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SCÈNE III

ARVIRAGUS entre soutenant dans ses bras IMOGÈNE qu'il croit morte

BÉLARIUS. – Regarde, le voilà qui vient! et dans ses bras il porte le triste objet de ces accents que nous blâmions tout à l'heure.

ARVIRAGUS. – Il est mort l'oiseau dont nous faisions tant de cas! J'aurais mieux aimé, passant d'un saut de seize ans à soixante, avoir changé mon temps de bondir contre une béquille, que de voir cela.

GUIDÉRIUS. – O le plus beau, le plus doux des lis! penché sur les bras de mon frère, tu n'as pas la moitié des grâces que tu avais, lorsque tu te soutenais toi-même.

BÉLARIUS. – O mélancolie! qui a jamais pu sonder ton abîme? qui a jamais pu jeter la sonde pour trouver la côte où ta barque pesante pourrait aborder? Objet bien-aimé! Jupiter sait quel homme tu aurais pu devenir; mais moi je sais que tu étais un enfant rare, et que tu es mort de mélancolie. – En quel état l'as-tu trouvé?

ARVIRAGUS. – Roide, comme vous le voyez; ce sourire sur les lèvres, comme s'il eût senti en riant non le trait de la mort, mais la piqûre d'un insecte qui chatouillait son sommeil; sa joue droite reposait sur un coussin.

GUIDÉRIUS. – En quel endroit?

ARVIRAGUS. – Par terre, ses bras ainsi entrelacés. J'ai cru qu'il dormait, et j'ai quitté mes souliers ferrés qui retentissaient trop sous mes pas.

GUIDÉRIUS. – En effet, sa mort n'est qu'un sommeil, et sa tombe sera un lit. Les fées viendront la visiter souvent, et jamais les vers n'oseront l'approcher.

ARVIRAGUS. – Tant que l'été durera, tant que je vivrai dans ces lieux, Fidèle, je parerai ton triste tombeau des plus belles fleurs. Jamais tu ne manqueras de primevères, elles ont la douce pâleur de ton visage; ni de la jacinthe, azurée comme tes veines; ni de la feuille de l'églantine, dont le parfum, sans lui faire tort, n'était pas plus doux que ton haleine; le rouge-gorge lui-même, dont le bec charitable fait affront à ces riches héritiers qui laissent leurs pères gisant sans monument, viendrait t'apporter ces fleurs, et lorsqu'il n'y a plus de fleurs, il protégerait tes restes contre le froid par un vêtement de mousse.

GUIDÉRIUS. – Cesse, mon frère, je te prie: et ne joue pas avec ce langage efféminé sur un sujet aussi sérieux. Ensevelissons-le, et ne différons plus, par admiration, d'acquitter une dette légitime. – Allons au tombeau.

ARVIRAGUS. – Dis-moi, où le placerons-nous?

GUIDÉRIUS. – A côté de notre bonne mère Euriphile.

ARVIRAGUS. – Oui, Polydore; et nous, quoique nos voix aient acquis un accent plus mâle, nous chanterons, en le conduisant à la terre, comme pour notre mère: répétons le même air, les mêmes paroles, et ne changeons que le nom d'Euriphile en celui de Fidèle.

GUIDÉRIUS. – Cadwal, je ne puis chanter; je pleurerai, et je répéterai les paroles avec toi; car des chants de douleur, qui ne sont pas d'accord, sont pires que des temples et des prêtres imposteurs.

ARVIRAGUS. – Eh bien! nous ne ferons que les réciter.

BÉLARIUS. – Les grandes douleurs, je le vois, guérissent les petites. Voilà Cloten entièrement oublié. Mes enfants, il était le fils d'une reine, et s'il est venu en ennemi, souvenez-vous qu'il en a été puni. Quoique le faible et le puissant pourrissent ensemble, et ne rendent que la même poussière, cependant le respect, cet ange du monde, établit une distance entre les grands et les petits. Notre ennemi était un prince. Comme ennemi vous lui avez ôté la vie; mais vous devez l'ensevelir comme il convient à un prince.

