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Le Chevalier de Maison-Rouge

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XXX
Oeillet et souterrain

Le premier coup avait été terrible, et il avait fallu à Maurice toute la puissance qu'il avait sur lui-même pour cacher à Lorin le bouleversement qui s'était fait dans toute sa personne; mais, une fois dans le jardin, une fois seul, une fois dans le silence de la nuit, son esprit devint plus calme, et ses idées, au lieu de rouler désordonnées dans son cerveau, se présentèrent à son esprit et purent être commentées par sa raison.

Quoi! cette maison que Maurice avait si souvent visitée avec le plaisir le plus pur, cette maison dont il avait fait son paradis sur la terre, n'était qu'un repaire de sanglantes intrigues! Tout ce bon accueil fait à son ardente amitié, c'était de l'hypocrisie; tout cet amour de Geneviève, c'était de la peur!

On connaît la distribution de ce jardin, où plus d'une fois nos lecteurs ont suivi nos jeunes gens. Maurice se glissa de massif en massif jusqu'à ce qu'il fût abrité contre les rayons de la lune par l'ombre de cette espèce de serre dans laquelle il avait été enfermé le premier jour où il avait pénétré dans la maison.

Cette serre était en face du pavillon qu'habitait Geneviève.

Mais, ce soir-là, au lieu d'éclairer isolée et immobile la chambre de la jeune femme, la lumière se promenait d'une fenêtre à l'autre. Maurice aperçut Geneviève à travers un rideau soulevé à moitié par accident; elle entassait à la hâte des effets dans un portemanteau, et il vit avec étonnement briller des armes dans ses mains.

Il se souleva sur une borne afin de mieux plonger ses regards dans la chambre. Un grand feu brillait dans l'âtre et attira son attention; c'étaient des papiers que Geneviève brûlait.

En ce moment une porte s'ouvrit, et un jeune homme entra chez Geneviève.

La première idée de Maurice fut que cet homme était Dixmer.

La jeune femme courut à lui, saisit ses mains, et tous deux se tinrent un instant en face l'un de l'autre, paraissant en proie à une vive émotion. Quelle était cette émotion? Maurice ne pouvait le deviner, le bruit de leurs paroles n'arrivait pas jusqu'à lui.

Mais tout à coup Maurice mesura sa taille des yeux.

– Ce n'est pas Dixmer, murmura-t-il. En effet, celui qui venait d'entrer était mince et de petite taille; Dixmer était grand et fort. La jalousie est un actif stimulant; en une minute Maurice avait supputé la taille de l'inconnu à une ligne près, et analysé la silhouette du mari.

– Ce n'est pas Dixmer, murmura-t-il, comme s'il eût été obligé de se le redire à lui-même pour être convaincu de la perfidie de Geneviève.

Il se rapprocha de la fenêtre, mais plus il se rapprochait moins il voyait: son front était en feu.

Son pied heurta une échelle; la fenêtre avait sept ou huit pieds de hauteur: il prit l'échelle et alla la dresser contre la muraille.

Il monta, colla son œil à la fente du rideau.

L'inconnu de la chambre de Geneviève était un jeune homme de vingt-sept ou vingt-huit ans, à l'œil bleu, à la tournure élégante; il tenait les mains de la jeune femme, et lui parlait tout en essuyant les larmes qui voilaient le charmant regard de Geneviève.

Un léger bruit que fit Maurice amena le jeune homme à tourner la tête du côté de la fenêtre.

Maurice retint un cri de surprise: il venait de reconnaître son sauveur mystérieux de la place du Châtelet.

En ce moment Geneviève retira ses mains de celles de l'inconnu. Geneviève s'avança vers la cheminée, et s'assura que tous les papiers étaient consumés.

Maurice ne put se contenir davantage; toutes les terribles passions qui torturent l'homme, l'amour, la vengeance, la jalousie, lui étreignaient le cœur de leurs dents de feu. Il saisit son temps, repoussa violemment la croisée mal fermée et sauta dans la chambre.

Au même instant deux pistolets se posèrent sur sa poitrine.

Geneviève s'était retournée au bruit; elle resta muette en apercevant Maurice.

