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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7

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(Entre Altada.)
ALTADA

Sféro! – Sféro!

MIRRHA

Il n'est pas ici; que lui voulez-vous? où en est le combat?

ALTADA

Douteux et cruel.

MIRRHA

Et le roi?

ALTADA

Il agit en roi. Je cherche Sféro, afin de demander pour lui une nouvelle lance et son casque. Jusqu'à présent, il a combattu la tête nue, et beaucoup trop exposé. Les soldats connaissent ses traits, et malheureusement aussi les ennemis: à la claire lueur de la lune, sa tiare de soie et ses cheveux épars lui donnent une apparence trop royale. Tous les arcs sont dirigés sur ses beaux cheveux, sur sa belle tête, et sur le léger bandeau qui les couronne tous deux.

MIRRHA

Dieux qui tonnez sur la terre de mes pères, protégez-le! Est-ce le roi qui vous a envoyé?

ALTADA

C'est Salemènes qui, sans en avoir instruit le prince, trop peu soucieux du danger, m'a donné confidentiellement cet ordre. Mais le roi, le roi est au combat comme au plaisir! Où peut donc être Sféro? Je vais chercher dans l'arsenal, il doit s'y tenir.

(Altada sort.)
MIRRHA

Non, – il n'y a pas de déshonneur, – il n'en est pas à le chérir. Je voudrais presque, – ce que jamais je n'ai souhaité, qu'il fût Grec. Si Alcide fut blâmé pour avoir porté la robe de la Lydienne Omphale, et pour avoir manié son vil fuseau; celui qui tout-à-coup se montre un Hercule; qui, depuis sa jeunesse jusqu'à l'âge viril, nourri dans des habitudes efféminées, s'élance du banquet au combat, comme si c'était son lit voluptueux, certes, celui-là mérite d'avoir une fille grecque pour amante, un chantre grec pour poète, une tombe grecque pour monument. Eh bien, seigneur, comment va le combat?

(Entre un officier.)
L'OFFICIER

Perdu, perdu presque sans ressource. Zames! Où est Zames?

MIRRHA

Il commande la garde placée devant l'appartement des femmes.

(L'officier sort.)
MIRRHA, seule

Il est parti; et tout, m'a-t-il dit, est perdu! Qu'ai-je besoin d'en savoir davantage? Dans ce peu de mots se trouvent abîmés un royaume et un roi, une famille de treize siècles, des milliers de vies, et la fortune de tous ceux qui n'ont pas succombé; et moi aussi, semblable à la bulle légère sortie de la vague qui engouffre tant de victimes, je vais cesser d'exister. Du moins, mon destin est-il entre mes mains: nul insolent vainqueur ne me comptera parmi ses dépouilles.

(Entre Pania.)
PANIA

Mirrha, suivez-moi sans délai; nous n'avons pas un moment à perdre: – c'est tout ce qui nous reste.

MIRRHA

Et le roi?

PANIA

Il m'a envoyé ici pour vous conduire au-delà du fleuve, par un passage secret.

MIRRHA

Ainsi donc, il vit-

PANIA

Et m'a chargé d'assurer votre vie, et de vous conjurer de vivre pour lui, jusqu'à ce qu'il pût vous rejoindre.

MIRRHA

Songerait-il à quitter le combat?

PANIA

Non, jusqu'à la dernière extrémité. Encore à présent, il n'écoute que les inspirations du désespoir; et, pied à pied, il dispute le palais lui-même.

MIRRHA

Ils y sont donc! – oui, leurs cris retentissent au travers des vieilles salles que n'avaient jamais profanées des échos rebelles, jusqu'à cette nuit fatale. Adieu, race d'Assyrie! adieu à toutes celles de Nemrod! tout, jusqu'à son nom, est à présent disparu.

PANIA

Suivez-moi, sortons!

MIRRHA

Non; je veux mourir ici! – Fuyez, et dites à votre roi que jusqu'à la fin je l'ai aimé.

(Entrent Sardanapale et Salemènes, avec soldats. Pania quitte Mirrha et entre dans leurs rangs.)
SARDANAPALE

Puisqu'il en est ainsi, nous mourrons où nous sommes nés: – dans nos appartemens. Serrez vos rangs, – demeurez fermes. J'ai dépêché un satrape fidèle vers Zames, dont la garde est fraîche et dévouée: ils ne tarderont pas. Tout n'est pas désespéré! Pania, veille sur Mirrha.

