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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7

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ULRIC

Et ceux-là, monseigneur, nous le savons par notre expérience, ne pillent jamais avant d'avoir ôté la vie à ceux dont ils deviennent ainsi les héritiers et non les voleurs. Les morts, privés de sentiment, n'ont rien à perdre, et l'on ne peut rien leur dérober; leurs dépouilles sont un legs: voilà tout.

STRALENHEIM

Allons donc! vous plaisantez. Mais revenons à cet homme. Puis-je compter que vous aurez l'œil sur lui, et que vous me donnerez avis du premier mouvement qu'il fera pour se cacher ou s'enfuir?

ULRIC

Vous pouvez être sûr que vous-même ne sauriez le garder avec plus d'empressement que je ne le ferai moi-même.

STRALENHEIM

Par là, vous vous assurerez à jamais mon dévouement et ma reconnaissance.

ULRIC

C'est aussi ce que j'espère.

(Ils sortent.)
FIN DU DEUXIÈME ACTE

ACTE III

SCÈNE PREMIÈRE
(Chambre du même palais, à laquelle aboutit le passage secret.)
Entrent WERNER et GABOR
GABOR

Je vous ai dit ce qu'il en était, monsieur; si donc il vous plaît de m'accorder un refuge pour quelques heures, tant mieux; sinon, – je tenterai fortune ailleurs.

WERNER

Et comment, malheureux comme je le suis, pourrais-je offrir un abri au malheur? – Jamais daim poursuivi par les chasseurs n'a mieux senti que moi-même la privation d'un lieu couvert.

GABOR

Ou lion blessé celle d'un frais repaire; – il me semble, à votre regard, que vous seriez assez tenté de revenir sur vos pas pour entr'ouvrir les entrailles du chasseur.

WERNER

Ah!

GABOR

Je ne cherche pas à le deviner, disposé, comme je le suis, à faire la même chose. Mais voulez-vous me seconder? Comme vous, je suis opprimé, – comme vous, pauvre, – déshonoré-

WERNER, vivement

Qui vous a dit que je fusse déshonoré?

GABOR

Personne: je ne vous le dis même pas. Votre pauvreté est le dernier point de comparaison que j'aie prétendu établir entre nous. Mais moi, je suis déshonoré, – et, je puis ajouter, sans l'avoir mérité plus que vous.

WERNER

Encore moi!

GABOR

Ou tout autre honnête homme. Que diable avez-vous? Sans doute, vous ne me croiriez pas capable d'une action aussi basse?

WERNER

Non, non, – certainement.

GABOR

Enfin, voilà un homme d'honneur! Quant aux autres, ce jeune muguet, – ce stupide intendant, cet épais seigneur, – tous me soupçonnent, et pourquoi? parce que je suis le plus mal vêtu et le plus obscur d'eux tous. Et cependant, si le fond d'un verre réclamait de nous une entière franchise, mon ame craindrait moins de paraître au grand jour que la leur. Mais enfin, – vous êtes pauvre et sans secours, – plus encore que moi-même-

WERNER

Qui vous l'a dit?

GABOR

Vous avez raison. Eh bien! je réclame un asile de celui dont je suppose la complète indigence; si vous la niez, sans doute je pourrai compter sur votre secours. Vous qui semblez avoir éprouvé toutes les amertumes de la vie, vous savez bien, par expérience, que tous les trésors du Nouveau-Monde, dont l'Espagnol est si fier, ne tenteront jamais l'homme qui pèse dans la même balance leur valeur et la sienne propre, à moins que leur acquisition (car je suis moins que tout autre en position de la dédaigner) ne fasse peser sur lui le plus léger cauchemar.

WERNER

Où prétendez-vous en venir?

GABOR

Où j'en suis venu: je croyais parler très-clairement. Vous n'êtes pas le voleur, n'est-ce pas? – moi non plus: – Eh bien! comme de braves gens, nous devons nous entr'aider.

WERNER

Monsieur, nous sommes dans un monde damné.

GABOR

L'autre l'est également, suivant le récit des prêtres (et nul doute qu'ils ne le connaissent mieux que nous); c'est pourquoi j'aime encore mieux celui-ci. – Je suis peu curieux du sort des martyrs, surtout avec une épitaphe de voleur sur ma tombe. Je ne vous demande qu'un logement d'une nuit; demain matin j'irai reconnaître le fleuve, et, comme la colombe, voir si les eaux sont baissées.

