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Henri III et sa Cour

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Henri III et sa Cour
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PERSONNAGES

HENRI III, roi de France

CATHERINE DE MEDICIS, reine mère

HENRI DE LORRAINE, DUC DE GUISE

CATHERINE DE CLEVES, DUCHESSE DE GUISE

PAUL ESTUERT, COMTE DE SAINT-MEGRIN

NOGARET DE LA VALETTE, BARON D'EPERNON; ANNE D'ARQUES,

VICOMTE DE JOYEUSE (favoris du roi)

SAINT-LUC

BUSSY D'AMBOISE, favori du duc d'Anjou

BALZAC D'ENTRAGUES, plus souvent appelé ANTRAGUET

COME RUGGIERI, astrologue

SAINT-PAUL, aide de camp du duc de Guise

ARTHUR, page de madame la duchesse de Guise

BRIGARD, boutiquier

BUSSY-LECLERC, procureur; LA CHAPELLE-MARTEAU, maître

des comptes; CRUCE (ligueurs)

DU HALDE

GEORGES, domestique de Saint-Mégrin

MADAME DE COSSE; MARIE (femmes de madame la duchesse de Guise)

Un Page d'Antraguet

ACTE PREMIER

Un grand cabinet de travail chez Côme Ruggieri; quelques instruments de physique et de chimie; une fenêtre entr'ouverte au fond de l'appartement, avec un téléscope.

SCENE I

RUGGIERI, puis CATHERINE DE MEDICIS

RUGGIERI, appuyé sur son coude, un livre d'astrologie ouvert devant lui; il y mesure des figures avec un compas; une lampe posée sur une table, à droite, éclaire la scène.

Oui!..cette conjuration me paraît plus puissante et plus sûre. (Regardant un sablier) Neuf heures bientôt…Qu'il me tarde d'être à minuit pour en faire l'épreuve? Réussirai-je enfin? parviendrai-je à évoquer un de ces génies que l'homme, dit-on, peut contraindre à lui obéir, quoiqu'ils soient plus puissants que lui?..Mais, si la chaîne des êtres créés se brisait à l'homme!..(Catherine de Médicis entre par une porte secrète; elle ôte son demi-masque noir, tandis que Ruggieri ouvre une autre volume, paraît comparer, et s'écrie:) Le doute partout!..

CATHERINE

Mon père…(Le touchant) Mon père!..

RUGGIERI

Qui?..Ah! Votre Majesté!..Comment, si tard, à neuf heures du soir, vous hasarder dans cette rue de Grenelle, si déserte et si dangereuse!

CATHERINE

Je ne viens point du Louvre, mon père; je viens de l'hôtel de

Soissons, qui communique avec votre retraite par ce passage secret.

RUGGIERI

J'étais loin de m'attendre à l'honneur…

CATHERINE

Pardon, Ruggieri, si j'interromps vos doctes travaux; en toute autre circonstance, je vous demanderais la permission d'y prendre part…Mais ce soir…

RUGGIERI

Quelque malheur?

CATHERINE

Non; tous les malheurs sont encore dans l'avenir. Vous-même avez tiré l'horoscope de ce mois de juillet, et le résultat de vos calculs a été qu'aucun malheur réel ne menaçait notre personne, ni celle de notre auguste fils, pendant sa durée…Nous sommes aujourd'hui au 20, et rien n'a démenti votre prédiction. Avec l'aide de Dieu, elle s'accomplira tout entière.

RUGGIERI

C'est donc un nouvel horoscope que vous désirez, ma fille? Si vous voulez monter avec moi à la tour, vos connaissances en astronomie sont assez grandes pour que vous puissiez suivre mes opérations et les comprendre. Les constellations sont brillantes.

CATHERINE

Non, Ruggieri; c'est sur la terre que mes yeux sont fixés maintenant. Autour du soleil de la royauté se meuvent aussi des astres brillants et funestes; ce sont ceux-là qu'avec votre aide, mon père, je compte parvenir à conjurer.

RUGGIERI

Commandez, ma fille; je suis prêt à vous obéir.

