et ces deux nuits la terre m'a servi de lit. Je serais malade si ma résolution ne me soutenait. O Milford! lorsque du sommet de la montagne Pisanio te montrait à moi, tu étais à la portée de ma vue! ô Jupiter! je crois que les murs fuient devant les malheureux; ceux du moins, où ils trouveraient des secours. Deux mendiants m'ont dit que je ne pouvais pas me tromper de chemin. Les pauvres gens, accablés de misère, peuvent-ils mentir sachant que leurs maux sont un châtiment ou une épreuve? Oui, il n'y aurait rien d'étonnant, puisque les riches mêmes disent à peine la vérité. Tromper dans l'abondance est un plus grand crime que de mentir pressé par la misère; et la fausseté chez les rois est bien plus criminelle que chez les mendiants. Mon cher seigneur, et toi aussi tu es du nombre des hommes perfides!.. Maintenant que je songe à toi, ma faim est passée; il y a un moment, j'étais prête à défaillir d'épuisement. Mais que vois-je? – Un sentier mène à cette caverne! – C'est quelque repaire sauvage. – Je ferais mieux de ne pas appeler. Je n'ose appeler. – Pourtant la faim, tant qu'elle n'a pas triomphé de la nature, rend intrépide. La paix et l'abondance engendrent les lâches; la nécessité fut toujours la mère de l'audace. Holà, qui est ici? S'il y a quelque être civilisé, parlez; si vous êtes sauvages, prenez ou rendez-moi la vie. Holà?.. Nulle réponse. – Alors, je vais entrer. Il vaut mieux tirer mon épée; si mon ennemi craint le fer autant que moi, à peine osera-t-il l'envisager. Accorde-moi pareil ennemi, ciel propice!

(Elle entre dans la caverne.)

BÉLARIUS, revenant de la chasse. – C'est toi, Polydore, qui as été le meilleur chasseur, et tu es le roi de la fête. Cadwal et moi nous serons ton cuisinier et ton domestique, c'est ce qui est convenu. L'industrie cesserait bientôt de prodiguer ses sueurs et périrait sans le salaire pour lequel elle travaille. Entrons; notre appétit donnera de la saveur à ces aliments grossiers. La lassitude dort profondément sur les cailloux, tandis que la mollesse inquiète trouve dur un oreiller de duvet. Que la paix habite ici, pauvre logis qui te gardes toi-même!

GUIDÉRIUS. – Je suis excédé de lassitude.

ARVIRAGUS. – Je suis affaibli par la fatigue, mais l'appétit est vigoureux.

GUIDÉRIUS. – Il nous reste dans la caverne de la viande froide; nous nous en repaîtrons en attendant que notre chasse soit cuite.

BÉLARIUS, regardant dans la caverne. – Arrêtez, n'entrez pas… Si je ne le voyais pas manger nos provisions, je croirais que c'est une fée.

GUIDÉRIUS. – Qu'y a-t-il donc, seigneur?

BÉLARIUS. – Par Jupiter, un ange! ou si ce n'est pas un ange, c'est le modèle des beautés de la terre! Voyez la divinité, sous les traits d'un jeune adolescent.

(Imogène s'avance à l'entrée de la caverne.)

IMOGÈNE, suppliante. – Bons chasseurs, ne me faites point de mal. Avant d'entrer ici, j'ai appelé, et mon intention était de demander ou d'acheter ce que j'ai pris. En vérité, je n'ai rien dérobé, et je n'aurais rien pris, quand j'aurais l'or semé par terre. Voilà de l'argent pour ce que j'ai mangé: j'aurais laissé cet argent sur la table, aussitôt que j'aurais eu fini mon repas, et je serais parti en priant le ciel pour l'hôte qui m'avait nourri.

GUIDÉRIUS. – De l'argent, jeune homme?

ARVIRAGUS. – Que tout l'argent et l'or deviennent de la fange: il ne vaut pas mieux, excepté pour ceux qui adorent des dieux de fange.

IMOGÈNE. – Je le vois, vous êtes fâché. Apprenez que si vous me tuez pour ma faute, je serais mort si je ne l'avais pas commise.

