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Mémoires inédits de Mademoiselle George, publiés d'après le manuscrit original

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SAINT-PÉTERSBOURG

Soirée chez la grande-duchesse Catherine, sœur de l'empereur Alexandre et mariée au duc d'Oldenbourg.

Fête chez le comte Strogonoff, vieillard charmant, adorant les artistes, et manifestant son enthousiasme par des éclats de rire. Amélie, sœur de l'impératrice, assistant à cette fête et me couronnant elle-même. Le lendemain, reçu du comte Strogonoff un fil de perles fines attachées pour la couronne offerte à Melpomène-George.

Le prince de Wurtemberg, frère de l'impératrice mère, se présentant comme son valet de chambre, et me priant d'accepter une bague en diamants magnifique et une bourse comme les bourses de quête en velours rouge et or, remplie de louis.

PARTIE DE SAINT-PÉTERSBOURG 28 JANVIER 1813.—FINLANDE.—VIBORG

Après tous ces désastres, pour rien au monde je ne serais restée loin de mon cher pays. Malgré les offres les plus brillantes, rien ne put me retenir. Je perdais ma pension; pour moi, cette considération était trop peu de chose pour me retenir un jour de plus. J'ai eu tort! J'avais tant souffert pendant le temps de guerre! Je dois le dire pourtant au milieu de ce désastre qui devait réjouir les Russes, on me traitait avec une indulgence vraiment inouïe. Les Français étaient obligés d'illuminer, quand l'armée russe remportait des victoires de climat. Moi, qui demeurais sur la promenade la plus fréquentée, je fermais tout pour rendre mes croisées aussi noires et aussi tristes que mon pauvre cœur. On en fit le rapport à l'empereur qui eut la générosité, loin de m'en faire un crime, de répondre: «C'est d'une bonne française. Laissez-la faire. Je ne lui ferai pas visiter la Sibérie pour cela!» Nous partîmes donc, je dis nous. Je voulais passer par la Suède, m'arrêter à Stockholm. Je fus suivie par une partie de la troupe: Duparcy, Varenne, Vedel, Mainvielle, sa femme, etc. Quel voyage! Deux maigres pauvres bêtes qui ont toutes les peines à vous traîner. Vous passez deux ou trois heures dans cette confortable position. Pour vous remettre, vous arrivez: rien à boire ni à manger. Là, il faut reprendre un petit traîneau à roues seulement, devant marcher sur terre. Je pars, toujours avec ma sœur et un petit postillon de huit à dix ans. Nous partons avant tout le monde, comme toujours. Nous étions intrépides. Mais, à quelques portées de fusil, au milieu de rochers de granit, ce qui est vraiment admirable, des rochers de chaque côté, rochers immenses, d'une hauteur énorme (A toi, cher Valmore, la description.) nous voyons déboucher quelques jolis loups manifestant l'aimable intention de venir nous saluer. Ah! cette fois, la frayeur nous gagne. Nous disons au postillon: «Retourne.» Bah! il va toujours son chemin. Ma sœur s'attache à la ceinture de cette petite brute entêtée; elle saute en bas, se bat avec le petit bonhomme…

Voyager, quand la glace existait encore, dans de petits traîneaux très bas où l'on avait peine à tenir deux. Quelquefois nous faisions deux lieues sur les glaçons. Nous apercevions l'eau qui courait dessous les glaçons, tant ils étaient minces. Moi, j'étais toujours avec ma sœur. Nous bravions les dangers (et ils étaient grands, je vous prie de le croire, chers lecteurs) par des éclats de rire qui indignaient notre suite. Nous partions du fou rire en nous regardant. Nous étions si drôlement costumés, de grosses bottes de laine, des bonnets de vison, des robes ouatées de telle manière que nous avions l'air d'être ficelées comme de gros saucissons de Bayonne et, pour notre commodité, nous ne nous séparions jamais d'un énorme sac dans lequel j'avais fourré toutes mes pierreries et mon argent. J'avais attaché cet énorme sac au bras de ma sœur. Elle ne pouvait jamais s'en séparer, et, comme elle était et est beaucoup plus petite que moi, elle était vraiment grotesque. En la regardant, j'avais des rires à mourir, et elle, furieuse, voulait jeter son sac sur la route si je continuais Ah! le bon temps de joie, de jeunesse, de sans soucis! Que vous êtes regrettable et que vous passez vite! Et dire que c'est fini et que cela ne peut pas revenir.

