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Le collier des jours

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XXXIII

La fée, la diva, qui irradiait dans un frémissement de paillettes et de lumière, la marraine, que je n'avais pas vue encore et qui devait me combler de dons merveilleux, s'avisa tout à coup de s'occuper de moi; et la façon dont elle manifesta sa sollicitude, ne fut pas du tout ce qu'on aurait pu imaginer.

Ma vie libre au grand air, mes allures de gamin, grimpant aux arbres et courant les rues, ne pouvaient vraiment pas convenir à la nièce-filleule d'une personne aussi hautement importante qu'une danseuse de l'Opéra… Si on voulait qu'elle s'intéressât à moi et me couvrît de sa protection, il fallait changer tout cela, au plus vite.

Ce qui était de tous points convenable, pour une demoiselle comme il faut, c'était d'entrer dans un couvent, afin d'y être élevée et instruite selon les règles.

Ce projet ne devait certainement pas plaire à mon père, mais il dut céder à ma mère, qui n'admettait pas que l'on pût faire de sérieuses objections aux décisions de sa sœur.

Cette fois, je fus prise en traître. Rien ne me fit pressentir ce qui allait m'arriver, rien, si ce n'est un peu de tristesse autour de moi, quelques phrases énigmatiques et menaçantes des tantes, et une indulgence complète. Si je m'étonnais de ne plus aller chez Mlle Lavenue, tante Lili me répondait, entre ses dents:

– Jouis de ton reste.

Ce fut tante Zoé qui m'emmena, un jour d'automne. Comme nous n'emportions aucun paquet, je pus croire à une promenade. En route, elle m'expliqua, confusément, que j'allais voir des personnes que je ne connaissais pas encore; mais qui étaient de mon autre famille, l'étrangère, celle d'Italie.

– Ils auront beau faire, tu es bien une Gautier, disait-elle, nous verrons s'ils réussissent à t'attirer de leur côté. En attendant, ils te prennent de force.

Entre les parents de mon père, bourgeois sévères et conservateurs, et la famille de ma mère, composée surtout d'artistes dramatiques, à la gloire tapageuse, il ne pouvait guère exister de sympathie; il régnait même, il faut l'avouer, parmi les femmes, une franche aversion, qui ne s'est d'ailleurs jamais démentie.

Au bout de notre course, le Panthéon apparut. Il me sembla colossal, et, pour le voir plus longtemps, je marchais presque à reculons, tandis que la tante me tirait par la main, en contournant la place, afin de gagner la petite rue étroite et grimpante de la Montagne-Sainte-Geneviève.

De vieux bâtiments gris et laids, une porte cintrée, d'un vert sombre, percée d'un judas: c'était là.

Une chaîne pendait terminée par une poignée; en la tirant on éveilla un son, tout proche, de cloche fêlée. Le judas glissa d'abord, sans qu'il fût possible de voir qui nous regardait, puis une petite porte, après des grincements de verroux et de clés, s'entr'ouvrit dans la grande, et une jeune religieuse en voile blanc, toute souriante, nous dit bonjour et nous pria d'entrer.

– Je ne veux pas entrer! criai-je en tirant tante Zoé en arrière.

Mais elle me retint et me poussa devant elle.

– Tu ne veux pas!.. et les gendarmes?.. dit-elle. On ne fait pas ce que l'on veut dans la vie.

La porte s'était refermée sur nous, sans bruit, et il me sembla être entrée dans un souterrain. Nous nous trouvions dans un espace étroit, pavé, mais surplombé par un plafond et aboutissant à une autre porte massive, jalousement fermée et qui ne devait pas s'ouvrir souvent, car la poussière amassée en calfeutrait les rainures. A droite, près de cette porte, s'arrondissait une sorte de tourelle en chêne, dont je ne compris pas la fonction; à gauche, le long du mur de la rue, s'ouvrait un couloir, et c'est de ce côté que la sœur nous guida. Ce couloir desservait une suite de cellules, dont chaque porte était marquée d'un numéro. L'une d'elles, entr'ouverte, laissait échapper un bruit de voix nombreuses. Trois dames, assises, emplissaient l'étroit espace, où on nous introduisit, des plis soyeux de leurs robes. Le fond de la cellule était fermé, de hauteur d'appui jusqu'au plafond par une grille de bois noir, formant de petits carrés, derrière laquelle s'agitait une ombre voilée.