WERNER

Baissées! Est-ce qu'on peut l'espérer?

GABOR

On le pourrait vers le milieu du jour.

WERNER

Nous pourrons donc nous sauver?

GABOR

Êtes-vous aussi en danger?

WERNER

La pauvreté l'est toujours.

GABOR

Je le sais par une longue expérience. Voulez-vous promettre d'alléger la mienne?

WERNER

Votre pauvreté?

GABOR

Non: – vous ne me semblez pas posséder le remède d'une pareille maladie; mais je parle du danger que je cours. Vous avez un toit, et je n'en ai pas: je demande simplement un refuge.

WERNER

À la bonne heure; aussi bien, comment un malheureux tel que moi aurait-il de l'or?

GABOR

Ce ne serait pas du moins par des moyens honnêtes, à parler franchement; et cependant, je souhaiterais presque que vous eussiez celui du baron.

WERNER

Osez-vous insinuer?

GABOR

Quoi?

WERNER

Faites-vous attention à qui vous parlez?

GABOR

Non; et ce n'est guère mon usage. (On entend du bruit au dehors.) Mais écoutez! les voilà qui viennent.

WERNER

Qui donc?

GABOR

L'intendant et sa meute d'hommes, sur mes traces. Je les aurais attendus de pied ferme; mais c'est en vain qu'on demanderait justice à de tels instrumens. Où me réfugier? montrez-moi quelque place… Je vous le proteste, par tout ce qu'il y a de plus sacré, je suis innocent. Mettez-vous un instant à ma place.

WERNER, à part

Juste ciel! ton enfer n'est pas d'un autre monde. Mais suis-je bien encore en vie?

GABOR

Vous êtes ému, je le vois; et cela vous honore. Un jour, je pourrai reconnaître ce service.

WERNER

N'êtes-vous pas un espion de Stralenheim?

GABOR

Moi! mais quand je le serais, que viendrais-je épier en vous? Et cependant, en me rappelant les questions fréquentes qu'il m'a adressées sur vous et votre femme, je pourrais concevoir quelques soupçons; mais vous savez mieux, – comment et pourquoi, moi, je suis son ennemi mortel.

WERNER

Vous?

GABOR

Oui, après la manière dont il a reconnu le service que je contribuai à lui rendre, je ne puis être que son ennemi; et, si vous n'êtes pas de ses amis, vous me prêterez assistance.

WERNER

De tout mon cœur.

GABOR

Mais par quel moyen!

WERNER, montrant l'ouverture secrète

Il y a ici une secrète issue; rappelez-vous bien que le hasard me l'a fait découvrir, et que je n'en profite que pour vous sauver.

GABOR

Ouvrez-la; je n'en userai que dans cette intention-là.

WERNER

Je l'ai trouvée comme je vous le dis: elle conduit, à travers des murs intérieurement creusés (assez épais pour offrir de longues routes circulaires, sans rien perdre de leur force ou de leur régularité), à travers des salles profondes et des recoins obscurs, jusqu'à je ne sais où. Mais il ne faut pas que vous avanciez: donnez-m'en votre parole.

GABOR

C'est inutile. Comment pourrais-je avancer dans l'obscurité, à travers un labyrinthe de trouées gothiques et inconnues?

WERNER

Sans doute. Mais qui peut deviner où cette issue peut conduire? je l'ignore (remarquez-le bien). Mais qui peut savoir si elle ne conduirait pas jusqu'à l'appartement de votre ennemi? Ces galeries étaient disposées d'une manière si bizarre, par nos ancêtres, dans les anciens tems de la Germanie! Alors, il s'agissait moins de se défendre des élémens, que de ses plus proches voisins. Ne vous aventurez donc pas au-delà des deux premiers escaliers; si vous le faites (bien que je ne les aie jamais outrepassés), je ne réponds pas de ce que vous pourrez rencontrer.

GABOR

J'en réponds pour moi. Mille remerciemens!

WERNER

Vous trouverez, de l'autre côté, cette ouverture plus reconnaissable; et quand il vous conviendra de revenir, le panneau s'ouvrira au plus léger toucher.

GABOR

Entrons. – Adieu!

(Il disparaît par le secret panneau.)
WERNER, seul

Qu'ai-je fait? hélas! qu'avais-je fait auparavant, pour concevoir maintenant des craintes? Ah! plutôt, que ce soit pour moi une sorte d'allégement, d'avoir sauvé l'homme dont la perte pouvait assurer mon salut. – Les voici! cherchant ailleurs ce qu'ils ont devant les yeux.