– Monsieur, dit froidement le jeune républicain à celui qui tenait deux fois sa vie au bout de ces armes, monsieur, vous êtes le chevalier de Maison-Rouge?

– Et quand cela serait? répondit le chevalier.

– Oh! c'est que si cela est, vous êtes un homme brave et par conséquent un homme calme, et je vais vous dire deux mots.

– Parlez, dit le chevalier sans détourner ses pistolets.

– Vous pouvez me tuer, mais vous ne me tuerez pas avant que j'aie poussé un cri, ou plutôt je ne mourrai pas sans l'avoir poussé. Si je pousse ce cri, mille hommes qui cernent cette maison l'auront réduite en cendres avant dix minutes. Ainsi abaissez vos pistolets, et écoutez ce que je vais dire à madame.

– À Geneviève? dit le chevalier.

– À moi? murmura la jeune femme.

– Oui, à vous.

Geneviève, plus pâle qu'une statue, saisit le bras de Maurice; le jeune homme la repoussa.

– Vous savez ce que vous m'avez affirmé, madame, dit Maurice avec un profond mépris. Je vois maintenant que vous avez dit vrai. En effet, vous n'aimez pas M. Morand.

– Maurice, écoutez-moi! s'écria Geneviève.

– Je n'ai rien à entendre, madame, dit Maurice. Vous m'avez trompé; vous avez brisé d'un seul coup tous les liens qui scellaient mon cœur au vôtre. Vous avez dit que vous n'aimiez pas M. Morand, mais vous ne m'avez pas dit que vous en aimiez un autre.

– Monsieur, dit le chevalier, que parlez-vous de Morand, ou plutôt de quel Morand parlez-vous?

– De Morand le chimiste.

– Morand le chimiste est devant vous. Morand le chimiste et le chevalier de Maison-Rouge ne font qu'un.

Et allongeant la main vers une table voisine, il eut en un instant coiffé cette perruque noire qui l'avait si longtemps rendu méconnaissable aux yeux du jeune républicain.

– Ah! oui, dit Maurice avec un redoublement de dédain; oui, je comprends, ce n'est pas Morand que vous aimiez, puisque Morand n'existait pas; mais le subterfuge, pour en être plus adroit, n'en est pas moins méprisable.

Le chevalier fit un mouvement de menace.

– Monsieur, continua Maurice, veuillez me laisser causer un instant avec madame; assistez même à la causerie, si vous voulez; elle ne sera pas longue, je vous en réponds.

Geneviève fit un mouvement pour inviter Maison-Rouge à prendre patience.

– Ainsi, continua Maurice, ainsi, vous, Geneviève, vous m'avez rendu la risée de mes amis! l'exécration des miens! Vous m'avez fait servir, aveugle que j'étais, à tous vos complots! vous avez tiré de moi l'utilité que l'on tire d'un instrument! Écoutez: c'est une action infâme! mais vous en serez punie, madame! car monsieur que voici va me tuer sous vos yeux! Mais avant cinq minutes, il sera là, lui aussi, gisant à vos pieds, ou, s'il vit, ce sera pour porter sa tête sur un échafaud.

– Lui mourir! s'écria Geneviève; lui porter sa tête sur l'échafaud! Mais vous ne savez donc pas, Maurice, que lui c'est mon protecteur, celui de ma famille; que je donnerais ma vie pour la sienne; que s'il meurt je mourrai, et que si vous êtes mon amour, vous, lui est ma religion?

– Ah! dit Maurice, vous allez peut-être continuer de dire que vous m'aimez. En vérité, les femmes sont trop faibles et trop lâches.

Puis, se retournant:

– Allons, monsieur, dit-il au jeune royaliste, il faut me tuer ou mourir.

– Pourquoi cela?

– Parce que si vous ne me tuez pas, je vous arrête. Maurice étendit la main pour le saisir au collet.

– Je ne vous disputerai pas ma vie, dit le chevalier de Maison-Rouge, tenez! Et il jeta ses armes sur un fauteuil.

– Et pourquoi ne me disputerez-vous pas votre vie?

– Parce que ma vie ne vaut pas le remords que j'éprouverais de tuer un galant homme; et puis surtout, surtout parce que Geneviève vous aime.

