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Vies des dames galantes

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Que dirons-nous maintenant d'aucuns marys qui ne se contentent de se donner du contentement et du plaisir paillard de leurs femmes, mais en donnent de l'appetit, soit à leurs compagnons et amis, soit à d'autres, ainsi j'en ai cogneu plusieurs qui leur louent leurs femmes, leur disent leurs beautez, leur figurent leurs membres et parties du corps, leur représentent leurs plaisirs qu'ils ont avec elles, et leurs follatreries dont elles usent envers eux, les leur font baiser, toucher, taster, voire voir nues? Que méritent-ils ceux-là, sinon qu'on les face cocus bien à point, ainsi que fit Gygès, par le moyen de sa bague, au roy Candaule, roy des Lydiens, lequel, sot qu'il estoit, lui ayant loüé la rare beauté de sa femme, comme si le silence luy faisoit tort et dommage, et puis la luy ayant monstrée toute nue, en devint si amoureux qu'il en joüit tout à son gré et le fit mourir, et s'impatronisa de son royaume. On dit que la femme en fut si désespérée pour avoir esté représentée ainsi, qu'elle força Gygès à ce mauvais tour, en lui disant: «Ou celuy qui t'a pressé et conseillé de telle chose, faut qu'il meure de ta main, ou toy, qui m'as regardée toute nue, que tu meures de la main d'un autre.» Certes, ce roy estoit bien de loisir de donner ainsi appetit d'une viande nouvelle, si belle et bonne, qu'il devoit tenir si chere.

– Louis, duc d'Orléans, tué à la porte Barbette15 à Paris, fit bien au contraire, grand desbaucheur des dames de la Cour, et tousjours des plus grandes, car, ayant avec luy couché une fort belle et grande dame, ainsi que son mary vint en sa chambre pour luy donner le bon-jour, il alla couvrir la teste de sa dame, femme de l'autre, du linceul, et luy descouvrit tout le corps, luy faisant voir tout nud et toucher à son bel aise, avec desfense expresse sur la vie de n'oster le linge du visage ny la descouvrir aucunement, à quoy il n'osa contrevenir; luy demandant par plusieurs fois ce qui luy sembloit de ce beau corps tout nud: l'autre en demeura tout esperdu et grandement satisfait.

Le duc luy bailla congé de sortir de la chambre, ce qu'il fit sans avoir jamais pu cognoistre que ce fust sa femme. S'il l'eust bien vue et recognue toute nue, comme plusieurs que j'ai veu, il l'eust cogneu à plusieurs signes possible, dont il fait bon le visiter quelquefois par le corps. Elle, après son mary party, fut interrogée de M. d'Orléans si elle avoit eu l'alarme et peur. Je vous laisse à penser ce qu'elle en dist, et la peine et l'altere en laquelle elle fut l'espace d'un quart-d'heure; car il ne falloit qu'une petite indiscrétion, ou la moindre désobéissance que son mary eust commis pour lever le linceul: il est vray, ce dist monsieur d'Orléans, mais qu'il l'eust tué aussi-tost pour l'empescher du mal qu'il eust fait à sa femme. Et le bon fut de ce mary, qu'estant la nuict d'amprès couché avec sa femme, il luy dit que M. d'Orléans lui avoit fait voir la plus belle femme nue qu'il vit jamais, mais, quant au visage, qu'il n'en sçavoit que rapporter, d'autant qu'il lui avait interdit. Je vous laisse à penser ce qu'en pouvoit dire sa femme dans sa pensée. Et de cette dame tant grande, et de M. d'Orléans, on dit que sortit ce brave et vaillant bastard d'Orléans, le soustien de la France et le fléau de l'Angleterre, et duquel est venue cette noble et généreuse race des comtes de Dunois.