Mais les trois dames s'emparèrent de moi, parlant toutes à la fois, en italien, avec des voix très sonores; et je les regardai d'un air passablement ahuri.

L'une des inconnues me fit l'effet d'un personnage des contes de fées, la reine des: Il y avait une fois … ou la marraine qui change les citrouilles en carrosses, et les rats en laquais poudrés. Elle était grande, très forte, très majestueuse, très colorée, dans une toilette éclatante, couverte de dentelles blanches et de bijoux, avec des plumes extraordinaires à son chapeau. C'était une noble dame espagnole, la marquise de Guadalcazar, et je sus plus tard que la sombre religieuse, confusément aperçue, était la fille de cette somptueuse personne.

La seconde dame, d'un certain âge, richement vêtue, petite, trapue, l'air rébarbatif et grognon, m'inspira au premier coup d'œil une profonde antipathie: c'était ma grand'mère maternelle.

Giselle était là aussi, la plus effacée de ces trois dames, la moins voyante, dans son élégance sobre et discrète, aussi, je la remarquai peu, fascinée et abasourdie que j'étais par la marquise, dont les rires et les discours tumultueux, dominaient tout.

Tante Zoé n'avait pas voulu s'asseoir; gênée et hostile, à la fois, elle restait droite, dans sa mince robe noire, les lèvres serrées, se tenant à distance, et tenant à distance ce groupe mondain, qui, confusément, choquait ses principes et ses idées étroites de bourgeoise, tout en lui paraissant peut-être, enviable. Humiliée d'être venue, chagrinée aussi d'être contrainte de m'abandonner à d'autres, elle protestait, par son attitude et son désir de ne pas s'attarder, une fois sa mission remplie.

– Voici la jeune personne, dit-elle, quand elle put se faire entendre, je la remets entre vos mains, et je m'en retourne.

– Pas sans moi! criai-je en courant vers elle.

– Ma pauvre enfant, je ne suis pas ta mère, je n'ai aucune autorité sur toi; on a décidé que tu devais rester ici, je n'y peux rien.

Elle m'embrassa, avec une évidente envie de pleurer, et s'en alla vite, tandis que Carlotta m'enlevait dans ses bras, en me disant:

– Chacun son tour, je suis ta tante aussi, et tu penses bien que nous ne voulons pas ta mort.

D'un pas léger, elle m'emporta par le corridor, où tout le monde la suivit, jusqu'à la tourelle en chêne, qui pivota et apparut comme une niche creuse. C'était le tour, qui seul donnait accès dans l'intérieur du couvent. Ma tante s'y plaça avec moi, en riant de la manœuvre, pour essayer de me faire rire aussi. La marquise passa après nous, emplissant toute la niche de sa corpulence et de ses falbalas; puis vint la grand'mère, grognant et ricanant de ce drôle de système.

La sœur tourière, voilée de noir, nous reçut dans une sorte de vaste loge, très claire et très luisante, et aussitôt arriva à grands pas, qui faisaient cliqueter ses chapelets, la religieuse entrevue derrière la grille du parloir. Elle se jeta dans les bras de la marquise et embrassa aussi Carlotta, qui lui dit:

– Ma chère sœur Sainte-Madeleine, voici ma filleule; elle ne sera pas dans votre classe, mais vous serez tout de même sa petite maman, n'est-ce-pas?..

Je ne fus pas frappée, alors, par l'étrangeté de cette entrée au couvent, dans les bras d'une danseuse de l'Opéra, et accompagnée d'une aussi mirobolante marquise.

D'autres religieuses s'étaient jointes au groupe et on visitait la cour des élèves, enfermée entre des constructions banales; puis on pénétra dans le jardin particulier des sœurs. Là, des allées sablées de gravier, de longues plate-bandes bordées de buis, des arbres fruitiers, des espaliers, et comme ornement remarquable, une treille, qui s'étendait sur tout un côté et formait une galerie de verdure.

