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Vie de Henri Brulard, tome 2

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II. LA MAISON NATALE DE STENDHAL

Par M. Samuel Chabert, professeur à l'Université de Grenoble

M. Paul Arbelet, éditeur du Journal d'Italie, affirmait récemment que la maison natale de Stendhal à Grenoble était le n° 14 actuel de la rue J. – J. – Rousseau (2e étage), et revendiquait pour lui-même la propriété de cette découverte, sans toutefois publier encore une indication de sources ou d'arguments positifs249. Une illustration représentant l'immeuble désigné était insérée dans le texte, soulignant ainsi la contradiction de sa croyance avec celle de divers Grenoblois, recueillie par M. Pierre Brun dans son Henry Beyle-Stendhal250, et favorable au n° 12 (1er étage) de la même rue J. – J. – Rousseau.

Les amis de l'écrivain, et aussi le grand public, ne peuvent que remercier M. P. Arbelet de sa communication; le plus mince atome de vérité acquise a son prix. Pour ma part, je me féliciterais plutôt de le voir garder par devers lui ses raisons, puisque ce silence précisément m'a conduit à faire de mon côté différentes recherches, toujours intéressantes quand il s'agit d'un pareil auteur; et, bien que ma conclusion soit absolument identique à la sienne et que son assertion ait contribué à m'y conduire, peut-être ne sera-t-il pas indifférent d'exposer ici, très sommairement, les procédés que j'ai suivis.

Deux voies principales d'investigation semblent dès l'abord s'ouvrir au chercheur, abstraction faite des «jours»»offerts çà et là dans l'œuvre entière de Stendhal:

1° Détails et plans fournis par le manuscrit de la Vie de Henri Brulard (Bibl. munie, de Grenoble, R 299, 3 vol.).

Ces détails sont nombreux, répétés, d'apparence très précise, et nous y reviendrons. Constatons tout d'abord qu'il y manque le seul renseignement décisif, à savoir le numéro de la maison natale. A cette époque, où les immeubles de Grenoble étaient numérotés par quartiers, non par rues, chaque maison était habituellement désignée par le nom de son propriétaire joint à celui de la rue; or, l'extrême notoriété du père de Stendhal rendait particulièrement superflu tout surcroît de précision. D'autre part, si précieux que soient les documents de la Vie de Henri Brulard, ils sont souvent fort sujets à caution, on le sait, qu'il s'agisse de sentiments, d'idées, d'histoire ou même de géographie; l'auteur lui-même, trop catégorique dans l'exposé de ses impressions d'enfance, multiplie les réserves par ailleurs: il touche à la cinquantaine, et tant d'aventures se sont succédé dans son existence depuis la dixième année! Aussi n'avons-nous pas cru que le témoignage propre de Stendhal dût nous être un point de départ: il sera pour nous un contrôle, entre autres, de la certitude une fois conquise, après avoir servi de présomption pour la certitude à conquérir, rien de moins, rien davantage.

2° Puisque Chérubin Beyle, père de Stendhal, était par héritage le propriétaire de la maison251 et, par conséquent, de l'appartement où naquit son fils le 23 janvier 1783, et que la partie de la rue J. – J. – Rousseau à laquelle se limitent les recherches n'a subi depuis lors aucune modification importante dans ses immeubles, – on peut vérifier, dans les actes publics, les titres des propriétaires actuels de ces immeubles durant 125 ans environ: moyen terre à terre, on ne peut moins littéraire, mais on ne peut plus sûr, d'aboutir de piano à un indiscutable résultat. C'est, à notre avis, le premier à suivre. On nous excusera donc en raison du but poursuivi d'avoir agi, pour le profit d'Henri Beyle, comme aurait fait son père «homme de loi», et d'avoir employé une méthode qui l'aurait indigné peut-être, mais qu'après tout il ne tenait qu'à lui de nous épargner en précisant davantage. Du reste, nous nous abstiendrons, dans le court exposé qui va suivre, de tout renvoi ou citation n'intéressant pas directement la solution du problème.

1re pièce. L'extrait de naissance, depuis longtemps publié, nous apprend simplement que la maison natale du futur Stendhal faisait partie de la paroisse de Saint-Hugues, autrement dit appartenait au côté nord de la rue, numéros pairs actuels.

