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Histoire de ma Vie, Livre 1 (Vol. 1 – 4)

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* * *

Après un mois de séjour auprès de sa mère, Maurice quitte Nohant, passe deux ou trois jours à Paris, et va rejoindre son général à Charleville, où bientôt Victoire devait aller s'établir, en dépit des sermons de Deschartres, qui ne faisaient pas fortune, comme l'on voit, auprès de son élève. Ce pauvre pédagogue ne se décourageait pourtant pas. Il persistait à regarder Victoire comme une intrigante, et Maurice comme un jeune homme trop facile à tromper. Il ne voyait pas que l'effet de ce jugement erroné rendrait chaque jour mon père plus clairvoyant sur le désintéressement de son amie, et que plus on l'accuserait injustement, plus il lui rendrait justice et s'attacherait à elle. Deschartres, en cette circonstance, prit prétexte de ses affaires et accompagna Maurice à Paris, craignant peut-être qu'il n'y séjournât, au lieu d'aller à son poste. En même temps, ma grand'mère exprimait à son fils le désir de le voir marié, et cette inquiétude que lui causait la liberté du jeune homme, habituait le jeune homme à l'idée d'engager sa chère liberté. Ainsi, tout ce qu'on faisait pour le détacher de la femme aimée ne servait qu'à hâter le cours de la destinée.

Pendant ce court séjour à Paris avec son élève, Deschartres crut ne pas devoir le quitter d'un instant. C'était faire le précepteur un peu tard, avec un jeune militaire émancipé par de glorieuses et rudes campagnes. Mon père était bon, on le voit de reste par ses lettres, et, au fond, il aimait tendrement son pédagogue. Il ne savait pas le brusquer sérieusement, et il était assez enfant encore pour trouver un certain plaisir à tromper, comme un véritable écolier, la surveillance burlesque du bourru. Un matin, il s'esquive de leur commun logement, et va rejoindre Victoire dans le jardin du Palais-Royal, où ils s'étaient donné rendez-vous pour déjeuner ensemble chez un restaurateur. A peine se sont-ils retrouvés, à peine Victoire a-t-elle pris le bras de mon père, que Deschartres, jouant le rôle de Méduse, se présente au devant d'eux. Maurice paie d'audace, fait bonne mine à son argus, et lui propose de venir déjeûner en tiers. Deschartres accepte. Il n'était pas épicurien, pourtant il aimait les vins fins et on ne les lui épargna point. Victoire prit le parti de le railler avec esprit et douceur, et il parut s'humaniser un peu au dessert; mais quand il s'agit de se séparer, mon père voulant reconduire son amie chez elle, Deschartres retomba dans ses idées noires, et reprit tristement le chemin de son hôtel garni.

Le séjour de Charleville parut fort maussade à mon père jusqu'au moment où son amie vint s'y établir chez d'honnêtes bourgeois où elle payait une modique pension. Elle passait auprès d'eux pour être mariée secrètement avec mon père, mais elle ne l'était pas encore. Dès ce moment ils ne se quittèrent presque plus, et se regardèrent comme liés l'un à l'autre.

Ma bonne grand'mère ignorait tout cela. De temps en temps Deschartres, toujours aux aguets, de loin comme de près, faisait une découverte inquiétante et ne la lui épargnait pas. Il en résultait avec Maurice des explications qui la rassuraient pour un instant, mais qui ne changeaient rien à la situation de chacun.

«Charleville, le 1er messidor (juin).

...... «Nous faisons un étalage du diable avec nos grands plumets, nos dorures et nos beaux coursiers. Il est parlé de nous jusqu'à Soissons et jusqu'à Laon patrie de Jean-François Deschartres! Mais tant de gloire nous touche peu, et nous aimerions mieux être moins propres que d'user notre ardeur à faire la parade. En outre, on est curieux et bavard ici comme à La Châtre. Le général a voulu déjà tenter quelque aventure, mais il n'eut pas parlé deux fois à la même femme, qu'il s'éleva une clameur immense dans les trois villes de Sedan, Mézières et Charleville.»