(Entrent Idenstein et autres.)
IDENSTEIN

Comment! il n'est pas ici? Il a donc disparu au travers des sombres vitraux gothiques, sous la pieuse aide des saints représentés sur les fenêtres jaunes et rouges. Voyez le soleil éclairer, en se couchant de même qu'en se levant, les longues barbes perlées, les croix de pourpre, les crosses d'or, les capuchons et les bras croisés, les heaumes, les armures lacées, les longues épées, et toutes ces figures fantastiques: braves chevaliers et pieux ermites, dont quelques pans de cristal préservent seuls la ressemblance et la gloire; et dont chaque bouffée de vent semble proclamer que leur fragilité est égale à celle de toute autre vie et de toute autre gloire. Quoi qu'il en soit, notre homme a disparu.

 
WERNER

Qui cherchez-vous?

IDENSTEIN

Un fripon.

WERNER

Pourquoi donc aller si loin?

IDENSTEIN

Nous recherchons celui qui a volé le baron.

WERNER

Êtes-vous sûr de l'avoir deviné?

IDENSTEIN

Aussi sûr que vous êtes ici; mais de quel côté s'est-il enfui?

WERNER

Qui?

IDENSTEIN

Celui que nous cherchons.

WERNER

Vous voyez qu'il n'est pas ici.

IDENSTEIN

Nous l'avions cependant suivi jusqu'à cette chambre. Seriez-vous son complice? ou si vous pratiquez la magie noire?

WERNER

La magie que je pratique est la franchise: c'est la plus obscure de toutes, pour bien des hommes.

IDENSTEIN

Il se pourrait que j'eusse plus tard une ou deux questions à vous faire; mais, en ce moment, il nous faut poursuivre les traces de l'autre.

WERNER

Vous feriez mieux de commencer maintenant à me questionner: je puis bien ne pas toujours avoir la même patience.

IDENSTEIN

Eh bien! je voudrais savoir, en bonne vérité, si vous êtes réellement l'homme que cherche Stralenheim?

WERNER

Insolent! N'avez-vous pas dit qu'il n'était pas ici?

IDENSTEIN

Oui, quant à l'un; mais il en est un autre dont il suit la trace avec plus de chaleur, et qu'il poursuivra bientôt peut-être au nom d'une autorité supérieure à la sienne et à la mienne. Mais, allons! cherchez, mes amis! vous êtes en défaut.

(Idenstein sort avec ses gens.)
WERNER

Dans quel abîme m'a précipité ma triste destinée! Et c'est une action infâme qui, seule, aura pu m'arracher à de plus grands malheurs! Loin de moi, démon persécuteur! cesse de siffler dans mon sein! Tu viens trop tard! je ne veux rien avoir à faire avec le sang.

(Entre Ulric.)
ULRIC

Je vous cherchais, mon père.

WERNER

N'y a-t-il aucun danger?

ULRIC

Non. Stralenheim ignore tous les liens qui nous unissent; et bien plus, – il m'a choisi pour épier vos actions, persuadé que je lui étais entièrement acquis.

WERNER

Je n'ose le croire: c'est un nouveau piége qu'il nous dresse à tous deux, pour prendre en même tems le fils et le père.

ULRIC

Je ne puis m'arrêter à chaque misérable crainte, et broncher sur tous les doutes qui viennent, tels que des ronces, embarrasser vos pas. Il faut les traverser, comme le ferait un villageois désarmé, eût-il même les jambes nues, s'il apercevait tout d'un coup un loup affamé dans le bois où il travaille. On prend les grives avec des lacets, mais non les aigles; nous les éviterons, ou nous saurons bien les rompre.

WERNER

Indiquez-moi donc le moyen.

ULRIC

Ne pouvez-vous le deviner?

WERNER

Non.

ULRIC

J'en suis surpris. Votre esprit n'en eut-il pas au moins la pensée, la dernière nuit.

WERNER

Je ne vous entends pas.

ULRIC

Nous ne pourrons donc jamais nous entendre! Mais, pour changer d'entretien-

WERNER

Vous voulez dire pour le poursuivre; car il s'agit de notre salut.

