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Читать книгу: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)», страница 2

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Le portique occupant une moitié de la longueur de la grand'salle du côté de la cour donne à ce palais épiscopal une physionomie particulière. Cette galerie, exposée au midi sur un plateau où la température est habituellement froide, servait de promenoir, et contribuait à l'agrément de l'habitation. Le palais épiscopal de Laon, comme ceux que nous venons de décrire précédemment, n'en était pas moins un lieu fortifié très bien situé, facile à garder et à défendre. Nous voyons que le palais archiépiscopal de Narbonne, dans le Languedoc, bien que rebâti à la fin du XIIIe siècle et pendant le XIVe, est encore une véritable place forte élevée probablement sur l'emplacement du capitole de la ville romaine. C'est après le palais des papes, en France, la construction la plus importante qui nous reste des nombreuses résidences occupées par les princes de l'Église.

Le palais archiépiscopal de Narbonne est réuni à la cathédrale actuelle, fondée en 1272, par un cloître bâti par l'archevêque Pierre de la Jugée, dans la seconde moitié du XIVe siècle. Déjà, en 1308, la grosse tour carrée du palais, servant de donjon, avait été construite par l'archevêque Gilles. Pierre de la Jugée éleva entre le cloître et cette tour des bâtiments considérables qui subsistent encore en grande partie, et qui comprennent plusieurs tours rondes, des logis, une grand'salle et une autre tour carrée formant pendant avec le donjon. Cependant, au milieu de ces constructions du XIVe siècle, on retrouve encore une tour romane fort ancienne, et une belle porte du commencement du XIIe siècle.

Les archevêques de Narbonne furent, il est vrai, pendant une partie du moyen âge, des seigneurs puissants, et leur palais acquit, dès le XIe siècle, une importance en rapport avec leur fortune. En 1096, l'archevêque Dalmatius prit le titre de primat des Gaules. La ville de Narbonne avait d'ailleurs conservé en partie, comme beaucoup de villes du Midi, son administration municipale romaine.

La commune possédait jusqu'au XIIe siècle des conseillers qui prenaient le titre de nobiles viri ou probi homines. Alors on les appela consuls, ou plutôt cossouls. Cette commune fit en 1166 un traité de commerce avec la république de Gênes, et plus tard avec Pise, Marseille, Rhodes, etc. En 1212, Armand Amalaric, légat du pape et archevêque de Narbonne, se déclara duc, et le vicomte lui rendit hommage. Alors la ville était sous la juridiction de trois seigneurs, l'archevêque, le vicomte et l'abbé de Saint-Paul; en 1232, ces trois personnages confirmèrent les franchises et coutumes de la commune. Cependant, en 1234, les consuls de Narbonne invoquent le secours des consuls de Nîmes contre l'archevêque, et en 1255 les magistrats municipaux ordonnent que les coutumes de la ville seront traduites du latin en roman, afin de les mettre à la portée de tous. Les vicomtes, moins puissants que les archevêques, inclinent à protéger les prérogatives des Narbonnais, et c'est en présence de cette lutte croissante contre le pouvoir des seigneurs archevêques, que Gilles Ascelin construit, en 1318, l'énorme tour encore intacte aujourd'hui, et que ses successeurs font, de leur résidence, un véritable château fort, se reliant à la cathédrale fortifiée elle-même 20.

Ce mélange d'architecture militaire, religieuse et civile, fait donc du palais archiépiscopal de Narbonne un édifice des plus intéressants à connaître. Disons d'abord qu'il ne faut pas chercher là des influences de l'art italien du XIVe siècle; cet édifice est bien français, et plutôt français septentrional que languedocien. Ses combles étaient aigus, ainsi que le prouvent plusieurs des pignons existants; la construction des voûtes, les sections des piles, le cloître et ses détails, la forme des fenêtres, les dispositions défensives, et jusqu'à l'appareil, appartiennent à l'architecture du domaine royal; et le palais archiépiscopal de Narbonne est d'autant plus curieux à étudier, qu'il dut servir de point de départ pour construire le palais des papes à Avignon, dont nous nous occuperons tout à l'heure.