Concentrée en moi-même, je ne répondais pas un mot aux questions que l'on me posait, ni à toutes les amabilités dont on m'accablait, pour endormir mon ressentiment. J'étais comme la bête capturée, qui juge inutile de se débattre, et que l'on croit domptée. Mais je mesurais de l'œil la hauteur des murs, je scrutais la nature des pierres, la disposition des branches; les espaliers me semblaient devoir former des échelons favorables à l'escalade; les tessons de bouteilles dont les crêtes se hérissaient, ne m'effrayaient guère, je croyais savoir les éviter, et des têtes d'arbres dénonçaient des jardins mitoyens et m'indiquaient le chemin de la liberté. Il faudrait cependant, je le pensais bien, de la ruse et de la patience.

Déjà je dressais un plan dans ma tête: si je pouvais me cacher, j'attendrais jusqu'au lendemain matin, alors, je me sauverais.

Pour faire se relâcher un peu la surveillance, j'eus l'air de m'intéresser aux fleurs; d'avoir envie de courir. On favorisa tout de suite cette apparence d'apprivoisement.

– Va, cours, amuse-toi dans le jardin, me dit-on.

J'allai d'abord en avant, puis je restai en arrière du groupe qui continuait à marcher, et me ménageait, en réalité, une sortie furtive, qui éviterait les adieux.

Je le vis repasser la porte du jardin, qu'une des sœurs ferma à clé.

Vite, je regardai autour de moi. J'étais bien seule, mais le jardin n'offrait pas de recoins où se cacher, les arbres fruitiers n'étaient guère touffus; seuls, les ceps emmêlés et les feuilles de vigne de la treille formaient un réseau épais.

Il me fut bien facile de grimper extérieurement sur le treillage; mais la partie plate, qui formait toiture serait-elle capable de me porter, n'allait-elle pas s'effondrer sous moi?.. Je cherchai un endroit bien fourni de branches et de feuilles, et je m'y glissai avec précaution. Il y eut quelques craquements, mais rien ne cassa. Alors, étendue à plat ventre, complètement enfouie, je ne bougeais plus.

 

J'entendis bientôt la porte se rouvrir et les sandales claquer. On me chercha d'abord tranquillement, puis on commença à m'appeler.

– Voyons, mon enfant, ne vous cachez pas, c'est inutile, nous vous voyons très bien!

– Les menteuses, me disais-je, elles ne me voient pas du tout, c'est moi qui les vois.

Après plusieurs tours inutiles, elles s'imaginèrent sans doute que je m'étais peut-être glissée, sans être vue, derrière elles, quand elles étaient sorties, car elles abandonnèrent le jardin.

Le ciel était couvert, la nuit venait rapidement. Une cloche se mit à sonner très fort et longtemps. Puis j'entendis, du côté de la cour, un piétinement et un bourdonnement de voix inexplicables, alors, pour moi; c'étaient les élèves qui traversaient la cour pour aller au réfectoire.

Ce lieu inconnu devenait de plus en plus triste, dans cet assombrissement; j'avais le cœur gros et j'aurais bien pu pleurer, puisque personne ne me voyait; mais je ne voulais pas. S'il m'arrivait de pleurer trop fort, on m'entendrait et on me découvrirait.

Des sœurs revinrent, plus nombreuses, très effarées, cette fois. Il y en avait en voile blanc, qui couraient partout, puis elles s'en allèrent encore, et le temps passa. J'entendis de nouveau la cloche; et bientôt un grand silence s'établit.

Il faisait complètement noir et une pluie fine se mit à tomber, qui mouillait tout doucement, sans faire de bruit, les feuilles m'abritaient un peu, mais elles s'égouttaient dans mon cou, et j'étais tout engourdie d'immobilité.

Je tenais bon, cependant, et j'étais si désolée, que je ne pensais pas à avoir peur, malgré les froissements de vent dans les branches, les grondements sourds de la ville, et l'obscurité dans cet inconnu.

Tout à coup, un animal lancé au galop, jurant et criant, passa à côté de moi, presque sur moi: des chats, sans doute, qui se poursuivaient; mais je crus que c'était le loup, le loup, que j'avais oublié!.. en quelques bonds, j'eus dégringolé le treillage, toute tremblante de peur.

Des lanternes apparurent au bout de l'allée. C'étaient deux religieuses qui revenaient encore, abritées sous des parapluies.

Cette fois, je me laissai prendre, piteusement. Sœur Sainte-Madeleine me garda auprès d'elle, toute la nuit, me réchauffa et essaya de me faire manger; je pus avaler seulement un peu de vin sucré, auquel elle avait mêlé quelque calmant, et je dus m'endormir, car je ne me souviens plus.