«Charleville, 1er thermidor (juillet).

«Voilà une singulière fantaisie de mon général. Il ne savait que vaguement que j'étais le petit-fils du maréchal de Saxe, et il s'est mis à m'interroger là-dessus en détail. Quand il a appris que tu avais été reconnue par acte du parlement, et que le roi de Pologne était mon aïeul, tu n'as pas d'idée de l'effet que cela a produit sur lui. Il m'en parle vingt fois le jour, il m'accable de questions. Malheureusement, je ne me suis jamais occupé de tout cela, et il m'est impossible de lui tracer mon arbre généalogique. Je ne me souviens pas du nom de ta mère, et je ne sais pas du tout si nous sommes parens des Levenhaupt. Il faut que tu cèdes à sa fantaisie et que tu me renseignes sur tout cela. Il veut m'envoyer en Allemagne avec des lettres de recommandation du ministre de l'intérieur et des généraux Marceau et Macdonald, afin de me faire reconnaître comme le seul rejeton existant du grand homme.

«Je me garderai bien de donner dans de pareilles extravagances, mais je ne veux pas brusquer trop cette manie de Dupont, parce qu'il prétend qu'avec mon nom je dois être fait capitaine, et qu'il se fait fort de m'obtenir ce grade incessamment. Je crois l'avoir mérité par moi-même, et je le laisserai agir. Te souviens-tu du temps où je ne voulais pas être protégé? C'était avant d'être militaire; j'avais des illusions sur la vie, et je m'imaginais qu'il suffisait d'être brave et intelligent pour parvenir. La République m'avait mis ce fol espoir dans la tête; mais à peine ai-je vu ce qui en est que j'ai reconnu que le régime d'autrefois n'est guère changé; et Bonaparte en est, je crois, plus épris qu'il n'en a l'air.»

A M. Deschartres.

«Charleville, 8 thermidor an X.

«Vous êtes bien aimable, mon ami, de vous donner tant de peines pour mes affaires. Croyez que je sens vivement le prix d'un ami tel que vous: vous mettez à tout ce qui me regarde un zèle que je ne puis trop reconnaître; mais laissez-moi vous dire, sans circonlocution, qu'à certains égards ce zèle va trop loin; non que je veuille vous dénier le droit de vous occuper de ma conduite, comme vous vous occupez de mes affaires et de ma santé: ce droit est celui de l'affection, et je saurai le subir quand même il me blesserait; je crois vous l'avoir prouvé déjà en des circonstances délicates; mais l'ardeur de ce zèle vous fait voir en noir et prendre au tragique des choses qui ne le sont pas. C'est donc voir faux, et l'amitié que je vous porte ne m'oblige pas à me tromper avec vous.

«Quand, par exemple, vous me pronostiquez qu'à trente ans, j'aurai les infirmités de la vieillesse, et que, par là, je deviendrai inhabile aux grandes choses, et tout cela, parce qu'à vingt-quatre ans j'ai une maîtresse, vous ne m'effrayez pas beaucoup. En outre, vous jouez de malheur dans votre raisonnement quand vous me proposez l'exemple de mon grand-père le maréchal, qui fut précisément d'une galanterie dont je n'approche pas, et qui n'en gagna pas moins la bataille de Fontenoy à 45 ans. Votre Annibal était un sot de s'endormir à Capoue avec son armée; mais, nous autres Français, nous ne sommes jamais plus robustes et plus braves que quand nous sortons des bras d'une jolie femme. Quant à moi, je crois être beaucoup plus sage et plus chaste en me livrant à l'amour d'une seule qu'en changeant tous les jours de caprice, ou en allant voir les filles, pour lesquelles je vous avoue que je ne me sens pas de goût.

«Il est vrai que, pour être conséquent avec vous-même, il vous plaît de traiter de fille la personne à laquelle je suis attaché. On voit bien que vous ne savez pas plus ce que c'est qu'une fille que vous ne savez probablement ce que c'est qu'une femme. Moi, je vais vous l'apprendre, car j'ai un peu connu déjà la vie de hussard, et c'est parce que je l'ai connue que j'ai eu hâte d'en sortir. Nous avons rompu assez de lances sur ce sujet pour qu'il me semble inutile d'y revenir, mais puisque vous persistez à l'accuser, je persisterai à défendre celle que j'aime.