2e pièce. Le registre de capitation de la ville de Grenoble pour 1789, obligeamment communiqué par M. Prudhomme, archiviste départemental, place la maison du sieur Beyle dans la rue des Vieux-Jésuites (depuis rue J. – J. – Rousseau), entre la maison du sieur Verdier, pourvue de 2 boutiques et de 2 locations, et la maison du sieur Romand, beaucoup plus importante, avec 7 locations en plus de ses 2 boutiques. La maison Beyle, mitoyenne et moyenne entre les deux, a 2 boutiques, plus 3 locataires habitants d'étages, savoir:

n° 1305, le sieur Boyer, avocat, taxé à 24 livres;

n° 1306, le sieur Beyle, avocat, taxé à 18 livres;

n° 1307, la veuve Rigoudo, passementière, taxée à 1 livre.

S'il est trop tôt pour conclure que les maisons Verdier, Beyle et Romand sont les nos 12, 14 et 16 actuels de la rue J. – J. – Rousseau, nous retiendrons tout au moins la présomption en faveur du second étage, non du premier, comme occupé par Chérubin Beyle et par le jeune Henri lui-même, âgé alors de 6 ans.

3e pièce. Acte de vente du 2e étage252 de sa maison par Chérubin Beyle à l'avoué Jos. – François Bonnard, le 7 ventôse an XII (27 févr. 1804), aux minutes de Me Nallet, notaire à Grenoble, successeur éloigné de Me André Blanc, notaire à Grenoble de 1782 à 1824, qui rédigea l'acte en question. Nous avons eu entre les mains l'expédition authentique, possédée actuellement par M. Edmond Maignien, qui a bien voulu nous la communiquer.

Le vendeur, qui va désormais habiter jusqu'à sa mort sa nouvelle maison de la place Grenette (n° 24 actuel), ne spécifie pas qu'il ait habité ou habite encore ce 2e étage; toutefois, la chose peut se présumer du fait que nulle mention de locataire occupant ne figure dans l'acte, – dont voici les éléments essentiels-:

Chérubin-J. Bayle (sic), homme de loi, vend à Jos. – Fr. Bonnard, avoué près le tribunal d'appel de Grenoble, le second étage entier, cave, galetas et dépendances, de la maison possédée par le vendeur rue des Vieux-Jésuites, n° 60: 3 pièces sur la rue, 3 pièces sur la cour, 2 pièces dans le bâtiment au nord et une galerie servant de communication du grand au petit bâtiment. La cave a son entrée en face de l'escalier et est éclairée par une petite fenêtre grillée ouverte au nord sur la cour … Le galetas, au 4e étage, est situé au-dessus des pièces qui forment, aux étages inférieurs, le salon d'assemblée … il confine au couchant une chambre à cheminée vendue à Pierre Mayet.

Prix: 3.000 francs.

Latrines intérieures au second étage.

Enregistré à Grenoble le 12 ventôse an XII (3 mars 1804).

Transcrit au bureau des hypothèques, à Grenoble, le 3 germinal an XII (24 mars 1804), vol. 19, n° 489.

Notons que le n° 60 indiqué au début est un numéro de quartier. En 1827, ce sera un numéro de rue, le n° 8, parce que le point de départ est alors la Grand'Rue; la rue J. – J. – Rousseau comptait désormais ses nos pairs de 2 à 22, le n° 2 faisant l'angle de la Grand'Rue. Bientôt, l'un de ces nos pairs, le 14, fut démoli pour la percée de la rue Lafayette, ce qui réduisit à dix immeubles ce côté de la rue; voilà comment, lorsque plus tard l'origine des numéros fut reportée place Sainte-Claire, l'ex-maison Beyle, toujours la 4e en venant de la Grand'Rue, fut numérotée 14 et non pas 16, le n° pair le plus élevé étant désormais 20 et non plus 22.

4e pièce (communiquée également par M. Edm. Maignien). C'est un exploit d'huissier, daté du 24 novembre 1827, enregistré le 26 novembre. Le propriétaire, Bonnard (Julien), avocat, fils et héritier de Jos. – Fr. Bonnard, ainsi que l'atteste à l'état-civil de Grenoble son acte de décès en date du 26 avril 1876, a maille à partir avec un de ses voisins du même immeuble. Julien Bonnard, depuis conseiller à la Cour de Grenoble, du 15 mai 1850 à sa retraite prise le 17 janvier 1865, a son portrait par Hébert au Musée de Grenoble (n° 323 du nouveau catalogue). Notons que le peintre Hébert était fils de Me J. – C. – A. Hébert, notaire à Grenoble de 1813 à 1832 (minutes chez Me Besserve), dont Chérubin Beyle était le client.

 

5e pièce. Le 18 nov. 1852, par devant Me Guigonnet, notaire à Grenoble (minutes chez Me Raymond), le conseiller Bonnard vendait son immeuble au Dr J. – B. – Albin Crépu.