Voici (fig. 11) le plan du palais des archevêques de Narbonne, à rez-de-chaussée. En A, est la cathédrale, commencée, comme nous l'avons dit, en 1272, sur un plan français (voy. CATHÉDRALE, fig. 48). Une place fort ancienne 21, et qui, très vraisemblablement, occupe l'emplacement du forum de la ville romaine, est en B. Les fondations du capitole antique commandèrent la disposition des bâtiments, qui se contournent en partant de l'angle C jusqu'à la cathédrale. En D, est une tour romane, et en E, des bâtiments dont quelques parties appartiennent au XIIe siècle. La grosse tour carrée bâtie par Gilles Ascelin en 1318, est en F. Elle est plantée sur la place, en face de la tour du vicomte, beaucoup plus basse; elle dominait par conséquent la tour du seigneur laïque et le canal se reliant au port, lequel passe à 10 mètres environ du point C. De la place B au cloître G, le terrain s'élève de 5 mètres environ. On entrait dans la cour H du palais, en passant sous un arc I, en prenant une rue K bordée de bâtiments fortifiés, et en franchissant le grand porche voûté L. En O, était la salle des gardes, communiquant au rez-de-chaussée de la tour dite Saint-Martial, U, par un emmarchement intérieur. Toutes ces dispositions sont à peu près intactes. En passant de la rue K, sous une arcade P fortifiée, on arrive à un degré Q qui monte au cloître, lequel communique à la cathédrale par une porte R.

De la cour H, en descendant le degré S, terminé par un ciel ouvert S', et prenant à gauche un souterrain passant sous le grand logis V, on arrivait à une poterne T, donnant dans un fossé qui séparait tout le front ab d'un jardin, formant ouvrage avancé. Le grand logis V est, à rez-de-chaussée, occupé par des celliers disposés sous la grand'salle. De la cour H, on montait aux appartements par un escalier X, détruit aujourd'hui 22. En d, d', étaient des portiques, et en Z un bâtiment en retraite qui réunissait la grosse tour à la tour Saint-Martial.

Cette dernière partie, dont on ne voyait que des fragments avant 1847, enclavée dans des constructions beaucoup plus récentes, a été rasée pour faire place au nouveau bâtiment de l'hôtel de ville. Mais ayant été chargé de diriger cette dernière construction, nous avons pu constater la disposition des grands contre-forts avec mâchicoulis M, et du petit corps de garde N avec sa poterne n. Les bâtiments p, dits de la Madeleine, sont les plus anciens. Ils se composent d'un rez-de-chaussée voûté et d'une grande salle t, également voûtée, sous une belle chapelle disposée au premier étage; cette salle t communiquait avec le passage dit de l'Ancre par deux portes VV'. Ces portes VV' devaient permettre au public d'entrer dans la salle t, qui servait de chapelle basse. Une cour de communs était disposée en m avec un petit logis e fortifié. L'enceinte de l'archevêché allait rejoindre celle de la cathédrale par un mur f, également fortifié. En g, est une grande salle capitulaire. L'abside de la cathédrale continuait les défenses de ce côté f par une suite de tourelles crénelées réunies par des arcs surmontés de créneaux, ainsi que les couronnements des chapelles. Ce palais présentait donc un ensemble de défenses formidables dominées par l'énorme tour carrée F, formant saillie.



Examinons maintenant le plan du premier étage de ce palais (fig. 12). L'escalier X permettait d'arriver directement de la cour à la grande salle V, possédant une vaste cheminée dont on voit encore les traces à l'extérieur. Cette grande salle était éclairée par de hautes fenêtres terminées de tiers-point, et couverte au moyen d'arcs plein cintre, portant un solivage au-dessus duquel était un étage lambrissé donnant sur le crénelage extérieur. De la grande salle, on pouvait arriver à tous les appartements. Des escaliers à vis permettaient de descendre au rez-de-chaussée sur plusieurs points, ou de monter aux étages supérieurs. On voit qu'on ne pouvait entrer dans la salle octogonale de la tour carrée que par un passage détourné, et de cette salle octogonale on descendait par une trappe dans la salle circulaire du rez-de-chaussée, laquelle servait de chartre ou de cachot. De larges mâchicoulis s'ouvrant au second étage, à la hauteur du crénelage, défendaient le front ab. Ici on reconnaît l'utilité des passages pratiqués en I et en P, sur les deux arcades franchissant la rue K; ils établissaient une communication entre le logis L et celui T de la Madeleine, et entre la tour Saint-Martial U et la chapelle M. Le cloître 23, couvert en terrasse, donnait une promenade d'où l'on pouvait jouir de la vue étrangement pittoresque de tous ces grands bâtiments se découpant les uns sur les autres, surmontés d'un côté par la grosse tour carrée, de l'autre par l'abside colossale de la cathédrale.