BÉLARIUS. – Où allez-vous?

IMOGÈNE. – Au havre de Milford.

BÉLARIUS. – Quel est votre nom?

IMOGÈNE. – Fidèle, seigneur. – J'ai un parent qui part pour l'Italie: il s'embarque à Milford: j'allais le rejoindre lorsque, épuisé par la faim, je suis tombé dans cette faute.

BÉLARIUS. – Je te prie, beau jeune homme, ne nous crois pas des rustres, et ne juge pas de la bonté de nos âmes sur l'aspect de l'antre où nous vivons. La rencontre est heureuse. Il est presque nuit; tu feras meilleure chère avant ton départ, et nous te remercierons d'être resté pour la partager. – Mes enfants, souhaitez-lui la bienvenue.

GUIDÉRIUS. – Jeune homme, si tu étais une femme, je te ferais la cour sans relâche, jusqu'à ce que je fusse ton époux. Franchement, je dis ce que je ferais.

ARVIRAGUS. – Moi, je suis satisfait de ce qu'il est un homme. Je l'aimerai comme un frère, et, l'accueil que je ferais à mon frère après une longue absence, tu le recevras de moi. Sois le bienvenu. Sois joyeux; car tu rencontres ici des amis.

IMOGÈNE, à part. – Des amis! Ah! si c'étaient mes frères! que le ciel n'a-t-il permis qu'ils fussent les enfants de mon père! alors le prix de ma personne eût été moins grand, et par là plus en rapport avec toi, Posthumus.

BÉLARIUS. – Il souffre de quelque chagrin.

GUIDÉRIUS. – Que je voudrais l'en affranchir!

ARVIRAGUS. – Et moi aussi, quel qu'il fût, et quoi qu'il m'en coûtât de peines et de dangers! Dieux!

BÉLARIUS. – Écoutez-moi, mes enfants.

(Il leur parle à l'oreille et s'éloigne d'eux.)

IMOGÈNE. – Des grands de la cour qui n'auraient pour palais que cette étroite caverne, qui se serviraient eux-mêmes, et qui, renonçant à ces frivoles tributs de l'inconstante multitude, posséderaient la vertu que leur assurerait leur propre conscience, ne pourraient surpasser ces deux jeunes gens. Pardonnez, grands dieux! mais je voudrais changer de sexe, pour vivre ici avec eux, puisque Posthumus est perfide.

BÉLARIUS. – Il en sera ainsi. – Allons apprêter notre gibier. – (Il se rapproche avec eux d'Imogène.) Beau jeune homme, entrons. La conversation fatigue lorsqu'on est à jeun: après le souper, nous te demanderons poliment ton histoire, et tu nous en diras ce qu'il te plaira.

GUIDÉRIUS. – Je te prie, entre avec nous.

ARVIRAGUS. – La nuit est moins bienvenue pour le hibou, et le matin pour l'alouette.

IMOGÈNE. – Je vous rends grâces.

ARVIRAGUS. – Je t'en prie, approche.

(Tous trois entrent dans la caverne.)

SCÈNE VII

Rome
Entrent DEUX SÉNATEURS et des TRIBUNS

PREMIER SÉNATEUR. – Voici la teneur des ordres de l'empereur: Puisque les soldats ordinaires sont maintenant occupés contre les Pannoniens et les Dalmates, et que les légions des Gaules sont trop faibles pour entreprendre la guerre contre les Bretons rebelles, nous devons exciter la noblesse à y prendre part. Il crée Lucius proconsul, et il vous donne à vous, tribuns, ses pleins pouvoirs pour faire cette levée. -Vive César!

LES TRIBUNS. – Lucius est-il général de l'armée?

SECOND SÉNATEUR. – Oui, tribuns. Il est pour le moment en Gaule.

PREMIER SÉNATEUR. – Avec les légions dont je vous parlais et que vos recrues doivent renforcer. Votre commission vous marque le nombre d'hommes et le moment de leur départ.

LES TRIBUNS. – Nous ferons notre devoir.