ULRIC

En effet; j'accepte votre correction. Je vois plus clairement quelle est notre position actuelle, et toutes ses conséquences. Les eaux baissent; dans quelques heures arriveront les mirmidons qu'il a mandés de Francfort; vous resterez leur prisonnier, quelque chose de pis peut-être; et moi, enfant déclaré bâtard, par suite des artifices de ce baron, je lui abandonnerai mes droits.

WERNER

Maintenant, votre remède. Je pensais à m'échapper par le moyen de cet or maudit; mais je n'ose plus m'en servir, le montrer, ni même le regarder. Je crois y voir mon crime pour légende, et non pas le titre de la monnaie. Au lieu de la figure du souverain, il me semble reconnaître ma propre tête enveloppée de serpens, dont les sifflets font entendre à la foule assemblée ces mots: Regardez: c'est un voleur!

ULRIC

Gardez-vous, pour le moment du moins, de vous en servir; mais prenez cet anneau.

(Il lui donne un anneau.)
WERNER

Un brillant! c'était celui de mon père.

ULRIC

Et, comme tel, il vous appartient. Vous pouvez, avec lui, emprunter à l'intendant ses chevaux et sa vieille calèche, afin de poursuivre, vous et ma mère, votre route au lever du soleil.

WERNER

Et vous, que nous avons retrouvé depuis un instant, nous vous laisserions encore au milieu du danger?

ULRIC

N'ayez pas la moindre crainte. Elles seraient fondées si nous disparaissions ensemble; car, par là, nous découvririons nos intelligences. Les eaux ne sont très-élevées que dans la direction de Francfort; ainsi, elles nous favorisent complètement. La route de Bohême, bien que difficile, n'est pas impraticable; et quand vous aurez quelques heures d'avance, les gens qui tenteront de vous poursuivre trouveront les mêmes difficultés que vous-mêmes: une fois à la frontière, vous êtes sauvés.

WERNER

Mon noble enfant!

ULRIC

Arrêtez! pas de transports: nous pourrons nous y abandonner dans le château de Siegendorf! Ne montrez pas d'or: présentez le brillant à Idenstein, (je connais l'homme, et je l'ai jugé). Vous y trouverez un double avantage: Stralenheim a perdu de l'or, et non pas des pierreries; ainsi, le diamant ne peut lui appartenir; et puis, celui qui le possède ne peut guère être soupçonné d'avoir ravi la monnaie du baron, puisqu'en échangeant son bijou il lui était facile de trouver plus d'argent que n'en a perdu Stralenheim la nuit dernière. Ne soyez pas trop timide en lui adressant votre demande, sans pourtant y mettre de l'arrogance; et Idenstein vous servira sans hésiter.

WERNER

Je suivrai en tout vos instructions.

ULRIC

J'aurais voulu vous épargner cet ennui; mais si j'avais paru prendre intérêt à votre sort, si j'avais surtout sacrifié en votre faveur un diamant, on aurait tout deviné.

WERNER

Mon ange gardien! ce moment me fait oublier tous mes anciens malheurs. Mais que feras-tu après notre départ?

ULRIC

Stralenheim ignore même que je vous connaisse. Je veux rester un jour ou deux près de lui pour prévenir tous ses doutes, et puis, je rejoindrai mon père.

WERNER

Pour ne plus le quitter?

ULRIC

Je l'ignore; mais du moins nous rejoindrons-nous encore une fois.

WERNER

Mon fils! mon ami, – mon unique enfant, mon seul sauveur! Oh! je t'en conjure, – ne me hais pas!

ULRIC

Moi! haïr mon père!

WERNER

Oui; mon père me haïssait, pourquoi pas mon fils?

ULRIC

Votre père ne vous connaissait pas comme je vous connais.

WERNER

Tes paroles sont autant de serpens. Tu me connais, dis-tu? Si tu es sincère, tu ne me connais pas; car je ne suis pas, en ce moment, moi-même. Cependant (ne me hais pas), je le serai bientôt.

ULRIC

J'attendrai. Cependant, croyez-moi, tout ce qu'un fils peut faire pour ses parens, je le ferai.

WERNER

Je le vois, et je le sens déjà; cependant, je sens aussi-que vous me méprisez.

ULRIC

Pourquoi vous mépriserais-je?

WERNER

Voulez-vous me forcer à rappeler ma honte?