Ces constructions sont élevées en belles pierres de Sijean et de Béziers; elles couvrent une surface de 4000 mètres environ, déduction faite des cours, et malgré les nombreuses mutilations qu'elles ont subies, bien que des couvertures plates modernes et sans caractère aient remplacé les anciennes toitures à pentes rapides, bien que des adjonctions misérables, ou l'abandon, aient détruit plusieurs de leurs parties les plus intéressantes, elles ne laissent pas d'en imposer par leur grandeur et leur puissance.



Nous donnons (fig. 13) une vue cavalière de ce palais, prise du côté de la grosse tour carrée (voy. CLOÎTRE, SALLE, TOUR). Mais ce palais des archevêques de Narbonne est un pauvre logis, si on le compare au palais des papes à Avignon. Il est nécessaire, pour faire comprendre l'importance de cette résidence des souverains pontifes, de donner un historique sommaire de leur séjour dans le comtat Venaissin.

Au XIIIe siècle, le rocher d'Avignon, sur lequel devait s'élever le palais des papes, était partie en pâturages, partie couvert d'habitations dominées par l'ancien château ou palais du podestat, non loin duquel s'élevait celui de l'évêque 24. De ces constructions antérieures au séjour des pontifes, l'église Notre-Dame des Doms, servant de cathédrale, existe seule aujourd'hui.

Le pape Clément V vint à Avignon en 1308, et habita le couvent des Frères prêcheurs (dominicains). Clément V était Bertrand de Grotte, archevêque de Bordeaux; ce prélat passait pour être l'ennemi du roi de France, Philippe le Bel. Ce prince eut avec lui une entrevue: «Archevêque, lui dit-il, je puis te faire pape si je veux, pourvu que tu promettes de m'octroyer six grâces que je te demanderai.» Bertrand tomba à ses genoux, et lui répondit: «Monseigneur, c'est à présent que je vois que vous m'aimez plus qu'homme qui vive, et que vous voulez me rendre le bien pour le mal. Commandez et j'obéirai.» Bertrand de Grotte fut élu, et vint s'établir en France, à Avignon.

Jean XXII habita le palais, alors situé sur l'emplacement du palais actuel des papes (1316).

C'est Armand de Via, son neveu, évêque d'Avignon, qui, n'ayant point de palais, acheta le terrain où fut bâti l'archevêché, aujourd'hui occupé par le petit séminaire. Jean XXII, voulant agrandir le palais qu'il habitait, fit démolir la paroisse de Saint-Étienne, qu'il transféra à la chapelle Sainte-Madeleine.

Benoît XII, en 1336, fit démolir du palais tout ce que son prédécesseur avait fait construire, et d'après les plans de l'architecte Pierre Obreri 25, fit bâtir la partie septentrionale du palais apostolique, qu'il termina par la tour de Trouillas. Sous ce pontife, la chambre apostolique acheta le palais qu'avait fait bâtir Armand de Via pour servir d'habitation aux évêques d'Avignon. Clément VI fit construire la façade méridionale du palais des papes et les enceintes du midi qui, dans la suite, servirent à contenir l'arsenal.

C'est en 1347 seulement que la ville d'Avignon et le comtat Venaissin devinrent la propriété des papes. Avignon appartenait à Jeanne de Naples, qui était comtesse de Provence en même temps que reine des Deux-Siciles. Chassée de Naples comme soupçonnée de complicité avec les assassins de son mari, André de Hongrie, Jeanne se réfugia en Provence, et vint se jeter aux pieds de Clément VI. Lorsqu'elle quitta Avignon pour retourner dans ses États d'Italie, elle était déclarée innocente du crime dont la voix publique l'accusait; elle était munie d'une dispense pour épouser son cousin Louis de Tarente, le principal instigateur de l'assassinat d'André. Avignon et le comtat Venaissin appartenaient au pape. Cette cession avait été stipulée au prix de 80000 florins.