(Pania revient près de Mirrha.)
SALEMÈNES

Nous avons le tems de respirer: encore un effort, mes amis, – un effort pour Assyrie!

SARDANAPALE

Dis plutôt pour Bactriane! Mes fidèles Bactriens, je veux désormais être roi de votre pays, et nous tiendrons ensemble ce royaume en province.

SALEMÈNES

Écoutez! ils viennent, – ils viennent.

(Entrent Belèses et Arbaces à la tête des rebelles.)
ARBACES

Avançons! nous les avons pris dans le piége. À la charge! à la charge!

BELÈSES

En avant! – Le ciel combat pour nous et avec nous: – sus!

(Ils chargent le roi, Salemènes et leurs troupes, qui se défendent jusqu'à l'arrivée de Zames, avec les gardes ci-dessus mentionnées. Les rebelles sont alors repoussés et poursuivis par Salemènes, etc. Comme le roi va rejoindre les poursuivans, Belèses l'arrête.)
BELÈSES

À moi, le tyran. – Je vais terminer cette guerre.

SARDANAPALE

Et moi aussi, belliqueux prêtre, sublime prophète, sujet reconnaissant et fidèle: – cède, je t'en prie. Je te réserverai pour un jugement en forme, au lieu de plonger mes mains dans ton sang sacré.

BELÈSES

Ton heure est venue.

SARDANAPALE

Non, c'est la tienne. – Dernièrement, quoique je ne sois qu'un jeune astrologue, j'ai lu dans les astres; et parmi les lumières du zodiaque, j'ai trouvé ton destin dans le signe du Scorpion, qui proclame que tu vas être terrassé.

BELÈSES

Ce ne sera pas par toi.

(Ils combattent; Belèses est blessé et désarmé.)
SARDANAPALE, levant son épée pour le tuer

Invoque maintenant les planètes. Descendront-elles du ciel pour sauver leur crédit et leur interprète?

(Un parti de rebelles entre et délivre Belèses. Ils attaquent le roi, qui, à son tour, est délivré par un parti de ses soldats: les rebelles sont mis en fuite.)
SARDANAPALE

Après tout, le vilain avait prophétisé juste. Allons! – sur eux: – la victoire est à nous.

(Il sort à leur poursuite.)
MIRRHA, à Pania

Suis-le donc! Pourquoi demeures-tu ici, et souffres-tu que tes compagnons marchent sans toi à la victoire?

PANIA

Le roi m'a ordonné de ne pas vous quitter.

MIRRHA

Moi! ne songe pas à moi: un simple soldat de plus peut offrir un secours décisif. Je ne demande pas, je n'ai pas besoin de garde. Et qui peut, quand il s'agit du destin du monde, songer à veiller sur une femme! Disparais, te dis-je, ou tu perds l'honneur! Tu ne m'écoutes pas; eh bien, moi, femme timide, je vais m'élancer au milieu de leur furieuse lutte, et je t'ordonne de me garder, -où tu pourras en même tems protéger ton souverain.

(Mirrha sort.)
PANIA

Arrêtez, madame! Elle est partie. S'il lui arrivait quelque malheur, j'aurais mieux fait de perdre ma vie. Sardanapale tient bien plus à elle qu'à son royaume, et pourtant il dispute en ce moment l'un et l'autre. Faut-il donc moins faire que lui, qui n'a jamais, jusqu'à présent, tiré un cimeterre? Revenez, Mirrha, je vous obéis, quoiqu'en désobéissant au monarque.

(Pania sort. Altada et Sféro entrent par une porte opposée.)
ALTADA

Mirrha! Eh quoi, partie! Pourtant elle était ici quand s'est engagé le combat, et Pania avec elle, leur serait-il arrivé quelque chose?

SFÉRO

Je les vis en sûreté à l'instant où les révoltés prirent la fuite; et s'ils se sont éloignés, ce n'est sans doute que pour regagner le harem.

ALTADA

Si, comme tout semble l'annoncer, le roi reste vainqueur, et qu'il ait perdu sa chère Ionienne, nous sommes destinés à un sort pire que celui des révoltés captifs.

SFÉRO

Il faut que nous les suivions; elle ne peut être fort éloignée: et si nous la retrouvons, c'est une plus riche proie à présenter à notre souverain que celle d'un royaume reconquis.

