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Vie de Henri Brulard, tome 2

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II
UNE PAGE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE DE STENDHAL

Ce fragment a été écrit en même temps que la Vie de Henri Brulard, le 16 décembre 1835, et inséré par Stendhal dans le second volume de son manuscrit, après le récit de sa première communion (chapitre XVIII de la présente édition).

Je l'ai rejeté parmi les annexes, parce qu'il n'a rien de commun avec le texte des mémoires d'Henri Beyle.

Encyclopédie du XIXe siècle

Ce livre, ou plutôt son annonce qui remplit tous les journaux, m'a bien fait rire ce matin. Rien ne m'amuse comme les efforts que fait la société ultra (c'est-à-dire les nobles et les [prêtres]) pour tâcher de tromper l'opinion, pour faire des livres qui rendent le peuple imbécile et pour tâcher de se persuader ensuite que ces livres sont lus.

Hé, messieurs, faites pendre les écrivains, ruinez les imprimeurs et les libraires, empêchez la poste de transporter les livres, voilà ce qui est raisonnable!

J'ai bien ri ce matin et toute la journée j'ai été rempli de joie quand je venais à songer à l'Encyclopédie du XIXe siècle, dont l'annonce remplit plus d'un pied carré dans le Journal des Débats du 5 décembre 1835.

Le comité de direction offre d'abord les noms de M. Ampère et de M. le comte Beugnot, de l'Institut, un savant de premier ordre, mais aussi bas, aussi plat que Laplace ou M. Cuvier, et un homme d'esprit, mais des plus communs, incapable d'écrire dix pages qui se fassent lire et qui a acheté tous ses livres à ce Bher si sale et à ce M. Saint-Martin, si vendu et si plat, dont le choléra a délivré la science.

Tous les savants vendus, tous les nobles qui ont fait des livres dont dix ou douze exemplaires se sont vendus, tous les prê[tres] à plats sermons font partie de la liste des auteurs.

Ces Messieurs disent dans leur prospectus que les autres encyclopédies ne peuvent qu'engendrer le doute et perpétuer l'indifférence. Voilà qui est adroit! Ces Messieurs veulent charger le cler[gé] de maintenir les peuples dans la soumission et l'abjection morale.

MM. Mennechet, Michaud, Charles Nodier, Battut, ce voleur de Champollion-Figeac, ce bon fripon Raoul Rochette, ce coquin de Trouvé, cet archiniais de Villeneuve-Bargemont, ce charlatan d'Ekstein, cette archibête de Ch. Artaud, cet incroyable païen, M. l'académicien Pouqueville, le chevalier Drake, bibliothécaire de la papauté à Rome239, enfin des inconnus ou des Jean-fesse, tous chevaliers de Kœnig von Jeanfoutre. Les seuls noms décorés sont MM. Arago et Frédéric Cuvier.

Tous, en général, écrivains que personne ne lit. Ces plats intrigants sont accolés à une foule de nobles littérateurs qui voudraient bien pouvoir écrire deux pages, mais le pouvoir leur manque, volenti et conanti. Ces nobles riches, comme MM. de Lamartine, de Villeneuve, de Pastoret, Beugnot, fourniront chacun vingt pages et vingt-cinq louis. Le livre sera supérieurement imprimé, porté aux nues dans tous les journaux, sans doute acheté par le ministre pour les bibliothèques, et si la Révolution, second volume de celle de Juillet, arrive un peu plus tôt, il ne sera pas acheté et pour rire j'en achèterai sur les quais quelque volume, à vingt sous.

Chacun des souscripteurs recevra son exemplaire, tous les journaux retentiront de l'immense succès; s'il se trouve, contre toute apparence et prudence, quelque homme d'esprit hardi, il fera sur cette rapsodie un pamphlet comme le Nouveau Complot contre les industriels240, s'il m'est permis de citer cette brochure. S'il n'y a pas de brochure critique, je suis prêt à parier que l'Encyclopédie du XIXe siècle aura moins de lecteurs qu'elle n'étale de collaborateurs dans l'annonce des Débats de ce matin. La moitié de ces souscripteurs prévoit sagement une influence comme celle de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

Le plus grand service que le duc de Modène put rendre à la cause libérale était d'imprimer la Voce della Verita, qui provoqua des discussions à la Tolfa et à Castel-Bolognese.

Jetez les écrivains dans une prison perpétuelle, dites vos Heures en public, comme le roi de B. le vient de faire envers M. Bher, et en partant pour la Grèce ruinez les libraires et les imprimeurs, mais n'ouvrez jamais la bouche, et surtout gardez-vous d'écrire.