– Or, pour retourner encor à nos marys prodigues de la vue de leurs femmes nues, j'en sçay un qui, pour un matin un sien compagnon l'estant allé voir dans sa chambre ainsi qu'il s'habilloit, luy monstra sa femme toute nue, étendue tout de son long toute endormie; et s'estant elle-mesme osté ses linceuls de dessus elle, d'autant qu'il faisoit grand chaud, luy tira le rideau à demy, sy bien que le soleil levant donnant dessus elle, il eut loisir de la bien contempler à son aise, où il ne vid rien que tout beau en perfection, et y put paistre ses yeux, non tant qu'il eust voulu, mais tant qu'il put; et puis le mary et luy s'en allèrent chez le Roy. Le lendemain, le gentilhomme, qui estoit fort serviteur de cette dame honneste, luy raconta cette vision et mesmes lui figura beaucoup de choses qu'il avoit remarquées en ses beaux membres, jusques aux plus cachées; et si le mary le luy confirma, et que c'estoit luy-mesme qui en avoit tiré le rideau. La dame, de dépit qu'elle conceut contre son mary, se laissa aller et s'octroya à son amy par ce seul sujet; ce que tout son service n'avoit sceu gaigner.

– J'ay cogneu un très-grand seigneur, qui, un matin, voulant aller à la chasse, et ses gentilshommes l'estant venu trouver à son lever, ainsi qu'on le chaussoit, et avoit sa femme couchée près de luy et qui luy tenoit son cas en pleine main, il leva si promptement la couverture qu'elle n'eut le loisir de lever la main où elle estoit posée, que l'on l'y vit à l'aise et la moitié de son corps; et en se riant, il dit à ces messieurs qui estoient présents: «Hé bien, messieurs, ne vous ay-je pas fait voir choses et autres de ma femme?» Laquelle fut si dépitée de ce trait, qu'elle lui en voulut un mal extrême, et mesme pour la surprise de cette main; et possible depuis elle le luy rendit bien.

– J'en sçay un autre d'un grand seigneur, lequel, cognoissant qu'un sien amy et parent estoit amoureux de sa femme, fust ou pour luy en faire venir l'envie davantage, ou du dépit et désespoir qu'il pouvoit concevoir de quoy il avoit une si belle femme et luy n'en tastoit point, la lui monstra un matin, l'estant allé voir dans le lict tous deux couchez ensemble à demye nue: et si fit bien pis, car il luy fit cela devant luy-mesme, et la mit en besogne comme si elle eust été à part; encore prioit-il l'amy de bien voir le tout, et qu'il faisoit tout cela à sa bonne grace. Je vous laisse à penser si la dame, par une telle privauté de son mary, n'avoit pas occasion de faire à son amy l'autre toute entière, et à bon escient, et s'il n'est pas bien employé qu'il en portast les cornes.

– J'ay ouy parler d'un autre et grand seigneur, qui le faisoit ainsi à sa femme devant un grand prince, son maistre, mais c'estoit par sa prière et commandement, qui se délectoit à tel plaisir. Ne sont-ils pas donc ceux-là coulpables, puis qu'ayant esté leurs propres maquereaux, en veulent estre les bourreaux? Il ne faut jamais monstrer sa femme nue, ny ses terres, pays et places, comme je tiens d'un grand capitaine, à propos de feu M. de Savoye, qui desconseilla et dissuada nostre roy Henry dernier, quand, à son retour de Pologne, il passa par la Lombardie, de n'aller ny entrer dans la ville de Milan, lui alléguant que le roy d'Espagne en pourroit prendre quelque ombre: mais ce ne fut pas cela; il craignoit que le roy y estant, et la visitant bien à point, et contemplant sa beauté, richesse et grandeur, qu'il ne fust tenté d'une extrême envie de la ravoir et reconquérir par bon et juste droit comme avoient fait ses prédécesseurs. Et voilà la vraye cause comme dit un grand prince, qui le tenoit du feu roy, qui cognoissoit cette encloëure: mais pour complaire à M. de Savoye, et ne rien altérer du costé du roy d'Espagne, il prit son chemin à costé, bien qu'il eust toutes les envies du monde d'y aller, à ce qu'il me fist cet honneur, quand il fut de retour à Lyon, de me le dire: en quoi ne faut douter que M. de Savoye ne fust plus Espagnol que François. J'estime les marys aussi condamnables, lesquels, après avoir receu la vie par la faveur de leurs femmes, en demeurent tellement ingrats, que, pour le soupçon qu'ils ont de leurs amours avec d'autres, les traittent très-rudement, jusques à attenter sur leurs vies.

