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Les trois Don Juan

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CHAPITRE IX
LE MOINE NOIR D'AMUNDEVILLE

Le festin.—Juan exerce sa séduction.—L'apparition du moine.—L'émoi de Juan.—Aurora, la duchesse de Fitz-Fulke et Adeline.—La chanson d'Adeline.—Dîner électoral.—Juan dans sa chambre.—Réapparition du moine.—Le réveil de lord Byron.—L'amour n'est qu'illusion.

Un soir eut lieu un grand dîner, un mirifique combat avec la vaisselle massive pour armure, les couteaux et fourchettes pour armes offensives. Il y eut une excellente soupe à la bonne femme, un turbot, un dindon à la Périgueux, un filet de porc, des volailles à la Condé, des tranches de saumon, des sauces génevoises, un quartier de venaison, un jambon glacé de Westphalie, mille autre choses à l'allemande, à l'espagnole… des vins qui eussent derechef donné la mort au jeune Ammon et du champagne à la mousse pétillante, blanche comme les perles fondues de Cléopâtre.

On entendit longtemps le tintement des verres et le bruit de la mastication. Don Juan se trouvait placé par un singulier hasard entre Aurora et Lady Adeline. Pour un homme ayant des yeux et du cœur, c'était une situation difficile. Adeline ne lui adressait que rarement la parole, mais ses yeux semblaient vouloir lire au fond de sa pensée. Aurora gardait cette indifférence qui pique à bon droit un preux chevalier.

Aux propos de Don Juan, Aurora ne répondait que par des paroles insignifiantes… À peine détournait-elle les yeux. Était-ce orgueil, modestie, préoccupation, impuissance? Le regard malicieux d'Adeline semblait dire à Juan: «Je vous avais prévenu!»

Cependant Juan s'obstina. Il avait une sorte de charme fascinateur; il savait tour à tour être grave ou gai, libre ou réservé; il avait l'art d'obliger les gens à se livrer sans leur laisser voir où il voulait en venir. Et, sur la fin du repas, le regard d'Aurora était plus brillant, et peu à peu elle se laissait aller…

Le souper, les chants, les danses terminés, les convives s'étaient retirés un à un. La dernière robe transparente avait disparu, comme ces nuages vaporeux qui se perdent dans le firmament, et plus rien ne brillait dans le salon que les bougies mourantes…

Juan, dans sa chambre, se sentit agité, embarrassé, inquiet. À la fenêtre, il vit les rayons de la lune se jouer parmi les arbres. Les flots du lac lui apportaient leur murmure auquel minuit joignait son charme mystérieux…

Il ouvrit la porte de sa chambre et s'avança dans la longue et sombre galerie garnie de vieux tableaux… Mais à la lueur d'une clarté douteuse, les portraits des morts ont je ne sais quoi de sépulcral, de lamentable, d'effrayant.

Ces images de saints et de farouches guerriers paraissaient à cette heure revivre, et le pâle sourire des beautés défuntes, charme des anciens jours, s'animait par instants…

Juan rêvait peut-être à ses maîtresses. Nul bruit, hormis l'écho de ses soupirs ou de ses pas, ne troublait le lugubre repos de l'antique manoir. Tout à coup, il entendit distinctement auprès de lui un bruit…

Ce n'était pas une souris, mais, ô surprise! un moine affublé d'un capuchon, d'un rosaire et d'une robe noire, tantôt se montrant à la clarté de la lune, tantôt perdu dans les ténèbres. Il avançait d'un pas pesant mais silencieux. On n'entendait que le bruit léger de ses vêtements; il marchait lentement ou plutôt glissait comme une ombre…

Et en passant près de Don Juan, sans s'arrêter, il lui jeta un regard étincelant.

Juan resta pétrifié. Il avait bien entendu parler d'un fantôme qui hantait autrefois ce manoir, mais comme tant d'autres il avait pris cela pour simple superstition.

Avait-il bien vu? N'était-ce qu'une vapeur?

Une fois, deux fois, trois fois passa et repassa cet habitant de l'air, de la terre, du ciel ou de l'autre séjour… Sans pouvoir ni parler ni remuer, Juan fixait sur lui des yeux émerveillés. Ses cheveux s'enlaçaient autour de ses tempes comme un nœud de serpent. Il voulut bien demander au révérend personnage ce qu'il désirait, mais sa langue lui refusa la parole…

Au troisième voyage le fantôme disparut.