GUIDÉRIUS, à Bélarius. – Je vous prie, allez chercher son corps. Le corps de Thersite vaut celui d'Ajax, lorsque ni l'un ni l'autre ne sont en vie.

ARVIRAGUS, à Bélarius. – Si vous voulez l'aller chercher, pendant ce temps-là nous réciterons notre hymne. Mon frère, commence. (Bélarius sort.)

GUIDÉRIUS. – Cadwal, il faut que nous placions sa tête vers l'orient: mon père a des raisons pour cela.

ARVIRAGUS. – Il est vrai.

GUIDÉRIUS. – Allons, viens, emportons-le.

ARVIRAGUS. – A présent, commence.

CHANT FUNÈBRE
GUIDÉRIUS
 
Ne crains plus les ardeurs du soleil,
Ni les outrages de l'hiver furieux;
Tu as fini ta tâche dans la vie;
Tu as reçu ton salaire et regagné ta demeure.
Les jeunes garçons et les jeunes filles vêtues d'or
Doivent devenir poussière comme les ramoneurs.
 
ARVIRAGUS
 
Ne crains plus le courroux des grands;
Tu es au delà de la portée du trait des tyrans.
Ne t'inquiète plus de manger ni de te vêtir.
Pour toi, le roseau est égal au chêne,
Et le sceptre, et la science, et la médecine,
Tout doit suivre et rentrer dans la poussière.
 
GUIDÉRIUS
 
Ne crains plus l'éblouissant éclair,
 
ARVIRAGUS
 
Ni le trait de la foudre redoutée.
 
GUIDÉRIUS
 
Ne crains plus la calomnie et la censure téméraire.
 
ARVIRAGUS
 
La joie et les larmes sont finies pour toi.
 
TOUS DEUX ENSEMBLE
 
Tous les jeunes amants, oui, tous les amants
Subiront la même destinée que toi, et rentreront dans la poussière.
 
GUIDÉRIUS
 
Que nul enchanteur ne te fasse de mal.
 
ARVIRAGUS
 
Que nul maléfice ne t'approche dans ton asile.
 
GUIDÉRIUS
 
Que les fantômes non ensevelis te respectent.
 
ARVIRAGUS
 
Que rien de funeste n'approche de toi.
 
TOUS LES DEUX
 
Goûte un paisible repos,
Et que ta tombe soit renommée.
 
(Bélarius revient, chargé du corps de Cloten.)

GUIDÉRIUS. – Nous avons fini les obsèques de Fidèle: venez, déposez-le.

BÉLARIUS. – Voici quelques fleurs: vers minuit nous en apporterons davantage; les herbes que baigne la froide rosée de la nuit sont plus propres à joncher les tombeaux. – Jetez ces fleurs sur leurs visages. – Vous étiez comme ces fleurs, vous qui êtes maintenant flétris: elles vont se faner comme vous, ces fleurs que nous jetons sur vous. Venez, allons-nous-en; mettons-nous à genoux à l'écart. – La terre qui les donna les a repris. Leurs plaisirs sont passés, et leurs peines aussi.

(Bélarius, Guidérius et Arviragus sortent.)