ALTADA

Non, Baal lui-même ne fit jamais, pour s'emparer de ces contrées, de plus hardis efforts que son soyeux fils pour les conserver: il a déjoué toutes les prévisions de ses ennemis et de ses amis; il s'est montré tel que ces brûlantes et lourdes journées d'été, avant-courrières de soirées orageuses, alors qu'éclate tout d'un coup la foudre, au point d'ébranler les airs et de transformer la terre en nouveau déluge. L'homme est inexplicable.

SFÉRO

Pas plus celui-ci que les autres: tous sont les enfans de l'occasion. Mais, sortons: – allons à la recherche de l'esclave, ou préparons-nous à expier dans les tortures sa folle passion, et à subir, innocens, le supplice des criminels.

(Ils sortent. – Entrent Salemènes, soldats, etc.)
SALEMÈNES

Le triomphe est beau: ils sont repoussés loin du palais; et nous avons ouvert un facile accès aux troupes stationnées de l'autre côté de l'Euphrate, qui peut-être demeurent encore fidèles. Et puis elles doivent l'être, grâce à la nouvelle de notre victoire; mais le chef des vainqueurs, le roi, où est-il?

 
(Entre Sardanapale avec les siens, etc., et Mirrha.)
SARDANAPALE

Me voici, mon frère.

SALEMÈNES

Sain et sauf, je l'espère.

SARDANAPALE

Non, pas tout-à-fait; mais passons: nous avons nettoyé le palais-

SALEMÈNES

Et la ville, je l'espère. Notre nombre s'accroît; et j'ai donné ordre à une nuée de Parthes réservés jusqu'à présent, tous impatiens et dispos, de les poursuivre dans leur retraite, qui bientôt sera une fuite.

SARDANAPALE

Elle est déjà telle, du moins ils marchent plus rapidement que je ne pouvais les suivre, moi et mes Bactriens, qui cependant n'y mettaient pas de lenteur. Mais je suis fatigué: donnez-moi un siége.

SALEMÈNES

Dans cette place est précisément le trône, sire.

SARDANAPALE

Ce n'est pas un point de repos, pour l'esprit ni pour le corps: qu'on me procure une couche, un bloc de paysan, peu importe. (On lui présente un siége.) Bien: – maintenant, je respire plus librement.

SALEMÈNES

Ce grand jour est devenu le plus beau et le plus glorieux de votre vie.

SARDANAPALE

Ajoutez: et le plus fatigant. Où est mon échanson? qu'on m'apporte un peu d'eau.

SALEMÈNES, souriant

C'est la première fois qu'il reçoit un pareil ordre: et moi-même, le plus austère de vos conseillers, je vous proposerais volontiers, en ce moment, une boisson plus vermeille.

SARDANAPALE

Du sang, n'est-ce pas? mais il en est assez de répandu. Et quant au vin, j'ai appris, dans cette dernière circonstance, le prix d'une liqueur plus naturelle. Trois fois j'ai bu de l'eau, et trois fois j'ai renouvelé, avec une ardeur plus grande que ne m'en donna jamais le jus de la treille, ma poursuite sur les rebelles. Où est le soldat qui me présenta de l'eau dans son casque?

L'UN DES GARDES

Tué, sire! Une flèche l'atteignit au front, tandis qu'après avoir égoutté son casque, il se disposait à le replacer sur sa tête.

SARDANAPALE

Il est mort! sans récompense! et tué pour avoir satisfait ma soif: cela est pénible. Le pauvre esclave! s'il vivait seulement, je le gorgerais d'or; car tout l'or de la terre n'aurait pu payer le plaisir que me fit cette eau; j'étais desséché, comme en ce moment. (On lui apporte de l'eau: – il boit.) Je renais donc. – À l'avenir, le gobelet sera réservé aux heures de l'amour: à la guerre, je veux de l'eau.

SALEMÈNES

Et quel est, sire, ce bandage autour de votre bras?

SARDANAPALE

Une égratignure du brave Belèses.

MIRRHA

Ô ciel! il est blessé!

SARDANAPALE

C'est peu de chose que cela; cependant, maintenant que je suis refroidi, j'éprouve une sensation légèrement douloureuse.

MIRRHA

Vous l'avez couverte avec-

SARDANAPALE

Avec le bandeau de ma couronne: c'est la première fois que cet ornement, jusqu'alors une charge, m'a offert quelque utilité.

MIRRHA, aux serviteurs

Avertissez promptement un médecin des plus habiles. Et vous, seigneur, rentrez, je vous prie: je découvrirai votre blessure; et je l'examinerai.