– Ah! s'écria la jeune femme en joignant les mains; ah! que vous êtes toujours bon, grand, loyal et généreux, Armand!

Maurice les regardait tous deux avec un étonnement presque stupide.

– Tenez, dit le chevalier, je rentre dans ma chambre; je vous donne ma parole d'honneur que ce n'est point pour fuir, mais pour cacher un portrait.

Maurice porta vivement les yeux vers celui de Geneviève; il était à sa place.

Soit que Maison-Rouge eût deviné la pensée de Maurice, soit qu'il eût voulu pousser au comble la générosité:

– Allons, dit-il, je sais que vous êtes républicain; mais je sais que vous êtes en même temps un cœur pur et loyal. Je me confierai à vous jusqu'à la fin: regardez!

Et il tira de sa poitrine une miniature qu'il montra à Maurice: c'était le portrait de la reine. Maurice baissa la tête et appuya la main sur son front.

– J'attends vos ordres, monsieur, dit Maison-Rouge; si vous voulez mon arrestation, vous frapperez à cette porte quand il sera temps que je me livre. Je ne tiens plus à la vie, du moment où cette vie n'est plus soutenue par l'espérance de sauver la reine.

Le chevalier sortit sans que Maurice fît un seul geste pour le retenir. À peine fut-il hors de la chambre que Geneviève se précipita aux pieds du jeune homme.

– Pardon, dit-elle, pardon, Maurice, pour tout le mal que je vous ai fait; pardon pour mes tromperies, pardon au nom de mes souffrances et de mes larmes, car, je vous le jure, j'ai bien pleuré, j'ai bien souffert. Ah! mon mari est parti ce matin; je ne sais où il est allé, et peut-être ne le reverrai-je plus; et maintenant un seul ami me reste, non pas un ami, un frère, et vous allez le faire tuer. Pardon, Maurice! pardon!

Maurice releva la jeune femme.

– Que voulez-vous? dit-il, il y a de ces fatalités-là; tout le monde joue sa vie à cette heure; le chevalier de Maison-Rouge a joué comme les autres, mais il a perdu; maintenant il faut qu'il paye.

– C'est-à-dire qu'il meure, si je vous comprends bien.

– Oui.

– Il faut qu'il meure, et c'est vous qui me dites cela?

– Ce n'est pas moi, Geneviève, c'est la fatalité.

 

– La fatalité n'a pas dit son dernier mot dans cette affaire, puisque vous pouvez le sauver, vous.

– Aux dépens de ma parole, et par conséquent de mon honneur. Je comprends, Geneviève.

– Fermez les yeux, Maurice, voilà tout ce que je vous demande, et jusqu'où la reconnaissance d'une femme peut aller, je vous promets que la mienne y montera.

– Je fermerais inutilement les yeux, madame; il y a un mot d'ordre donné, un mot d'ordre, sans lequel personne ne peut sortir, car je vous le répète, la maison est cernée.

– Et vous le savez?

– Sans doute que je le sais.

– Maurice!

– Eh bien?

– Mon ami, mon cher Maurice, ce mot d'ordre, dites-le-moi, il me le faut.

– Geneviève! s'écria Maurice, Geneviève! mais qui donc êtes-vous pour venir me dire: «Maurice, au nom de l'amour que j'ai pour toi, sois sans parole, sois sans honneur, trahis ta cause, renie tes opinions»? Que m'offrez-vous, Geneviève, en échange de tout cela, vous qui me tentez ainsi?

– Oh! Maurice, sauvez-le, sauvez-le d'abord, et ensuite demandez-moi la vie.

– Geneviève, répondit Maurice d'une voix sombre, écoutez-moi: j'ai un pied dans le chemin de l'infamie; pour y descendre tout à fait, je veux avoir au moins une bonne raison contre moi-même; Geneviève, jurez-moi que vous n'aimez pas le chevalier de Maison-Rouge…

– J'aime le chevalier de Maison-Rouge comme une sœur, comme une amie, pas autrement, je vous le jure!

– Geneviève, m'aimez-vous?

– Maurice, je vous aime, aussi vrai que Dieu m'entend.