ULRIC

Non: je l'ai approfondie ainsi que vous; mais n'en parlons pas davantage, ou du moins oublions-la pour ce moment. Votre faute a redoublé tout ce qu'avait de difficile la situation de notre famille, et ses inimitiés secrètes contre celle de Stralenheim. C'est lui, maintenant, qu'il s'agit de battre. J'avais indiqué un moyen.

WERNER

C'est le seul, et je l'embrasse comme j'embrasse mon fils, qui, dans le même jour, a sauvé son père et lui-même.

ULRIC

Oui, vous serez sauvé: cela doit nous suffire. La présence de Stralenheim en Bohême serait-elle un obstacle à vos droits, dans le cas où nous parviendrions jusque dans nos domaines?

WERNER

Certainement, dans l'état actuel des choses; le premier occupant a cependant pour lui, comme c'est l'usage, le principal avantage, surtout quand il est du sang le plus proche.

ULRIC

Sang!! c'est un mot d'acception diverse: celui qui coule dans les veines; celui qu'on en fait sortir:… – comme il pourrait arriver, dans le cas où ceux du même sang (ainsi parle-t-on) auraient entre eux la même animosité que jadis les frères Thébains. Lorsqu'une partie de ce sang est corrompue, il suffit d'en tirer quelques onces pour purifier le reste.

WERNER

Je ne saisis pas votre pensée.

ULRIC

Cela se peut, – et même devrait être, – et cependant… – mais ne perdons pas de tems: il faut que cette nuit vous partiez; vous et ma mère. L'intendant s'approche: sondez-le avec le diamant; il pénétrera au fond de son ame vénale, comme le plomb au fond de la mer; il en rapportera la vase, la boue et ce qu'elle renferme de plus sale, comme le plomb encore, quand, imprégné d'une matière visqueuse, il revient annoncer l'approche et le danger des écueils. Ici, la cargaison est riche; il faut passer la ligne à tems. Adieu! nous n'avons pas un instant à perdre. Mais, avant de nous quitter, votre main, mon père! -

WERNER

Laisse-moi t'embrasser!

ULRIC

On pourrait nous observer: dissimulez vos sentimens pour aujourd'hui, et laissez croire que nous sommes ennemis.

WERNER

Maudit celui dont les artifices étouffent les plus doux et les plus légitimes sentimens de nos cœurs, et dans un moment semblable, encore!

ULRIC

Oui, maudissez-le: – cela vous fera du bien. Voici l'intendant.

(Entre Idenstein.)
ULRIC

Maître Idenstein, quel est le résultat de vos recherches? Avez-vous attrapé notre drôle?

IDENSTEIN

Non, par ma foi!

ULRIC

Eh bien, il y en a d'autres à foison: dans une autre chasse vous aurez plus de bonheur. Où est le baron?

IDENSTEIN

Rentré dans son appartement; et, maintenant que j'y pense, il demande après vous, avec toute l'impatience d'un grand seigneur.

ULRIC

Il faut satisfaire à l'instant tous ces illustres personnages, comme si nous étions autant de coursiers aiguillonnés par l'éperon. Il est fort heureux qu'ils aient aussi des chevaux; car, s'ils n'en avaient pas, ils forceraient, je crois, les hommes à traîner leurs chariots, comme autrefois, dit-on, les rois traînaient celui de Sésostris.

IDENSTEIN

Quel était ce Sésostris?

ULRIC

Un vieux Bohémien, – un Égyptien couronné.

IDENSTEIN

Égyptien, Bohémien, c'est tout un; car on leur donne l'un et l'autre nom. Aurait-il été un de ces gens-là?

ULRIC

C'est ainsi que je l'entendais; mais je dois vous laisser. Votre serviteur, intendant. – Werner! c'est, je crois, votre nom? serviteur!

(Il sort.)
IDENSTEIN

Voilà un garçon de bonne mine et d'esprit! comme il a l'usage du monde! Vous le voyez, monsieur, il met chacun à sa place: il observe les préséances naturelles.

 
WERNER

Je m'en aperçois; et j'applaudis à son discernement comme au vôtre.

IDENSTEIN

C'est bien, – c'est très-bien: je vois que vous connaissez aussi ce que vous êtes; pour moi, je vous avoue cependant que je ne le connais pas encore.

WERNER, montrant l'anneau

Cela peut-il éclaircir vos doutes?

IDENSTEIN

Comment! – Qu'est-ce? un diamant!

WERNER

Il est à vous, à une condition.

IDENSTEIN

À moi! parlez!