Innocent VI acheva la partie méridionale et la grande chapelle supérieure. Urbain V fit tailler dans le roc l'emplacement de la cour principale du palais, et y fit creuser un puits; il fit construire l'aile orientale donnant sur des jardins, et ajouta une septième tour, dite des Anges, aux six déjà bâties.

Grégoire XI part pour Rome en 1376, et meurt en 1378. Ainsi le palais d'Avignon a été le siége de la papauté de 1316 à 1376, pendant soixante ans, sous six papes. La papauté était alors française, élue principalement parmi les prélats gascons et limousins. Les papes français installèrent des candidats de leur choix au sein du sacré collége, et maintinrent leur prédominance pendant la durée du séjour des papes à Avignon. Il ne faut pas oublier ce fait, qui eut, comme nous le verrons tout à l'heure, une influence sur la construction du palais des papes d'Avignon.

Les antipapes, Clément VII et Benoît XIII, occupèrent le palais d'Avignon de 1379 à 1403 (mars).

Benoît XIII fut assiégé dans le palais par le maréchal Boucicaut, le 8 septembre 1398; le siége fut converti en blocus jusqu'après le départ de ce pontife, en 1403. Roderic de Luna, neveu de Benoît XIII, fut de nouveau assiégé, ou plutôt bloqué, par les légats du pape de Rome et par Charles de Poitiers, envoyé par le roi de France en 1409. Il évacua le palais, ainsi que le château d'Oppède, par capitulation en date du 22 novembre 1411.

Le cardinal légat (cardinal de Clermont) fit bâtir, en 1513, l'appartement appelé la Mirande, regardant le midi, et la galerie couverte qui mettait en communication ces appartements avec les tours donnant sur le jardin: c'était là que les vice-légats recevaient leurs visites.

On a tenu dans le palais d'Avignon six conclaves:

Celui pour l'élection de Benoît XII, en 1335; de Clément VI, en 1342; d'Innocent VI, en 1352; d'Urbain V, en 1362; de Grégoire XI, en 1370, et de Benoît XIII, en 1394.

À la suite d'un conflit qui eut lieu entre les gens du pape et ceux du duc de Créquy, ambassadeur de Louis XIV près le saint-siége, les satisfactions demandées à la cour de Rome paraissant insuffisantes, le roi de France fit occuper Avignon par ses troupes, et menaça le souverain pontife d'envoyer un régiment à Rome (1662). Le général Bonaparte, par le traité de Tolentino, obtint la cession des Romagnes et du comtat d'Avignon.

Ainsi, en soixante années, les papes firent bâtir non-seulement cette résidence, dont la masse formidable couvre une surface de 6400 mètres environ, mais encore toute l'enceinte de la ville, dont le développement est de 4,800 mètres.

En 1378, un incendie détruisit presque tous les combles du palais des papes 26. En 1413, la grande salle du Consistoire, le quartier des cuisines et celui de la sommellerie furent consumés, malgré la diligence de Marc, neveu du pape Jean XXIII, et qui commandait alors dans cette ville 27.