MM. Ampère, comte Beugnot, Fortia d'Urban, Hennequin, Laurentie, Pariset, abbé Receveur et baron Walkenaer, en sont les directeurs.

Après cette âme noble et généreuse de M. Ampère qui, vers 1827, entreprit de me prouver la …241 au milieu du salon de M. Cuvier, le plus savant est M. Fortia d'Urban qui, à propos du système de Wolf sur Homère, disait d'un air triomphant:

«Ils veulent nier l'existence d'Homère, et j'ai son buste dans mon cabinet!»

Séparé de Paris depuis cinq ans, je n'ai pour rire que les annonces de ce genre et les anecdotes comme M. l'arch[evêque] de Paris emportant dans sa voiture les deux cuvettes de Mme la princesse de Talleyrand mourante.

III
DEUX NOTICES BIOGRAPHIQUES D'HENRI BEYLE
ÉCRITES PAR LUI-MÊME

Ces deux notices sont conservées à la Bibliothèque municipale de Grenoble, dans le carton coté R 300, où se trouve également un cahier de la Vie de Henri Brulard. Toutes deux ont été publiées par MM. Casimir Stryienski et François de Nion en appendice de leur édition du Journal de Stendhal (Paris, 1888), p. 467-469 et 470-475.

I

Notice sur M. Beyle, par lui-même

Henri Beyle, né à Grenoble en 1783,** vient de mourir à … (le … octobre 1820242). Après avoir étudié les mathématiques, il fut quelque temps officier dans le 6e régiment de dragons (1800, 1801, 1802). Il y eut une courte paix, il suivit à Paris une femme qu'il aimait et donna sa démission, ce qui irrita beaucoup ses protecteurs. Après avoir suivi à Marseille une actrice qui y allait remplir les premiers rôles tragiques, il rentra dans les affaires, en 1806, comme adjoint aux commissaires des Guerres. Il vit l'Allemagne en cette qualité, il assista à l'entrée triomphale de Napoléon à Berlin, qui le frappa beaucoup. Etant parent de M. Daru, ministre de l'armée et la troisième personne après Napoléon et le prince de Neuchâtel, M. B[eyle] vit de près plusieurs rouages de cette grande machine. Il fut employé à Brunswick en 1806, 1807 et 1808 et s'y distingua. Il étudia dans cette ville la langue et la philosophie allemandes et conçut assez de mépris pour Kant, Fichte, ces hommes supérieurs qui n'ont fait que de savants châteaux de cartes.

M. B[eyle] revint à Paris en 1809 et fit la campagne de Vienne en 1809 et 1810. Au retour, il fut nommé auditeur au Conseil d'Etat et inspecteur général du mobilier de la Couronne. Il fut chargé en outre du bureau de la Hollande à l'administration de la liste civile de l'Empereur. Il connut le duc de Frioul en 1811, il fit un court voyage en Italie, pays qu'il aimait toujours depuis les trois ans qu'il y avait passé dans sa jeunesse. En 1812, il obtint, après beaucoup de difficultés de la part de M. Champagny, duc de Cadore, intendant de la Maison de l'Empereur, de faire la campagne de Russie. Il rejoignit le quartier général près d'Orcha, le 14 août 1812. Il entra à Moscou le 14 septembre avec Napoléon et en partit le 16 octobre avec une mission: il devait procurer quelque subsistance à l'armée, et c'est lui qui a donné à l'armée, au retour, entre Orcha et Bober, le seul morceau de pain qu'elle ait reçu. M. Daru reconnut ce service, au nom de l'Empereur, à Bober. M. B[eyle] ne crut jamais, dans cette retraite, qu'il y eût de quoi pleurer. Près de Kœnigsberg, comme il se sauvait des Cosaques en passant le Frischaff sur la glace, la glace se rompit sous son traîneau. Il était avec M. le chevalier Marchand, commissaire des Guerres (rue du Doyenné, n° 5). Comme on n'avouait pas même qu'on fût en retraite à cette armée impériale, il s'arrêta à Slangard, puis à Berlin, qu'il vit se détacher de la France. A mesure qu'il s'éloignait du danger, il en prit horreur et il arriva à Paris navré de douleur. Le physique avait beaucoup de part à cet état. Un mois de bonne nourriture, ou plutôt de nourriture suffisante, le remit. Son protecteur le força à faire la campagne de 1813. Il fut intendant à Sagan avec le plus honnête et le plus borné des généraux, M. le marquis, alors comte V. de Latour-Maubourg. Il y tomba malade d'une espèce de fièvre pernicieuse. En huit jours, il fut réduit à une faiblesse extrême, et il fallut cela pour qu'on lui permît de revenir en France. Il quitta sur-le-champ Paris et trouva la santé sur le lac de Côme. A peine de retour, l'Empereur l'envoya en mission dans la 7e division militaire avec un sénateur absolument sans énergie. Il y trouva le brave général Dessaix, digne du grand homme dont il portait presque le nom et aussi libéral que lui. Mais le talent et l'ardent patriotisme du général Dessaix furent paralysés par l'égoïsme et la médiocrité incurable du général Marchand, qu'il fallut employer, comme grand-cordon de la Légion d'honneur et étant du pays. On ne tira pas parti des admirables dispositions de Vizille et de beaucoup d'autres villages du Dauphiné.