Juan resta immobile. Combien de temps? Il ne put le déterminer, mais ce lui parut un siècle. Il attendait toujours, les yeux fixés sur l'endroit où le fantôme avait la première fois apparu. Peu à peu il recouvra un certain usage de ses facultés… Il rentra dans sa chambre, privé encore de la moitié de ses forces.

Tout y était comme il l'avait laissé; la lampe continuait à briller, et sa flamme n'était pas bleue. Il se frotta les yeux qui ne lui refusèrent point leur office. Il prit un vieux journal et le lut sans difficulté. Il s'absorba dans une diatribe contre la personne du Roi.

Cela était bien de ce monde. Néanmoins la main de Juan tremblait. Il ferma sa porte et, sans trop se presser, se déshabilla et se mit au lit. Là, mollement appuyé sur son oreiller, il repassa en son esprit ce qu'il avait vu… Mais peu à peu le sommeil le gagna, et il s'endormit.

Il s'éveilla de bonne heure, se demandant s'il devait parler de l'apparition, au risque de s'entendre traiter en superstitieux. Il s'habilla rapidement avec l'aide de son valet. Il ne prit aucun soin de toilette: ses cheveux tombaient négligemment sur son front, ses vêtements n'avaient pas leur pli accoutumé, et peu s'en fallait que le nœud gordien de sa cravate ne fût trop de côté de l'épaisseur d'un cheveu.

Descendu au salon, il s'assit tout pensif devant une tasse de thé. Chacun s'aperçut de son état de distraction, Adeline la première, mais il lui fut impossible d'en deviner la cause.

Elle le regarda, remarqua sa pâleur et pâlit elle-même, puis elle baissa les yeux. Lord Henry prétendait que ses muffins étaient mal beurrés. La duchesse de Fitz-Fulke jouait avec son voile, regardant fixement Juan sans articuler une parole. Aurora Raby contemplait également Juan avec une sorte de surprise calme.

La belle Adeline crut alors pouvoir lui demander s'il était malade.

«Oui, oui, non, non, peut-être…», répondit-il…

Le médecin de la famille exprima le désir de lui tâter le pouls, mais Juan déclara qu'il se portait très bien.

«On dirait, dit soudain Lord Henry à Juan, que votre sommeil a été récemment troublé par le moine noir.

–Quel moine? dit Juan d'un ton qu'il s'efforçait de faire indifférent.

–Quoi! n'avez-vous jamais entendu parler du moine noir, le spectre qui hante ce château?

–Jamais, en vérité.

–La renommée raconte une vieille histoire dont nous reparlerons plus tard. Soit qu'avec le temps le fantôme soit devenu moins hardi, soit que nos aïeux eussent de meilleurs yeux que les nôtres, il est certain que les visites du moine se font rares… La dernière fois, ce fut…

–Je vous en prie, interrompit Adeline qui conjecturait déjà qu'un rapport existait entre le trouble de Juan et la légende, si vous voulez plaisanter, vous feriez mieux de choisir un autre sujet. L'histoire a été trop souvent contée et n'a pas gagné beaucoup en vieillissant.

–Plaisanter, dit Mylord, mais vous savez bien que nous-mêmes, pendant notre lune de miel, nous avons vu…

–N'importe, il y a de cela si longtemps! Mais, tenez, je vais vous mettre votre histoire en musique.»

Alors, avec la grâce de Diane quand elle tend son arc, elle prit la harpe dont les cordes vibrèrent harmonieusement sous ses doigts et, d'un ton plaintif, se mit à jouer l'air:

 
«Il était un moine gris…»
 

«Joignez-y, cria Henry, des paroles de votre composition. Adeline est à moitié poète», ajouta-t-il avec un sourire en se tournant vers le reste de la société.

Chacun joignit ses instances aux siennes. Alors, après quelques secondes d'hésitation, la belle Adeline se mit à chanter ainsi:

 
Dieu vous garde du Moine noir!
Parfois, marmottant sa prière,
Quand la nuit descend sur la terre
Il rôde autour de ce manoir.
Depuis que Lord Amundeville
Chassa les moines de ces tours
Un moine refusa toujours
De quitter cet antique asile.
 