Les documents étendus que M. Achard, archiviste de la préfecture de Vaucluse, a bien voulu réunir pour nous, avec un empressement dont nous ne saurions trop le remercier, ne donnent que le nom d'un architecte dans la construction de cette oeuvre colossale: c'est un certain Pierre Obreri ou Pierre Obrier. Obreri n'est guère un nom italien, mais ce qui l'est encore moins, c'est le monument lui-même. L'architecture italienne du XIVe siècle, soit que nous la prenions dans le sud ou dans le nord de la péninsule, ne rappelle en rien celle du palais des papes. Depuis la tour de Trouillas jusqu'à celle des Anges, dans toute l'étendue de ces bâtiments, du nord au sud, de l'est à l'ouest, la construction, les profils, les sections de piles, les voûtes, les baies, les défenses, appartiennent à l'architecture française du Midi, à cette architecture gothique qui se débarrasse difficilement de certaines traditions romanes. L'ornementation, très sobre d'ailleurs, rappelle celle de la cathédrale de Narbonne dans ses parties hautes, qui datent du commencement du XIVe siècle. Or, la cathédrale de Narbonne est l'oeuvre d'un architecte français, le même peut-être qui bâtit celle de Clermont en Auvergne, et celle de Limoges, ainsi que peut le faire supposer la parfaite conformité de ces trois plans. Les seuls détails du palais d'Avignon, qui sont évidemment de provenance italienne, ce sont les peintures attribuées à Giotto et à Simon Memmi ou à ses élèves 28. N'oublions pas d'ailleurs que Clément V, qui, le premier, établit le siége apostolique à Avignon, était Bertrand de Grotte, né à Villandrau, près de Bordeaux; que Jean XXII, son successeur, était Jacques d'Euse, né à Cahors; que Benoît XII était Jacques Fournier, né à Saverdun, au comté de Foix; que Clément VI était Pierre Roger, né au château de Maumont, dans le diocèse de Limoges; qu'Innocent VI était Étienne d'Albert, né près de Pompadour, au diocèse de Limoges; qu'Urbain V était Guillaume Grimoald, né à Grisac, dans le Gévaudan, diocèse de Mende, et que Grégoire XI, neveu du pape Clément VI, était, comme son oncle, né à Maumont, au diocèse de Limoges. Que ces papes, qui firent entrer dans le sacré collége un grand nombre de prélats français, et particulièrement des Gascons et des Limousins, eussent fait venir des architectes italiens pour bâtir leur palais, ceci n'est guère vraisemblable; mais les eussent-ils fait venir, qu'il serait impossible toutefois de ne point considérer les constructions du palais des papes d'Avignon comme appartenant à l'architecture des provinces méridionales de la France. Nous insistons sur ce point, parce que c'est un préjugé communément établi que le palais des papes est une de ces constructions grandioses appartenant aux arts de l'Italie. À cette époque, au XIVe siècle, le goût de l'architecture italienne flotte indécis entre les traditions antiques et les influences de France et d'Allemagne, et ce n'est pas par la grandeur et la franchise qu'il se distingue. Les papes établis en France, possesseurs d'un riche comtat, réunissant des ressources considérables, vivant relativement dans un état de paix profonde, sortis tous de ces diocèses du Midi, alors si riches en monuments, ont fait à Avignon une oeuvre absolument française, bien supérieure comme conception d'ensemble, comme grandeur et comme goût, à ce qu'alors on élevait en Italie. Examinons maintenant ce vaste édifice dans toutes ses parties. Nous devons prendre le palais des papes à Avignon tel qu'il existait à la fin du XIVe siècle, c'est-à-dire après les constructions successives faites depuis Clément V jusqu'à Grégoire XI, car il serait difficile de donner les transformations des divers services qui le composent, et de montrer, par exemple, le palais bâti par Jean XXII. Ces immenses bâtiments s'élèvent sur la déclivité méridionale du rocher des Doms, à l'opposite du Rhône; de telle sorte que le rez-de-chaussée de la partie voisine de l'église Notre-Dame, qui est la plus ancienne, se trouve au niveau du premier étage de la partie des bâtiments élevés en dernier lieu, du côté sud, par Urbain V. Si donc nous traçons le plan du rez-de-chaussée du palais des papes, vers sa partie inférieure, nous tombons en pleine roche, en nous avançant vers le nord (fig. 14).



L'entrée d'honneur A s'ouvre sur une esplanade dominant tous les alentours, et autrefois divisée en plusieurs bailles, avec courtines, tour et portes. Cette entrée A est défendue par deux herses, des vantaux et un double mâchicoulis. En avant, donnant sur l'esplanade, l'ouvrage avancé fut remplacé au XVIIe siècle par un mur de contre-garde crénelé. Sous le vestibule d'entrée, à droite, est la porte s'ouvrant dans un vaste corps de garde B, voûté. De la cour d'honneur C on peut se diriger sur tous les points du palais. Du vestibule D on monte aux étages supérieurs par un large et bel escalier à deux rampes, ou bien on entre dans la grande salle basse E et son annexe F, ou, encore dans la salle G. Par le passage H, on descend à l'esplanade orientale I, où l'on pénètre dans les salles K, sous la grosse tour L et son annexe l. Par le petit passage O détourné, on s'introduit dans la grande salle M, laquelle servait de poste et communiquait aux défenses supérieures par un escalier P. En R, est une poterne défendue par un mâchicoulis intérieur, une herse et des vantaux. En S, est une seconde poterne défendue par des mâchicoulis et une herse; en T, un degré qui monte au rez-de-chaussée de la partie du palais bâtie sur le rocher à un niveau plus élevé que le sol de la cour d'honneur. La partie la plus ancienne du palais, la tour de Trouillas est en V, flanquant le rocher et s'élevant au-dessus de toutes les autres tours du palais: c'est le donjon, dont nous ne voyons ici que les soubassements. Un escalier X, desservant cette partie des bâtiments, descend jusqu'au sol de l'esplanade I, et donne entrée sur le mur de défense Z garni de mâchicoulis et d'un chemin de ronde. En N, adossé à ce mur, est un fournil.