SARDANAPALE

J'y consens: car, en ce moment, le sang me tourmente légèrement. Te connais-tu donc en blessures, Mirrha? – À quoi bon le demander? Mon frère, savez-vous où j'ai découvert cette aimable enfant?

SALEMÈNES

Sans doute la tête cachée au milieu d'autres femmes, comme des gazelles effrayées.

SARDANAPALE

Non: mais comme l'épouse du jeune lion animée d'une rage féminine (et féminine signifie furieuse, attendu que, dans leur excès, toutes les passions sont féminines) contre le chasseur qui s'enfuit avec sa famille. De la voix et du geste, de sa flottante chevelure et de ses yeux étincelans, elle pressait la fuite des guerriers ennemis!

SALEMÈNES

En vérité!

SARDANAPALE

Vous le voyez, je ne suis pas le seul guerrier que cette nuit ait enfanté. Mes yeux s'arrêtaient sur elle et sur ses joues enflammées; ses grands yeux noirs, dont le feu jaillissait à travers les longs cheveux dont elle était couverte; ses veines bleues soulevées le long de son front transparent; ses sourcils dont l'arc était légèrement dérangé; ses charmantes narines, gonflées par un souffle brûlant; sa voix traversant l'effroyable tumulte, ainsi qu'un luth perce le son retentissant des cimbales; ses bras étendus, et qui devaient plutôt leur éclat à leur naturelle blancheur qu'au fer dont sa main était armée, et qu'elle avait arraché aux doigts d'un soldat expirant: tout cela la faisait prendre, par les soldats, pour une prophétesse de victoire, ou pour la victoire elle-même venant saluer ses favoris.

SALEMÈNES, à part

En voilà trop: l'amour reprend sur lui son premier empire, et tout est perdu si nous ne donnons le change à ses pensées. (Haut.) Mais, sire, de grâce, songez à votre blessure: – vous disiez qu'elle vous faisait souffrir.

SARDANAPALE

En effet; – mais il n'y faut pas penser.

SALEMÈNES

Je me suis occupé de tout ce qui pouvait être nécessaire; je vais voir comment on se dispose à exécuter mes ordres, puis je reviendrai connaître vos intentions.

SARDANAPALE

Fort bien.

SALEMÈNES, en se retirant

Mirrha!

MIRRHA

Prince.

SALEMÈNES

Vous avez montré cette nuit une ame qui, si le roi n'était pas l'époux de ma sœur; – mais je n'ai pas de tems à perdre: tu aimes le roi?

MIRRHA

J'aime Sardanapale.

SALEMÈNES

Mais, désires-tu aimer en lui un roi?

MIRRHA

Je ne prétends rien aimer en lui d'inférieur à lui-même.

SALEMÈNES

Eh bien donc, pour qu'il conserve sa couronne et vous autres, et tout ce qu'il peut et tout ce qu'il doit être, pour lui conserver la vie, ne le laissez pas abattre au milieu de lâches voluptés. Vous avez sur son esprit plus d'empire que n'en ont, dans ces murs, la sagesse; au dehors, la révolte furieuse: songez bien à l'empêcher de retomber.

MIRRHA

La voix de Salemènes était inutile pour m'engager à cette conduite: je n'y manquerai pas. Tout ce que peut la faiblesse d'une femme-

SALEMÈNES

Sur un cœur comme le sien, c'est l'autorité toute-puissante: exercez-la avec sagesse.

(Salemènes sort.)
SARDANAPALE

Eh quoi! Mirrha, quelles étaient ces confidences avec mon frère? Je vais devenir jaloux.

MIRRHA, souriant

Vous en avez sujet, sire; sur la terre, il n'est pas d'homme plus digne de l'amour d'une femme: – le dévouement d'un soldat! – le respect d'un sujet! – la confiance d'un roi! – l'admiration de tout le monde!

SARDANAPALE

Oh! je te prie, moins de chaleur. Je ne puis voir ces lèvres charmantes rehausser avec éloquence une gloire qui me rejette dans l'ombre; quoi qu'il en soit, vous avez dit vrai.

MIRRHA

Maintenant, retirons-nous pour examiner votre blessure. Je vous prie, appuyez-vous sur moi.

SARDANAPALE

Oui, chère Mirrha; mais ce n'est pas à la douleur que je cède.