6e pièce. Par testament du 8 juillet 1857, le Dr Crépu (mort à Grenoble, le 17 février 1859) le lègue à une dame Zoé Ravix, ex-marchande de nouveautés au Fontanil.

7e pièce. Le 12 avril 1871, par devant Me Guigonnet, déjà nommé, Mme Ravix le vend au Dr Pierre-Adolphe-Adrien Doyon, dont le Musée de Grenoble possède aussi le portrait, œuvre du peintre Bonnat (n° 184 du nouveau catalogue).

8e pièce. Le Dr Doyon étant décédé à Uriage, le 21 sept. 1907, le partage de ses biens, fait à Lyon le 11 janvier 1908 en l'étude de Me Rodet, notaire, a attribué son immeuble de la rue J. – J. – Rousseau à sa fille, Mme Henriette-Sophie Dagallier, actuellement domiciliée à Paris et qui en demeure propriétaire253.

La généalogie de l'appartement étant ainsi reconstituée sans discussion ni lacune, et la propriété de Mme Dagallier rue J. – J. – Rousseau (ci-devant des Vieux-Jésuites) étant bien au n° 14, le doute sur l'identification de la maison natale de Stendhal est définitivement dissipé. Pour ce qui est de l'étage, nos présomptions, déjà très fortes, seront changées en certitude en faveur du second, puisque c'est justement celui que possède Mme Dagallier, par les éclaircissements que fournissent les plans dont nous parlerons tout à l'heure.

Il est aisé maintenant de revenir à la Vie de Henri Brulard et de constater que la concordance entre les deux sources est absolue. Les nombreux plans relatifs à la question qui nous intéresse, et malheureusement inédits pour la plupart, peuvent se grouper sous deux rubriques:

a) Situation de immeuble: «rue des Vieux-Jésuites, 5e ou 6e maison à gauche en venant de la Grand'Rue, vis-à-vis la maison de Mme Teyssère (sic)», écrit Stendhal, p. 59 du ms., 40 du tome Ier de la présente édition. En fait, c'est le 4e numéro, mais le n° 16 actuel en vaut bien deux, si tant est que Stendhal, en 1832, eût la mémoire exacte des chiffres. Cette imprécision est sans conséquence, à la condition, encore une fois, de n'accepter les données de la Vie de Henri Brulard que sous bénéfice d'inventaire. – Nous avons relevé sur ce point 5 plans: p. 59 du ms.; autre plan plus détaillé et plus significatif collé sur la même p. 59; p. 232 (fac-similé, p. 166 de la nouvelle éd. Stryienski, 1912); puis, dans le 2e vol., p. 6 (numérotation en bas de page), et face à la p. 273 bis.

b) Disposition de l'appartement, étage. Le ms. présente 3 plans de la partie de l'appartement située entre cour et rue, savoir p. 70 (t. I du ms. et p. 48 du tome Ier de la présente édition), face à la p. 275 (t. II), et face à la p. 292 (t. II). Ces plans concordent pour la disposition des pièces, et notamment en ce qui touche le nombre des six fenêtres de façade, ainsi disposées quand on vient de la Grand'Rue:

a. fenêtre étroite} cabinet de Chérubin Beyle.

b. fenêtre normale}

c. fenêtre normale: salon.

d. fenêtre étroite} ch. a coucher de Mme Beyle.

e. fenêtre normale}

f. fenêtre étroite et basse: cabinet de toilette, pris sur la demi-profondeur de la chambre à coucher, et qui, dans l'acte de vente de l'an XII, n'est pas compté pour une pièce.

Le reste de la profondeur de la chambre à coucher, derrière le cabinet de toilette, forme alcôve pour le lit; c'est là, comme le dit M. Arbelet, suivant toute vraisemblance, que dut naître Stendhal en 1783, là aussi que mourut probablement Mme Beyle en 1790. – Ce qui est capital ici, c'est le nombre des fenêtres qui, au 1er et au 3e étage, est de 4, et qui, au 2e étage, est porté à 6 par l'addition de la fenêtre étroite d et de l'ouverture f, destinée celle-ci à éclairer le cabinet de toilette: l'étage est donc le second, à l'exclusion de tout autre.

La partie de l'appartement située entre la cour et le jardin Lamouroux (cour du n° 4 actuel de la rue Lafayette), avec le petit escalier L qui peut le rendre indépendant et le jour de souffrance qui l'éclaire en permettant d'apercevoir un tilleul du jardin, est figurée p. 107 du ms., correspondant à la p. 93 (t. Ier) de la présente édition.

Enfin, p. 157 du ms., correspondant à la p. 126 (t. Ier) de l'éd. imprimée, Stendhal a dessiné le plan spécial du cabinet de son père, contigu à l'immeuble n° 16 et éclairé par nos deux fenêtres inégales a et b.