(Ils sortent.)
FIN DU TROISIÈME ACTE

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I

Forêt près de la caverne
Entre CLOTEN

CLOTEN. – Me voici tout près des lieux où ils doivent se rejoindre, si Pisanio m'en a donné la carte fidèle. Que ses habits me vont bien! Pourquoi sa maîtresse ne m'irait-elle pas aussi bien, elle fut faite par celui qui a fait le tailleur (révérence parler), et d'autant plus que la femme, dit-on, va bien ou mal par caprice. Il faut que sous ce déguisement j'en fasse l'épreuve. – J'ose me l'avouer tout haut à moi-même (car il n'y a pas de vanité à parler à son miroir, seul dans sa chambre), mon corps est aussi bien dessiné que celui de ce Posthumus: je suis aussi jeune, plus robuste; je ne lui cède point en fortune; j'ai l'avantage sur lui par les circonstances; je le surpasse en naissance; je le vaux bien dans les occasions générales, et je me montre mieux que lui dans les combats particuliers; cependant cette petite entêtée l'aime au mépris de moi!

Ce que c'est que la vie de l'homme! Posthumus, ta tête, qui maintenant s'élève sur tes épaules, dans une heure sera abattue; ta maîtresse violée et tes habits déchirés en pièces sous tes yeux; et, tout cela fait, je la traîne à son père; il pourra d'abord m'en vouloir un peu d'avoir traité si rudement sa fille; mais ma mère régente son humeur; elle saura bien tourner le tout à mon éloge. – Mon cheval est bien attaché. – Allons, sors mon épée et dans un but sanguinaire. Fortune, amène-les sous ma main. – Oui, je reconnais ici la description que Pisanio m'a faite du lieu de leur rendez-vous, et ce misérable n'oserait me tromper.

(Il sort.)

SCÈNE II

A l'entrée de la caverne
BÉLARIUS, GUIDÉRIUS, ARVIRAGUS et IMOGÈNE
sortent de la caverne

BÉLARIUS, à Imogène. – Tu n'es pas bien, demeure ici, dans la caverne; après notre chasse nous viendrons te retrouver.

ARVIRAGUS. – Reste ici, mon frère; ne sommes-nous pas frères?

IMOGÈNE. – L'homme et l'homme devraient l'être; cependant nous voyons que l'argile et l'argile diffèrent en dignité, quoique leur poussière soit la même. – Je suis bien malade.

GUIDÉRIUS. – Allez à la chasse, moi, je veux rester avec lui.

IMOGÈNE. – Je ne suis pas si malade, quoique je ne me sente pas bien; mais je ne suis pas de ces citadins efféminés qui paraissent morts avant même d'être malades. Je vous prie, laissez-moi, allez à vos affaires de tous les jours: interrompre ses habitudes, c'est interrompre tout. Je suis malade, mais votre présence ne me guérirait pas. La société n'est pas une consolation pour ceux qui ne sont pas sociables. Je ne suis pas très-malade, puisque je peux encore en raisonner. Je vous prie, laissez-moi seul ici, je ne priverai de moi que moi-même, et laissez-moi mourir puisqu'on y perdra si peu de chose.

GUIDÉRIUS, à Imogène. – Je t'aime, je te l'ai dit, et le poids et l'étendue de mon amour égalent celui dont j'aime mon père.

BÉLARIUS. – Comment? que dis-tu?

ARVIRAGUS. – Si c'est un péché de le dire, seigneur, je prends sur moi la moitié de la faute de mon bon frère. – Je ne sais pourquoi j'aime ce jeune homme; mais je vous ai ouï dire que la raison n'entrait pour rien dans les raisons de l'amour. Le cercueil serait à la porte, et on me demanderait qui doit mourir, je dirais: Mon père, plutôt que ce jeune homme!

BÉLARIUS, à part. – O noble élan! ô dignité naturelle! inspiration de grandeur! Les lâches sont pères de lâches, et les êtres vulgaires n'engendrent que des fils vulgaires; la nature a de la farine et du son, de la grâce et du rebut; je ne suis point leur père; mais qui est donc celui qu'ils aiment ainsi plus que moi par une espèce de prodige? – Il est neuf heures du matin.