Tout cela est mal fait, mal arrangé. Car, en fin de compte, nous ne vivons pas dix ans de cette belle existence qu'on appelle jeunesse. C'est trop triste! Et que de femmes seront de mon avis! Si elles ne le disent pas, c'est qu'elles ne sont pas franches. Quelle est la femme, même la plus sage, qui ne regrette pas les hommages qu'on lui rendait, même sans espoir? Passons.

A chaque relais, changement d'équipage. Vous arrivez là; il pleut: vite et vite, on vous amène un équipage, une atroce charrette; on met là-dessus deux ou trois matelas. Vous vous étendez à la belle étoile, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, n'importe. Ma sœur tombe sur la route, dans la boue, avec son gros sac, ses grosses bottes, et moi ne pouvant lui donner de secours, tant ma gaieté l'emportait sur le danger. Heureusement, notre caravane arrivait au grand galop, munie de fusils, pour faire face aux dangers des loups.

ROCHER DE CHINCKEBER

Trois maisons. On nous met dans une grande pièce carrée, méli-mélo… Ah! quelle horreur! jamais je ne resterai là. Dans cette affreuse chambre, je découvre un cabinet: j'obtiens en payant beaucoup d'argent, passeport indispensable, de me placer dans le cabinet avec mon père et ma sœur. On me fait mon lit sur une grande planche et me voilà installée avec tous mes petits ustensiles de toilette qui ne me quittaient jamais. Je fis emploi de tous mes parfums, je vous assure. Mon père couchait par terre. Nous avions découvert une petite cabane où l'on nous faisait nos repas. Nous avions pris quelques provisions en Finlande. Deux jours après, une dame qui occupait dans cette pièce un cabinet à peu près semblable au mien, mais beaucoup plus confortable, éclairé par une fenêtre, une belle chaise en paille et un lit, partait pour Saint-Pétersbourg. L'argent m'ouvre la porte de ce palais enchanté et nous voilà enfin installés.

Nos camarades couchaient tous par terre. Dans cette affreuse chambre, parmi nous, il y avait une femme très cocasse, petite, plus jeune que son mari. Duparcy, qui était toujours comique avec son sang-froid, s'amusait de tout cela. Cette petite Mme Bonacine était très avare et très défiante. Duparcy lui faisait croire que nous n'étions pas en sûreté; aussi passait-elle toutes les nuits à compter son argent, ce qui divertissait tout le monde. Duparcy lui disait: «Ma chère Bonacine, avez-vous votre compte? Voyez, calculez bien: je me méfie tant de ces demi-sauvages!»

Je me couchais fort tard, selon mon habitude. J'avais des cartes et faisais force réussites. Le temps ne nous permettait pas de traverser le golfe. Demain! toujours attendre. Les vivres diminuaient. J'avais grande envie de me remettre en route, de passer par la Laponie, de voir Tornéa. La capitale était chose curieuse. J'étais tout à fait décidée, quand je vis entrer le comte de Lowers qui venait de passer le golfe pour se rendre à Pétersbourg. Il vint me consoler d'abord en me donnant, en nous apportant des vivres: la disette était grande. Duparcy, qui faisait très bien la cuisine, eut l'affreuse pensée d'accommoder un chien en gibelotte. On trouva le mets excellent, mais nous n'en prîmes pas notre part. Je serais plutôt restée sur le rocher. On m'aurait enterrée comme on aurait pu, pas aussi poétiquement que Chateaubriand, au milieu de l'Océan, mais dans un modeste coin; un peu de terre et une croix en bois. Notre excellent comte de Lowers, qui se trouvait mon directeur, vint donc m'apporter l'espérance que le lendemain, sans doute, nous pourrions partir.