(Ils sortent tous.)
FIN DU TROISIÈME ACTE

ACTE IV

SCÈNE PREMIÈRE
SARDANAPALE endormi sur une couche, et agité comme de rêves pénibles: près de lui, MIRRHA
MIRRHA, les yeux attachés sur lui

J'ai voulu, à la dérobée, le voir reposer, – si l'on peut nommer repos un sommeil aussi convulsif. L'éveillerai-je? non; il paraît se calmer. Oh! dieu de la paix! toi qui règnes sur les paupières fermées, sur les songes agréables, et même sur les léthargies assez profondes pour être encore inexpliquées, apparais ici tel que la mort, ta sœur, – aussi calme, – aussi immobile qu'elle: – car alors tu nous offres l'image du bonheur, comme peut-être nous en avons la réalité dans le royaume silencieux et redouté de ton insensible sœur. Il s'agite encore; – l'empreinte de la peine se répand sur ses traits, semblable à l'ouragan qui, tout d'un coup, vient bouleverser le lac si calme l'instant d'auparavant, à l'ombre de la montagne; ou tel encore que le vent, lorsqu'il roule les feuilles d'automne encore suspendues, pâles et tremblantes, à leurs chers rameaux. Il faut le réveiller; – non, pas encore: qui sait à quoi je l'arracherais? à la peine, sans doute. Mais si je le livre, en le réveillant, à une peine plus vive? La fièvre de cette nuit orageuse, la douleur de sa blessure, toute légère qu'elle est, peuvent justifier mes craintes, et me rendre plus malheureuse de le voir que lui de souffrir. Non: que la nature suive sa marche naturelle; – je veux la seconder, et non lui porter entrave.

SARDANAPALE, s'éveillant

Non, non: – quand vous multiplieriez les astres, quand vous m'en donneriez l'empire à partager avec vous! je ne voudrais pas à ce prix du trône de l'éternité. – Va-t'en, – fuis, – vieux chasseur des premières brutes! et vous aussi qui couriez à la chasse de vos semblables comme à celle des brutes; disparaissez, mortels sanguinaires, aujourd'hui plus sanguinaires idoles, si vos prêtres ne sont pas menteurs! Fuis! fuis! ombre de mon impitoyable aïeule qui, là, t'enivres de sang, et foules aux pieds le cadavre de l'Inde. – Mais, où suis-je? où sont les fantômes? où? – non, – il n'y a pas de prestiges: je les reconnaîtrais au milieu de tous les morts dont les épaisses phalanges s'élèvent chaque nuit des noirs abîmes pour épouvanter les vivans. Mirrha!

MIRRHA

Hélas! vous êtes pâle; l'eau inonde votre front, comme la rosée de la nuit. Mon ami, calmez-vous. Vos paroles semblent d'un autre monde, et vous êtes aimé dans celui-ci. Reprenez votre sérénité: tout ira bien.

SARDANAPALE

Ta main. – Bien, c'est bien ta main; une main humaine; serre, – presse, – plus encore, rends-moi au sentiment de ce que j'étais.

MIRRHA

Du moins, comprenez ce que je suis; ce que je serai toujours pour vous seul.

SARDANAPALE

Je le vois aujourd'hui. Je ressaisis encore la vie. Ah! Mirrha, j'ai été où nous serons un jour!

MIRRHA

Mon cher seigneur!

SARDANAPALE

J'ai été dans le tombeau: – où les vers sont souverains, où les rois sont-Non, je ne le croyais pas, je pensais qu'ils n'étaient plus rien.

MIRRHA

Et avec raison; si ce n'est aux yeux des mortels timides qui s'obstinent à anticiper ce qui jamais ne sera.

SARDANAPALE

Ô Mirrha! si le sommeil nous offre de pareils objets, que devra donc nous révéler la mort?

MIRRHA

Je ne devine pas quels maux peuvent encore redouter de la mort ceux qui long-tems ont supporté la vie. S'il existe réellement un rivage où l'ame aborde à la sortie du monde, il sera sans doute immatériel comme l'ame elle-même; ou s'il reste encore une ombre de cette pénible enveloppe d'argile qui nous attache à la terre, et semble toujours interposée entre le ciel et notre esprit, – cette ombre, du moins, quelques craintes qu'elle puisse ressentir, n'aura plus rien à craindre de la mort.

SARDANAPALE

Je ne tremble pas; mais j'ai ressenti, j'ai-vu une multitude de morts.

MIRRHA

Comme vous, j'en ai vu. La poussière que nous foulons vécut jadis et fut malheureuse. Mais, poursuivons. Qui as-tu vu? parle, ce récit dissipera les nuages de ton imagination.