IMOGÈNE, se réveillant. – Oui, mon ami, je vais au havre de Milford; quel est le chemin? – Je vous remercie. – Par ce détour là-bas? – Je vous prie, y a-t-il loin encore? – Quoi! encore six milles! Que Dieu ait pitié de moi! – J'ai marché toute la nuit. – Allons, je vais me reposer ici et dormir. Mais doucement, point de compagnon de lit… (Elle voit le corps de Cloten.) Dieux et déesses! ces fleurs sont comme les plaisirs du monde; ce cadavre sanglant est le souci qu'ils cachent. J'espère que je rêve. Oui, dans mon sommeil, je m'imaginais être la gardienne d'une caverne, pour faire la cuisine à d'honnêtes créatures. Mais il n'en est rien; ce n'était qu'une ombre, une vaine image formée des vapeurs du cerveau. Nos yeux quelquefois sont, comme notre jugement, bien aveugles! – En vérité, je tremble toujours de peur; ah! s'il reste encore dans le ciel une goutte de pitié aussi petite que la prunelle d'un roitelet, redoutables dieux, une petite part pour moi! – Le songe est encore là; même à présent que je me réveille, il est autour de moi et comme en moi. – Mais je n'imagine point, je sens. Un homme sans tête! les habits de Posthumus! Je reconnais la forme de sa jambe; c'est sa main, son pied de Mercure, ses jarrets de Mars, ses muscles d'Hercule. Mais où est son visage de Jupiter? – Un meurtre dans le ciel! – Quoi! c'en est donc fait! – Pisanio, que toutes les malédictions dont Hécube en délire chargea les Grecs, et les miennes par-dessus le marché, fondent sur ta tête! C'est toi, oui, c'est toi, qui, avec Cloten, ce démon effréné, as égorgé ici mon époux! – Qu'écrire et lire soient désormais une trahison! Le maudit Pisanio avec ses lettres supposées, – le maudit Pisanio, – il a abattu le haut du grand mât de ce vaisseau le plus noble du monde! O Posthumus! Hélas! où est ta tête? où est-elle? Hélas! qu'est-ce donc? Pisanio pouvait aussi bien te percer le coeur et te laisser la tête. Mais, Pisanio, comment as-tu pu?.. – Ah! c'est lui avec Cloten. La scélératesse et la cupidité ont commis ce forfait… Oh! le crime est évident, évident! Ce breuvage qu'il me donna, en me le vantant comme un cordial salutaire, n'ai-je pas éprouvé qu'il est meurtrier pour les sens? Cela confirme mes soupçons; oui, c'est l'oeuvre de Pisanio et de Cloten. Oh! laisse, laisse-moi rougir dans ton sang mon pâle visage, afin que nous paraissions plus affreux à ceux qui pourront nous trouver. O mon seigneur, mon seigneur!

(Elle retombe évanouie à côté du corps.)
(Lucius s'avance, entouré d'officiers romains, un devin l'accompagne.)

UN CAPITAINE. – Oui, les légions cantonnées dans les Gaules ont sur tes ordres passé la mer; elles t'attendent ici avec tes vaisseaux au havre de Milford; elles sont ici prêtes à agir.

LUCIUS. – Mais que mande-t-on de Rome?

L'OFFICIER. – Que le sénat a enrôlé la noblesse d'Italie et des frontières, volontaires courageux qui promettent de généreux services; ils viennent sous la conduite du vaillant Iachimo, le frère du prince de Sienne.

 

LUCIUS. – Quand les attendez-vous?

L'OFFICIER. – Au premier vent favorable.

LUCIUS. – Cette ardeur nous promet de belles espérances; ordonnez la revue des forces que nous avons ici, et chargez les officiers d'y veiller. – Eh bien! seigneur, qu'avez-vous rêvé dernièrement sur l'entreprise de cette guerre?

LE DEVIN. – La nuit dernière, les dieux eux-mêmes m'ont envoyé une vision; j'avais jeûné et prié pour obtenir leurs lumières. J'ai vu l'oiseau de Jupiter, l'aigle romaine, volant de l'orageux midi vers cette partie de l'occident, se perdre dans les rayons du soleil; ce songe, si mes péchés ne troublent pas ma prescience, annonce le succès de l'armée romaine.

LUCIUS. – Ayez souvent de pareils songes, et qu'ils ne soient jamais trompeurs. – Arrêtez; ah! quel est ce tronc sans tête? Les ruines annoncent que l'édifice était beau naguère. Quoi! un page aussi, ou mort, ou assoupi sur ce corps! Mais il est mort plutôt, car la nature a horreur de partager la couche d'un défunt et de dormir près d'un mort. Voyons le visage de ce jeune homme.

L'OFFICIER, qui s'approche et le considère. – Il est vivant, seigneur.

LUCIUS. – Il va donc nous éclairer sur ce cadavre. – Jeune homme, instruis-nous de ton sort; il me semble qu'il est de nature à exciter la curiosité. Quel est ce corps dont tu fais ton oreiller sanglant? Qui est celui qui, autrement que ne le voulait la noble nature, a défiguré ce bel ouvrage? Quel intérêt as-tu dans ce triste désastre? Dis, comment est-il arrivé, – qui est-ce? Toi-même, qui es-tu?