– J'ay ouy parler d'un seigneur sur la vie duquel aucuns conjurateurs ayant conjuré et conspiré, sa femme, par supplication, les en destourna, et le garantit d'estre massacré, dont depuis elle en a esté très-mal recogneue, et traittée très-rigoureusement.

– J'ay veu aussi un gentilhomme, lequel ayant esté accusé et mis en justice pour avoir fait très-mal son devoir à secourir son général en une bataille, si bien qu'il le laissa tuer sans aucune assistance ni secours; estant près d'estre sentencié et condamné d'avoir la teste tranchée, nonobstant vingt mille escus qu'il présenta pour avoir la vie sauve; sa femme, ayant parlé à un grand seigneur de par le monde, et couché avec lui par la permission et supplication dudit mary, ce que l'argent n'avoit pu faire, sa beauté et son corps l'exécuta, et luy sauva la vie et la liberté. Du depuis il la traitta si mal que rien plus. Certes, tels marys, cruels et enragés, sont très-misérables. D'autres en ay-je cogneu qui n'ont pas fait de mesme, car ils ont bien sceu recognoistre le bien d'où il venoit, et honoroient ce bon trou toute leur vie, qui les avoit sauvez de mort.

– Il y a encore une autre sorte de cocus, qui ne se sont contentés d'avoir esté ombrageux en leur vie, mais allans mourir et sur le poinct du trépas le sont encores: comme j'en ay cogneu un qui avoit une fort belle et honneste femme, mais pourtant qui ne s'estoit point toujours estudiée à luy seul. Ainsi qu'il vouloit mourir, il luy disoit: «Ah! ma mye, je m'en vais mourir, et plust à Dieu que vous me tinssiez compagnie, et que vous et moy allassions ensemble en l'autre monde! ma mort ne m'en seroit si odieuse, et la prendrois plus en gré.» Mais la femme qui estoit encore très-belle, et jeune de trente-sept ans, ne le voulut point suivre ny croire pour ce coup-là, et ne voulut faire la sotte, comme nous lisons de Evadné, fille de Mars et de Thébé, femme de Capanée, laquelle l'ayma si ardemment, que, lui estant mort, aussi-tost que son corps fut jetté dans le feu, elle s'y jetta après toute vive, et se brusla et se consuma avec luy, par une grande constance et force, et ainsi l'accompagna à sa mort.

 

– Alceste fit bien mieux, car ayant sceu par l'oracle que son mary Admète, roy de Thessalie, devoit mourir bien-tost si sa vie n'estoit racheptée par la mort de quelque autre de ses amys, elle soudain se précipita à la mort, et ainsi sauva son mary. Il n'y a plus meshuy de ces femmes si charitables, qui veulent aller de leur gré dans la fosse avant leurs marys, ni les suivre. Non, il ne s'en trouve plus: les mères en sont mortes, comme disent les maquignons de paris des chevaux, quand on n'en trouve plus de bons. Et voilà pourquoi j'estimois ce mary, que je viens d'alléguer, mal-habile de tenir ces propos à sa femme, si fascheux pour la convier à la mort, comme si c'eust été quelque beau festin pour l'y convier. C'estoit une belle jalousie qui lui faisoit parler ainsi, qu'il concevoit en soy du déplaisir qu'il pouvoit avoir aux enfers là-bas, quand il verroit sa femme, qu'il avoit si bien dressée, entre les bras d'un sien amoureux, ou de quelque autre mary nouveau. Quelle forme de jalousie voilà, qu'il fallut que son mary en fust saisi alors, et qu'à tous les coups il luy disoit, que s'il en reschappoit, il n'endureroit plus d'elle ce qu'il avoit enduré: et, tant qu'il a vescu, il n'en avoit point esté atteint, et luy laissoit faire à son bon plaisir.