WERNER

C'est que vous me permettrez, dans la suite, de le racheter trois fois ce qu'il vaut: c'est une bague de famille.

IDENSTEIN

De famille! de la vôtre! un diamant! je suis tout interdit.

WERNER

Il faut aussi que vous me procuriez, une heure avant la chute du jour, tous les moyens de quitter cet endroit.

IDENSTEIN

Mais n'est-il pas faux? Laissez-moi l'examiner: oui, c'est bien un diamant, par toutes les gloires célestes.

WERNER

Allons! je me confie à vous; vous deviniez sans doute que j'étais d'une naissance supérieure à mon apparente fortune?

IDENSTEIN

Je n'oserais le dire, quoique ce joyau plaide bien en votre faveur; car c'est le véritable indice d'un sang noble.

WERNER

J'ai d'importantes raisons qui me font désirer de continuer mon voyage sans être connu.

IDENSTEIN

Alors, vous êtes donc l'homme que Stralenheim recherche?

WERNER

Je ne le suis pas, mais on me pourrait prendre pour lui; et cette erreur me causerait, en ce moment, autant d'embarras que, plus tard, elle en causerait au baron: – or, c'est pour éviter ce double inconvénient, que je veux prévenir tout malentendu.

IDENSTEIN

Que vous soyez ou non l'homme qu'il cherche, ce n'est pas mon affaire; d'ailleurs, qu'obtiendrai-je jamais de ce fier et vaniteux seigneur, qui, pour quelques pièces d'argent, met sur pied tout le pays, et ne parle pas d'une récompense précise? Mais ce diamant! que je le regarde encore!

WERNER

Admirez-le à votre aise; à la chute du jour, il est à vous.

IDENSTEIN

Ô merveilleuse étincelle! préférable à la pierre des philosophes, puisqu'elle est la pierre de toute la philosophie elle-même. Œil radieux de la mine, voie lactée de l'ame, véritable pôle magnétique vers lequel se dirigent tous les cœurs comme autant d'aiguilles aimantées! Esprit flamboyant de la terre, qui, placé sur le diadême des rois, inspire plus d'envie que la pénible majesté dont ils sont redevables à leur sceptre, et qui, pour être rehaussée, a besoin du sang de milliers d'hommes! Est-il bien vrai que tu m'appartiennes? Je suis donc déjà devenu un petit roi, un bienheureux alchimiste, un habile magicien, qui, sans avoir vendu mon ame, ai trouvé le moyen de commander au diable? – Mais venez, Werner, ou qui que vous soyez.

WERNER

Continuez à me donner ce nom; plus tard vous pourrez me connaître sous un titre plus illustre.

IDENSTEIN

Oui, je vois en toi, sous un humble costume, je reconnais l'esprit à qui j'ai si long-tems rêvé. – Viens, je te servirai, tu seras libre comme l'air, et en dépit des eaux; sortons d'ici, je te prouverai que je suis honnête (oh! le beau joyau!) On te fournira, Werner, tant de moyens de fuir, que je défierais le plus rapide oiseau de te dépasser, quand tu serais un limaçon. Encore une fois, laisse-moi l'admirer. J'ai, dans le commerce de Hambourg, un frère de lait, habile connaisseur en pierres précieuses. – Combien de carats peut-il valoir? Allons, Werner, je te donnerai les moyens de voler, si tu veux.

(Ils sortent.)
SCÈNE II
(L'appartement de Stralenheim.)
STRALENHEIM et FRITZ
FRITZ

Mon cher maître, tout est prêt.

STRALENHEIM

Je n'ai pas envie de dormir, et pourtant il faut me coucher. Je devrais dire reposer; mais je sens sur mon cœur je ne sais quel poids, trop lourd pour comporter la veille, trop léger pour permettre le sommeil. C'est comme un de ces nuages dont l'obscurité intercepte les rayons du jour, mais qui tardent à se résoudre en pluie, et restent suspendus entre la terre et le ciel; tels encore qu'un levain d'envie entre deux hommes-Jetons-nous sur l'oreiller…

FRITZ

Je souhaite que vous y reposiez bien.

STRALENHEIM

Oui, je sens que je dois reposer, et je le crains.

FRITZ

Pourquoi le craindre?

STRALENHEIM

Je l'ignore; et ma crainte s'accroît de la difficulté que j'éprouve à la justifier; – mais c'est une vaine terreur. A-t-on, comme je l'avais souhaité, changé les serrures de cette chambre? L'accident de la nuit dernière rendait cette précaution nécessaire.