 
La torche et le fer à la main,
Les soldats des biens de l'Église
Réclament la prompte remise
Par l'ordre de leur souverain:
Un moine à demeurer s'obstine.
Son aspect n'est pas d'un mortel;
Sous le porche auprès de l'autel
Ce n'est que la nuit qu'il chemine.
 
 
Plein d'un bon ou mauvais vouloir
(Lequel? Réponde un plus habile!)
Nuit et jour des Amundeville
Le Moine habite le Manoir.
Leur première nuit conjugale
Près de leur lit le voit errer;
Il revient, est-ce pour pleurer?
Le jour où leur souffle s'exhale.
 
 
Et lorsqu'il naît un héritier,
Il se plaint de son infortune,
Aux pâles rayons de la lune,
Et parcourt l'édifice entier.
D'un capuchon couleur d'ébène
Toujours ses traits restent couverts;
Mais son regard brille au travers,
Et c'est celui d'une âme en peine.
 
 
Dieu vous garde du Moine noir!
C'est l'héritier du monastère;
Il est encor puissant sur terre
Malgré le laïque pouvoir.
Le jour, Amundeville est maître;
La nuit, le moine est sans rival;
Son droit subsiste, et nul vassal
N'est tenté de le méconnaître.
 
 
Quand il se promène à grands pas,
Couvert de son vêtement sombre,
Si vous laissez passer son ombre
Elle ne vous parlera pas.
Qu'il nous soit propice au contraire,
Dieu soit en aide au Moine noir!
Qu'il prie ou non pour nous, ce soir
Offrons pour lui notre prière.
 

La voix d'Adeline expira. Il y eut un moment de silence, puis l'auditoire se confondit en admiration et remerciements.

Cette ballade eut pour effet de rappeler Don Juan à lui-même. Il se permit même, sur le chapitre, de lancer maintes saillies.

 

La journée se passa aux habituelles occupations. Mais au dîner, donné à quelques électeurs influents, il semblait à nouveau distrait, étranger à ce qui se passait. Il oubliait de manger, puis se servit de turbot avec une notoire indiscrétion.

Les yeux d'Aurora étaient fixés sur les siens, et il y avait sur les traits de la jeune fille comme un sourire. Mais dans ce sourire il n'y avait rien qui éveillât ni l'espérance, ni l'amour… C'était un calme sourire de contemplation, empreint d'une certaine expression de surprise et de pitié…

Juan rougit de dépit, ce qui était peu spirituel. Aurora détourna les yeux, palissant légèrement…

Adeline surveillait tout, avec l'affabilité d'une maîtresse de maison dont le mari doit bientôt affronter les élections. Un instant Juan se demanda s'il y avait en elle quelque chose de réel, mais non, elle jouait un rôle.

La belle Fitz-Fulke semblait fort à son aise. Ses yeux riants saisissaient d'un regard les ridicules. C'était sa charitable occupation.

Cependant le repas s'écoula. Le café fut servi, puis on annonça les voitures. Les invités de la soirée disparurent un à un après force révérences à la maîtresse de maison.

Après leur départ on se répandit en saillies sur leur compte. Seul Don Juan demeurait silencieux. Mais il était heureux de voir qu'Aurora, par toute son attitude, approuvait son silence… La jeune fille avait rénové en lui des sentiments perdus ou émoussés…

Quand vint l'heure de minuit, Juan se retira dans son appartement, autant pour s'y livrer à la tristesse que pour dormir. Au lieu de pavots, les saules se balançaient sur sa couche. Il se mit à rêver…

La nuit ressemblait à celle de la veille. Il s'était déshabillé, n'ayant gardé que sa robe de chambre. Redoutant la visite du spectre, il s'assit, l'âme embarrassée, dans l'attente de nouvelles apparitions.

Il prêta l'oreille, et ce ne fut pas en vain:

«Chut! Qu'est ceci? Je vois… Mais non… Pourtant… Puissances célestes! c'est… bah! le chat! Le diable emporte son pas furtif, semblable à la démarche légère d'un esprit ou à celle d'une miss amoureuse s'avançant sur la pointe des pieds à son premier rendez-vous et…

«Encore! Qu'est-ce? Le vent? Non, non, cette fois c'est bien le moine noir avec sa marche régulière…»

Au milieu des ombres d'une nuit sublime, tandis que tous dorment profondément, alors que les ténèbres étoilées entourent le monde comme une ceinture parsemée de pierreries, voilà que la présence du moine vient encore glacer le sang dans ses veines.