CATHERINE

Oui…vous m'êtes tout dévoué…Mais aussi ma protection, quoique ignorée de tous, ne vous est pas inutile…Votre réputation vous a fait bien des ennemis, mon père…

RUGGIERI

Je le sais.

CATHERINE

La Mole, en expirant, a avoué que les figures de cire à la ressemblance du roi, que l'on a trouvées sur l'autel, percées d'un poignard à la place du coeur, avaient été fournies par vous; et peut-être les mêmes juges qui l'ont condamné trouveraient-ils, sous les cendres chaudes encore de son bûcher, assez de feu pour allumer celui de Côme Ruggieri.

RUGGIERI, avec crainte

Je le sais…je le sais.

CATHERINE

Ne l'oubliez pas…Restez moi fidèle…et, tant que le ciel laissera à Catherine de Médicis existence et pouvoir, ne craignez rien. Aidez-la donc à conserver l'un et l'autre.

RUGGIERI

Que puis-je faire pour Votre Majesté?

CATHERINE

D'abord, mon père, avez-vous signé la Ligue, comme je vous avais écrit de le faire?

RUGGIERI

Oui, ma fille; la première réunion des ligueurs doit même avoir lieu ici; car nul d'entre eux ne soupçonne la haute protection dont m'honore Votre Majesté…Vous voyez que je vous ai comprise et que j'ai été au delà de vos ordres.

CATHERINE

Et vous avez compris aussi que l'écho de leurs paroles devait retentir dans mon cabinet, et non dans celui du roi?

RUGGIERI

Oui, oui…

CATHERINE

Et maintenant, mon père, écoutez…Votre profonde retraite, vos travaux scientifiques, vous laissent peu de temps pour suivre les intrigues de la cour…Et, d'ailleurs, vos yeux, habitués à lire dans un ciel pur, perceraient mal l'atmosphère épaisse et trompeuse qui l'environne.

RUGGIERI

Pardon, ma fille!..les bruits du monde arrivent parfois jusqu'ici: je sais que le roi de Navarre et le duc d'Anjou ont fui la cour et se sont retirés, l'un dans son royaume, l'autre dans son gouvernement.

CATHERINE

Qu'ils y restent; ils m'inquiètent moins en province qu'à Paris… Le caractère franc du Béarnais, le caractère irrésolu du duc d'Anjou, ne nous menacent point de grands dangers; c'est plus près de nous que sont nos ennemis…Vous avez entendu parler du duel sanglant qui a eu lieu, le 27 avril dernier, près la porte Saint-Antoine, entre six jeunes gens de la cour; parmi les quatre qui ont été tués, trois étaient les favoris du roi.

RUGGIERI

J'ai su sa douleur; j'ai vu les magnifiques tombeaux qu'il a fait élever à Quélus, Schomberg et Maugiron; car il leur portait une grande amitié…Il avait promis, assure-t-on, cent mille livres aux chirurgiens, en cas que Quélus vînt en convalescence…Mais que pouvait la science de la terre contre les dix-neuf coups d'épée qu'il avait reçus?..Antraguet, son meurtrier, a du moins été puni par l'exil…

CATHERINE

Oui, mon père…Mais cette douleur s'apaise d'autant plus vite, qu'elle a été exagérée. Quélus, Schomberg et Maugiron ont été remplacés par d'Epernon, Joyeuse et Saint-Mégrin. Antraguet reparaîtra demain à la cour; le duc de Guise l'exige, et Henri n'a rien à refuser à son cousin de Guise. Saint-Mégrin et lui sont mes ennemis. Ce jeune gentilhomme bordelais m'inquiète. Plus instruit, moins frivole surtout que Joyeuse et d'Epernon, il a pris sur l'esprit de Henri un ascendant qui m'effraye…Mon père, il en ferait un roi.

RUGGIERI

Et le duc de Guise?