– Si je fais ce que vous me demandez, abandonnerez-vous parents, amis, patrie, pour fuir avec le traître?

– Maurice! Maurice!

– Elle hésite… oh! elle hésite! Et Maurice se rejeta en arrière avec toute la violence du dédain.

Geneviève, qui s'était appuyée à lui, sentit tout à coup son appui manquer, elle tomba sur ses genoux.

– Maurice, dit-elle en se renversant en arrière et en tordant ses mains jointes; Maurice, tout ce que tu voudras, je te le jure; ordonne, j'obéis.

– Tu seras à moi, Geneviève?

– Quand tu l'exigeras.

– Jure sur le Christ! Geneviève étendit le bras:

– Mon Dieu! dit-elle, vous avez pardonné à la femme adultère, j'espère que vous me pardonnerez.

Et de grosses larmes roulèrent sur ses joues, et tombèrent sur ses longs cheveux épars et flottants sur sa poitrine.

– Oh! pas ainsi, ne jurez pas ainsi, dit Maurice, ou je n'accepte pas votre serment.

– Mon Dieu! reprit-elle, je jure de consacrer ma vie à Maurice, de mourir avec lui, et, s'il le faut, pour lui, s'il sauve mon ami, mon protecteur, mon frère, le chevalier de Maison-Rouge.

– C'est bien; il sera sauvé, dit Maurice. Il alla vers la chambre.

– Monsieur, dit-il, revêtez le costume du tanneur Morand. Je vous rends votre parole, vous êtes libre.

– Et vous, madame, dit-il à Geneviève, voilà les deux mots de passe: œillet et souterrain.

Et comme s'il eût eu horreur de rester dans la chambre où il avait prononcé ces deux mots qui le faisaient traître, il ouvrit la fenêtre et sauta de la chambre dans le jardin.

XXXI
Perquisition

Maurice avait repris son poste dans le jardin, en face de la croisée de Geneviève: seulement cette croisée s'était éteinte, Geneviève étant rentrée chez le chevalier de Maison-Rouge.

Il était temps que Maurice quittât la chambre, car à peine avait-il atteint l'angle de la serre, que la porte du jardin s'ouvrit, et l'homme gris parut, suivi de Lorin et de cinq ou six grenadiers.

– Eh bien? demanda Lorin.

– Vous le voyez, dit Maurice, je suis à mon poste.

– Personne n'a tenté de forcer la consigne? dit Lorin.

– Personne, répondit Maurice, heureux d'échapper à un mensonge par la manière dont la demande avait été posée; personne! Et vous, qu'avez-vous fait?

– Nous, nous avons acquis la certitude que le chevalier de Maison-Rouge est entré dans la maison, il y a une heure, et n'en est pas sorti depuis, répondit l'homme de la police.

– Et vous connaissez sa chambre? dit Lorin.

– Sa chambre n'est séparée de la chambre de la citoyenne Dixmer que par un corridor.

– Ah! ah! dit Lorin.

– Pardieu, il n'y avait pas besoin de séparation du tout; il paraît que ce chevalier de Maison-Rouge est un gaillard.

Maurice sentit le sang lui monter à la tête; il ferma les yeux et vit mille éclairs intérieurs.

– Eh bien! mais… et le citoyen Dixmer, que disait-il de cela? demanda Lorin.

– Il trouvait que c'était bien de l'honneur pour lui.

– Voyons? dit Maurice d'une voix étranglée, que décidons-nous?

– Nous décidons, dit l'homme de la police, que nous allons le prendre dans sa chambre, et peut-être même dans son lit.

– Il ne se doute donc de rien?

– De rien absolument.

– Quelle est la disposition du terrain? demanda Lorin.

– Nous en avons un plan parfaitement exact, dit l'homme gris: un pavillon situé à l'angle du jardin, le voilà; on monte quatre marches, les voyez-vous d'ici? on se trouve sur un palier; à droite, la porte de l'appartement de la citoyenne Dixmer: c'est sans doute celui dont nous voyons la fenêtre. En face de la fenêtre, au fond, une porte donnant sur le corridor, et, dans ce corridor, la porte de la chambre du traître.