ARVIRAGUS. – Mon frère, adieu.

IMOGÈNE. – Je vous souhaite bonne chasse.

ARVIRAGUS. – Et moi une bonne santé. (A Bélarius.) Allons, seigneur.

IMOGÈNE, à part. – Ce sont là de bonnes créatures! Dieux, que de mensonges j'ai entendus! Nos courtisans disaient que hors de la cour tout était sauvage. Expérience, comme tu démens leurs rapports! La mer, dans son empire, engendre des monstres, et, pour la table, une pauvre rivière tributaire fournit des poissons aussi exquis. Je souffre toujours, je souffre au coeur. – Pisanio, je veux essayer de ta drogue.

BÉLARIUS. – Je n'osais pas le presser; il m'a dit qu'il était bien né, mais tombé dans l'infortune; qu'il était persécuté malhonnêtement, mais honnête.

GUIDÉRIUS. – Il m'a répondu de même, mais il m'a dit que dans la suite je pourrais en apprendre davantage.

BÉLARIUS. – Allons, à la plaine, à la plaine. (A Imogène.) – Nous allons te quitter pour ce moment; rentre et repose-toi.

ARVIRAGUS. – Nous ne serons pas longtemps dehors.

BÉLARIUS. – De grâce, ne sois pas malade, car il faut que tu sois l'économe de notre ménage.

IMOGÈNE. – Malade ou bien portant, je vous reste attaché.

(Imogène rentre dans la caverne.)

BÉLARIUS. – Et tu le seras toujours. – Ce jeune homme, quoique dans le malheur, paraît issu de nobles ancêtres.

 

ARVIRAGUS. – Comme sa voix est angélique!

GUIDÉRIUS. – Et comme il fait bien la cuisine! Il a élégamment découpé nos racines et assaisonné nos bouillons comme si Junon malade avait réclamé ses soins.

ARVIRAGUS. – Avec quelle noblesse le sourire se mêle à ses soupirs! Comme si le soupir n'était ce qu'il est que par le regret de n'être pas sourire; comme si le sourire raillait le soupir de s'éloigner d'un temple aussi divin pour se mêler aux vents qui sont maudits des matelots.

GUIDÉRIUS. – Je remarque que la douleur et la patience, enracinées en lui, entrelacent leurs racines.

ARVIRAGUS. – Patience, deviens la plus forte, et que la douleur, ce sureau infect, cesse d'enlacer sa racine mourante à celle de la vigne prospère.

BÉLARIUS. – Il est grand jour, allons, partons. – Qui va là?

(Entre Cloten.)

CLOTEN. – Je ne puis découvrir ces fuyards; ce misérable m'a joué. – Je succombe.

BÉLARIUS. – Ces fuyards? Est-ce de nous qu'il parle? Je le reconnais à demi. Oui, c'est Cloten, c'est le fils de la reine. Je crains quelque embûche; je ne l'ai pas revu depuis tant d'années, et pourtant je suis certain que c'est lui: on nous tient pour proscrits, éloignons-nous.

GUIDÉRIUS. – Il est tout seul; vous et mon frère, cherchez à découvrir si quelqu'un l'accompagne; de grâce, allez, et laissez-moi seul avec lui.

(Bélarius et Arviragus sortent.)

CLOTEN. – Arrêtez. Qui êtes-vous, vous qui fuyez? Sans doute quelques vils montagnards: j'ai ouï parler de ces gens-là. (A Guidérius.) – Qui es-tu, esclave?

GUIDÉRIUS. – Je n'ai jamais fait d'acte plus servile que celui de répondre au nom d'esclave sans t'assommer.

CLOTEN. – Tu es un brigand, un infracteur des lois, un misérable… Rends-toi, voleur.

GUIDÉRIUS. – A qui? à toi? Qui es-tu? N'ai-je pas un bras aussi robuste que le tien, – un coeur aussi fier? Ton langage, je l'avoue, est plus arrogant; moi, je ne porte point mon poignard dans ma langue. Parle, qui es-tu donc pour que je doive te céder?