CATHERINE

En ferait un moine, lui…Je ne veux ni l'un ni l'autre…Il me faut un peu plus qu'un enfant, un peu moins qu'un homme…Aurais-je donc abâtardi son coeur à force de voluptés, éteint sa raison par des pratiques superstitieuses, pour qu'un autre que moi s'emparât de son esprit et le dirigeât à son gré?..Non; je lui ai donné un caractère factice, pour que ce caractère m'appartînt…Tous les calculs de ma politique, toutes les ressources de mon imagination ont tendu là…Il fallait rester régente de la France, quoique la France eût un roi; il fallait qu'on pût dire un jour: «Henri III a regné sous Catherine de Médicis…» J'y ai réussi jusqu'à présent…Mais ces deux hommes!..

RUGGIERI

Eh bien, René, votre valet de chambre, ne peut-il préparer pour eux des pommes de senteur, pareilles à celles que vous envoyâtes à Jeanne d'Albret, deux heures avant sa mort?..

CATHERINE

Non…Ils me sont nécessaires: ils entretiennent dans l'âme du roi cette irrésolution qui fait ma force. Je n'ai besoin que de jeter d'autres passions au travers de leurs projets politiques, pour les en distraire un instant; alors je me fais jour entre eux; j'arrive au roi, que j'aurai isolé avec sa faiblesse, et je ressaisis ma puissance…J'ai trouvé un moyen. Le jeune Saint-Mégrin est amoureux de la duchesse de Guise.

RUGGIERI

Et celle-ci?..

CATHERINE

L'aime aussi, mais sans se l'avouer encore à elle-même, peut-être…Elle est esclave de sa réputation de vertu…Ils en sont à ce point où il ne faut qu'une occasion, une rencontre, un tête-à-tête, pour que l'intrigue se noue; elle-même craint sa faiblesse, car elle le fuit…Mon père, ils se verront aujourd'hui; ils se verront seuls.

RUGGIERI

Où se verront-ils?

CATHERINE

Ici…Hier, au cercle, j'ai entendu Joyeuse et d'Epernon lier, avec Saint-Mégrin, la partie de venir faire tirer leur horoscope par vous…Dites aux deux premiers ce que bon vous semblera sur leur fortune future, que le roi veut porter à son comble, puisqu'il compte en faire ses beaux-frères…Mais trouvez le moyen d'éloigner ces jeunes fous…Restez seul avec Saint-Mégrin; arrachez-lui l'aveu de son amour; exaltez sa passion; dites-lui qu'il est aimé, que grâce à votre art, vous pouvez le servir; offrez-lui un tête-à-tête. (Montrant une alcôve cachée dans la boiserie) La duchesse de Guise est déjà là, dans ce cabinet si bien caché dans la boiserie, que vous avez fait faire pour que je puisse voir et entendre au besoin, sans être vue. Par Notre-Dame! il nous a déjà été utile, à moi pour mes expériences politiques, et à vous pour vos magiques opérations.

 
RUGGIERI

Et comment l'avez-vous déterminée à venir?..

CATHERINE, ouvrant la porte du passage secret

Pensez-vous que j'aie consulté sa volonté?

RUGGIERI

Vous l'avez donc fait entrer par la porte qui donne dans le passage secret?

CATHERINE

Sans doute…

RUGGIERI

Et vous avez songé aux périls auxquels vous exposiez Catherine de Clèves, votre filleule!..L'amour du Saint-Mégrin, la jalousie du duc de Guise…

CATHERINE

Et c'est justement de cet amour et de cette jalousie que j'ai besoin…M. de Guise irait trop loin, si nous ne l'arrêtions pas. Donnons-lui de l'occupation…D'ailleurs, vous connaissez ma maxime:

 
Il faut tout tenter et faire,
Pour son ennemi défaire.
 
RUGGIERI

Ainsi, ma fille, vous avez consenti à lui découvrir le secret de cette alcôve.

CATHERINE

Elle dort. Je l'ai invitée à prendre avec moi une tasse de cette liqueur que l'on tire de fèves arabes que vous avez rapportées de vos voyages, et j'y ai mêlé quelques gouttes du narcotique que je vous avais demandé pour cet usage.