«Une fille, puisqu'il faut encore vous l'expliquer, est un être qui spécule, et vend son amour. Il y en a beaucoup dans le grand monde, bien qu'elles aient de grands noms et des maisons très fréquentées. Je ne vivrais pas huit jours avec elles. Mais une femme qui s'attache à vous en vous rencontrant dans le malheur, qui vous a résisté lorsque vous étiez dans une situation brillante en apparence et qui vous cède en vous voyant couvert de haillons et mourant de faim (c'est ainsi que j'étais en sortant des mains des Croates), une femme qui vous garde la plus stricte fidélité depuis le jour où elle vous a aimé, et qui, lorsque vous voulez lui assurer quelques ressources, au moment où vous venez de recueillir un petit héritage, vous jette au nez et foule aux pieds avec colère vos billets de cent louis, puis les ramasse et les brûle en pleurant! non, cent fois non, cette femme n'est pas une fille, et on peut l'aimer fidèlement, sérieusement, et la défendre envers et contre tous. Quel que soit le passé d'une telle femme, il n'y a qu'un lâche qui puisse le lui reprocher, quand il a profité de son amour, quand il a reçu d'elle des services; et vous savez très bien que sans V... j'aurais eu beaucoup de peine à revenir en France. Les circonstances décident de nous, et souvent malgré nous, dans la première jeunesse, lorsque nous sommes sans ressources et sans appui. Les femmes, plus faibles que nous et provoquées par nous qui nous faisons une gloire d'égarer leur faiblesse, peuvent se perdre aisément. Mais entourez les premières saintes du Paradis de tous les genres de séductions, mettez-les aux prises avec le malheur et l'abandon, et vous verrez si toutes s'en tireront aussi bien que certaines femmes dont vos arrêts croient faire une justice salutaire.

 

«Vous vous trompez donc, mon ami. Et voilà tout ce que j'ai à dire pour résister à des conseils que vous croyez bons, et que je regarde comme mauvais. Quant à ma mère, je vous prie de ne point me recommander de la chérir. Je n'ai besoin pour cela des encouragemens de personne. Jamais je n'oublierai ce que je lui dois; mon amour et ma vénération pour elle sont à l'abri de tout. Adieu, mon cher Deschartres, je vous embrasse de tout mon cœur. Vous savez mieux que tout autre combien il vous est attaché.

«MAURICE DUPIN.»

De Maurice à sa mère.

«Eh bien! oui, ma bonne mère, je te l'avoue, je suis, non pas triste comme tu le crois, mais assez mécontent de la tournure que prennent mes affaires. Voilà de grands changemens dans les affaires publiques, et qui ne nous promettent rien de bon37. Certainement cela lève toutes les difficultés qui auraient pu surgir à la mort du premier consul; mais c'est un retour complet à l'ancien régime; et, en raison de la stabilité des premières fonctions de l'Etat, il n'y aura guère moyen de sortir des plus humbles. Il faudra se tenir là où le hasard vous aura jeté, et ce sera comme autrefois, où un brave soldat restait soldat toute sa vie, tandis qu'un freluquet était officier selon le bon plaisir du maître. Tu verras que tu ne te réjouiras pas bien longtemps de cette espèce de restauration monarchique, et que pour moi, du moins, tu regretteras les hasards de la guerre et la grande émulation républicaine.