Tout ce rez-de-chaussée est voûté et construit de manière à défier le temps et la main des hommes. Du corps de garde B on monte par un escalier à vis aux défenses supérieures de la porte principale A. Un autre escalier Q monte aux appartements donnant sur l'esplanade.

Ainsi qu'on peut le reconnaître, la disposition de rez-de-chaussée est bonne, en ce que, de la cour d'honneur, on arrive directement à tous les points du palais. Observons aussi que les deux poternes R, S, sont percées dans des rentrants, bien masquées et défendues; que les fronts sont flanqués, et que les architectes ont profité de la disposition naturelle du rocher pour établir leurs bâtiments. Des jardins s'étendaient du côté du sud, sur une sorte de promontoire que forme la colline. D'un côté (vers le nord), le rocher des Doms est à pic sur le Rhône, et était de plus défendu par un fort (le fort Saint-Martin). De l'autre (vers le sud), il s'implantait au centre de la ville, et la coupait pour ainsi dire en deux parts. Vers l'ouest, les bailles s'étendaient jusqu'au palais épiscopal, étaient arrêtées par le rempart de la ville, qui descendait jusqu'aux bords du Rhône et se reliait au fort Saint-Martin 29. Des rampes ménagées le long de ce fort descendaient jusqu'à la porte ou châtelet donnant entrée sur le pont Saint-Bénézet, qui traversait le Rhône (voy. PONT). Vers l'est, l'escarpement est abrupt et domine les rues de la cité. L'assiette de ce palais était donc merveilleusement choisie pour tenir la ville sous sa dépendance ou protection, pour surveiller les rives du fleuve précisément au point où il forme un coude assez brusque, pour être en communication avec le mur d'enceinte, et pour sortir au besoin de la cité sans être vu.

Afin de ne pas multiplier les figures, nous présentons le plan du palais des papes à rez-de-chaussée pour la partie la plus élevée, et au premier étage pour la partie située au-dessus des bâtiments entourant la cour d'honneur. Par le fait, le niveau du rez-de-chaussée des bâtiments supérieurs correspond au niveau d'un étage entresolé, disposé en partie sur le plan donné dans la figure 14.



En A (fig. 15), est l'église Notre-Dame des Doms, rétablie dans sa forme première et avant l'adjonction des chapelles qui ont altéré le plan de ce bel édifice. Élevée pendant le XIIe siècle, l'église Notre-Dame des Doms, aujourd'hui encore cathédrale d'Avignon, fut conservée par les papes, et c'est dans son voisinage que les pontifes élevèrent les premières constructions de leur palais, entre autres les tours B et les corps de logis b. S'avançant peu à peu vers le sud et suivant la déclivité du rocher, les papes fermèrent d'abord la cour C, entourée d'un large portique avec étage au-dessus, puis la cour d'honneur D. Il est à remarquer qu'en élevant chaque tour et chaque corps de logis, on les fortifiait, pour mettre toujours les portions terminées du palais à l'abri d'une attaque. Ainsi, le bâtiment E, par exemple, était défendu par des mâchicoulis en e, parce qu'au moment de sa construction, il avait vue directe sur les dehors, la cour d'honneur D et la grande salle G ayant été construites en dernier lieu, ainsi que la tour H.