RUGGIERI

Son sommeil a dû être profond; car la vertu de cette liqueur est souveraine.

CATHERINE

Oui…Et vous pourrez la tirer de ce sommeil à votre volonté?

RUGGIERI

A l'instant, si vous le voulez.

CATHERINE

Gardez-vous en bien!

RUGGIERI

Je crois vous avoir dit aussi qu'à son réveil toutes ses idées seraient quelque temps confuses, et que sa mémoire ne reviendrait qu'à mesure que les objets frapperaient les yeux.

CATHERINE

Oui…tant mieux! elle sera moins à même de se rendre compte de votre magie…Quant à Saint-Mégrin, il est, comme tous ces jeunes gens, superstitieux et crédule: il aime, il croira…D'ailleurs, vous ne lui laisserez pas le temps de se reconnaître. Vous devez avoir un moyen d'ouvrir cette alcôve, sans quitter cette chambre?

RUGGIERI

Il ne faut qu'appuyer sur un ressort caché dans les ornements de ce miroir magique. (Il appuie sur le ressort, et la porte de l'alcôve se lève à moitié)

CATHERINE

Votre adresse fera le reste, mon père, et je m'en rapporte à vous…Quelle heure comptez-vous?..

RUGGIERI

Je ne puis vous le dire…La présence de Votre Majesté m'a fait oublier de retourner ce sablier, et il faudrait appeler quelqu'un.

CATHERINE

C'est inutile; ils ne doivent pas tarder; voilà l'important…Seulement, mon père, je ferai venir d'Italie une horloge;…je la ferai venir pour vous…Ou plutôt, écrivez vous-même à Florence et demandez-la, quelque prix qu'elle coûte.

RUGGIERI

Votre Majesté comble tous mes désirs…Depuis longtemps, j'en eusse acheté une, si le prix exorbitant qu'il faut y mettre…

CATHERINE

Pourquoi ne pas vous adresser à moi, mon père?..Par Notre-Dame! il ferait beau voir que je laissasse manquer d'argent un savant tel que vous…Non…Venez demain, soit au Louvre, soit à notre hôtel de Soissons, et un bon de notre royale main, sur le surintendant de nos finances, vous prouvera que nous ne sommes ni oublieuse ni ingrate. Dieu soit avec vous, mon père! (Elle remet son masque et sort par la porte secrète)

SCENE II

RUGGIERI, LA DUCHESSE DE GUISE, endormie

RUGGIERI

Oui, j'irai te rappeler ta promesse…Ce n'est qu'à prix d'or que je puis me procurer ces manuscrits précieux qui me sont si nécessaires…(Ecoutant) On frappe…Ce sont eux. (Il va refermer la porte de l'alcôve)

D'EPERNON, derrière le théâtre

Holà! hé!

RUGGIERI

On y va, mes gentilshommes, on y va.

SCENE III

RUGGIERI, D'EPERNON, SAINT-MEGRIN, JOYEUSE

D'EPERNON, à Joyeuse, qui entre appuyé sur une sarbacane et sur le bras de Saint-Mégrin

Allons, allons, courage, Joyeuse! Voilà enfin notre sorcier…Vive Dieu! mon père, il faut avoir des jambes de chamois et des yeux de chat-huant pour arriver jusqu'à vous.

RUGGIERI

L'aigle bâtit son aire à la cime des rochers pour y voir de plus loin.

JOYEUSE, s'étendant dans un fauteuil

Oui; mais on voit clair pour y arriver, au moins.

SAINT-MEGRIN

Allons, allons, messieurs, il est probable que le savant Ruggieri ne comptait pas sur notre visite. Sans cela, nous aurions trouvé l'antichambre mieux éclairée…

RUGGIERI

Vous vous trompez, comte de Saint-Mégrin. Je vous attendais…

D'EPERNON

Tu lui avais donc écrit?

SAINT-MEGRIN

Non, sur mon âme; je n'en ai parlé à personne…

D'EPERNON, à Joyeuse

Et toi?

JOYEUSE

Moi? Tu sais que je n'écris que quand j'y suis forcé…Cela me fatigue.