– Ce brave Tancrede n'en fit pas de mesme, luy qui d'autres-fois se fit jadis tant signaler en la guerre sainte: estant sur le point de la mort, et sa femme près de luy dolente, avec le comte de Trypoly, il les pria tous deux après sa mort de s'espouser l'un l'autre, et le commanda à sa femme; ce qu'ils firent. Pensez qu'il en avoit vu quelques approches d'amour en son vivant; car elle pouvoit être aussi bonne vesse que sa mère, la comtesse d'Anjou, laquelle, après que le comte de Bretagne l'eut entretenuë longuement, elle vint trouver le roy de France Philippes, qui la mena de mesme, et luy fit cette fille bastarde qui s'appela Cicile, et puis la donna en mariage à ce valeureux Tancrede, qui certes, par ses beaux exploits, ne méritoit d'être cocu.

– Un Albanois, ayant esté condamné de-là les Monts d'estre pendu pour quelque forfait, estant au service du roy de France, ainsi qu'on le vouloit mener au supplice, il demanda à voir sa femme et luy dire adieu, qui estoit une très-belle femme et très-agréable. Ainsi donc qu'il lui disoit adieu, en la baisant il luy tronçonna tout le nez avec belles dents, et le luy arracha de son beau visage. En quoy la justice l'ayant interrogé pourquoi il avoit fait cette vilainie à sa femme, il respondit qu'il l'avoit fait de belle jalousie, «d'autant, ce disoit-il, qu'elle est très-belle, et pour ce après ma mort je sais qu'elle sera aussi-tost recherchée et aussi-tost abandonnée à un autre de mes compagnons, car je la cognois fort paillarde, et qu'elle m'oublieroit incontinent. Je veux donc qu'après ma mort elle ait de moy souvenance, qu'elle pleure et qu'elle soit affligée, si elle ne l'est par ma mort, au moins qu'elle le soit pour estre défigurée, et qu'aucun de mes compagnons n'en aye le plaisir que j'ay eu avec elle.» Voilà un terrible jaloux.

– J'en ay ouy parler d'autres qui, se sentant vieux, caducs, blessés, attenuez et proches de la mort, de beau dépit et de jalousie secretement ont advancé les jours à leurs moitiés, mesmes quand elles ont esté belles.

– Or, sur ces bizarres humeurs de ces marys tyrans et cruels, qui font mourir ainsi leurs femmes, j'ay ouy faire une dispute, sçavoir, s'il est permis aux femmes, quand elles s'apperçoivent ou se doutent de la cruauté et massacre que leurs marys veulent exercer envers elles, de gaigner le devant et de joüer à la prime, et, pour se sauver, les faire joüer les premiers, et les envoyer devant faire les logis en l'autre monde.

J'ay ouy maintenir que ouy, et qu'elles le peuvent faire, non selon Dieu, car tout meurtre est défendu, ainsi que j'ay dit, mais selon le monde, prou: et ce fondent sur ce mot, qu'il vaut mieux prévenir que d'estre prévenu: car enfin chacun doit estre curieux de sa vie; et, puisque Dieu nous l'a donnée, la faut garder jusqu'à ce qu'il nous appelle par nostre mort. Autrement, sçachant bien leur mort, et s'y aller précipiter, et ne la fuir quand elles peuvent, c'est se tuer soy-même, chose que Dieu abhorre fort; parquoy c'est le meilleur de les envoyer en ambassade devant, et en parer le coup, ainsi que fit Blanche d'Anurbruckt à son mary le sieur de Flavy, capitaine de Compiegne et gouverneur, qui trahit et fut cause de la perte et de la mort de la Pucelle d'Orléans. Et cette dame Blanche, ayant sceu que son mary la vouloit faire noyer, le prévint, et, avec l'aide de son barbier, l'estouffa et l'estrangla, dont le roy Charles septième luy en donna aussi-tost sa grace, à quoy aussi ayda bien la trahison du mary pour l'obtenir, possible plus que toute autre chose. Cela se trouve aux annales de France, et principalement celles de Guyenne.

De mesmes en fit une madame de la Borne, du regne du roy François premier, qui accusa et deffera son mary à la justice de quelques folies faites et crimes possible énormes qu'il avoit fait avec elle et autres, le fit constituer prisonnier, sollicita contre luy, et luy fit trancher la teste. J'ay ouy faire ce compte à ma grand-mère, qui a disoit de bonne maison et belle femme. Celle-là gaigna bien le devant.