FRITZ

Certainement; on l'a fait, conformément à vos ordres, sous mes yeux et ceux du jeune Saxon qui vous sauva la vie. Je crois me rappeler que son nom est Ulric. -

STRALENHEIM

Vous croyez! orgueilleux valet! De quel droit osez-vous suspecter votre mémoire, quand elle devrait être empressée, heureuse et fière, de retenir le nom du sauveur de votre maître, et de le répéter chaque jour afin de mieux comprendre vos devoirs à l'égard de ma personne-Sortez! Vous croyez? vraiment! Vous qui restiez sur le rivage à pousser des cris et à sécher vos vêtemens, tandis que j'expirais, et que cet étranger, bravant la violence du torrent, me faisait renaître pour le remercier et vous mépriser davantage. Vous croyez! – et vous avez peine à rappeler son nom! Mais je ne veux pas perdre plus long-tems avec vous mes paroles. Vous m'éveillerez de bonne heure.

FRITZ

Bonsoir, monseigneur; j'espère que la nuit renouvellera vos forces et ranimera votre santé.

SCÈNE III
(Le passage secret.)
GABOR, seul

Quatre, – cinq, – six! Je compte les heures comme une sentinelle d'avant-poste. Cette voix sourde du tems est toujours sinistre; et quand elle signale des plaisirs, on dirait encore que chaque tintement les diminue ou les étouffe; c'est un glas perpétuel, même quand il résonne pour un mariage. Alors, chaque coup nous ravit une illusion; on le prendrait pour le chant funéraire de l'amour, enseveli sans espoir de réveil sous le tombeau que la possession lui creuse; toutefois l'avidité des enfans porte fréquemment une oreille ravie au son qui leur révèle le trépas de vieux parens. – J'ai froid; – je n'y vois, pas; – j'ai soufflé dans mes doigts; – j'ai compté vingt fois mes pas, et je n'en ai pas moins choqué de ma tête une cinquantaine de points anguleux. – J'ai soulevé parmi les rats et les chauves-souris une insurrection générale; et grâce à leur maudit trottement et au bruissement de leurs ailes je puis à peine saisir un autre bruit. – Ah! une lumière! elle est éloignée (autant que je puis, dans l'obscurité, mesurer la distance); mais elle brille comme au travers d'une fente ou d'un trou de serrure du côté qu'il m'est interdit de franchir; je n'en avancerai pas moins, par curiosité; la lumière éloignée d'une lampe est un événement dans un antre comme celui-ci. Fasse le ciel qu'elle ne me conduise vers aucun objet capable de me tenter; ou, dans tous les cas, puisse ce même ciel m'aider à l'obtenir ou l'abandonner. – Toujours le même éclat! Quand ce serait l'étoile de Lucifer, ou le diable lui-même, entouré de sa lueur infernale, je ne pourrais me déterminer à m'arrêter. – Doucement! – parfaitement bien! J'ai doublé le coin; – comme cela! – Non. – Bien! nous approchons. Encore un angle obscur: – nous en sommes quittes. – Un instant. – Mais si j'allais trouver un danger plus grand que celui auquel je viens d'échapper? – Peu importe; il sera imprévu, et les dangers nouveaux, comme les nouvelles maîtresses, portent avec eux un charme magnétique: poursuivons donc; il en sera ce qu'il pourra. – J'ai ma dague qui, dans tous les cas, saura bien me protéger. – Brûle toujours, ô toi, faible lumière! tu es mon attrayant feu follet. – Bien! bien! mon invocation a été comprise: elle fait son effet.