– Bien, voilà une topographie un peu soignée, dit Lorin: avec un plan comme celui-là on peut marcher les yeux bandés, à plus forte raison les yeux ouverts. Marchons donc.

– Les rues sont-elles bien gardées? demanda Maurice avec un intérêt que tous les assistants attribuèrent naturellement à la crainte que le chevalier ne s'échappât.

– Les rues, les passages, les carrefours, tout, dit l'homme gris; je défie qu'une souris passe si elle n'a point le mot d'ordre.

Maurice frissonna; tant de précautions prises lui faisaient craindre que sa trahison ne fût inutile à son bonheur.

– Maintenant, dit l'homme gris, combien demandez-vous d'hommes pour arrêter le chevalier?

– Combien d'hommes? dit Lorin, j'espère bien que Maurice et moi nous suffirons; n'est-ce pas, Maurice?

– Oui, balbutia celui-ci, certainement que nous suffirons.

– Écoutez, dit l'homme de la police, pas de forfanteries inutiles; tenez-vous à le prendre?

– Morbleu! si nous y tenons, s'écria Lorin, je le crois bien! N'est-ce pas, Maurice, qu'il faut que nous le prenions?

Lorin appuya sur ce mot. Il l'avait dit, un commencement de soupçons commençait à planer sur eux, et il ne fallait pas laisser le temps aux soupçons, lesquels marchaient si vite à cette époque-là, de prendre une plus grande consistance; or, Lorin comprenait que personne n'oserait douter du patriotisme de deux hommes qui seraient parvenus à prendre le chevalier de Maison-Rouge.

– Eh bien! dit l'homme de la police, si vous y tenez réellement, prenons plutôt avec nous trois hommes que deux, quatre que trois; le chevalier couche toujours avec une épée sous son traversin et deux pistolets sur sa table de nuit.

– Eh morbleu! dit un des grenadiers de la compagnie de Lorin, entrons tous, pas de préférence pour personne; s'il se rend, nous le mettrons en réserve pour la guillotine; s'il résiste, nous l'écharperons.

– Bien dit, fit Lorin; en avant! Passons-nous par la porte ou par la fenêtre?

– Par la porte, dit l'homme de la police; peut-être, par hasard, la clef y est-elle; tandis que si nous entrons par la fenêtre, il faudra casser quelques carreaux, et cela ferait du bruit.

– Va pour la porte, dit Lorin; pourvu que nous entrions, peu m'importe par où. Allons, sabre en main, Maurice. Maurice tira machinalement son sabre hors du fourreau.

La petite troupe s'avança vers le pavillon. Comme l'homme gris avait indiqué que cela devait être, on rencontra les premières marches du perron, puis l'on se trouva sur le palier, puis dans le vestibule.

– Ah! s'écria Lorin joyeux, la clef est sur la porte. En effet, il avait étendu la main dans l'ombre, et, comme il l'avait dit, il avait du bout des doigts senti le froid de la clef.

– Allons, ouvre donc, citoyen lieutenant, dit l'homme gris. Lorin fit tourner avec précaution la clef dans la serrure; la porte s'ouvrit. Maurice essuya de sa main son front humide de sueur.

– Nous y voilà, dit Lorin.

– Pas encore, fit l'homme gris. Si nos renseignements topographiques sont exacts, nous sommes ici dans l'appartement de la citoyenne Dixmer.

– Nous pouvons nous en assurer, dit Lorin; allumons des bougies, il reste du feu dans la cheminée.

– Allumons des torches, dit l'homme gris; les torches ne s'éteignent pas comme les bougies.

Et il prit des mains d'un grenadier deux torches qu'il alluma au foyer mourant. Il en mit une à la main de Maurice, l'autre à la main de Lorin.

– Voyez-vous, dit-il, je ne me trompais pas: voici la porte qui donne dans la chambre à coucher de la citoyenne Dixmer, voilà celle qui donne sur le corridor.

– En avant! dans le corridor, dit Lorin. On ouvrit la porte du fond, qui n'était pas plus fermée que la première, et l'on se trouva en face de la porte de l'appartement du chevalier. Maurice avait vingt fois vu cette porte, et n'avait jamais demandé où elle allait; pour lui, le monde se concentrait dans la chambre où le recevait Geneviève.