SARDANAPALE

Il me semblait-

MIRRHA

Repose encore, tu es fatigué, épuisé; tout cela peut encore affaiblir tes forces: essaie plutôt de dormir.

SARDANAPALE

Non: en ce moment je ne voudrais plus dormir, bien que je reconnaisse enfin que j'étais la proie d'un songe: – et toi, pourras-tu bien l'entendre?

MIRRHA

Tout ce que je partagerai avec vous, illusions ou réalités, songes de vie ou de mort, je puis tout supporter.

 
SARDANAPALE

Cela tient de la réalité, je t'en avertis: lorsque mes yeux s'ouvrirent, je les suivis dans leur fuite, – car ils se sont enfuis.

MIRRHA

Je vous écoute.

SARDANAPALE

Je vis, c'est-à-dire je rêvai que j'étais ici, – là, où nous sommes, avec des convives; moi-même, leur hôte, paraissant plutôt leur convive, et voulant nous confondre tous dans une aimable liberté. Mais au lieu de toi, de Zames et de notre réunion ordinaire, était placée, à ma gauche, une figure hautaine, noire et sinistre: – je ne pouvais la reconnaître, pourtant je l'avais vue, bien que je ne susse pas où; ses traits étaient ceux d'un géant, son œil était immobile quoique étincelant; ses longs cheveux descendaient sur ses vastes épaules, auxquelles était suspendu un énorme carquois; les ailes de l'aiglon décoraient les flèches, qui séparaient de leurs pointes hérissées sa chevelure noueuse. Je l'invitai à remplir la coupe placée entre nous deux; il ne répondit pas. – Je la remplis: – au lieu de la prendre, il me considéra au point de me faire trembler du regard fixe de ses yeux. Pour moi, comme il convient à un roi, je souris à son aspect: – son front, au lieu de se rider, conserva son immobilité; ses yeux demeurèrent fixes, et me firent pâlir encore davantage, parce qu'ils ne changeaient pas. Je voulus me réfugier du côté de plus gracieux convives: je cherchai à ma droite, où tu avais coutume de te placer; mais-(Il s'arrête.)

MIRRHA

Eh bien, à ma place?

SARDANAPALE

Sur ton siége, – à la place que tu occupes au banquet, – partout, autour de moi, je cherchai ta figure chérie. – Au lieu de toi, des cheveux gris, une face ridée, des prunelles et des mains sanglantes; un objet horrible et sépulcral, aux vêtemens de femme, au front couronné, aux traits cassés de vieillesse, mais encore animés d'une double expression de vengeance et de lubricité. – Mes veines se glacèrent.

MIRRHA

Est-ce là tout?

SARDANAPALE

À sa main droite, – sa main décharnée comme les pattes d'un oiseau, – elle tenait un gobelet dans lequel bouillonnait du sang; elle en avait un autre à sa main gauche, rempli de-je ne le vis pas, car je détournai les yeux d'elle et de lui. Mais tout autour de la table étaient assis une rangée de spectres couronnés, d'aspects divers, mais d'une physionomie commune.

MIRRHA

Et sentiez-vous que cela n'était qu'une vision?

SARDANAPALE

Non; ils étaient si palpables, que j'aurais pu les toucher. Dans l'espoir de rencontrer au moins un seul visage que j'eusse vu auparavant, je reportai mes regards tour à tour sur chacun d'eux; mais il n'en était rien: – tous étaient arrêtés, immobiles, sur moi; nul ne mangeait ou vidait la coupe. Ils continuèrent à rester immobiles jusqu'à ce que je devinsse pierre, comme eux-mêmes semblaient à demi l'être; mais pierre animée: car je sentais de la vie en elle et de la vie en moi. Il y avait entre nous une horrible espèce de sympathie, comme si, pour arriver jusqu'à moi, ils avaient perdu une portion de la mort, et moi, pour me joindre à eux, une portion de ma vie. Nous jouissions d'une existence également étrangère au ciel et à la terre. – Oh! plutôt la mort réelle que de renaître à une pareille existence!

MIRRHA

Et la fin de tout cela?