«Le poste que j'occupe n'est pas désagréable en soi-même, et, en temps de guerre, il est brillant, parce qu'il nous expose et nous fait agir: mais en temps de paix, il est assez sot, et, entre nous soit dit, peu honorable. Nous ne sommes après tout, que des laquais renforcés. Nous dépendons de tous les caprices d'un général. Si nous voulons sortir, il faut rester; si nous voulons rester, il faut sortir. A la guerre, c'est charmant: ce n'est pas au général que nous obéissons. Il représente le drapeau de la patrie. C'est pour le salut de la chose publique qu'il dispose de nos volontés, et quand il nous dit: «Allez à droite; si vous n'y êtes pas tué vous irez ensuite à gauche; et si vous n'êtes pas tué à la gauche, vous irez ensuite en avant, «c'est fort bien; c'est pour le service, et nous sommes trop heureux de recevoir de pareils ordres. Mais en temps de paix, quand il nous dit: «Montez à cheval pour m'accompagner à la chasse, ou venez faire des visites avec moi pour me servir d'escorte, «ce n'est plus si drôle. C'est à son caprice personnel que nous obéissons. Notre dignité en souffre, et la mienne est je l'avoue, à une rude épreuve. Dupont est pourtant d'un excellent caractère et peu de généraux sont aussi bienveillans et aussi expansifs: mais enfin, il est général et nous sommes aides-de-camp, et s'il ne faisait de nous ses domestiques, nous ne lui servirions à rien, puisqu'il n'y a rien autre chose à faire. Decouchy, qui est chef d'état-major, prend patience, quoique avant-hier, il ait eu une petite mortification assez dure. Le général était chez sa maîtresse et l'a fait attendre trois heures dans la cour. Il a failli le planter là et envoyer tout au diable. Morin est très insouciant et répond toujours qu'importe? à tout ce qu'on lui dit. Moi, je me dis en moi-même:

 
Il importe si bien, que, de tous vos repas,
Je ne veux en aucune sorte,
Et je ne voudrais même pas, à ce prix, un trésor.
 

si bien que j'ai le plus grand désir d'aller rejoindre mon régiment, et je vais écrire pour cela à Lacuée, qui est le grand faiseur et le grand réformateur.

* * *

«En raison de ma haute valeur et de ma belle conduite dans les épreuves, j'ai été nommé compagnon ces jours-ci, et je serai maître incessamment.»

CHAPITRE DIX-HUITIEME

Suite des amours. — Séparation douloureuse. — Retour à Paris. — Ces dames. Le beau monde. La faveur. — M. de Vitrolles. M. Hékel. Eugène Beauharnais et lady Georgina.

An XI. — LETTRE I

De Maurice Dupin à sa mère.

«Charleville, 1er vendémiaire (22 septembre 1802).

«Ta lettre, ma bonne mère, que je reçois à l'instant, me rend au bonheur: tu m'y moralises, tu m'y grondes tout au long, mais c'est avec ton amour maternel que je possède toujours, que rien ne peut me remplacer, et de la perte duquel je ne me consolerais jamais: entends-tu bien, parce que rien ne pourrait me dédommager. En dépit de ton mécontentement, tu me portes toujours la même tendresse: conserve-la-moi toujours, ma bonne mère, je n'ai jamais cessé de la mériter. Je te l'avouerai, je craignais que quelque nouveau rapport mensonger, quelque apparence trompeuse ne l'eussent momentanément refroidie dans ton cœur. Cette idée me poursuivait partout: mon ame en était oppressée, mon sommeil troublé; enfin, tu viens de me rendre à la vie!

«Et cet original de Deschartres qui me mande, il y a deux jours, que tu ne m'écriras peut-être pas de longtemps, à cause des chagrins que je te donne! Je lui ai trop prouvé qu'il avait tort. Il s'en venge en me faisant souffrir, en me prenant par l'endroit le plus sensible. Avec tant de bonnes qualités, c'est cependant un ours qui vous griffe quand il ne peut vous assommer. Il m'a écrit des volumes tout le mois dernier pour me prouver, avec sa politesse accoutumée que j'étais un homme déshonoré, couvert de boue. Rien que ça! Belle conclusion, et digne des exordes dont il me régalait: mais je les lui passe de bien bon cœur à cause du motif qui allume son courroux et son zèle. Je n'ai pas encore répondu à sa dernière lettre, mais je me réserve cette petite satisfaction, tout en lui envoyant un bel et bon fusil à deux coups, pour qu'il te fasse manger des perdrix s'il n'est pas trop maladroit.