Sous Urbain V, les appartements du pape se trouvaient au premier étage, autour de la cour d'honneur. Une grande salle (la salle G) entièrement voûtée, servait de chapelle. Ses voûtes étaient couvertes de belles peintures dont il ne reste plus que des fragments. L'escalier d'honneur I donnait entrée dans cette chapelle et dans les appartements des corps de logis à l'occident et au levant. Un couloir de service longe les pièces de l'aile occidentale, est desservi par l'escalier K, communique à la porterie et avec défenses supérieures par les vis L, aboutit au-dessus de la poterne P, et met l'aile occidentale en communication avec le logis E. Un crénelage avec larges mâchicoulis bordait les chambres de l'aile occidentale, au niveau du premier étage, sur le dehors. En F, étaient placées, au premier étage, les grandes cuisines 30. La salle des festins était au-dessus de la salle b, et se trouvait séparée des galeries du cloître par une cour très étroite et très longue; on observera que des mâchicoulis défendent le pied des quatre bâtiments qui entourent ce cloître. Des cloisons, dont nous n'avons pas tenu compte dans ce plan, parce qu'elles ont été changées plusieurs fois de place, divisaient les logis qui entourent le cloître et laissaient des couloirs de service. Ce vaste palais était donc très habitable, toutes les pièces étant éclairées au moins d'un côté. On remarquera aussi que dans l'épaisseur des murs des tours notamment, sont pratiqués des couloirs de service et des escaliers qui mettaient en communication les divers étages entre eux, et pouvaient au besoin faciliter la défense.



Une élévation prise sur toute l'étendue de la face occidentale fait saisir l'ensemble de ce majestueux palais (fig. 16) qui domine la ville d'Avignon, le cours du Rhône et les campagnes environnantes. Il était autrefois richement décoré de peintures à l'intérieur 31. Mais deux incendies, l'abandon et le vandalisme, ont détruit la plus grande partie des décorations. Quelques plafonds assez richement peints datent du XVIe siècle. L'emmarchement du grand escalier, aujourd'hui délabré et sordide, était fait de marbre ou de pierre polie, ses voûtes étaient peintes. La chapelle était des plus splendides et contenait des monuments précieux: c'est dans ce vaisseau que furent déposés les trophées envoyés au pape en 1340, par le roi de Castille, à la suite de la victoire de Tarifa.

Les deux tourelles qui surmontent la porte d'entrée en forme d'échauguettes ne furent démolies qu'en 1749, parce que (dit un rapport du sieur Thibaut, ingénieur, en date du 29 mars de la même année) elles menaçaient ruine; un tableau déposé dans la bibliothèque d'Avignon et plusieurs gravures nous en ont conservé la forme. Quant aux couronnements des tours, notamment ceux de la tour de Trouillas, ils ne furent complétement détruits qu'au commencement de ce siècle, et sont également représentés dans les tableaux et gravures du XVIIe siècle. Le palais des papes possède sept tours qui sont: 1º la tour de Trouillas, 2º de la Gache 32, 3º de Saint-Jean, 4º de Saint-Laurent, 5º de la Cloche, 6º des Anges 33, 7º de l'Estrapade.

Les légats habitèrent le palais d'Avignon, après le départ de l'antipape Benoît XIII, et y firent quelques travaux, entre autres le cardinal d'Armagnac, en 1569; mais cette vaste habitation était fort délabrée et «fort mal logeable», comme le dit Ch. de Brosses, pendant le dernier siècle. Aujourd'hui, c'est à grand'peine que l'on peut reconnaître les dispositions intérieures à travers les planchers et les cloisons qui coupent les étages, pour loger de la troupe 34.

Ce dernier exemple indique, comme les précédents, que la question de symétrie n'était point soulevée lorsqu'il s'agissait de bâtir des palais pendant le moyen âge. On cherchait à placer les services suivant le terrain ou l'orientation la plus favorable, suivant les besoins, et l'on donnait à chaque corps de logis la forme, l'apparence qui convenaient à sa destination.

Tous les palais épiscopaux n'avaient pas en France cet aspect de forteresse. Le palais archiépiscopal de Rouen, le palais épiscopal d'Évreux, celui de Beauvais, rebâtis presque entièrement au XVe siècle, ressemblaient fort à des hôtels princiers s'ouvrant sur les dehors par de larges fenêtres, et ne possédant plus de tours de défense. Quant aux rois de France, à dater de la fin du XIVe siècle, lorsqu'ils résidaient dans les villes, ils habitaient des hôtels. À Paris, le roi possédait plusieurs hôtels, et dans la plupart des bonnes villes on avait le logis du roi, qui souvent n'était qu'une résidence très modeste. Les châteaux furent préférés, on y jouissait d'une plus grande liberté. Les troubles qui remplirent la capitale pendant une grande partie du XVe siècle engagèrent les souverains à ne plus se fier qu'à de bonnes murailles à distance de la ville.