RUGGIERI

Je vous attendais, messieurs, et je m'occupais de vous.

SAINT-MEGRIN

En ce cas, tu sais ce qui nous amène.

RUGGIERI

Oui.

(D'Epernon et Saint-Mégrin se rapprochent de lui. Joyeuse se rapproche aussi, mais sans se lever de son fauteuil)

D'EPERNON

Alors toutes tes sorcelleries sont faites d'avances; nous pouvons t'interroger, tu vas nous répondre?

RUGGIERI

Oui…

JOYEUSE

Un instant, tête-Dieu!..(Tirant à lui Ruggieri) Venez ici, mon père…On dit que vous êtes en commerce avec Satan…Si cela était, si cet entretien avec vous pouvait compromettre notre salut…j'espère que vous y regarderiez à deux fois, avant de damner trois gentilshommes des premières maisons de France?

D'EPERNON

Joyeuse a raison, et nous sommes trop bons chrétiens!..

RUGGIERI

Rassurez-vous, messieurs, je suis aussi bon chrétien que vous.

D'EPERNON

Puisque tu nous assures que ta sorcellerie n'a rien de commun avec l'enfer, eh bien, voyons, que te faut-il, ma tête ou ma main?..

RUGGIERI

Ni l'une ni l'autre; ces formalités sont bonnes pour le vulgaire; mais, toi, jeune homme, tu es placé assez au-dessus de lui pour que ce soit dans un astre brillant entre tous les astres que je lise ta destinée…Nogaret de la Valette, baron d'Epernon…

D'EPERNON

Comment! tu me connais aussi, moi?..Au fait, il n'y a rien là d'étonnant…Je suis devenu si populaire!

RUGGIERI, reprenant

Nogaret de la Valette, baron d'Epernon, ta faveur passée n'est rien auprès de ce que sera ta faveur future.

D'EPERNON

Vive Dieu! mon père, et comment irai-je plus loin?..Le roi m'appelle son fils.

RUGGIERI

Ce titre, son amitié seule te le donne, et l'amitié des rois est inconstante…Il t'appellera son frère, et les liens du sang le lui commanderont.

D'EPERNON

Comment! tu connais le projet du mariage…?

RUGGIERI

Elle est belle, la princesse Christine! Heureux sera celui qui la possédera!

D'EPERNON

Mais qui a pu t'apprendre?..

RUGGIERI

Ne t'ai-je pas dit, jeune homme, que ton astre était brillant entre tous les astres?..Et maintenant à vous, Anne d'Arques, vicomte de Joyeuse; à vous que le roi appelle aussi son enfant.

JOYEUSE

Eh bien; mon père, puisque vous lisez si bien dans le ciel, vous devez y voir tout le désir que j'ai de rester dans cet excellent fauteuil, si toutefois cela ne nuit pas à mon horoscope…Non? Eh bien, allez, je vous écoute.

RUGGIERI

Jeune homme, as-tu songé quelquefois, dans tes rêves d'ambition, que la vicomté de Joyeuse pût être érigée en duché;…que le titre de pair qu'on y joindrait te donnerait le pas sur tous les pairs de France, excepté les princes du sang royal, et ceux des maisons souveraines de Savoie, Lorraine et Clèves?..Oui…Eh bien, tu n'as fait que pressentir la moitié de ta fortune…Salut à l'époux de Marguerite de Vaudemont, soeur de la reine!..Salut au grand amiral du royaume de France!..

JOYEUSE, se levant vivement

Avec l'aide de Dieu et de mon épée, mon père, nous y arriverons. (Lui donnant sa bourse) Tenez, c'est bien mal récompenser la prédiction de si hautes destinées; mais c'est tout ce que j'ai sur moi.