IMOGÈNE. – Je ne suis rien, – ou du moins mieux vaudrait pour moi ne rien être… Celui-ci était mon maître, un digne et vaillant Breton, massacré ici par les montagnards. Hélas! il n'y a plus de pareils maîtres. Je puis errer de l'orient au couchant, implorer du service, essayer de plusieurs maîtres, les trouver bons, les servir fidèlement, et n'en retrouver jamais un pareil.

LUCIUS. – Hélas! bon jeune homme, tes plaintes m'émeuvent autant que la vue de ton maître tout sanglant. Dis-moi son nom, mon ami.

IMOGÈNE. – Richard du Champ. (A part.) Si je fais un mensonge, sans qu'il nuise à personne; j'espère que les dieux qui m'entendent me le pardonneront. (A Lucius.) Vous demandez, seigneur…

LUCIUS. – Ton nom!

IMOGÈNE. – Fidèle.

LUCIUS. – Tu prouves que tu mérites ce nom qui s'accorde bien avec ta fidélité, qui convient également à ton nom. Veux-tu courir ta chance auprès de moi? je ne te dis pas que tu retrouves un aussi bon maître, mais sois sûr de n'être pas moins chéri. Des lettres de l'empereur, qu'il m'enverrait par un consul, ne te recommanderaient pas mieux auprès de moi que ton propre mérite; viens avec moi.

IMOGÈNE. – Je vous suivrai, seigneur. Mais auparavant, si les dieux le permettent, je veux dérober mon maître aux mouches, et le cacher dans la terre aussi avant que pourront creuser ces faibles instruments. Laissez-moi couvrir son tombeau d'herbes et de feuilles sauvages, prononcer sur lui prières sur prières, comme je pourrai les dire… et les répéter deux fois; laissez-moi gémir et pleurer, et après avoir ainsi quitté son service, je vous suivrai, si vous daignez vous charger de moi.

LUCIUS. – Oui, bon jeune homme; et je serai plutôt ton père que ton maître. – Mes amis, cet enfant nous a enseigné les devoirs de l'homme. Cherchons ici le gazon le plus beau et le plus émaillé de marguerites que nous pourrons, et creusons un tombeau avec nos piques et nos pertuisanes; allons, soulevez-le dans vos bras. Jeune homme, c'est toi qui le recommandes à nos soins, il sera enterré comme des soldats le peuvent faire; console-toi, essuie tes pleurs. Il est des chutes qui nous servent à relever plus heureux.

(Ils sortent; Imogène les suit tristement.)

SCÈNE IV

Appartement dans le palais de Cymbeline
CYMBELINE, SEIGNEURS et PISANIO

CYMBELINE. – Retournez, et revenez m'informer de l'état de la reine. Une fièvre allumée par l'absence de son fils, un délire qui met sa vie en danger! Ciel, comme tu me frappes cruellement d'un seul coup! Imogène, ma plus grande consolation, est partie; la reine est dans son lit, dans un état désespéré, et cela au moment où des guerres redoutables me menacent! Son fils, qui me serait à présent si nécessaire, parti aussi! Tant de coups m'accablent, et me laissent sans espoir… (A Pisanio) Mais toi, misérable, qui dois être instruit de l'évasion de ma fille, et qui feins l'ignorance, nous t'arracherons ton secret par de cruelles tortures.

PISANIO. – Seigneur, ma vie est à vous, je l'abandonne humblement à votre bon plaisir: mais, pour ma maîtresse, je ne sais rien du lieu qu'elle habite, ni pourquoi elle est partie, ni quand elle se propose de revenir. Je conjure Votre Majesté de me tenir pour son loyal serviteur.

PREMIER SEIGNEUR. – Mon bon seigneur, le jour même qu'elle disparut, cet homme était ici: j'ose répondre qu'il dit vrai, et qu'il s'acquittera fidèlement de tous les devoirs de l'obéissance. Pour Cloten, on ne manque point d'activité dans sa recherche, et sans doute on parviendra à le découvrir.