– Oh! oh! dit Lorin à voix basse, ici nous changeons de thèse; plus de clef et porte close.

– Mais, demanda Maurice, pouvant parler à peine, êtes-vous bien sûr que ce soit là?

– Si le plan est exact, ce doit être là, répondit l'homme de la police; d'ailleurs, nous allons bien le voir. Grenadiers, enfoncez la porte; et vous, citoyens, tenez-vous prêts, aussitôt la porte enfoncée, à vous précipiter dans la chambre.

Quatre hommes, désignés par l'envoyé de la police, levèrent la crosse de leur fusil, et, sur un signe de celui qui conduisait l'entreprise, frappèrent un seul et même coup: la porte vola en éclats.

– Rends-toi, ou tu es mort! s'écria Lorin en s'élançant dans la chambre.

Personne ne répondit: les rideaux du lit étaient fermés.

– La ruelle! gare la ruelle! dit l'homme de la police, en joue, et au premier mouvement des rideaux, faites feu.

– Attendez, dit Maurice, je vais les ouvrir. Et, sans doute dans l'espérance que Maison-Rouge était caché derrière les rideaux, et que le premier coup de poignard ou de pistolet serait pour lui, Maurice se précipita vers les courtines, qui glissèrent en criant le long de leur tringle. Le lit était vide.

– Mordieu! dit Lorin, personne!

– Il se sera échappé, balbutia Maurice.

– Impossible, citoyens! impossible! s'écria l'homme gris; je vous dis qu'on l'a vu rentrer il y a une heure, que personne ne l'a vu sortir, et que toutes les issues sont gardées.

Lorin ouvrait les portes des cabinets et des armoires et regardait partout, là même où il était matériellement impossible qu'un homme pût se cacher.

– Personne! cependant; vous le voyez bien, personne!

– Personne! répéta Maurice avec une émotion facile à comprendre; vous le voyez, en effet, il n'y a personne.

– Dans la chambre de la citoyenne Dixmer, dit l'homme de la police; peut-être y est-il?

– Oh! dit Maurice, respectez la chambre d'une femme.

– Comment donc, dit Lorin, certainement qu'on la respectera, et la citoyenne Dixmer aussi; mais on la visitera.

– La citoyenne Dixmer? dit un des grenadiers, enchanté de placer là une mauvaise plaisanterie.

– Non, dit Lorin, la chambre seulement.

– Alors, dit Maurice, laissez-moi passer le premier.

– Passe, dit Lorin; tu es capitaine: à tout seigneur tout honneur.

On laissa deux hommes pour garder la pièce que l'on venait de quitter; puis l'on revint dans celle où l'on avait allumé les torches.

Maurice s'approcha de la porte donnant dans la chambre à coucher de Geneviève. C'était la première fois qu'il allait y entrer. Son cœur battait avec violence. La clef était à la porte. Maurice porta la main sur la clef, mais il hésita.

– Eh bien, dit Lorin, ouvre donc!

– Mais, dit Maurice, si la citoyenne Dixmer est couchée?

– Nous regarderons dans son lit, sous son lit, dans sa cheminée et dans ses armoires, dit Lorin; après quoi, s'il n'y a personne qu'elle, nous lui souhaiterons une bonne nuit.

– Non pas, dit l'homme de la police, nous l'arrêterons; la citoyenne Geneviève Dixmer était une aristocrate qui a été reconnue complice de la fille Tison et du chevalier de Maison-Rouge.

– Ouvre alors, dit Maurice en lâchant la clef, je n'arrête pas les femmes.

L'homme de la police regarda Maurice de travers, et les grenadiers murmurèrent entre eux.

 

– Oh! oh! dit Lorin, vous murmurez? Murmurez donc pour deux pendant que vous y êtes, je suis de l'avis de Maurice.

Et il fit un pas en arrière.

L'homme gris saisit la clef, tourna vivement, la porte céda; les soldats se précipitèrent dans la chambre.

Deux bougies brûlaient sur une petite table, mais la chambre de Geneviève, comme celle du chevalier de Maison-Rouge, était inhabitée.