SARDANAPALE

À la fin, je restai marbre comme eux: et c'est alors que le chasseur et son escorte se levèrent. Ils me sourirent-Oui, le grand et noble aspect du chasseur me jeta un sourire. – Je puis parler de ses lèvres, car pour ses yeux, ils ne remuèrent pas. Les lèvres de la femme aussi se dilatèrent en une sorte de sourire. – Quand tous deux se levèrent, les autres figures couronnées les suivirent, comme pour escorter leurs ombres souveraines, et jouer encore, après leur mort, un rôle subordonné. – Moi seul, je restai tranquille: un courage désespéré s'empara tout d'un coup de mes membres; je finis par ne plus les craindre, et par éclater de rire même à leurs faces sépulcrales. Mais alors, – alors le chasseur posa sa main sur la mienne: je la pris, il la pressa, et je crus qu'elle disparaissait sous son étreinte, tandis que lui-même s'évanouissait, et ne laissait en moi que le souvenir et les traits d'un héros.

MIRRHA

C'en était un; le père d'autres héros, et de toi-même, digne d'une pareille race.

SARDANAPALE

Oui, Mirrha; mais la femme demeurait encore. Elle se précipita sur moi, brûla mes lèvres de ses baisers corrosifs; et jetant les gobelets qui armaient ses mains, je crus en voir jaillir autour de nous des poisons, qui finirent par former deux hideuses rivières. Elle me retenait toujours: les autres fantômes, comme un rang de statues, demeuraient comme dans nos temples leurs images; elle redoubla ses embrassemens, que je cherchais à éviter, comme si, au lieu d'être son dernier descendant, j'eusse été le fils qui l'égorgea en punition de son inceste. Ensuite, épais, et informe, se pressa autour de moi un chaos d'objets pénibles: je n'existais plus, et je sentais encore; – j'étais enseveli, puis tout d'un coup dressé sur mes pieds: – rongé par les vers, purifié par les flammes, enfin évaporé dans l'air. C'est là où s'arrête la suite de mes pensées: je n'ai plus souvenir de rien, sinon que je soupirais après ta vue, que je te cherchais, et qu'au milieu de toute cette agonie, il me restait une pensée de toi.

MIRRHA

Oui, tu me trouveras toujours à tes côtés, ici et ailleurs, s'il est un autre monde. Mais pourquoi songer à cela? – ce sont les derniers événemens qui, en agissant sur un corps accoutumé au repos, mais épuisé de fatigue, ont enfanté ces tristes et fantastiques images.

SARDANAPALE

Je suis mieux. Maintenant que je te vois encore une fois, je n'ai souci de ce que j'ai vu.

(Entre Salemènes.)
SALEMÈNES

Quoi! sitôt éveillé?

SARDANAPALE

Oui; et plût à Dieu, frère, que je n'eusse pas dormi: j'ai cru voir tous mes ancêtres se dresser pour m'entraîner avec eux. Mon père, lui-même, était du nombre; mais j'ignore pourquoi il se tenait à l'écart, me laissant en proie aux violens chasseurs, fondateurs de notre race, et à cette femme homicide et couverte du sang d'un époux, dont pourtant vous exaltez la gloire.

SALEMÈNES

Oui, prince, et la vôtre, depuis que vous avez déployé un courage digne d'elle. Au lever du jour, je suis d'avis que nous sortions pour charger de nouveau les révoltés; ils forment encore un corps redoutable: ils sont vaincus, mais non exterminés.

SARDANAPALE

Où en sommes-nous de la nuit?

SALEMÈNES

Il reste encore quelques heures d'obscurité: employez-les à reposer encore.

SARDANAPALE

Non, non de cette nuit, si elle n'est pas terminée: je croyais avoir passé des heures dans cette vision.

MIRRHA

À peine s'en est-il écoulé une. Je veillais près de vous: ce fut un moment bien douloureux, mais ce ne fut qu'un moment.

SARDANAPALE

Et bien, tenons conseil; au point du jour nous sortirons donc. -

SALEMÈNES

Mais d'abord, j'ai une grâce à demander.

SARDANAPALE

Je l'accorde.

SALEMÈNES

Avant de vous presser de répondre, écoutez-la: vous seul devez l'entendre.

MIRRHA

Prince, je me retire.

(Mirrha sort.)
SALEMÈNES

Cette esclave mérite la liberté.

SARDANAPALE

La liberté! cette esclave mérite de partager un trône.

SALEMÈNES

Souffrez-il n'est pas encore vacant, et c'est précisément de celle qui l'occupe que je viens vous parler.

SARDANAPALE

Comment! de la reine?

SALEMÈNES

D'elle-même. J'ai pensé à l'envoyer, avant l'aube du jour, avec ses enfans, en Paphlagonie, où commande notre parent Cotta; ce départ assure, contre tout événement, l'existence de mes neveux, vos fils, et avec eux les justes prétentions qu'ils ont au trône, dans le cas-

SARDANAPALE

Où, comme cela est probable, je perdrais la vie: bien pensé; il faut qu'ils partent avec une escorte assurée.