Le lendemain, pourtant, le temps ne nous parut pas assez favorable. Quelques-uns voulurent tenter de passer. Vedel, par exemple, Charles, Mlle X… Ils s'embarquèrent et nous étions fort inquiets, quand, à la nuit tombante, nous vîmes revenir nos malheureux compagnons, abîmés de fatigue, de frayeur. Charles pour se donner du courage, et pour en donner aux autres, disait-il, avait un peu usé d'eau-de-vie. Il était tombé à l'eau entre deux glaçons, d'où on avait eu toutes les peines du monde à le tirer. Au milieu de cette terreur, de ce danger qu'ils venaient de courir, nous ne pûmes nous empêcher de rire aux éclats en les voyant affublés d'une manière grotesque. Charles surtout, apporté par deux mariniers, mouillé, trempé, enflé, avait l'air d'être empaillé. En fin de compte, c'était pourtant assez triste, et je commençais à me tourmenter. Au point du jour, nous nous levions pour regarder si le temps nous permettrait enfin de quitter cet horrible séjour. Ce jour tant désiré arriva. Dès le point du jour, on vint nous prévenir que les barques étaient prêtes. On me choisit la plus belle et la plus grande, par courtoisie. En entrant dans cette demeure si périlleuse, mon père nous embrassa toutes deux. «Maintenant, mes enfants, Dieu nous garde!»

C'était vraiment beau à voir. Au milieu d'un danger éminent, nous étions si contents d'avoir quitté notre rocher que nous chantions tous à de très fréquents intervalles. On était obligé d'employer des crochets pour repousser les glaçons qui encombraient le passage, puis encore, puis toujours. Les hommes, qui nous conduisaient, faisaient triste figure, je vous prie de le croire. La pluie qui tombait sur nous, car nous étions à découvert, ajoutait au malaise général. Enfin, nous touchons la terre! Et tous, nous nous mîmes à remercier Dieu! Nous connaissions le danger que nous venions de courir en regardant en arrière! Comment! nous venions de passer là, ce golfe couvert de glaçons! Nous avions pu franchir cet espace, passer au travers, et nous n'avions pas été brisés! Ah! merci, mon Dieu! grâces vous soient rendues!

Bah! vingt minutes après, nous n'y pensions plus. Nous traversâmes une jolie petite ville. Une auberge bien propre, des petits lits blancs en bazin qui nous ravissaient. Vite à la toilette dans ces charmantes chambres. Puis, après, soupons!

 

(Il faut chercher le nom de cette première ville.)

Maintenant où se loger? François court, nous fait attendre, dans notre équipage, à chaque porte où l'on présume que l'on pourra trouver gîte. J'étais honteuse, je l'avoue. Nous arrêtons devant une maison où logeait Mme de Staël qui, de sa fenêtre, voyant toutes ces charrettes, a la politesse de me reconnaître. (Me reconnaître! avec ce costume!) Elle fait vite descendre M. de Rocca, qui me supplie de monter. Je m'y décide, et Mme de Staël, tout aimable, me fit attendre et courir toute sa maison pour me trouver un gîte. Les autres attendaient dans la rue et excitaient la curiosité de tous les passants. On trouve enfin. Mon père et ma sœur me font dire que c'est assez bien. Assez! Tous ces appartements sont affreux. Mme de Staël me fit conduire dans sa voiture, accompagnée de M. de Rocca et de sa charmante fille Albertine.

A Chiwekle, sur le joli rocher, deux voyageurs allemands attendaient comme nous et firent le passage en notre compagnie, dans cette première petite ville de Suède qui me parut un Paris (et dont il faut chercher le nom).

Ils nous furent très utiles pour nous faire donner ce dont nous avions besoin. Nous les invitâmes à souper. Un de ces braves Allemands se mit à chanter à pleine gorge:

Qu'on est heureux de trouver en voyage,

Un bon souper et surtout un bon lit!