– La reyne Jeanne de Naples première en fit de mesmes à l'endroit de l'infant de Majorque, son tiers mary, à qui elle fit trancher la teste pour la raison que j'ay dit en son Discours; mais il pouvoit bien estre qu'elle se craignoit de luy, et le vouloit despescher le premier: à quoy elle avoit raison, et toutes ses semblables, de faire de mesme quand elles se doutent de leurs galants.

J'ay ouy parler de beaucoup de dames qui bravement se sont acquittées de ce bon office, et sont eschappées par cette façon; et mesmes j'en ay cogneu une, laquelle, ayant esté trouvée avec son amy par son mary, il n'en dit rien ny à l'un ny à l'autre, mais s'en alla courroucé, et la laissa là-dedans avec son amy, fort panthoise et désolée et en grand alteration. Mais la dame fut résolüe jusques là de dire: «Il ne m'a rien dit ni fait pour ce coup, je crains qu'il me la garde bonne et sous mine; mais, si j'estois asseurée qu'il me deust faire mourir, j'adviserois à lui faire sentir la mort le premier.» La fortune fut si bonne pour elle au bout de quelque temps, qu'il mourut de soy-mesme; dont bien luy en prit, car oncques puis il ne luy avoit fait bonne chere, quelque recherche qu'elle luy fist.

– Il y a encore une autre dispute et question sur ces fous et enragés marys, dangereux cocus, à sçavoir sur lesquels des deux ils se doivent prendre et venger, ou sur leurs femmes, ou sur leurs amants.

Il y en a qui ont dit seulement sur la femme, se fondant sur ce proverbe italien qui dit que morta la bestia, morta la rabbia ò veneno16: pensans, ce leur semble, estre bien allégés de leur mal quand ils ont tué celle qui fait la douleur, ny plus ny moins que font ceux qui sont mordus et picqués de l'escorpion: le plus souverain remede qu'ils ont, c'est de le prendre, tuer ou l'escarbouiller, et l'appliquer sur la morsure ou playe qu'il a faite; et disent volontiers et coustumièrement que ce sont les femmes qui sont plus punissables. J'entends des grandes dames et de haute guise, et non des petites, communes et de basse marche; car ce sont elles, par leurs beaux attraits, privautez, commandements et paroles, qui attacquent les escarmouches, et que les hommes ne les font que soustenir; et que plus sont punissables ceux qui demandent et lèvent guerre, que ceux qui la deffendent; et que bien souvent les hommes ne se jettent en tels lieux périlleux et hauts, sans l'appel des dames, qui leur signifient en plusieurs façons leurs amours, ainsi qu'on voit qu'en une grande, bonne et forte ville de frontière il est fort mal-aisé d'y faire entreprise ni surprise, s'il n'y a quelque intelligence sourde parmy aucuns de ceux du dedans, ou qui ne vous y poussent, attirent, ou leur tiennent la main.

Or, puisque les femmes sont un peu plus fragiles que les hommes, il leur faut pardonner, et croire que, quand elles se sont mises une fois à aymer et mettre l'amour dans l'ame, qu'elles l'exécutent à quelque prix que ce soit, ne se contentans, non pas toutes, de le couver là-dedans, et se consumer peu à peu, et en devenir seiches et allanguies, et pour ce en effacer leur beauté, qui est cause qu'elles désirent en guérir et en tirer du plaisir, et ne mourir du mal de la furette17, comme on dit.

Certes j'ai cogneu plusieurs belles dames de ce naturel, lesquelles les premières ont plustost recherché leur androgine que les hommes, et sur divers sujets; les unes pour les voir beaux, braves, vaillants et agréables; les autres pour en escroquer quelque somme de dinari; d'autres pour en tirer des perles, des pierreries, des robes de toille d'or et d'argent, ainsi que j'en ay veu qu'elles en faisoient autant de difficulté d'en tirer comme un marchand de sa denrée (aussi dit-on que femme qui prend se vend); d'autres pour avoir de la faveur en Cour; autres des gens de justice, comme plusieurs belles que j'ay cogneues qui, n'ayant pas bon droit, le faisoient bien venir par leur cas et par leurs beautez; et d'autres pour en tirer la suave substance de leur corps.