SALEMÈNES

Tout cela est préparé: le vaisseau n'attend plus qu'eux pour fendre l'Euphrate; mais, avant leur départ, ne désirez-vous pas voir-

SARDANAPALE

Mes fils? ils amolliraient mon cœur, et les pauvres enfans fondraient en larmes. Que puis-je d'ailleurs dire pour les réconforter, si ce n'est de leur offrir de vaines espérances et d'affectés sourires? Vous le savez, je ne puis feindre.

SALEMÈNES

Mais, au moins, j'en suis sûr, vous pouvez être sensible: en un mot, la reine demande à vous voir avant de s'éloigner-pour jamais.

SARDANAPALE

Et pourquoi? dans quel but? J'accorderais tout, – tout ce qu'elle pourrait demander, à l'exception d'une pareille entrevue.

SALEMÈNES

Vous connaissez, ou du moins vous devez assez connaître les femmes (depuis que vous les étudiez avec tant de persévérance) pour savoir, lorsqu'elles demandent une chose dans l'intérêt de leur cœur, que cet objet devient plus cher à leur ame ou à leur imagination que tout le reste du monde. J'ai la même opinion que vous des vœux de ma sœur; mais j'ai dû vous les transmettre; – elle est ma sœur et vous son mari: – consentez-vous à y souscrire?

SARDANAPALE

Inutile entrevue! pourtant elle peut venir.

SALEMÈNES

Je vais le lui annoncer.

(Salemènes sort.)
SARDANAPALE

Depuis trop long-tems nous avons vécu séparés pour nous réunir. – En quel moment encore! N'ai-je pas assez de soucis et d'inquiétudes à supporter seul, pour n'être pas encore forcé de parler de mes chagrins à celle avec qui j'ai depuis si long-tems cessé de parler d'amour.

(Entrent Salemènes et Zarina.)
SALEMÈNES

Ma sœur! du courage: ne déshonore pas, par ton effroi, notre famille, et souviens toi quels sont nos ancêtres. Sire, la reine est devant vos yeux.

ZARINA

Laisse-moi, je te prie, mon frère.

SALEMÈNES

Puisque vous le désirez.

(Salemènes sort.)
ZARINA

Seule avec lui! Nous sommes bien jeunes encore, et pourtant, depuis que nous ne nous sommes vus, combien d'années pendant lesquelles j'ai supporté le veuvage de son cœur. Il ne m'aimait pas: il semble peu différent de ce qu'il était, – si ce n'est seulement à mes yeux. – Et que le changement n'est-il mutuel! Il ne me dit rien, – à peine s'il me voit; – pas un mot, – pas un regard. – Hélas! sa voix et sa figure étaient empreintes de douceur, indifférentes, non pas austères. Mon seigneur!

SARDANAPALE

Zarina!

ZARINA

Non Zarina: ne prononcez pas son nom. Ce ton, ce mot feraient oublier de longues années, et les circonstances qui les rendirent si longues.

SARDANAPALE

Il est bien tard pour se rappeler ces rêves passés. Épargnons-nous des reproches, c'est-à-dire, épargnez-les moi, – pour la dernière fois-

ZARINA

Et pour la première: jamais je ne vous en ai fait.

SARDANAPALE

Je dois l'avouer; et ce reproche pèse sur mon cœur bien plus-Mais enfin, nous ne pouvons disposer de nos sentimens.

ZARINA

Ni de notre main; et pourtant, j'ai donné l'un et l'autre.

SARDANAPALE

J'ai su de votre frère que vous désiriez me voir avant votre départ de Ninive avec-(Il hésite.)

ZARINA

Avec nos enfans. Oui, j'ai voulu vous remercier de n'avoir pas séparé mon ame de tout ce qu'elle pouvait encore aimer, – de ceux qui sont à vous et à moi, qui ont vos yeux, et dont les regards s'arrêtent encore sur moi, comme autrefois les vôtres: – seulement, ils n'ont pas changé.

SARDANAPALE

Et ils ne changeront pas: j'espère que vous les trouverez toujours pleins de tendresse.

ZARINA

Ces enfans, ils m'inspirent l'aveugle amour, non-seulement d'une mère, mais encore d'une amante passionnée. Ils sont, hélas! le seul bien qui nous unisse encore.

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