L'examen de ces 10 plans divers, à titre de contre-épreuve, permet de clore ici la discussion.

On comprendra, si l'on pénètre aujourd'hui dans l'étroite allée, dans la cour obscure et rétrécie par la construction du fond, – et dès l'entrée dans la rue tortueuse, privée de toute perspective un peu large et souvent de lumière, – que successivement tous les propriétaires aient éprouvé le besoin d'en sortir, si riche et confortable qu'en pût être l'aménagement intérieur; que Chérubin Beyle, dans sa hâte de déménager, n'ait pas attendu l'achèvement de sa maison neuve pour se défaire de ce qui lui restait de l'ancienne; que le futur Stendhal enfin réserve au logis de son grand-père, si admirablement placé entre la vie intense de la place Grenette et la reposante verdure du Jardin de Ville, ses prédilections d'enfant, naturellement avide de gaieté, de grand jour et de liberté.

Conclurons-nous donc en disant que, si nous connaissons désormais la maison natale de Stendhal, nous n'avons saisi qu'une vaine ombre, et que ses Feuillantines, son Milly, ses Enfances en un mot doivent être placées ailleurs? Dirons-nous une fois de plus que l'éducation est indépendante des hasards de la naissance, et que le lieu fortuit de celle-ci ne mérite pas qu'on le prenne à ce point au sérieux? que les plaques commémoratives, pour être à certains égards d'une scientifique précision, se trompent d'adresse le plus souvent? Non certes: nous savons assez que rien ne vient du néant, que notre être est conditionné, plus qu'on ne l'a cru et à notre insu même, par ses origines, par la race, par le milieu, par les impressions demi-conscientes, inconscientes même, des toutes premières années, pour ne pas condamner cette religion traditionnelle du souvenir.

Stendhal naquit donc et vécut quelque dix ans dans la demeure où depuis si longtemps se succédaient ses ascendants paternels, au 2e étage du n° 14 actuel de la rue J. – J. – Rousseau; c'est dans le petit logement ayant vue sur la cour qu'il fut installé et logé avec ses précepteurs successifs, c'est dans cet horizon si restreint que se forma, que s'altéra, si l'on veut, et s'aigrit prématurément son caractère. Que plus tard il ait fait du chemin, que son odyssée l'ait peu à peu détourné de la maison paternelle et du pays natal jusqu'à paraître supprimer parfois tout contact, on ne le sait que trop à Grenoble et on l'exagère trop volontiers. Il n'est pas revenu, soit; mais peut-être s'est-il moins éloigné qu'il ne le pensait lui-même et, quoi qu'il en soit et de quelque façon qu'on le juge, c'est bien de là qu'il est parti.

III. L'APPARTEMENT DE HENRI GAGNON

La Treille de Stendhal

Stendhal ne dit presque rien de la maison de son père et du triste appartement où il naquit et où mourut sa mère; c'est qu'il vécut surtout dans la maison gaie et vivante de son grand-père. Le docteur Henri Gagnon occupa successivement deux appartements dans le même immeuble. De l'un, situé au n° 2 de la place Grenette, au premier étage, Stendhal parle à peine dans sa Vie de Henri Brulard; il fut d'ailleurs abandonné dès 1789 et occupé ensuite par les demoiselles Caudey, marchandes de modes. Mais le second a laissé à notre auteur de nombreux souvenirs, à la fois amers et attendris.

Le deuxième appartement du docteur Gagnon – où il mourut, en 1813 – occupait, au second étage, deux chambres correspondant à l'ancien logement du premier, 2, place Grenette. Il comprenait également une partie d'immeuble acquise de Madame de Marnais, et dont l'entrée donnait sur la Grande-rue, n° 20. On accédait à l'appartement par trois escaliers: le premier, place Grenette, a été avantageusement remplacé. Il conduisait directement aux chambres de Séraphie et d'Elisabeth Gagnon. Les deux autres sont restés intacts: l'un insère sa vis minuscule dans l'angle nord d'une cour étroite et mal éclairée, qui n'a guère été modifiée depuis le XVe siècle et garde, entre ses murs noirâtres, l'indicible attrait du passé. Quelques pas encore, et tout de suite à gauche, dans une grande cour oblongue, monte un nouvel escalier, large et droit celui-ci, et que Stendhal, avec raison, qualifie de magnifique pour l'époque.