L'à-propos était vrai et bienvenu. Mais il chanta d'une manière si comique que nous ne pûmes contenir notre hilarité. C'était peu poli, j'en conviens! Ce pauvre chanteur fut un peu déconcerté! Ce qui ne l'empêcha pas, pendant les deux jours de repos que nous prîmes dans cette ville, de nous aider à nous mettre en route!

Nous voilà en Suède! Plus impossible de se faire comprendre… Les vivres, où en trouver? Nous avions notre domestique allemand que j'avais emmené.

François, notre domestique, parlait un peu le suédois. Il allait à la recherche, découvrait de temps en temps des châteaux. Les seigneurs s'empressèrent de venir me rendre visite, mais pas un mot de français!

Quand François n'était pas là, nous ne pouvions plus rien. Ces seigneurs nous apportaient des œufs, des coqs de bruyère, du vin, du pain. Ah! du pain, c'était un régal dans ce pays.

Ils ont du pain fait avec la sciure de bois. Les pains, faits en couronne, sont ordinairement passés dans des espèces de perches qui sont pendues au plafond! (Comme ça doit être tendre!) Et, pour lumière, de la résine au bout d'une torche qu'ils accrochent au mur. Quelle gaieté! Tout cela, à cette époque, était bien misérable, et triste et bien aride.

(Il faut chercher les noms des villes que nous allons traverser avant d'arriver à Stockholm.)

A mesure que nous approchions, les ressources arrivaient. On trouvait au moins le nécessaire, nous voyagions toutes les nuits à la belle étoile, tant nous avions hâte de nous délivrer de cette torture incessante. Nous descendîmes dans la dernière ville qui précédait Stockholm. Nous cherchâmes à nous faire moins laides; il ne faut pas le dissimuler, nous étions affreuses avec nos bonnets garnis de cygne, et qui étaient remplis de boue. Ah! nous faisions de jolies Parisiennes. De cette ville à Stockholm nous rencontrions enfin du monde: des paysans allant, venant, leurs charrettes remplies de provisions qu'ils portaient au marché. C'était la vie qui recommençait. Nous voilà dans la capitale! Quelle tenue, mon Dieu! Sur nos charrettes découvertes, nous avions bien l'air d'une compagnie de veaux venant de Pontoise! Tout le monde nous regardait: «Eh! comment! voilà cette demoiselle George et sa troupe si attendues!» On ne songeait pas à dételer nos maigres bêtes. Dans ce temps, on ne songeait pas au dételage triomphateur, ou, pour mieux dire, nous ne nous arrangions pas pour cela. Les ovations coûtent trop cher!

Un appartement au premier dans une rue choisie. Les maisons sont presque toutes noires: on emploie le granit. Une chambre à coucher, une espèce de salon-chambre pour ma sœur et une pour Mlle Ursule(?) qui avait fait le voyage avec la famille Varennes et qui s'était attachée à nous et nous servait par amitié. Femme d'esprit et d'un caractère charmant. Pauvre femme!

François, mon valet de chambre, qui faisait très bien la cuisine, nous sert de cuisinier, de valet de chambre. On nous fournit ce qu'il faut pour le service de la table, on nous procure un domestique, et nous voici installés. Le soir même, le prince Bernadotte m'envoie son premier aide de camp, M. Camps, qui vient de la part du prince mettre une voiture à mes ordres, me disant: «Ne vous gênez pas. Tout est loué pour les huit représentations qui sont annoncées, même le parterre. On n'ouvrira pas les bureaux.»

Je fis venir les artistes qui m'avaient accompagnée. Je leur donnai la moitié des recettes et l'autre moitié pour moi, me réservant une représentation entière à mon bénéfice. Tout fut conclu à la satisfaction de tous; on distribua les rôles, etc.

C'était un événement, pour les habitants (charmants et très hospitaliers), que des représentations françaises. Avec la tragédie, on commençait par une comédie, ce qui faisait un spectacle complet. Je fus recherchée, comme artiste, par toutes les premières familles. Je n'en tirai aucune vanité: la curiosité existait; voilà tout. Je refusai beaucoup de ces invitations. Je n'ai jamais eu en goût toutes ces réunions brillantes, où vous avez l'air de venir en exhibition.