CYMBELINE. – Le moment est difficile, je veux bien te laisser en paix pour un temps, mais mes soupçons subsistent.

PREMIER SEIGNEUR. – Sous le bon plaisir de Votre Majesté, les légions romaines, toutes tirées des Gaules, ont abordé sur vos côtes avec un renfort de nobles Romains envoyés par le sénat.

CYMBELINE. – Que j'aurais besoin maintenant des conseils de mon fils et de la reine! Je suis accablé par les affaires.

PREMIER SEIGNEUR. – Mon bon seigneur, les forces que vous avez sur pied sont en état de faire tête à toutes celles dont je vous parle: s'il en vient davantage, vous êtes prêt à leur résister; il ne reste plus qu'à mettre en mouvement toutes ces forces, qui brûlent du désir de marcher.

CYMBELINE. – Je vous remercie… Rentrons, et faisons face aux circonstances qui se présentent. Je ne crains point les coups de l'Italie; mais je déplore les malheurs arrivés ici. – Retirons-nous.

(Ils sortent.)

PISANIO, seul. – Point de lettre de mon maître depuis que je lui ai mandé qu'Imogène avait été immolée; c'est étrange: aucunes nouvelles de ma maîtresse qui m'avait promis de m'en donner souvent; je ne sais pas davantage ce qu'est devenu Cloten: une perplexité générale m'environne. Cependant le ciel agira. Là où je suis perfide, c'est par honnêteté; je suis fidèle en n'étant pas fidèle; la guerre présente fera voir aux yeux du roi même que j'aime mon pays, ou bien j'y périrai. Laissons au temps le soin d'éclaircir tous les autres doutes. La fortune conduit au port certains vaisseaux qui n'ont pas de pilote.

(Il sort.)

SCÈNE V

Devant la caverne
BÉLARIUS, GUIDÉRIUS et ARVIRAGUS paraissent

GUIDÉRIUS. – Le bruit retentit autour de nous.

BÉLARIUS. – Fuyons-le.

ARVIRAGUS. – Quel plaisir, seigneur, trouvons-nous dans la vie, pour l'enfermer loin de l'action et des aventures?

GUIDÉRIUS. – Oui, et d'ailleurs quel est notre espoir en nous cachant? Si nous prenons ce parti, les Romains doivent ou nous tuer comme Bretons, ou nous adopter d'abord comme d'ingrats et lâches déserteurs tout le temps qu'ils auront besoin de nous, et nous égorger après.

BÉLARIUS. – Mes fils, nous monterons plus haut sur les montagnes, et là nous serons en sûreté. Le parti du roi nous est interdit. La mort trop récente de Cloten, la nouveauté de nos visages inconnus qui n'auraient point paru dans la revue des troupes, pourraient nous obliger à rendre compte du lieu où nous avons vécu; on nous arracherait l'aveu de ce que nous avons fait, et on y répondrait par une mort prolongée par la torture.

GUIDÉRIUS. – Ce sont là des craintes, seigneur, qui, dans un temps comme celui-ci, ne sont pas dignes de vous, et qui ne nous satisfont pas.

ARVIRAGUS. – Est-il vraisemblable que les Bretons, lorsqu'ils entendront le hennissement des chevaux romains, qu'ils verront de si près les feux de leur camp, les yeux et les oreilles occupés de soins aussi importants, aillent perdre le temps à nous examiner, pour savoir d'où nous venons?

BÉLARIUS. – Oh! je suis connu de bien des gens dans l'armée. Tant d'années écoulées depuis que je n'avais vu Cloten, si jeune alors, n'ont pas, vous le voyez, effacé ses traits de ma mémoire. – Et d'ailleurs le roi n'a pas mérité mon service ni votre amour. Mon exil vous a privés d'éducation, vous a condamnés à cette vie dure sans nul espoir de jouir des douceurs promises par votre berceau, esclaves dévoués au hâle brûlant des étés, et à l'âpre froidure des hivers.