D'EPERNON

De par Dieu! tu m'y fais penser, et moi qui oubliais…(Il fouille à son escarcelle) Eh bien, des dragées à sarbacane, voilà tout…Je ne pensais plus que j'avais perdu à la prime jusqu'à mon dernier philippus…Je ne sais ce que devient ce maudit argent; il faut qu'il soit trépassé…Vive Dieu! Saint-Mégrin, toi qui es ami de Ronsard, tu devrais bien le charger de faire son épitaphe…

SAINT-MEGRIN

Il est enterré dans les poches de ces coquins de ligueurs…Je crois qu'il n'y a plus guère que là qu'on puisse trouver les écus à la rose et les doublons d'Espagne…Cependant il m'en reste encore quelques-uns, et si tu veux…

D'EPERNON, riant

Non, non, garde-les pour acheter de l'ellébore; car il faut que vous sachiez, mon père, que, depuis quelque temps, notre camarade Saint-Mégrin est fou…Seulement, sa folie n'est pas gaie…Cependant, il vient de me donner une bonne idée…Il faut que je vous fasse payer mon horoscope par un ligueur…Voyons, sur lequel vais-je vous donne un bon?..Aide-moi, duc de Joyeuse. Ce titre sonne bien, n'est-ce pas? Voyons, cherche…

JOYEUSE

Que dis-tu de notre maître des comptes, La Chapelle-Marteau?..

D'EPERNON

Insolvable…En huit jours, il épuiserait les trésors de Philippe II.

SAINT-MEGRIN

Et le petit Brigard?..

D'EPERNON

Bah!..un prévot de boutiquiers! il offrirait de s'acquitter en cannelle et en herbe à la reine.

RUGGIERI

Thomas Crucé?..

D'EPERNON

Si je vous prenais au mot, mon père, vos épaules pourraient garder pendant quelque temps rancune à votre langue…Il n'est pas endurant.

JOYEUSE

Eh bien, Bussy Leclerc?

D'EPERNON

Vive Dieu…un procureur…Tu es de bon conseil, Joyeuse…(A Ruggieri) Tiens, voilà un bon de dix écus noble rose. Fais bien attention que la noble rose n'est pas démonétisée comme l'écu sol et le ducat polonais, et qu'elle vaut douze livres. Va chez ce coquin de ligueur de la part de d'Epernon et fais-toi payer; s'il refuse, dis-lui que j'irai moi-même avec vingt-cinq gentilshommes et dix ou douze pages…

SAINT-MEGRIN

Allons, maintenant que ton compte est réglé, je te rappellerai qu'on doit nous attendre au Louvre…Il faut rentrer, messieurs; partons!

JOYEUSE

Tu as raison; nous ne trouverions plus de chaises à porteurs.

RUGGIERI, arrêtant Saint-Mégrin

Comment! jeune homme, tu t'éloignes sans me consulter!..

SAINT-MEGRIN

Je ne suis pas ambitieux, mon père; que pourriez-vous me promettre?

RUGGIERI

Tu n'es pas ambitieux!..Ce n'est pas en amour du moins.

SAINT-MEGRIN

Que dites-vous, mon père! Parlez bas!

RUGGIERI

Tu n'es pas ambitieux, jeune homme, et, pour devenir la dame de tes pensées, il a fallu qu'une femme réunît dans son blason les armes de deux maisons souveraines, surmontées d'une couronne ducale…

SAINT-MEGRIN

Plus bas, mon père, plus bas!

RUGGIERI

Eh bien, doutes-tu encore de la science?

SAINT-MEGRIN

Non…

RUGGIERI

Veux-tu partir encore sans me consulter?

SAINT-MEGRIN

Je le devrais, peut-être…

RUGGIERI

J'ai cependant bien des révélations à te faire.

SAINT-MEGRIN

Qu'elles viennent du ciel ou de l'enfer, je les entendrai…Joyeuse, d'Epernon, laissez-moi: je vous rejoindrai bientôt dans l'antichambre…

 
JOYEUSE

Un instant, un instant!..ma sarbacane…De par sainte Anne! si j'aperçois une maison de ligueur à cinquante pas à la ronde, je ne veux pas lui laisser un seul carreau.

D'EPERNON, à Saint-Mégrin

Allons, dépêche-toi!..et nous te ferons bonne garde pendant ce temps. (Ils sortent.)

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