– J'ay veu plusieurs femmes si amoureuses de leurs amants, que quasi elles les suivoient ou couroient à force, et dont le monde en portoit la honte pour elles.

J'ay cogneu une fort belle dame si amoureuse d'un seigneur de par le monde, qu'au lieu que les serviteurs ordinairement portent les couleurs de leurs dames, cette-cy au contraire les portoit de son serviteur. J'en nommerois bien les couleurs, mais elles feroient une trop grande descouverte.

J'en ay cogneu une autre de laquelle le mary ayant fait un affront à son serviteur en un tournoy qui fut fait à la Cour, cependant qu'il estoit en la salle du bal et en faisoit son triomphe, elle s'habilla de dépit, en homme, et alla trouver son amant et lui porter pour un moment son cas, tant elle en estoit si amoureuse qu'elle en mouroit.

– J'ai cogneu un honneste gentilhomme, et des moins deschirez de la Cour, lequel ayant envie un jour de servir une fort belle et honneste dame s'il en fut oncques, parce qu'elle luy en donnoit beaucoup de sujets de son costé, et de l'autre il faisoit du retenu pour beaucoup de raisons et respects; cette dame pourtant y ayant mis son amour, et à quelque hasard que ce fust elle en avoit jetté le dé, ce disoit-elle; elle ne cessa jamais de l'attirer tout à soy par les plus belles paroles de l'amour qu'elle peut dire, dont entr'autres estoit celle-cy: «Permettez au moins que je vous ayme si vous ne me voulez aymer, et ne arregardez à mes mérites, mais a mes affections et passions,» encore certes qu'elle emportast le gentilhomme au poids en perfections. Là-dessus qu'eust pu faire le gentilhomme, sinon l'aymer puis qu'elle l'aymoit, et la servir, puis demander le salaire et récompense de son service, qu'il eut, comme la raison veut que quiconque sert faut qu'on le paye?

J'alleguerois une infinité de telles dames plustost recherchantes que recherchées. Voilà donc pourquoy elles ont eu plus de coulpe que leurs amants; car si elles ont une fois entrepris leur homme, elles ne cessent jamais qu'elles n'en viennent au bout et ne l'attirent par leurs regards attirans, par leur beautez, par leurs gentilles graces qu'elle s'estudient à façonner en cent mille façons, par leurs fards subtillement appliqués sur leur visage si elles ne l'ont beau, par leurs beaux artiffets, leurs riches et gentilles coiffures et tant bien accommodées, et leurs pompeuses et superbes robes, et surtout par leurs paroles friandes et à demy lascives, et puis par leurs gentils et follastres gestes et privautez, et par présents et dons; et voilà comment ils sont pris, et estant ainsi pris, il faut qu'ils les prennent; et par ainsi dit-on que leurs marys doivent se venger sur elles.

 

D'autres disent qu'il se faut prendre qui peut sur les hommes, ny plus ny moins que sur ceux qui assiégent une ville; car ce sont eux qui premiers font faire les chamades, les somment, qui premiers recognoissent, premiers font les approches, premiers dressent gabionnades et cavalliers et font les tranchées, premiers font les batteries ou premiers vont à l'assaut, premiers parlementent: ainsi dit-on des amants.

Car comme les plus hardis, vaillants et résolus assaillent le fort de pudicité des dames, lesquelles, après toutes les formes d'assaillement observées par grandes importunités, sont contraintes de faire le signal et recevoir leurs doux ennemys dans leurs forteresses: en quoy me semble qu'elles ne sont si coulpables qu'on diroit bien; car se défaire d'un importun est bien mal aisé sans y laisser du sien; aussi que j'en ay veu plusieurs qui, par longs services et persévérances, ont jouy de leurs maistresses, qui dès le commencement ne leur eussent donné, pour manière de dire, leur cul à baiser; les contraignant jusques-là, au moins aucunes, que, la larme à l'œil, leur donnoient de cela ny plus ny moins comme l'on donne à Paris bien souvent l'aumosne aux gueux de l'hostière, plus par leur importunité que de dévotion ny pour l'amour de Dieu: ainsi font plusieurs femmes, plustost pour estre trop importunées que pour estre amoureuses, et mesmes à l'endroit d'aucuns grands, lesquels elles craignent et n'osent leur refuser à cause de leur autorité, de peur de leur desplaire et en recevoir puis après de l'escandale, ou un affront signalé, ou plus grand descriement de leur honneur, comme j'en ay veu arriver de grands inconvénients sur ces sujets.