GUIDÉRIUS. – Plutôt cesser de vivre que de vivre ainsi: de grâce, seigneur, allons à l'armée: mon frère et moi, nous ne sommes pas connus. Et vous, qui maintenant êtes si loin de la pensée des hommes, et si changé par l'âge, il est impossible qu'on vous soupçonne.

ARVIRAGUS. – Par ce soleil qui brille, j'y vais. Quelle honte pour moi de n'avoir jamais vu d'homme mourir! A peine ai-je vu d'autre sang couler que celui des biches timides, ou des daims, ou des chèvres effrénées; jamais je n'ai monté de cheval, qu'un seul, qui n'avait point de fer sous ses pieds, et qui ne connut de cavalier que moi, sans aiguillon pour presser ses flancs. J'ai honte de regarder ce soleil auguste, et de jouir du bienfait de ses rayons en restant si longtemps un malheureux ignoré.

GUIDÉRIUS. – Par le ciel, j'y vais aussi. Seigneur, si vous voulez me bénir et me permettre de vous quitter, je prendrai plus de soin de ma vie; si vous n'y consentez pas, alors que l'épée des Romains fasse tomber sur ma tête le sort qui m'est dû!

ARVIRAGUS. – Je dis de même, amen!

BÉLARIUS. – Puisque vous faites si peu de cas de vos jours, moi, je n'ai point de raison de réserver pour d'autres soucis une vie déjà sur le déclin. Jeunes gens, préparez-vous. Si votre destinée est de mourir dans les guerres de votre patrie, mes enfants, mon lit y est aussi, et je m'étendrai là. Marchez devant, marchez devant: le temps me paraît long. (A part.) Leur sang indigné brûle de se répandre, et de montrer qu'ils sont nés princes.

(Ils sortent.)
FIN DU QUATRIÈME ACTE

ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I

Une grande plaine qui sépare le camp des Romains du camp des Bretons
POSTHUMUS entre, un mouchoir sanglant à la main

POSTHUMUS. – Oui, tissu sanglant, je te conserverai; car c'est moi qui ai souhaité de te voir teint de cette couleur. Vous, époux, si vous suiviez tous mon exemple, combien égorgeraient, pour une petite déviation du bon chemin, des femmes qui valent bien mieux qu'eux? Oh! Pisanio! un bon serviteur n'exécute pas tous les ordres de son maître: il n'est obligé d'obéir qu'à ceux qui sont justes. – Dieux! si vous m'aviez puni de mes fautes, je n'aurais pas vécu pour commander ce crime. Vous eussiez alors conservé la noble Imogène pour qu'elle pût se repentir, et vous m'auriez frappé, moi, malheureux, bien plus digne qu'elle de votre vengeance. Mais, hélas! il est des êtres que vous enlevez d'ici pour de légères faiblesses; c'est par amour et pour leur éviter de nouvelles chutes, tandis que vous permettez à d'autres d'entasser crime sur crime, toujours de plus en plus noirs, et vous les rendez ensuite odieux à eux-mêmes, pour le bien de leurs âmes. Mais Imogène est à vous. Accomplissez vos décrets, et accordez-moi le bonheur de m'y soumettre. – Je suis entraîné dans ce camp au milieu de la noblesse italienne, pour combattre contre le royaume de ma princesse. Bretagne, j'ai tué ta maîtresse, je ne te porterai pas d'autres coups. Écoutez donc avec patience, bons dieux, mon dessein. Je veux me dépouiller de ces habits italiens, et me vêtir comme un paysan anglais: c'est ainsi que je vais combattre contre le parti avec lequel je suis venu. Ainsi je veux mourir pour toi, Imogène, pour toi dont le souvenir, chaque fois que je respire, me rend la vie une mort: ainsi, inconnu, objet de pitié plutôt que de haine, j'affronterai les dangers en face. Je veux montrer aux hommes plus de valeur que mes habits n'en promettront. Dieux! rassemblez en moi toute la force des Léonati pour faire honte aux usages du monde, je veux être le premier à mettre à la mode plus de mérite à l'intérieur et moins à l'extérieur; je veux être le premier à être plus grand par mon courage que par mes vêtements.

 
(Il sort.)
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