Sans doute, il est flatteur d'être admise dans la haute société, quand elle a le bon goût de vous recevoir pour vous-même, sans vous solliciter de payer votre bienvenue par la récitation d'une scène, et puis deux, et puis trois. Merci! alors, j'ai bien payé votre aimable accueil.

Les ministres vinrent me rendre visite. Je remis toutes leurs invitations après mes premières représentations. Je gagnais du temps; c'est ce que je voulais. Je rendis immédiatement toutes mes visites. Je rencontrais des familles charmantes. Partout des accueils remplis de grâce; mais avec quel bonheur je rentrais au milieu des miens! Plus de gêne, plus de toilette, que j'ai toujours détestée. La gaieté se rétablissait. Des visiteurs, les trois quarts du temps, assistaient à mon dîner: le comte Ostoya, le comte de Spar, M. Camps.

Quant à Mme de Staël, elle ne me quittait point; elle m'aimait trop.

Le surlendemain de mon arrivée, je fus rendre ma visite au prince Bernadotte et lui témoigner ma respectueuse reconnaissance pour la protection dont il voulait bien m'honorer; puis il était Français. Aussi notre entrevue fut longue. Que de souvenirs français! Que de questions ne me fit-il pas! Il était vraiment heureux de se rappeler la patrie. Il me dit que la reine voulait me voir et que je devais venir le lendemain, à midi: «J'obéirai, prince.»—Camps, Français aussi, m'attendait pour me reconduire; puis Fliger, Français aussi et colonel.

–On a beau avoir un grand rang à l'étranger, mon cher monsieur Camps, ce n'est pas la France, avouez-le. Avec le prince, de quoi avons-nous parlé? De la France. Avec vous, de quoi parlons-nous? De la France. Vous voyez bien que, sous votre uniforme suédois, votre cœur est français! Vous devez être mal à l'aise!

Le précepteur du prince Oscar, M. Le Moine, est Français aussi. Nous formions tous les soirs cette réunion; car je ne pouvais me soustraire aux invitations. Ces messieurs m'attendaient pour prendre le thé et restaient là à bavarder jusqu'à deux heures du matin.

Je fus engagée par la reine à venir souvent chez elle, tant elle désirait que je dise des vers, pour lesquels elle me donnerait la réplique. C'était beaucoup d'honneur, sans doute; mais j'étais loin de sentir ce qu'il y avait de flatteur dans ce désir royal, qui devenait, à bien prendre, un ordre. Mais que faire? obéir. J'avais un caractère très indépendant, et, me forcer à faire quelque chose, c'était me donner la fantaisie de m'y soustraire. J'ai eu ce tort trop souvent, et ce travers de mon caractère m'a fait faire bien des sottises. A quoi bon revenir sur ce passé? C'était fait: j'avais été une enfant trop gâtée. Bah! j'ai eu aussi des moments de bonheur, qui n'auraient pas existé, si j'avais pensé à l'argent. Je rentrais, comme il arrivait toujours après ces visites cérémonieuses, avec une joie bien vive, au milieu de ma société intime.

Je débutai, huit jours après mon arrivée, par Mérope. La salle comble, le roi et la reine, le prince Bernadotte, le prince Oscar, les plus belles toilettes, la salle belle, les loges découvertes, ce qui faisait un effet merveilleux pour les parures. La toile levée, on relève le lustre, ce qui donne un aspect assez triste, mais le théâtre énormément éclairé. A chaque acte, on baisse le rideau et le lustre. Je ne parlerai pas du succès; il était égal à l'empressement du public. Je fus très heureuse et très fière. On ne rappelle pas à chaque acte, ni après une scène, mais bien après la tragédie, ce qui est plus rationnel. Ce sont les Italiens qui ont amené ces ovations bien ridicules et qui sont souvent bien injurieuses pour les artistes qui sont en scène, et qui, sans respect pour leur présence, entendent les gens du lustre rappeler avant la fin d'un acte. Ils coupent l'action; peu importe, ils ont fait leur devoir. Petites vanités humaines! Ceci ne vous rendra pas plus grands, mais vous rentrez en comptant combien de fois vous avez été rappelé, et vous vous faites illusion, au point de vouloir oublier comment toutes ces ovations se sont faites! Votre bourse le sait!