(La toile tombe.)
SCÈNE IV
(Un jardin.)
Entre WERNER
WERNER

Il me serait impossible de dormir; – et puis l'heure approche: tout est prêt. Idenstein a tenu sa parole; la voiture nous attend à la porte de la ville, et sous les premiers arbres de la forêt. Les dernières étoiles commencent à pâlir, et pour la dernière fois mes yeux s'arrêtent sur ces horribles murailles. Oh! jamais, jamais je ne les oublierai. J'entrai dans leur enceinte, pauvre, mais non déshonoré; et je les quitte avec une tache qui, si elle épargne mon nom, pèsera toujours sur mon cœur. Impérissable ver rongeur, dont le dard ne cédera pas à toute l'opulence qui m'est promise, aux honneurs, à la souveraineté des Siegendorf. Il faut que je trouve un moyen de restitution qui puisse soulager à demi ma conscience; mais comment, sans risquer d'être découvert? – Il le faut cependant. J'y songerai dès l'instant que je naîtrai à la sécurité. L'excès de la misère m'a conduit à cette étrange bassesse; le repentir en doit alléger la gravité. Non, je ne veux rien avoir de Stralenheim, bien qu'il ait tout voulu me ravir, terres, liberté, existence. – Et cependant, il dort! aussi profondément, peut-être, qu'un enfant; enveloppé dans de riches couvertures, sur des coussins moëlleux, semblables à ceux… – Écoutons! Quel est ce bruit? Encore! les branches frémissent; j'entends plusieurs lourdes pierres tomber de la terrasse. (Ulric saute en bas de la terrasse.) Ulric! ah! toujours le bien venu; et dans ce moment, trois fois le bien venu! Cette sollicitude filiale-

ULRIC

Arrêtez! avant de nous rapprocher, dites-moi-

WERNER

Pourquoi ces étranges regards?

ULRIC

Est-ce mon père que je vois? ou bien-

WERNER
ULRIC

Un assassin?

WERNER

Malheureux ou insensé!

ULRIC

Répondez, répondez, si vous tenez à votre vie ou à la mienne!

WERNER

À quoi faut-il répondre?

ULRIC

Êtes-vous ou n'êtes-vous pas l'assassin de Stralenheim?

WERNER

Je ne fus jamais l'assassin de personne. Que prétendez-vous?

ULRIC

Cette nuit, n'avez-vous pas (comme la nuit précédente) suivi le passage secret? ne pénétrâtes-vous pas de nouveau dans la chambre de Stralenheim? et ne l'avez-vous pas-(Il s'arrête.)

WERNER

Poursuivez.

ULRIC

Tué de votre main?

WERNER

Grand Dieu!

ULRIC

Vous êtes donc innocent? Mon père est innocent! Embrassez-moi! Oui, – votre ton, – vos yeux: – oui, oui. – Cependant, dites-le moi.

WERNER

Si jamais j'ai pu concevoir une pareille pensée; ou si, quand elle s'est présentée, je ne l'ai pas repoussée avec effroi dans l'enfer; – si jamais elle se fit jour un moment dans mon cœur oppressé, à travers l'irritation qui le dévorait: – puisse le ciel être interdit à mes espérances comme à mes yeux!

ULRIC

Mais Stralenheim est mort.

WERNER

Cela est horrible: j'en suis effrayé. – Mais qu'ai-je de commun avec cet événement?

ULRIC

Il n'y a pas de serrure forcée; il n'y a de traces de violence que sur son corps. Une partie de ses propres gens est en alarme; mais, en l'absence de l'intendant, j'ai pris sur moi le soin d'avertir la police. Il est certain qu'on a pénétré dans sa chambre. Excusez-moi, si la nature-

WERNER

Oh! mon enfant! quelle fatalité horrible et inexplicable s'attache obstinément sur notre maison!

ULRIC

Mon père, je vous absous! Mais le monde vous jugera-t-il de même? et les juges, dans le cas où-à moins que, par votre faute, vous ne préveniez…

WERNER

Non! je ne les éviterai pas. Qui oserait me soupçonner?

ULRIC

Vous êtes sûr de n'avoir pas eu d'hôtes, de visiteurs, – aucune ame vivante enfin, auprès de vous, à l'exception de ma mère?

WERNER

Ah! le Hongrois!

ULRIC

Il est parti; il a disparu avant le soleil couchant.

WERNER

Non, je l'ai caché précisément dans cette fatale galerie.

ULRIC

Eh bien, je l'y retrouverai. (Ulric s'éloigne.)

WERNER

Il est trop tard: il a quitté le palais avant moi. J'ai trouvé le panneau secret ouvert, ainsi que les portes de la salle où il se trouve placé. J'ai pensé qu'il n'avait songé qu'à profiter du silence et du moment favorable, pour esquiver les mirmidons d'Idenstein, dont les aboiemens l'avaient poursuivi le jour précédent.

ULRIC

Et vous avez refermé le panneau!

WERNER

Oui; mais non sans un secret effroi, et tout en reprochant à ce malheureux étranger l'imprévoyance qu'il avait montrée, en laissant entr'ouvert, au risque de me perdre, l'asile que je lui avais offert.

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