Non, ma bonne mère je n'ai jamais voulu séparer mon existence de la tienne, et si je suis devenu ivrogne et mauvaise compagnie comme tu m'en accuses, dans les camps et bivouacs, ce que je ne crois pas, sois sûre que, du moins, dans cette vie agitée, je n'ai rien perdu de mon amour pour toi. Si j'ai fait, sans te consulter, la démarche d'écrire à Lacuée pour tâcher de rentrer dans mon régiment, c'est que le temps pressait, qu'il m'eût fallu attendre ta réponse, et perdre ainsi le peu de jours que j'avais pour espérer un bon résultat. Maintenant tout est consommé, Lacuée ne m'a pas laissé la moindre espérance. En vertu des nouveaux arrêtés, je dois rester auprès de Dupont; je me résigne, et la satisfaction que tu en ressens diminue d'autant ma contrariété.........

«Adieu, ma bonne mère: crois que ton bonheur peut seul faire le mien, et qu'il entrera toujours comme cause première dans toutes mes actions comme dans toutes mes pensées. Je t'embrasse de toute mon ame.

«Mon Dieu, que l'idée de Miemié m'afflige; je ne peux pas me persuader cela. Parle-lui de moi, je t'en prie38.

«Et Auguste qui est nommé receveur de la ville de Paris! Je lui en ai fait mon compliment.»

LETTRE III

«De Sillery, chez M. de Valence (sans date).

«Tu l'as voulu, tu l'as exigé, tu m'as mis entre ton désespoir et le mien. J'ai obéi. V... est à Paris. J'ai voulu, j'ai fait l'impossible. Mais, pour l'éloigner ainsi, il fallait bien veiller à son existence. Je me suis fait avancer soixante louis par le payeur de la division sur mes appointemens, et j'ai exigé qu'elle allât travailler à Paris. Au moment du départ, elle m'a renvoyé l'argent. J'ai couru après elle, je l'ai ramenée, nous avons passé trois jours ensemble dans les larmes. Je lui ai parlé de toi, je lui ai fait espérer qu'en la connaissant mieux un jour, tu cesserais de la craindre. Elle s'est résignée, elle est partie. Mais ce n'est peut-être pas trop le moyen de se guérir d'une passion que de l'exposer à de telles épreuves. Enfin, je ferai pour toi ce que les forces humaines comportent. Mais ne me parle plus tant d'elle. Je ne peux pas encore te répondre avec beaucoup de sangfroid.»

* * *

Ma grand'mère, voyant aux lettres suivantes que son cher Maurice était mortellement triste, l'appela auprès d'elle, et obtint du général Dupont qu'il lui permettrait d'aller à Paris faire des démarches pour son avancement. C'était un prétexte pour l'attirer à Nohant; mais il n'y alla que plus tard. Il fut retenu à Paris par son amour, usant aussi auprès de sa mère du prétexte de ces mêmes démarches. Il désirait vivement alors entrer dans la garde du premier consul. Il fit quelques efforts sans succès, comme il était facile de le prévoir, car il était trop préoccupé pour être un solliciteur actif, et trop naïvement fier pour être un heureux courtisan. J'ai entendu souvent ses amis s'étonner qu'avec tant de bravoure, d'intelligence et de charme dans les manières, il n'ait pas eu un plus rapide avancement. Moi, je le conçois bien. Il était amoureux, et, pendant plusieurs années, il n'eut pas d'autre ambition que celle d'être aimé; ensuite, il n'était pas homme de cour, et on n'obtenait déjà plus rien sans se donner beaucoup de peine. Puis vinrent pour Bonaparte des préoccupations sérieuses. L'affaire de Pichegru, Moreau et Georges, celle du duc d'Enghien, et les événemens, expliquent le mouvement qui se fit dans son esprit, pour rapprocher de lui les noms du passé, puis pour les en éloigner, puis enfin pour les rapprocher encore et se réconcilier avec eux.

SUITE DE FRAGMENS DE LETTRES
«Paris, 18 frimaire an XI (décembre 1802).