– Vide! s'écria l'homme de la police.

– Vide! répéta Maurice en pâlissant; où est-elle donc? Lorin regarda Maurice avec étonnement.

– Cherchons, dit l'homme de la police. Et, suivi des miliciens, il se mit à fouiller la maison depuis les caves jusqu'aux ateliers. À peine eurent-ils le dos tourné, que Maurice, qui les avait suivis impatiemment des yeux, s'élança à son tour dans la chambre, ouvrant les armoires qu'il avait déjà ouvertes, et appelant d'une voix pleine d'anxiété:

– Geneviève! Geneviève! Mais Geneviève ne répondit point, la chambre était bien réellement vide. Alors Maurice, à son tour, se mit à fouiller la maison avec une espèce de frénésie. Serres, hangars, dépendances, il visita tout, mais inutilement. Soudain l'on entendit un grand bruit; une troupe d'hommes armés se présenta à la porte, échangea le mot de passe avec la sentinelle, envahit le jardin et se répandit dans la maison. À la tête de ce renfort brillait le panache enfumé de Santerre.

– Eh bien! dit-il à Lorin, où est le conspirateur?

– Comment! où est le conspirateur?

– Oui. Je vous demande ce que vous en avez fait?

– Je vous le demanderai à vous-même: votre détachement, s'il a bien gardé les issues, doit l'avoir arrêté, puisqu'il n'était plus dans la maison quand nous y sommes entrés.

– Que dites-vous là? s'écria le général furieux, vous l'avez donc laissé échapper?

– Nous n'avons pu le laisser échapper, puisque nous ne l'avons jamais tenu.

– Alors, je n'y comprends plus rien, dit Santerre.

– À quoi?

– À ce que vous m'avez fait dire par votre envoyé.

– Nous vous avons envoyé quelqu'un, nous?

– Sans doute. Cet homme à habit brun, à cheveux noirs, à lunettes vertes, qui est venu nous prévenir de votre part que vous étiez sur le point de vous emparer de Maison-Rouge, mais qu'il se défendait comme un lion; sur quoi, je suis accouru.

– Un homme à habit brun, à cheveux noirs, à lunettes vertes? répéta Lorin.

– Sans doute, tenant une femme au bras.

– Jeune, jolie? s'écria Maurice en s'élançant vers le général.

– Oui, jeune et jolie.

– C'était lui et la citoyenne Dixmer.

– Qui lui?

– Maison-Rouge… Oh! misérable que je suis de ne pas les avoir tués tous les deux!

– Allons, allons, citoyen Lindey, dit Santerre, on les rattrapera.

– Mais comment diable les avez-vous laissés passer? demanda Lorin.

– Pardieu! dit Santerre, je les ai laissés passer parce qu'ils avaient le mot de passe.

– Ils avaient le mot de passe! s'écria Lorin; mais il y a donc un traître parmi nous?

– Non, non, citoyen Lorin, dit Santerre, on vous connaît, et l'on sait bien qu'il n'y a pas de traîtres parmi vous. Lorin regarda tout autour de lui, comme pour chercher ce traître dont il venait de proclamer la présence. Il rencontra le front sombre et l'œil vacillant de Maurice.

– Oh! murmura-t-il, que veut dire ceci?

– Cet homme ne peut être bien loin, dit Santerre; fouillons les environs; peut-être sera-t-il tombé dans quelque patrouille qui aura été plus habile que nous et qui ne s'y sera point laissé prendre.

– Oui, oui, cherchons, dit Lorin.

Et il saisit Maurice par le bras; et, sous prétexte de chercher, il l'entraîna hors du jardin.

– Oui, cherchons, dirent les soldats; mais, avant de chercher…

Et l'un d'eux jeta sa torche sous un hangar tout bourré de fagots et de plantes sèches.

– Viens, dit Lorin, viens. Maurice n'opposa aucune résistance. Il suivit Lorin comme un enfant; tous deux coururent jusqu'au pont sans se parler davantage; là, ils s'arrêtèrent, Maurice se retourna.

Le ciel était rouge à l'horizon du faubourg, et l'on voyait monter au-dessus des maisons de nombreuses étincelles.

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