(Chère Marceline, vous ferez de cela, comme de toute autre chose, ce que vous voudrez.)

Je ne sortais pas des invitations. Je dînais trop en ville. J'en étais si fatiguée qu'un jour, chez le premier ministre, où était le jeune prince Oscar et où il y avait au moins quarante personnes, je me dis: «Ah! je vais, après le repas, être assommée de sollicitations, pour me faire ma digestion, en disant une demi-douzaine de scènes tragiques.» Point. Je me sens très indisposée. Je suis obligée de me retirer Des offres de fleurs d'oranger, de tilleul. Ah! bien oui! D'abord, je mourais de faim. On fut contraint de faire atteler, et de me reconduire. Ouf! me voici quitte de cette affreuse corvée. J'arrive chez moi où l'on était à table. Mon père me fit mille remontrances.

–Quoi! tu veux donc que tous les soirs de repos que je me donne, j'aille encore subir pour délassement d'aller me tuer de fatigue et d'ennui? Non pas, vraiment. Vite, remettez sur la table tout ce que vous avez laissé et rions de bon cœur. Cher père, laisse-moi ma joie; elle passera assez tôt. Voici une bonne soirée de libre que je me suis faite. Je vais me débarrasser de cet attelage de toilette, et attendre nos bonnes visites sans façon, sans gêne, quel bonheur!

Mme de Staël, de son côté, me fatiguait. Deux fois déjà, chez elle, dîner, soirée. A la troisième, je me promis bien d'être malade. Je lui écrivis pour la prévenir de ne pas compter sur moi. J'étais donc fort tranquille avec mon monde. Mon valet de chambre annonce Mme de Staël.—Que le bon Dieu la bénisse! C'est une passion trop incommode qu'elle a pour moi.

–Faites-la passer dans l'autre pièce.

J'envoyai ma sœur qui me faisait grise mine de la commission que je lui donnais.

–Qu'est-ce que je vais lui dire, moi, à cette dame?

–Dis-lui que je dors.

–Mais vous riez tous.

–Dis-lui que j'ai la fièvre et que je rêve. Elle en croira ce qu'elle voudra.

C'est une inquisition que son enthousiasme. J'en étais fâchée pour le prince Oscar, qui était vraiment d'une bonté charmante et qui manquait rarement les soirées de Mme de Staël. C'est qu'Albertine était charmante aussi. Mme de Staël, spirituelle, adroite, voyait dans ces visites du prince un but auquel elle aurait voulu atteindre, dit-on; je dis: «dit-on,» mais on la fit partir.

Je fus à midi précis rendue chez la reine qui me reçut de suite avec une bonté extrême. Elle était en déshabillé du matin, grand peignoir de mousseline blanche à la Croissy, garni de dentelles, la tête nue et coiffée tout à fait négligée. Je n'avais pas encore joué. Elle me parla de tous mes rôles. Elle aimait beaucoup la tragédie. Elle me fit mille questions sur Paris, sur l'empereur, sur la cour, sur mon séjour à Saint-Pétersbourg. Elle parla énormément et avec beaucoup de curiosité. Je répondis très brièvement, avec discrétion; car, pour une reine, elle me faisait des questions assez indiscrètes. Je m'en tirai de mon mieux. Elle devait se dire: «Dieu! qu'elle est bête!» j'aimais mieux cela; ou bien: «Elle est bien timide!» Elle me dit:

–Ma chère, le roi veut vous voir, mais il veut vous recevoir en grande toilette! Attendez un peu.

 

–Madame, je suis trop honorée d'attendre près de Votre Majesté.