 

M. Beyle demanda à aller voir les avant-postes, à Genève. Il se convainquit de ce dont il se doutait, qu'il n'y avait rien de si facile que de prendre Genève. Voyant qu'on repoussait cette idée et craignant la trahison, il obtint la permission de revenir à Paris. Il trouva les Cosaques à Orléans. Ce fut là qu'il désespéra de la patrie ou, pour parler exactement, qu'il vit que l'Empire avait éclipsé la Patrie. On était las de l'insolence des préfets et autres agents de Napoléon. Il arriva à Paris pour être témoin de la bataille de Montmartre et de l'imbécillité des ministres de Napoléon.

Il vit l'entrée du roi. Certains traits de M. de Blacas, qu'il sut bientôt, le firent penser aux Stuarts. Il refusa une place superbe que M. Beugnot avait la bonté de lui offrir. Il se retira en Italie. Il y mena une vie heureuse jusqu'en 1821 que l'arrestation des carbonari par une police imbécile l'obligea à quitter le pays, quoiqu'il ne fût pas carbonaro. La méchanceté et la méfiance des Italiens lui avaient fait repousser la participation aux secrets, disant à ses amis: «Comptez sur moi dans l'occasion.»

En 1814, lorsqu'il jugea les Bourbons, il eut deux ou trois jours de noir. Pour le faire passer, il prit un copiste et lui dicta une traduction corrigée de la Vie de Haydn, Mozart et Métastase, d'après un ouvrage italien, un volume in-8°, 1814.

En 1817, il imprima deux volumes de l'Histoire de la Peinture en Italie, et un petit voyage de trois cents pages en Italie.

La Peinture n'ayant pas de succès, il enferma dans une caisse les trois derniers volumes et s'arrangea pour qu'ils ne paraissent qu'après sa mort.

En juillet 1819, passant par Bologne, il apprit la mort de son père. Il vint à Grenoble, où il donna sa voix au plus honnête homme de France, au seul qui pût encore sauver la religion, à M. Henri Grégoire. Cela le mit encore plus mal avec la police de Milan. Son père devait, suivant la voix commune, lui laisser cinq ou six mille francs de rente. Il ne lui en laissa pas la moitié. Dès lors, M. Beyle chercha à diminuer ses besoins et y réussit. Il fit plusieurs ouvrages, entre autres 500 pages sur l'Amour qu'il n'imprima pas. En 1821, s'ennuyant mortellement de la comédie des manières françaises, il alla passer six semaines en Angleterre. L'amour a fait le bonheur et le malheur de sa vie. Mélanie, Thérèse, Gina et Léonore sont les noms qui l'ont occupé. Quoiqu'il ne fût rien moins que beau, il fut aimé quelquefois. Gina l'empêcha de revenir au retour de Napoléon, qu'il sut le 6 mars. L'acte additionnel lui ôta tous ses regrets. Souvent triste à cause de ses passions du moment qui allaient mal, il adorait la gaieté. Il n'eut qu'un ennemi, ce fut M. Tr.; il pouvait s'en venger d'une manière atroce, il résista, pour ne pas fâcher Léonore. La campagne de Russie lui laissa de violents maux de nerfs. Il adorait Shakespeare et avait une répugnance insurmontable pour Voltaire et Mme de Staël. Les lieux qu'il aimait le mieux sur la terre étaient le lac de Côme et Naples. Il adora la musique et fit une petite notice sur Rossini, pleine de sentiments vrais, mais peut-être ridicules. Il aima tendrement sa sœur Pauline et abhorra Grenoble, sa patrie, où il avait été élevé d'une manière atroce. Il n'aima aucun de ses parents. Il était amoureux de sa mère, qu'il perdit à sept ans243.