......... «J'ai enfin vu Caulaincourt, et ce n'est pas sans peine; mais, ma foi, j'ai été bien inspiré de compter sur l'oubli de nos petites rancunes. A peine m'eut-il reconnu, qu'il embrassa cordialement l'ancienne ordonnance du père Harville, et me demanda de tes nouvelles avec un vif intérêt; et à peine lui eus-je dit que je désirais entrer dans la garde, qu'il ne me donna pas le temps de lui demander de m'y aider. Il s'y offrit, et s'en chargea avec un empressement fort aimable. Il m'a demandé mes états de services, et promis de son propre mouvement de les présenter et de les faire lire, demain, au premier consul, à Saint-Cloud. Il m'a surtout recommandé de mettre en toutes lettres et fort apparentes sur ma demande, que je suis le petit-fils du maréchal de Saxe, m'assurant qu'il le fallait pour réussir. Mais la Suisse, mais Marengo? lui disais-je. — Bien, bien, m'a-t-il répondu, le présent est beaucoup, mais le passé a une grande importance aujourd'hui. Parlez du héros de Fontenoy, et ne négligez rien de ce côté-là. Bien m'en avait pris d'avoir été dîner la veille chez Ordener et d'en avoir été reçu à bras ouverts, car il m'a demandé comment j'étais avec lui, et sur ma réponse il m'a assuré que tout cela irait sur des roulettes............»

 
«Paris, 29 frimaire.

......... «Auguste39 a pris hier le costume grave de son emploi de trésorier de la ville de Paris. Il avait l'habit noir, l'épée, la bourse, et, dans cet équipage, il nous a fait mourir de rire. Il a toujours une figure superbe à qui tout sied, et il porte très bien ce costume, mais c'est si drôle de voir reparaître les habits de jadis! René veut être préfet du palais et sa femme dame d'honneur. Je l'ai fait enrager hier en lui disant que pour le coup ces dames ne la verraient plus que de mauvais œil. Mais le premier consul a été si aimable et si galant avec elle, qu'elle subit le commun prestige, et finit par avouer que tous ces grands seigneurs sont fiers et insolens. Ils le sont, d'autant plus, pour la plupart, qu'ils recherchent aussi la faveur du maître.»

«Paris, le 14 pluviose.

«... Ne me gronde pas, j'agis du mieux que je peux. Mais comment faire pour réussir quand on n'est pas né courtisan! J'ai revu Caulaincourt hier. Il m'a fait déjeûner avec lui. Il m'a dit qu'il avait mis lui-même ma demande dans le portefeuille du premier consul, et même qu'il lui avait parlé de moi, mais que celui-ci lui avait répondu: Nous verrons cela. C'est peut-être bien un refus anticipé. Que veux-tu que j'y fasse? C'est Bonaparte lui-même qui m'a l'ait entrer dans l'état-major, et c'est Lacuée qui me l'a conseillé. A présent, Lacuée dit que cela ne vaut pas le diable, et Bonaparte ne nous permet pas d'en sortir. Ce sera une grande faveur si cela m'arrive, mais je ne suis pas homme à me mettre à plat-ventre pour obtenir une chose si simple et si juste. Je n'ose pourtant pas y renoncer, car tout mon désir est de me fixer à Paris, si la paix continue. Comme cela, nous nous arrangerions pour que tu vinsses y passer les hivers, et nous ne vivrions pas éternellement séparés, ce qui rend mon état aussi triste pour moi que pour toi-même. Je n'y mets ni insouciance ni lenteur, mais tu ne m'as pas élevé pour être un courtisan, ma bonne mère, et je ne sais pas assiéger la porte des protecteurs. Caulaincourt est excellent pour moi, il a recommandé devant moi à son portier de me laisser toujours entrer quand je me présenterais, à quelque moment que ce fût. Mais il sait bien que je ne suis pas de ceux qui abusent, et s'il veut me servir réellement il n'a pas besoin que je l'importune. Je vais ce soir chez le général Harville, c'est son jour de réception. J'y vais chapeau sous le bras, culotte et bas de soie noirs, frac vert: c'est, à présent, la tenue militaire!.. Ne me dis donc plus que tu vas tâcher de penser à moi le moins possible. Je ne suis déjà pas si gai. Et que veux-tu que je devienne si tu ne m'aimes plus?......................