CLOTEN. – Vil insolent, ne me reconnais-tu pas à mes habits?

GUIDÉRIUS. – Non, coquin, ni ton tailleur, qui fut ton grand-père, car il a fait ces habits qui te font ce que tu es, à ce qu'il me semble.

CLOTEN. – Adroit varlet, ce n'est pas mon tailleur qui les a faits.

GUIDÉRIUS. – Va donc remercier l'homme qui t'en a fait don. – Tu m'as l'air de quelque fou; il me répugne de te battre.

CLOTEN. – Insolent voleur, apprends mon nom et tremble.

GUIDÉRIUS. – Quel est ton nom?

CLOTEN. – Cloten, coquin!

GUIDÉRIUS. – Eh bien! que Cloten soit ton nom, double coquin, il ne peut me faire trembler; je serais plus ému si tu étais un crapaud, une vipère ou une araignée.

CLOTEN. – Pour te confondre de terreur et de honte, apprends que je suis le fils de la reine.

GUIDÉRIUS. – J'en suis fâché; tu ne parais pas digne de ta naissance.

CLOTEN. – Tu n'as pas peur?

GUIDÉRIUS. – Je ne crains que ceux que je respecte, les sages; je me ris des fous, je ne les crains pas.

CLOTEN. – Meurs donc… Quand je t'aurai tué de ma propre main, j'irai poursuivre ceux qui viennent de fuir devant moi, et je planterai vos têtes sur les portes de la cité de Lud. Rends-toi, grossier montagnard.

(Ils s'éloignent en combattant.)
(Bélarius et Arviragus rentrent.)

BÉLARIUS. – Il n'y a personne dans la campagne.

ARVIRAGUS. – Personne au monde; vous vous serez mépris, sûrement.

BÉLARIUS. – Je ne sais; il y a bien des années que je ne l'ai vu, mais le temps n'a rien effacé des traits que son visage avait jadis; les saccades de sa voix et la précipitation de ses paroles… – Je suis certain que c'était Cloten.

ARVIRAGUS. – Nous les avions laissés ici; je souhaite que mon frère vienne à bout de lui; vous dites qu'il est si féroce.

BÉLARIUS. – Je veux dire qu'à peine devenu un homme fait il ne craignait pas des dangers menaçants; car souvent les effets du jugement sont la cause de la peur. Mais voilà ton frère.

(Guidérius paraît de loin tenant la tête de Cloten.)

GUIDÉRIUS. – Ce Cloten était un imbécile, une bourse vide; il n'y avait point d'argent dedans; Hercule lui-même n'aurait pu lui faire sauter la cervelle, il n'en avait point. Et cependant, si j'en avais moins fait, cet imbécile eût porté ma tête comme je porte la sienne.

BÉLARIUS. – Qu'as-tu fait?

GUIDÉRIUS. – Je le sais à merveille, ce que j'ai fait. J'ai coupé la tête à un Cloten, qui se disait fils de la reine, qui m'appelait traître, montagnard, et qui jurait que de sa main il nous saisirait tous et ferait sauter nos têtes de la place où, grâce aux dieux, elles sont encore, pour les planter sur les murs de la cité de Lud.

BÉLARIUS. – Nous sommes tous perdus!

GUIDÉRIUS. – Eh! mais, mon père, qu'avons-nous donc à perdre que ce qu'il jurait de nous ôter, la vie? La loi ne nous protége pas; pourquoi donc aurions-nous la faiblesse de souffrir qu'un insolent morceau de chair nous menace d'être à la fois juge et bourreau, et d'exécuter lui seul tout ce que nous pourrions craindre des lois? – Mais quelle suite avez-vous découvert dans les bois?