II

Dimanche, 30 avril1837. Paris, hôtel Favart.

Il pleut à verse.

Je me souviens que Jules Janin me disait: «Ah! quel bel article nous ferions sur vous si vous étiez mort!»

Afin d'échapper aux phrasiers, j'ai la fantaisie de faire moi-même cet article.

Ne lisez ceci qu'après la mort de Beyle (Henri), né à Grenoble le 23 janvier 1783, mort à … le …

Ses parents avaient de l'aisance et appartenaient à la haute bourgeoisie. Son père, avocat au Parlement de Dauphiné, prenait le titre de noble dans les actes244, son grand-père était un médecin, homme d'esprit, ami ou du moins adorateur de Voltaire. M. Gagnon – c'était son nom – était le plus galant homme du monde, fort considéré à Grenoble, et à la tête de tous les projets d'amélioration. Le jeune Beyle vit couler le premier sang versé dans la Révolution française; lors de la fameuse journée des Tuiles (17[88]), le peuple se révoltait contre le Gouvernement, et du haut des toits lançait des tuiles sur les soldats. Les parents du jeune B[eyle] étaient dévots et devinrent des aristocrates ardents, et lui patriote exagéré. Sa mère, femme d'esprit qui lisait le Dante, mourut fort jeune; M. Gagnon, inconsolable de la perte de cette fille chérie, se chargea de l'éducation de son seul fils. La famille avait des sentiments d'honneur et de fierté exagérés, elle communiqua cette façon de sentir au jeune homme. Parler d'argent, nommer même ce métal passait pour une bassesse chez M. Gagnon, qui pouvait avoir huit à neuf mille livres de rente, ce qui constituait un homme riche, à Grenoble, en 1789.

Le jeune Beyle prit cette ville dans une horreur qui dura jusqu'à sa mort, c'est là qu'il a appris à connaître les hommes et leurs bassesses. Il désirait passionnément aller à Paris et y vivre en faisant des livres et des comédies. Son père lui déclara qu'il ne voulait pas la perte de ses mœurs et qu'il ne verrait Paris qu'à trente ans.

De 1796 à 1799, le jeune Beyle ne s'occupa que de mathématiques, il espérait entrer à l'Ecole polytechnique et voir Paris. En 1799, il remporta le premier prix de mathématiques à l'Ecole centrale (M. Dupuy, professeur), les huit élèves qui remportèrent le second prix furent admis à l'Ecole polytechnique deux mois après. Le parti aristocrate attendait les Russes à Grenoble, ils s'écriaient:

O Rus, quando ego te adspiciam!

L'examinateur Louis Monge ne vint pas cette année, tout allait à la diable à Paris.

Tous ces jeunes gens partirent pour Paris afin de subir leur examen à l'école même. Beyle arriva à Paris le 10 novembre 1799, le lendemain du 18 brumaire; Napoléon venait de s'emparer du pouvoir. Beyle était recommandé à M. Daru, ancien secrétaire général de l'Intendance de Languedoc, homme grave et très ferme. Beyle lui déclara avec une force de caractère singulière pour son âge qu'il ne voulait pas entrer à l'Ecole polytechnique.

On fit l'expédition de Marengo; Beyle y fut, et M. Daru (depuis ministre de l'Empereur) le fit nommer sous-lieutenant au 6e régiment de dragons en mai 1800. Il servit quelque temps comme simple dragon. Il devint amoureux de madame A. (Angela Pietragrua).

Il passait son temps à Milan. Ce fut le plus beau temps de sa vie, il adorait la musique, la gloire littéraire et estimait fort l'art de donner un bon coup de sabre. Il fut blessé au pied d'un coup de pointe dans un duel. Il fut aide-de-camp du lieutenant-général Michaud, il se distingua: il a un beau certificat de ce général (entre les mains de M. Colomb, ami intime dudit). Il était le plus heureux et probablement le plus fou des hommes, lorsque, à la paix, le ministre de la Guerre ordonna que tous les aides-de-camp sous-lieutenants rentreraient à leurs corps. Beyle rejoignit le 6e régiment à Savigliano, en Piémont. Il fut malade d'ennui, puis, blessé, obtint un congé, vint à Grenoble, fut amoureux et, sans rien dire au ministre, suivit à Paris Mlle V., qu'il aimait. Le ministère se fâcha, Beyle donna sa démission, ce qui le brouilla avec M. Daru. Son père voulut le prendre par la famine.