XXXIV

Mon trousseau avait été confectionné sur des mesures approximatives et sans être essayé; on m'en revêtit dès le lendemain. Il était hideux et me fit horreur.

Un pantalon en finette grise, terminé par des bouts de jambes, de serge noire, en forme de pantalon d'homme!.. une robe de serge noire, à gros plis, trop longue, et un tablier en lustrine noire à manches boutonnées. On me tira les cheveux et on m'en fit deux nattes serrées.

Ainsi transformée, je fus jugée digne d'être présentée à la supérieure du couvent. Sœur Sainte-Madeleine me prit par la main et me fit traverser plusieurs grandes pièces, très cirées et très nues, où les hautes fenêtres à petits carreaux étaient à demi voilées de calicot blanc. La supérieure était en conférence avec l'aumônier, nous ne trouvâmes qu'une de ses assistantes, comme qui dirait son premier ministre: la mère Sainte-Trinité.

Elle était vieille, vieille, avec une longue figure très laide, mais si bonne et si aimable qu'elle semblait agréable. Affalée dans un fauteuil, sous son voile noir et sa guimpe blanche, elle riait, d'un rire aux longues dents rares, et tendait vers moi ses mains noueuses.

La chambre était emplie de petites choses claires: images coloriées, encadrées de broderies; bannières à franges d'argent; fleurs en papier et petits Jésus de cire sous des globes de verre.

Près de la fenêtre, sur une table, était posé un objet, qui me parut admirable. C'était un paysage en verre filé, avec des rochers bleus et des arbres d'émeraude; des cascades lumineuses qui jaillissaient; des petits anges aux ailes roses et des bergers au milieu de petits moutons qui semblaient en sucre. Cette œuvre d'art me rappelait la pendule mécanique du bon curé de Montrouge. Parlant pour la première fois, je ne pus m'empêcher de demander «si ça marchait». Non, ça ne marchait pas; mais la cascade était si luisante, qu'elle avait vraiment l'air de couler.

La mère Sainte-Trinité alla, en trottinant, ouvrir un placard, dans lequel étaient rangés toutes sortes de flacons, et de boîtes pleines de friandises. Elle me fit boire un petit verre de cassis, «comme on n'en buvait pas souvent», disait-elle, et jeta dans mon tablier, des pralines, des macarons, des croquignoles…

– Quand tu en voudras d'autres, tu viendras me voir.

Il fallut bien dire: merci. Si c'était cela le couvent, ça n'était pas si terrible.

Sœur Sainte-Madeleine me promena toute la matinée à travers le couvent, au dortoir, à la lingerie, à la cuisine, à la chapelle, me distrayant de force, par la vue de tant de choses nouvelles; elle me fit monter à l'orgue et rester à côté d'elle, tandis qu'elle accompagnait des voix, qui chantaient en bas, dans le chœur.

Quand la cloche du déjeuner tinta, elle me conduisit au réfectoire, où à de vilaines tables longues, couvertes de toiles cirées noires, une cinquantaine de fillettes, d'âges divers, mangeaient en silence. On me mit à une table à part, mais je ne goûtais qu'avec répugnance à ces mets fadasses et communs, et je ne voulus pas boire dans la timbale, où l'abondance, pourtant claire, me paraissait se changer en encre.

C'est sur la récréation que l'on comptait le plus pour m'apprivoiser. Je fus laissée dans la cour, au milieu de toutes les élèves lâchées, qui sautaient et couraient, en poussant des cris aigus.

Je me dirigeai, sans avoir l'air d'y penser, vers le jardin des religieuses. La porte était fermée à' clé et, à travers la grille, je vis des sœurs qui se promenaient en lisant des prières.

Ce n'était pas le moment d'essayer de se sauver.

Des fillettes me suivaient, m'examinant avec des mines curieuses. Quelques-unes m'invitèrent à des jeux, mais je faisais: «non» de la tête sans répondre. J'étudiais la disposition du lieu, cherchant l'issue, avec l'acharnement des bêtes captives. Un des coins de la cour s'ouvrait sur une sorte de préau, planté de quelques grands arbres et qui appartenait aussi aux élèves. Les grandes s'y promenaient posément, par groupes de trois, en causant à demi-voix; le terrain, battu par des piétinements, était complètement nu; quelques brins d'herbes, se montraient seulement aux pieds des arbres, et des orties assez épaisses bordaient la muraille noire, plus haute que partout ailleurs, et qu'aucun treillage ni espalier ne rendaient accessible aux escalades. D'un côté s'étendait la chapelle, que faisaient reconnaître trois fenêtres en ogives, fermées de vitraux. Rien à espérer de cette impasse: mieux valait fureter encore, peut-être, du côté de la rue.