Et pourtant il y avait plus d'une grande heure que j'étais auprès d'elle. On annonça le roi: il était en grand uniforme, en vérité, l'épée au côté. C'était un homme de moyenne taille, maigre, souffrant, marchant à peine. Il était soutenu par deux officiers, ce qui ne l'empêchait pas de s'appuyer sur sa canne. Il vint à moi, me dit les choses les plus gracieuses du monde. Il était moins grand parleur que la reine; la langue française lui était moins familière. Je restai à peu près vingt minutes. Je pris congé de ces nobles personnages.

J'allais assez souvent le matin chez la reine, et elle me donnait effectivement des répliques. Elle affectionnait Mérope. Elle ne disait vraiment point mal. Avant mon départ, je lui fis ma visite d'adieux. Elle prit à son col une toute petite montre émaillée, très laide, en me priant de la porter comme un souvenir. «C'est bien modeste, me dit-elle, mais que peut-on vous offrir, à vous, ma chère, qui avez de si belles pierreries?» Ce fut une gasconnade royale, à laquelle je souris très gracieusement, en me promettant bien de garder soigneusement le souvenir, mais en ne portant jamais cette affreuse petite montre.

La veille de mon départ, je soupai chez M. Camps, avec le prince Bernadotte, qui m'attacha au bras deux beaux bracelets en perles fines, et deux très beaux solitaires en diamants qui formaient le fermoir. Je trouvai en rentrant M. Le Moine qui m'apportait de la part du prince une bague en diamants et une épingle idem pour ma sœur. Le prince m'envoya une belle et bonne voiture de voyage, de quatre places. J'emmenais avec moi une bonne qui s'était attachée à moi et un nommé Jules qui était de la troupe. Je l'emmenais avec un fils qu'il avait, enfant de huit à dix ans. Pour revenir en France, le voyage était coûteux, et ce pauvre garçon n'était pas riche. Après huit représentations, je voulais partir. Attendre encore était impossible; la guerre m'effrayait.

Je me séparai des autres artistes, dont quelques-uns restèrent à Stockholm, et d'autres partirent après nous, retournant dans leur chère patrie.

Je partis donc dans cette excellente voiture et deux chariots: un pour mes bagages; un pour Jules, son fils et mon valet de chambre.

(Cher Valmore, quelques recherches sur Stockholm. Savoir, s'il se peut, ce qu'on doit visiter. Il y a la statue de Gustave Wasa sur une place, mais je ne sais pas si c'est sur la place du Palais. Je crois que oui!)

VILLES TRAVERSÉES VENANT DE SAINT-PÉTERSBOURG

Viborg.

Friederickshan.

Helsingfors.

Abo, alors capitale de la Finlande.

Embarquement de l'île d'Aland.

Rocher où je me trouvais.

Débarquement en Suède, à Grisfelhamm.

Ministre des affaires étrangères.

Le comte d'Engelstrom.

Quittant la Suède. Villes:

Nyköping.

Norrköping.

Leukoping.

Ionköping.

Ystad: embarquement.

Débarquement en Poméranie.

1813.—Hambourg. Le général Davout, prince d'Eckmühl. (George écrit: d'Equemule.)

RETOUR A PARIS (1815)

En passant par la place Vendôme, je vis une foule immense. Que vis-je, mon Dieu! Une corde au col de l'empereur et ces misérables tirant cette corde pour faire tomber ce grand homme. Mais leurs forces réunies ne purent l'abattre; il resta sur sa colonne, les regardant en souriant de pitié. Il devait dire ce qu'il a dit depuis: «Ah! ce sont là les hommes!»

Mais, moi, quand je vis cet affreux spectacle, je devins pâle et froide. J'allais me jeter hors de ma voiture, folle que j'étais; m'opposer, moi, faible femme, à cet acte de férocité, quand une amie qui était avec moi me prit et me coucha dans le fond de la voiture, en me reconduisant chez moi, rue de Rivoli. Il était temps: je me sentais mourir!

Lucien, la reine Hortense, le prince Eugène, Mme Bacciochi, la mère de l'empereur, le drapeau blanc que je vis hisser sans savoir ce que je voyais!