B[eyle], plus fou que jamais, se mit à étudier pour devenir un grand homme. Il voyait tous les quinze jours Madame A.; le reste du temps, il vivait seul. Sa vie se passa ainsi de 1803 à 1806, ne faisant confidence à personne de ses projets et détestant la tyrannie de l'Empereur qui volait la liberté à la France. M. Mante, ancien élève de l'Ecole polytechnique, ami de Beyle, l'engagea dans une sorte de conspiration en faveur de Moreau (1804). Beyle travaillait douze heures par jour, il lisait Montaigne, Shakespeare, Montesquieu, et écrivait le jugement qu'il en portait. Je ne sais pourquoi il détestait et méprisait les littérateurs célèbres, en 1804, qu'il entrevoyait chez M. Daru. Beyle fut présenté à M. l'abbé Delille. Beyle méprisait Voltaire, qu'il trouvait puéril, madame de Staël, qui lui semblait emphatique, Bossuet, qui lui semblait de la blague sérieuse. Il adorait les Fables de La Fontaine, Corneille et Montesquieu.

En 1804, Beyle devint amoureux de Mlle Mélanie Guilbert (Mme de Barckoff) et la suivit à Marseille, après s'être brouillé avec Mme … qu'il a tant aimée depuis. Ce fut une vraie passion; Mlle [Mélanie Guilbert] ayant quitté le théâtre de Marseille, Beyle revint à Paris; son père commençait à se ruiner et lui envoyait fort peu d'argent. Martial Daru, sous-inspecteur aux Revues, engagea Beyle à le suivre à l'armée, Beyle fut extrêmement contrarié de quitter ses études.

Le 14 ou 15 octobre 1806, Beyle vit la bataille d'Iéna, le 26 il vit Napoléon entrer à Berlin. Beyle alla à Brunswick en qualité d'élève commissaire des Guerres. Là, en 1808, il commença au petit palais de Richemont (à dix minutes de Brunswick), qu'il habitait en sa qualité d'intendant, une histoire de la guerre de la succession en Espagne. En 1809, il fit la campagne de Vienne, toujours comme élève commissaire des Guerres, il y eut une maladie complète et y devint fort amoureux d'une femme aimable et bonne, ou plutôt excellente, avec laquelle il avait eu des relations autrefois.

B[eyle] fut nommé auditeur au Conseil d'Etat et inspecteur du mobilier de la Couronne, par la faveur du comte Daru.

Il fit la campagne de Russie et se distingua par son sang-froid, il apprit à son retour que cette retraite avait été quelque chose de terrible. Cinq cent cinquante mille hommes passèrent le Niémen, cinquante mille, peut-être vingt-cinq mille le repassèrent.

B[eyle] fit la campagne de Lutzen et fut intendant à Sagan, en Silésie, sur la Bober. L'excès de la fatigue lui donna une fièvre qui faillit finir le drame, et que Galle guérit très bien à Paris. En 1813, B[eyle] fut envoyé dans la 7e division militaire avec un sénateur imbécile. Napoléon expliqua longuement à B[eyle] ce qu'il fallait faire.

Le jour où les Bourbons rentrèrent à Paris, B[eyle] eut l'esprit de comprendre qu'il n'y avait plus en France que de l'humiliation pour qui avait été à Moscou. Mme Beugnot lui offrit la place de directeur de l'approvisionnement de Paris, il refusa par dégoût des B[ourbons], alla s'établir à Milan; l'horreur qu'il avait pour le B[ourbon] l'emporta sur l'amour. Il crut entrevoir de la hauteur à son égard dans Mme A. Il serait ridicule de raconter toutes les péripéties, comme disent les Italiens, qu'il dut à cette passion. Il fit imprimer la Vie de Haydn, Rome, Naples et Florence, en 1817, enfin, l'Histoire de la Peinture. En 1817 il revint à Paris qui lui fit horreur, il alla voir Londres et revint à Milan. En 1821, il perdit son père245, qui avait négligé ses affaires (à Claix) pour faire celles des Bourbons (en qualité d'adjoint au maire de Grenoble) et s'était entièrement ruiné. En 1815, M. Beyle avait fait dire à son fils (par M. Félix Faure) qu'il lui laisserait dix mille francs de rente, il lui laissa trois mille francs de capital. Par bonheur, Beyle avait 1.600 francs de rente provenant de la dot de sa mère (Mlle Henriette Gagnon, morte à Grenoble vers 1790 et qu'il a toujours adorée et respectée). A Milan, B[eyle] avait écrit au crayon l'Amour.