Voylà pourquoy les mauvais marys, qui se plaisent tant au sang et au meurtre et mauvais traitements de leurs femmes, n'y doivent estre si prompts, mais premièrement faire une enqueste sourde de toutes choses, encore que telle cognoissance leur soit fort fascheuse et fort sujette à s'en gratter la teste qui leur en demange, et mesmes qu'aucuns, misérables qu'ils sont, leur en donnent toutes les occasions du monde.

– Ainsi que j'ai cogneu un grand prince estranger qui avoit espousé une fort belle et honneste dame; il en quitta l'entretien pour le mettre à une autre femme qu'on tenoit pour courtisane de réputation, d'autres que c'estoit une dame d'honneur qu'il avoit débauschée; et ne se contentant de cela, quand il la faisoit coucher avec luy, c'estoit en une chambre basse par dessous celle de sa femme et dessous son lict; et lorsqu'il vouloit monter sur sa maistresse, ne se contentant du tort qu'il luy faisoit, mais, par une risée et moquerie, avec une demye pique il frappoit deux ou trois coups sur le plancher, et s'escrioit à sa femme: «Brindes, ma femme.» Ce desdain et mespris dura quelques jours, et fascha fort à sa femme, qui, de desespoir et vengeance, s'accosta d'un fort honnête gentilhomme à qui elle dit un jour privement: «Un tel, je veux que vous joüissiez de moi, autrement, je scay un moyen pour vous ruiner.» L'autre, bien content d'une si belle adventure, ne la refusa pas. Parquoy, ainsi que son mary avoit sa mie entre les bras, et elle aussi son amy, ainsi qu'il lui crioit brindes, elle luy respondoit de mesmes, et may à vous, ou bien, je m'en vais nous pleiger. Ces brindes et ces paroles et responses, de telle façon et mode qu'ils s'accommodoient en leurs montures, durèrent assez longtemps, jusques à ce que ce prince, fin et douteux, se douta de quelque chose; et y faisant faire le guet, trouva que sa femme le faisoit gentiment cocu, et faisoit brindes aussi bien que luy par revange et vengeance. Ce qu'ayant bien au vray cogneu, tourna et changea sa comédie en tragédie; et l'ayant pour la dernière fois confiée à son brindes, et elle luy ayant rendu sa response et son change, monta soudain en haut, et ouvrant et faussant la porte, entre dedans et luy remonstre son tort; et elle de son costé luy dit: «Je sçay bien que je suis morte: tüe-moi hardiment; je ne crains point la mort, et la prens en gré puisque je me suis vengée de toy, et que je t'ay fait cocu et bec cornu, toy m'en ayant donné occasion, sans laquelle je ne me fusse jamais forfaitte, car je t'avois voüé toute fidélité, et je ne l'eusse jamais violée pour tous les beaux sujets du monde: tu n'estois pas digne d'une si honneste femme que moy. Or tüe-moi donc à st'heure; et, si tu as quelque pitié en ta main, pardonne, je te prie, à ce pauvre gentilhomme, qui de soy n'en peut mais, car je l'ay appelé à mon ayde pour ma vengeance.» Le prince par trop cruel, sans aucun respect les tue tous deux. Qu'eust fait là dessus cette pauvre princesse sur ces indignitez et mespriz de mary, si-non, à la desesperade pour le monde, faire ce qu'elle fit? D'aucuns l'excuseront, d'autres l'accuseront, et il y a beaucoup de pièces et raisons à rapporter là-dessus.

– Dans les Cent Nouvelles de la Reyne de Navarre, y a celle et très-belle de la reyne de Naples, quasi pareille à celle-cy, qui de mesme se vengea du Roy son mary; mais la fin n'en fut si tragique.