Il entendit d'abord un bruit semblable au grincement d'un doigt humide sur un verre, puis un léger résonnement, comme une ondée fouettée par le vent la nuit…

Ses yeux étaient-ils bien ouverts? Oui, et son oreille aussi. De plus en plus s'approchait le bruit redoutable… La porte s'ouvrit.

Elle s'ouvrit avec un craquement infernal, comme la porte de l'enfer. «Lasciate ogni speranza, voi che entrate!» Elle s'ouvrit dans toute sa largeur, non rapidement, mais avec la lenteur du vol des mouettes, puis elle revint sur elle-même, sans toutefois se refermer… Elle demeura entrouverte, laissant passage à de grandes ombres que faisaient jouer les flambeaux de Juan, et parmi ces ombres se tenait debout le moine noir dans son lugubre capuchon.

Don Juan tressaillit, mais las de tressaillir, l'idée lui vint qu'il pourrait bien s'être trompé… Il domina peu à peu son tremblement… Une âme et un corps réunis ne peuvent-ils tenir tête à une âme sans corps?

Alors son effroi se changea en colère, et sa colère prit un caractère redoutable. Il se leva et s'avança; l'ombre battit en retraite. Juan la suivit. Son sang, tout à l'heure glacé, s'était échauffé. Il s'était résolu à percer ce mystère par une vigoureuse lutte de quarte et de tierce. Le fantôme recula jusqu'à l'antique muraille où il se tint debout, immobile comme un marbre.

Il étendit un bras. Puissances éternelles! Dans son trouble, il ne toucha ni âme ni corps, mais bien le mur, sur lequel les rayons de la lune tombaient à flots d'argent… Il frémit encore…

L'ombre était toujours là… Ses yeux bleus étincelaient, et avec une singulière vivacité pour des yeux d'ombre… La tombe lui avait également laissé sa respiration qui était remarquablement douce… On pouvait juger à une boucle égarée de ses cheveux que le moine avait été blond…

La lune se fit voir soudain à travers le linceul de lierre dont la fenêtre était tapissée, et Juan distingua qu'entre deux lèvres de corail brillaient deux rangs de perles… De plus en plus intrigué, il étendit l'autre bras.

Merveille sur merveille! Sa main se posa sur un sein bien vivant et qui battait à coups redoublés… En même temps il apercevait nettement l'âme la plus charmante qui se fût jamais fourrée sous capuchon de moine, un menton à fossette, une gorge d'ivoire, bref une créature de chair et de sang… Froc et capuchon s'écartèrent soudain et laissèrent voir, dans le luxe de toute sa voluptueuse et peu terrifiante personne, le fantôme de Sa folâtre Grâce la duchesse de Fitz-Fulke…

Don Juan, rasséréné, saisit à bras-le-corps le joli fantôme. Sous le grossier froc de bure, lady Fitz-Fulke était nue. Don Juan aimait lady Amundeville, Don Juan aimait miss Aurora, Don Juan aimait même la petite Leïlah. Mais il sentit le désir se glisser en son âme et en son corps. On ne passe pas impunément plusieurs semaines de chasteté en un grand château.

Mais comme il allait l'entraîner vers sa couche, il se fit un grand bruit. Une lueur éblouissante entra dans la vieille chambre, tandis que les murs tremblaient jusque dans leurs fondements. Un gouffre, non, une oubliette du passé parut s'ouvrir, et soudain le moine disparut…

La sueur au front, Byron s'éveilla de son long rêve. Il était toujours dans la misérable chambrette de cette auberge de Thrace où il avait dû chercher asile la veille, perdu dans sa course à cheval, un orage grondant, dont les éclats se répercutaient mille fois sur les collines de Tchataldja.

Une servante parut qui portait un délicieux moka. C'était une personne d'un âge assez mûr. Mais ses charmes pouvaient encore présenter quelque attrait à un voyageur bien fatigué.

Byron lui prit doucement la main. Elle sourit.

«Tant de conquêtes de princesses et de duchesses, cette nuit, pour aboutir à la servante! dit-il. Ma foi, tant pis! L'amour n'est qu'illusion, Don Juan eût fait de même à ma place.»

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