Les châteaux du Louvre, de la Bastille, de Vincennes, ceux des bords de la Loire, devinrent la résidence habituelle des rois de France, depuis les guerres de l'indépendance jusqu'au règne de François Ier. Les grands vassaux suivirent en cela l'exemple du souverain, et préféraient leurs châteaux à leurs résidences urbaines, et le nom de palais resta aux bâtiments occupés par les parlements.

20
   Nous devons ces renseignements historiques à M. Tournal, conservateur du Musée de Narbonne.


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21
   Dite aujourd'hui la place aux Herbes.


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22
   Cet escalier fut détruit vers 1620, et remplacé par un bel escalier placé dans la tour Y. C'est de 1620 à 1634 que furent élevées de nouvelles façades dans la cour, et que furent arrangés les grands appartements actuellement occupés en partie par le musée de la ville. Nous avons retrouvé les traces des fondations de l'escalier X.


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23
   On désignait ainsi ce passage, parce que sous l'arcade I était suspendue une ancre, comme signe des droits que les archevêques possédaient sur le port de Narbonne.


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24
   «Item civitas (Avenionis) habet patuum quod est juxta cimeterium Sancti Benedicti usque ad rupem castricum pertinentiis suis usque ad Rhodanum et usque ad domos que possidentur pro Hugone Bertrando et sicut protenditur usque adstare Bertrandi Hugonis et usque ad cimeterium ecclesie Beate Marie et usque ad ecclesiam beate Marie de Castro.» (Bibl. d'Avignon, fonds Requien, cartul. des statuts. Invent. des biens de la républ. d'Avignon, fait en 1234 par le podestat Parceval de Doria.)--Communiqué par M. Achard, archiviste de la préfecture de Vaucluse.


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25
   Ou Pierre Obrier, selon les Annales d'Avignon, t. III.--Manuscrit donné au musée d'Avignon par M. Requien; comm. par M. Achard, archiviste de la préfecture.


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26
   On voit encore aujourd'hui les traces de ce sinistre dans les parties supérieures de l'édifice. «L'an 1378, à l'heure du trépas du pape Grégoire XI à Rome, selon les vieux documents de Provence, le palais d'Avignon s'embrasa par telle fureur, qu'il ne fut jamais au pouvoir des hommes, quel secours qui de toute part y arrivât, de l'éteindre ni arrêter, que la plus grande partie de ce grand et superbe édifice ne fût arse dévorée et mise en consommation par les flammes, ainsi que j'en ai moi-même encore vû les marques et vestiges dans cette fière et hautaine masse de pierres.» (Nostradamus, Hist. de Provence, p. 437.)


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27
   Journal d'un habitant d'Avignon, cité par Gaufridi (Hist. de Provence).


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28
   Il est bon d'observer ici que Giotto était mort à l'époque où s'élevait le palais des papes. Les seules peintures que l'on pourrait lui attribuer sont celles que l'on voyait, il y a quelques années, sous le porche de Notre-Dame des Doms. Mais quand elles furent faites, les papes n'étaient pas à Avignon.


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29
   Ce fort fut détruit, en 1650, par l'explosion de la poudrière qu'il contenait.


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30
   Ce sont ces cuisines que l'on montre comme étant une salle d'exécution à huis clos et une chambre de torture.


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31
   Il ne reste de ces peintures que des traces dans la grande chapelle, et dans deux des salles de la tour dite aujourd'hui de la Justice, M.


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32
   Ce nom lui venait de ce qu'elle servait de guette. Du haut de la tour de la Gache la plus voisine de la façade de Notre-Dame des Doms et la plus élevée, (voyez sur la façade) on donnait, à son de trompe, le signal du couvre-feu, on avertissait les habitants en cas d'incendie ou d'alarme.


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33
   C'est la tour située entre la porte et la grande chapelle (voyez la façade).


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34
   L'empereur Napoléon III a donné l'ordre, lors de son passage à Avignon, en 1860, de bâtir une caserne dans la ville, afin de pouvoir débarrasser et réparer ce magnifique palais.


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Дата выхода на Литрес:
30 июня 2018
Объем:
866 стр. 327 иллюстраций
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