Je revins dans la cour. La sœur tourière me cherchait partout: on me demandait au parloir. Qui donc?.. Peut-être venait-on pour m'emmener!..

Je repassai le tour; on me guida par le couloir, et on me fit entrer dans une cellule plus petite encore que celle de la veille. Mais dès le seuil, je poussai un cri de joie: c'était ma nourrice! C'était la Chérie, avec son auréole tuyautée, son petit châle vert à palmes!

Après tant de lourdes heures, au milieu d'inconnues, c'était bon de la voir, elle. J'étais dans ses bras, assise sur ses genoux, roulant ma tête sur son épaule.

– Tu viens me chercher, toi; tu ne veux pas que je reste dans cette prison.

Hélas! non, elle ne venait pas me chercher, mais seulement me consoler un peu. Elle était plus près de moi, maintenant, et viendrait me voir souvent. Il fallait bien se résigner à obéir aux parents, puisqu'ils étaient nos maîtres…

– Pourquoi faire des parents?.. Je n'en veux pas … et d'abord, je vais me sauver.

A voix très basse, car j'avais l'impression que dans cette maison pleine de grilles et de rideaux noirs, il devait y avoir des oreilles partout, je lui exposai mon plan de fuite, et avec beaucoup de détails, elle dut m'expliquer la route à suivre pour aller chez elle, car, bien entendu, c'était elle qui me cacherait; mais ne sachant même pas où j'étais, je ne comprenais guère ses explications: tant pis, je demanderai tout le long du chemin, les Batignolles, et une fois là, je saurai bien trouver l'impasse d'Antin.

Elle me donna des nouvelles de Marie, qui avait deux enfants; de Sidonie, qui devait se marier. Pauline était en apprentissage pour devenir blanchisseuse; Eugène, qui était mon frère de lait, était loin d'être grand et fort comme moi, il allait à l'école, et s'il montrait des dispositions, on avait l'idée d'en faire plus tard un mécanicien. Quant au père, il lui donnait bien du tourment, il était malade et ne travaillait presque plus: il s'en allait de la poitrine et elle était bien lasse elle-même, car il lui fallait travailler double.

Comme je revoyais toutes ces chères figures à mesure qu'elle parlait, et cette vie laborieuse! et humble, et le pauvre nid, si bien ouaté pour moi de tendresse! Je pensais au puits sonore qui me faisait si peur, au jardin de la propriétaire, à la soupente sous l'escalier où avait logé ma chèvre blanche… Pauvre Nounou!..

– Vois-tu, quand je serai grande, tu viendras avec moi, et tu ne travailleras plus.

Certainement elle viendrait près de moi, si je voulais d'elle; mais, pour cela, je devais devenir riche, étudier sérieusement, afin d'être savante, au lieu de penser à me sauver du couvent…

Oh! ça, c'était décidé; je voulais bien travailler, mais ailleurs.

Un bruit léger de porte, le rideau noir glissant derrière le grillage, et la sœur Marie-Jésus, d'une voix douce et sans timbre, nous avertissant que les visites ne pouvaient pas se prolonger au delà de la récréation, et que la cloche sonnait la rentrée en classe.

Déjà!.. Elle venait à peine d'arriver, la Chérie!.. Je voulais crier, trépigner, mais elle se pencha vers moi, me dit tout bas:

– Prends garde, on ne me laisserait pas revenir.

Cela me calma subitement. Je me collais contre elle, espérant pouvoir m'échapper quand elle passerait la porte de la rue. On se méfiait de moi, car on n'ouvrit pas avant que je n'eusse repassé par le tour.

Je me retrouvai seule, dans la cour vide, le cœur gonflé de chagrin, la gorge serrée, tout près d'éclater en sanglots.

Une grosse religieuse, qui passait, en se hâtant, me prit par la main.

– Venez, mon enfant, dit-elle, vous êtes de ma classe; il faut que je vous présente à vos compagnes et que je vous installe.

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