Ma visite chez le duc de Vicence, Caulaincourt, la nuit où l'empereur perdit l'empire. Ce fut M. de Talleyrand le plus entouré. Le duc de Vicence me reconduisant chez moi à pied, passant sur la place du Carrousel, jonchée de Cosaques, d'Autrichiens, de Prussiens.—Caulaincourt me disant: «Hein! ma chère Georgina, quelle jolie promenade pour des Français!»

Monsieur Lemercier, je vous vois encore un jour d'une représentation de Pinto, à la Porte-Saint-Martin, montant chez moi, tout haletant de ce que vous veniez d'entendre. Bocage répétait Pinto, créé d'une manière si remarquable par Talma, par le grand artiste.

M. Lemercier fit une observation à M. Bocage dans je ne sais quelle scène, en lui disant:

–Tenez, Talma faisait ainsi, et il obtenait un grand succès par ce moyen.

–Mon cher, papa Talma faisait comme il l'entendait.

Sur papa Talma, Lemercier se mit dans une indignation bien naturelle. Il aurait du lever les épaules et rire au nez de M. Bocage.

Oui, Talma faisait comme il l'entendait, et il entendait tout avec génie; Nicomède, par exemple, que M. Bocage a joué comme Bocage l'entendait; il doit s'en souvenir.

Bocage prétendait qu'il fallait être bête pour jouer la tragédie. Quelque temps après ce joli mot, M. Bocage jouait Nicomède à l'Odéon. Une personne, qui assistait à cette fameuse représentation et qui connaissait le mot de M. Bocage, s'écria, après la tragédie:

–Je ne savais pas tant d'esprit à Bocage. C'est l'homme le plus spirituel de notre siècle!

(Chère Caroline, ne sachant pas où j'en suis dans tout le griffonnage que vous avez, je passe outre, et je vais commencer le romantisme.)

Après une tournée en province, tournée d'un an avec une troupe à moi, où l'on jouait tragédies et comédies, je revins à Paris en 1829. M. Harel obtint le privilège de l'Odéon. Les antécédents de ce cher Harel ne sonnaient pas bien aux oreilles du gouvernement de Charles X. Harel, ancien préfet, destitué naturellement pour ses opinions bien connues, Harel, exilé cinq ans avec Boulay de la Meurthe, le général Exelmans; Harel ayant fondé le journal le Nain jaune, le Miroir!

Tout cela était dangereux et rien ne devait faire présumer qu'il obtiendrait la direction d'un théâtre royal. M. de la Bouillerie, qui l'aimait et le connaissait particulièrement, en parla à Charles X, qui ne fit qu'une seule question:

–Est-il honnête homme?

–Oui, sire. La preuve: cinq ans d'exil pour être resté attaché à l'empereur. Et, en lui accordant ce privilège, il se conduira avec loyauté.

–Je n'en veux pas davantage. Je le lui accorde et trouve très bien et le loue de sa fidélité et de son dévouement. Je voudrais avoir autour de ma personne beaucoup de sujets comme lui. Ils sont rares, mon cher monsieur de la Bouillerie, n'est-ce pas?

Mlle Contât, cette grande dame de la cour, cette magnifique insolence, ces grandes manières, ce ton leste, cette prétention sans façons, ce laisser-aller sans minauderies, cette comédie si spirituelle, ce sourire enchanteur, cette gaieté franche du grand monde de Louis XV. Mlle Contat!

A Mme Valmore

Me voilà à toutes mes impressions. Laissez-moi vous les dire et ne m'accusez pas. Il n'y a point de particularité; mes impressions, mes sensations, voilà tout.

A cette époque, par exemple, nos confidents étaient détestables; ils écoutaient fort mal tous les secrets de leurs princes et princesses. Ah! les malheureux, qu'ils faisaient souffrir leur roi et son peuple!

J'ai entendu raconter par Mme de Staël: «Je me trouvais placée à table à côté d'un beau parleur qui, entre Mme Récamier et moi, se croyait obligé de faire de l'esprit, et après mûre réflexion, accoucha de la plus lourde inpertinence que j'aie entendue: «Je suis sûr de me trouver placé «entre la beauté et le génie.—Oui, lui dis-je, sans avoir ni «l'un ni l'autre.»

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