– Or laissons là ces diables et fols enragés cocus, et n'en parlons plus, car ils sont odieux et mal plaisants, d'autant que je n'aurois jamais fait si je voulois tous descrire, aussi que subject n'en est beau ny plaisant.

Parlons un peu des gentils cocus, et qui sont bons compagnons de douce humeur, d'agréable fréquentation et de sainte patience, débonnaires, traittables, fermant les yeux, et bons hommenas.

Or de ces cocus il y en a qui le sont en herbe, il y en a qui le sçavent avant se marier, c'est-à-dire que leurs dames, veufves et demoiselles, ont fait le sault; et d'autres n'en sçavent rien, mais les espousent sur leur foy, et de leurs pères et mères, et de leurs parents et amys.

– J'en ay cogneu plusieurs qui ont espousé beaucoup de femmes et de filles qu'ils sçavoient bien avoir été repassées en la monstre d'aucuns rois, princes, seigneurs, gentilshommes et plusieurs autres; et pourtant, ravys de leurs amours, de leurs biens, de leurs joyaux, de leur argent, qu'elles avoient gaigné au mestier amoureux, n'ont aucun scrupule de les espouser. Je ne parleray point à st'heure que des filles.

– J'ai ouy parler d'une fille d'un très-grand et souverain, laquelle estant amoureuse d'un gentilhomme, se laissant aller à luy de telle façon qu'ayant recueilli les premiers fruits de son amour, en fut si friande qu'elle le tint un mois entier dans son cabinet, le nourrissant de restaurents, de bouillons friands, de viandes délicates et rescaldatives, pour l'allambiquer mieux et en tirer sa substance; et ayant fait sous luy son premier apprentissage, continua ses leçons sous luy tant qu'il vesquit, et sous d'autres: et puis elle se maria en l'age de quarante-cinq ans à un seigneur18 qui n'y trouva rien à dire, encor bien-aise pour le beau mariage qu'elle luy porta.

– Bocace dit un proverbe qui couroit de son temps, que bouche baisée, d'autres disent fille f… ne perd jamais sa fortune, mais bien la renouvelle, ainsi que fait la lune; et ce proverbe allegue-t-il sur un conte qu'il fait de cette fille si belle du sultan d'Égypte, laquelle passa et repassa par les piques de neuf divers amoureux, les uns après les autres, pour le moins plus de trois mille fois. Enfin elle fut rendue au roy Garbe toute vierge, cela s'entend prétendue, aussi bien que quand elle lui fut du commencement compromise, et n'y trouva rien à dire, encor bien aise: le conte en est très-beau.

– J'ay ouy dire à un grand qu'entre aucuns grands, non pas tous volontiers, on n'arregarde à ces filles-là, bien que trois ou quatre les ayent passé par les mains et par les piques avant leur estre marys: et disoit cela sur un propos d'un seigneur qui estoit grandement amoureux d'une grande dame, et un peu plus qualifiée que lui, et elle l'aimoit aussi; mais il survint empeschement qu'ils ne s'espousèrent comme ils pensoient et l'un et l'autre, surquoy ce gentilhomme grand, que je viens de dire, demanda aussi-tost: «A-t-il monté au moins sur la petite bête?» Et ainsi qu'il lui fust respondu que non à son advis, encor qu'on le tinst: «Tant pis, répliqua-t-il, car au moins et l'un et l'autre eussent eu ce contentement, et n'en fust esté autre chose.» Car parmy les grands, on n'arregarde à ces reigles et scrupules de pucelage, d'autant que pour ces grandes alliances il faut que tout passe; encores trop heureux sont-ils les bons marys et gentils cocus en herbe.

15Baudet ou Barbette, comme dit Mézeray.
16C'est-à-dire, morte la bête, morte la rage ou le venin.
17Dans ce proverbe, la furette est prise pour l'hermine, qui, dit-on, aime mieux se laisser prendre que de se salir.
18Brantôme veut peut-être parler ici de Marguerite de France, sœur de Henri II, qui avait cet âge-là lorsqu'elle épousa le duc de Savoie.
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