BÉLARIUS. – Nous n'avons pas pu apercevoir une âme; mais, en saine raison, il est impossible qu'il n'ait pas quelque escorte. Quoique son caractère ne fût que changement continuel, et toujours du mauvais au pire, cependant la folie, la déraison la plus complète eût pu seule l'amener ici sans suite. Il se pourrait qu'on eût dit à la cour que les hommes qui habitaient ici dans une caverne, et vivaient ici de leur chasse, étaient des proscrits qui pourraient un jour former un parti redoutable; lui, à ce récit, aura pu éclater, car c'est là son caractère, et jurer qu'il viendrait nous chercher. Mais pourtant il n'est pas probable qu'il y soit venu seul, qu'il ait osé l'entreprendre, et qu'on l'ait souffert. Nous avons donc de bonnes raisons de craindre que ce corps n'ait une queue plus dangereuse que sa tête.

ARVIRAGUS. – Que l'événement arrive tel que le prévoient les dieux; quel qu'il soit, mon frère a bien fait.

BÉLARIUS. – Je n'avais pas envie de chasser aujourd'hui, la maladie du jeune Fidèle m'a fait trouver le chemin bien long.

GUIDÉRIUS. – Avec sa propre épée, qu'il brandissait autour de ma gorge, je lui ai enlevé la tête; je vais la jeter dans l'anse qui est derrière notre rocher; qu'elle aille à la mer dire aux poissons qu'elle appartient à Cloten, le fils de la reine. C'est là tout le cas que j'en fais.

(Il sort.)

BÉLARIUS. – Je crains que sa mort ne soit vengée. Polydore, je voudrais que tu n'eusses pas fait ce coup, quoique la valeur t'aille à merveille.

ARVIRAGUS. – Moi, je voudrais l'avoir fait, dût la vengeance tomber sur moi seul! – Polydore, je t'aime en frère, mais je suis jaloux de cet exploit: tu me l'as volé. Je voudrais que toute la vengeance à laquelle la force humaine peut résister fondit sur nous et nous mit à l'épreuve.

BÉLARIUS. – Allons, c'est une chose faite. – Nous ne chasserons plus aujourd'hui: ne cherchons point des dangers là où il n'y a pas de profit. (A Arviragus.) – Je te prie, retourne à notre rocher; Fidèle et toi, vous serez les cuisiniers; moi je vais rester ici et attendre que cet impétueux Polydore revienne, et je l'amène à l'instant pour dîner.

ARVIRAGUS. – Pauvre Fidèle, que nous avons laissé malade, je vais le retrouver avec plaisir! Pour lui rendre ses couleurs, je verserais le sang d'une paroisse de Clotens, et croirais mériter des éloges comme pour un acte de charité.

(Il sort.)

BÉLARIUS. – O déesse, divine nature, comme tu te manifestes dans ces deux fils de roi! Ils sont doux comme les zéphyrs, lorsqu'ils murmurent sous la violette sans même agiter sa tête flexible; mais quand leur sang royal s'allume, ils deviennent aussi fougueux que le plus impétueux des vents, qui saisit par la cime le pin de la montagne et le courbe jusqu'au fond du vallon. C'est un prodige qu'un instinct secret les forme ainsi sans leçons à la royauté, à l'honneur, dont ils n'ont point reçu de préceptes, à la politesse, dont ils n'ont point vu d'exemple, à la valeur, qui croît en eux comme une plante sauvage, et qui a déjà produit une aussi riche moisson que si on l'avait semée. Cependant, je voudrais bien savoir ce que nous présage la présence de Cloten ici, et ce que nous amènera sa mort. (Guidérius rentre.)

GUIDÉRIUS. – Où est mon frère? Je viens de plonger dans le torrent cette lourde tête de Cloten, et de l'envoyer en ambassade à sa mère, comme otage, en attendant le retour de son corps.

(Musique solennelle.)

BÉLARIUS. – Qu'entends-je! mon instrument! Écoutons, Polydore! il résonne… Mais à quelle occasion Cadwal… Écoutons.

GUIDÉRIUS. – Mon frère est-il au logis?

BÉLARIUS. – Il vient de s'y rendre.

GUIDÉRIUS. – Que veut-il dire? Depuis la mort de ma mère bien-aimée, cet instrument n'a pas parlé… Pour ces sons solennels, il faudrait un événement solennel… De quoi s'agit-il? des airs de triomphes pour des riens, et des lamentations pour des caprices! C'est la joie des singes et le chagrin des enfants. Cadwal est-il fou?

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