 

B[eyle], malheureux de toutes façons, revint à Paris en juillet 1821, il songeait sérieusement à en finir, lorsqu'il crut voir que Mme la C. avait du goût pour lui. Il ne voulait pas s'embarquer sur cette mer orageuse, il se jeta a corps perdu dans la querelle des romantiques, fit imprimer Racine et Shakespeare, la Vie de Rossini, les Promenades dans Rome, etc. Il fit deux voyages en Italie, alla un peu en Espagne jusqu'à Barcelone. Le c[limat] d'Espagne ne permettait pas de passer plus loin.

Pendant qu'il était en Angleterre (en septembre 1826), il fut abandonné de cette dernière maîtresse, C.; elle aimait pendant six mois, elle l'avait aimé pendant deux ans. Il fut fort malheureux et retourna en Italie.

En 1829, il aima G., et passa la nuit chez elle, pour la garder, le 29 juillet. Il vit la Révolution de 1830 de dessous les colonnes du Théâtre-Français. Les Suisses étaient au-dessous du chapelier Moizart. En septembre 1830, il fut nommé consul à Trieste, M. de Metternich était en colère à cause de Rome, Naples et Florence, il refusa l'exéquatur. B[eyle] fut nommé consul à Cività-Vecchia. Il passait la moitié de l'année à Rome. Il y perdait son temps, littérairement parlant; il y fit le Chasseur vert et rassembla des nouvelles telles que Vittorio Accoramboni, Beatrix Cenci, et huit ou dix volumes in-folio. En mai 1836, il revint à Paris par un congé de M. Thiers, qui imite les boutades de Napoléon … Beyle arrangea la Vie de Nap[oléon] du 9 novembre 1836 à juin 1837 …

(Je n'ai pas relu les six pages qui précèdent, écrites de 4 à 6 le dimanche 30 avril, pluie abominable, à l'hôtel Favart, place des Italiens, à Paris.)

B[eyle] a fait son épitaphe en 1821:

Qui giace
Arrigo Beyle, Milanese
Visse, Scrisse, Amò
Se n'andiede di Anni…
Nel 18…

Il aima Cimarosa, Shakespeare, Mozart, le Corrège. Il aima passionnément V., M., A., Ange., M., C., et, quoiqu'il ne fût rien moins que beau, il fut aimé beaucoup de quatre ou cinq de ces lettres initiales.

Il respecta un seul homme: Napoléon.

Fin de cette notice, non relue afin de ne pas mentir246.

239Ms.: «Omar.»
240Pamphlet de Beyle, publié en 1825.
241Un mot illisible.
242Stendhal avait d'abord écrit 1822; puis il a surchargé et corrigé en 1820. Aucune de ces deux dates ne doit être exacte, et c'est de 1821, après le retour de Milan, qu'il faut très probablement dater ce fragment. Stendhal dit lui-même dans sa seconde notice biographique, publiée également ci-après: «Beyle, malheureux de toutes façons, revint à Paris en juillet 1821, il songeait sérieusement à en finir …» – De même dans le chapitre II de la Vie de Henri Brulard (t. I, p. 15): «En 1821, je quittai Milan, et songeant beaucoup à me brûler la cervelle.»
243Cette notice porte l'adresse suivante: Monsieur Monsieur le chevalier Louis Crozet, ingénieur des Ponts et Chaussées, à Grenoble (Isère), or if dead to (ou, s'il est mort), à M. de Mareste, hôtel de Bruxelles, n° 41, rue Richelieu, Paris. (Life of Dominique.)
244Voir notamment dans l'annexe qui suit l'acte de naissance de Henri Beyle, où Joseph-Chérubin et Jean-Baptiste Beyle sont qualifiés nobles.
245Chérubin-Joseph Beyle mourut à Grenoble le 20 juin 1819.
246Cette notice porte, au dos, les deux titres suivants: «Notice biographique sur Henri Beyle,»et: «Notice sur Henri Beyle, à lire après sa mort, non avant.» – Casimir Stryienski a ajoute dans ses notes des réflexions de Beyle lui-même, et les dates de 1832. Ce sont tout simplement des extraits de la Vie de Henri Brulard, écrite à la fin de 1835 et au commencement de 1836.
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