«Paris, le 27 pluviose.

«J'ai revu S*** chez ***, à un fort beau souper qu'il a donné à Mme de Tourzelle, et j'en ai été enchanté. Quant au reste, tant mâles que femelles, c'est toujours la même nullité, la même sottise. Le grand monde n'a point changé et ne changera point. J'en excepte quelques-uns seulement, et surtout Vitrolles, qui a de l'esprit et du caractère40

«Paris, le 7 ventose.

«Caulaincourt a reparlé de moi au premier consul. Il avait égaré ma demande et lui en a redemandé une autre. Est-ce à dire que je dois espérer? Ah! si le grand homme savait comme j'ai envie de l'envoyer paître, et de ne plus me ruiner sans gloire à son service! Qu'il nous donne encore de la gloire s'il veut faire sa paix avec moi. Le malheur est que cela lui est parfaitement égal pour le moment.

«Du 28 ventose (mars 1803).

......... «Je vois souvent mon ami Hékel. Comme il demeure fort loin, nous faisons chacun la moitié du chemin, nous nous joignons aux Tuileries, et là nous arpentons tout le jardin en babillant et en raisonnant à perte de vue. C'est vraiment l'homme le plus instruit et le plus éloquent que j'aie jamais rencontré, et il a des sentimens si nobles que je me sens toujours meilleur quand je le quitte que quand je l'aborde. Il sollicite en ce moment une place de proviseur dans un lycée; je ferai présenter sa note à Bonaparte par Dupont. Réussirai-je? Je me ferais volontiers intriguant pour l'amour de ce digne homme; mais l'esprit du gouvernement est de ne donner qu'à ceux qui ont déjà, et c'est assez l'histoire de tous les grands pouvoirs..............»

«Le vendredi-saint.

«René a donné ces jours-ci un très beau déjeûner, où étaient Eugène Beauharnais, Adrien de Mun, mylord Stuart, Mme Louis Bonaparte, la princesse Dolgorouky, la duchesse de Gordon, Mme d'Andlaw et lady Georgina, nièce de la duchesse de Gordon. Cela se faisait à l'intention d'Eugène, qui est amoureux et aimé de lady Georgina, laquelle passe dans le grand monde pour un astre de beauté. Il ne lui manque, pour mériter sa réputation, que d'avoir une bouche et des dents. Mais, sur cet article, Eugène et elle n'ont rien à se reprocher. La duchesse ne demanderait pas mieux que de la lui faire épouser; mais ce cher beau-père Bonaparte n'entend point de cette oreille-là. La tante va partir pour l'Angleterre, et les amans se désolent. Voilà comment la grandeur rend les gens heureux!»

«Du 29 germinal (avril).

«Je pars dans trois jours pour Chenonceaux avec René. Envoie-moi les chevaux jusqu'à Saint-Agnan, et dans cinq jours je suis dans tes bras. Oui, oui, il y a bien longtemps que je devrais y être. Tu en as souffert; moi aussi. Tu vas me promener dans tes nouveaux jardins, et me prouver que la Grenouillère est devenue le lac de Trasimène, les petites allées des routes royales, le pré une vallée suisse, et le petit bois la forêt Hercinie. Oh! je ne demande pas mieux! Je verrai tout cela par tes yeux. Je le verrai en beau, puisque je serai près de toi.»

3737 Le consulat à vie.
3838 Miemié, c'est-à-dire Mlle Roumier; c'était cette vieille bonne qu'il aimait tant. A peine eut-elle reçu son gage arriéré qu'elle voulut aller vivre dans sa famille. Malgré des regrets réciproques, elle effectua cette resolution.
3939 Auguste de Villeneuve, son neveu.
4040 Avec sa légèreté apparente, mon père jugeait très bien les hommes. M. de Vitrolles est un des rares hommes du parti royaliste, en effet, pour l'esprit et le caractère.
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