Montons l'étroit et raide escalier en vis de la première cour. Au deuxième étage, un bref corridor – celui-là même où fut déposé, près de la fenêtre, par le jeune Beyle, le «billet Gardon» – s'ouvre sur la salle à manger, mal éclairée par une fenêtre d'angle, et sur la cuisine. Une troisième porte mène à la chambre de Henri Gagnon. Stendhal en a conservé un souvenir grandiose: une belle commode l'ornait, et une fenêtre en verres de Bohême rendait la pièce agréable et gaie. Des boiseries la garnissent encore aujourd'hui, et leurs moulures sobres, aux ors ternis, rappellent invinciblement l'esprit harmonieux et mesuré du médecin à la mode vers 1780.

Dans un angle, un étroit corridor est pris dans l'épaisseur de la tourelle de l'escalier: nous voici dans un réduit étroit, aux murs biscornus. C'est la petite chambre où Beyle avait son lit de fer, c'est son «trapèze». Fuyons ce lieu, désormais profané: on a fait sauter une cloison, vers l'appartement donnant sur la Grande-rue, et maintenant des lingères travaillent et jacassent à l'endroit même où Stendhal dormait son sommeil d'enfant.

Au second étage de l'escalier de la grande cour, une large porte ouvre sur une vaste antichambre; puis, c'est le «grand salon à l'italienne», aujourd'hui partagé en deux par une cloison. Là s'élevait, sous la Révolution, le modeste autel où un prêtre insermenté disait la messe, servie par le petit Henri Beyle, le dimanche, en présence d'une centaine de fidèles.

Tout près, la chambre de Romain Gagnon, prenant vue sur la grande cour, asile retiré qu'occupa Joseph-Chérubin Beyle aux heures troubles de la Terreur. Tout près encore, ouvrant aussi sur le grand salon, voici le domaine intellectuel du docteur Gagnon: d'abord, son cabinet d'histoire naturelle, où le menuisier Poncet construisit une immense armoire pour les collections minéralogiques; en face, la grande et belle carte du Dauphiné, par Bourcet, que le jeune Beyle sillonna si malencontreusement d'une longue traînée rouge, le jour où fut découvert le subterfuge de la lettre Gardon. A côté, c'est le cabinet d'été du «bon grand-père». Il est maintenant nu et abandonné, comme la pièce voisine; mais notre âme de pieux pèlerins y rétablit sans peine, au fond, la grande bibliothèque où Voltaire voisine avec l'Encyclopédie, tandis qu'à côté, dédaigneusement mis en tas, s'avachissent de mauvais romans, achetés par l'oncle Romain, et qui gardent encore le parfum de leur premier acquéreur: musc ou ambre. En face, sur un pied peu élevé, un petit buste de Voltaire, gros comme le poing; un bon fauteuil s'arrondit devant, où le docteur s'isolait pour réfléchir et travailler, loin des importuns.

Dans la chambre de Romain Gagnon et dans le cabinet d'histoire naturelle s'ouvrent deux portes-fenêtres. Poussons-les: nous voici sur une longue et belle terrasse; d'immenses caisses de pierre la bordent, d'où sortent des plantes variées et de puissants ceps de vigne. Des montants de bois artistement assemblés en arcades laissent entrer l'air et le soleil, et supportent la verdure et les fleurs; la vigne fait au-dessus de nous un plafond délicat, et c'est un lieu charmant. Voici vraiment le seul souvenir de Stendhal demeuré presque intact. Quelques pieds de vigne sont morts, mais les survivants sont ceux que planta Henri Gagnon et que vit grandir Henri Beyle. Et les fidèles du Maître peuvent encore, l'automne venu, cueillir une grappe de raisin à la «Treille de Stendhal».

 

Le reste de l'appartement a été profondément modifié; le hasard des ventes l'a morcelé, et trois locataires différents l'occupent. Pas un d'eux, certainement, n'évoque le drame de l'enfance de Stendhal, nul ne songe même à se rappeler celui qui forma là son âme inquiète et passionnée.

249Les Annales du 5 février 1911.
250P. 9 (Grenoble, Gratier, 1900).
251E. Maignien, La Famille de Beyle-Stendhal, Grenoble, 1889, Drevet. Voir, pp. 12-13, l'extrait de naissance de Marie-Henry Beyle, publié in extenso, et reproduit à nouveau ci-dessus, p. 337.
252On sait qu'à Grenoble la propriété bâtie est extrêmement divisée, et que très souvent un immeuble appartient, par étages ou portions d'étages, à plusieurs propriétaires distincts.
253Ces documents nous ont été fournis en grande partie par M. Gérardin, receveur de l'enregistrement à Sassenage, d'après les archives de la mairie de Grenoble, du greffe du tribunal civil, de l'enregistrement et de l'étude de Me Raymond, notaire à Grenoble.
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