Les Mozart, Comme Ils Étaient (Volume 1)

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En réalité, même hors de Salzbourg Léopold Mozart n'obtient pas toujours des témoignages de son bon caractère. Dans une lettre de Vienne du musicien Johann Adolph Hasse en septembre 1769, nous trouvons une description assez positive ( "homme d'esprit, fourbe et expert... c'est une personne éduquée et civile ainsi que ses enfants") même si le terme "fourbe" peut également faire penser à une évaluation pas vraiment élogieuse. Après un an, en écrivant de Naples (où les Mozart, père et fils se trouvaient également au cours de leur premier voyage en Italie) Hasse, cependant, met à jour son jugement: "Le père? A ce que je vois est également mécontent partout, ici aussi il se plaint; il idolâtre son fils un peu trop, et fait donc ce qu'il peut pour le gâcher".

Une discrète tendance à la rébellion de Léopold, qui se plaigna par la suite de la retrouver dans le caractère de son fils, est témoignée par ceux qui le connaissaient, comme son jeune compagnon d'études Franziskus Freysinger qui le rappelle comme "un homme aux sains principes" mais aussi avec une certaine dose d'admiration pour " sa manière de se moquer des prêtes, à propos de sa vocation (au sacerdoce NdA)". Le caractère rebelle (et sans doute un peu arrogant du jeune homme) semble apparaître dans la verbalisation de sa convocation auprès du Doyen de l'Université de Salzbourg qui, en lui communiquant son expulsion pour avoir fréquenté les cours uniquement une ou deux fois, remarqua que le jeune Léopold "a écouté la sentence et s'en est allé avec indifférence".

Le choix de quitter sa famille et sa ville natale après la mort de son père (pour fuir aux responsabilités et à l'autorité?) et la honte qui tombe sur la famille à cause de son expulsion de l'Université et de son choix d'entreprendre une carrière de serveur et musicien ne furent probablement pas étrangers aux relations ultérieures avec sa mère. Le fait qu'elle ne lui donna pas sa part de l'avance sur l'héritage d'un montant non négligeable de 300 florins le témoigne, alors qu'elle l'avait fait à l'occasion des mariages de ses frères.

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Diego Minoia – Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart Nous reparlerons de cet évènement par la suite, ainsi que des mensonges écrits à la même période, dans la demande de maintient de la citoyenneté d'Augusta et la permission de se marier, dont nous retrouvons plusieurs traces dans la correspondance. Sa mère veuve (d'un caractère épineux et litigieux, en cela il lui ressemblait) et ses frères survécurent quand même sans problème particulier à son choix centrifuge. Un des frères seulement lui écrivait de temps en temps pour lui demander des prêts, que Léopold, peu chrétien, lui accordait malgré lui ou lui niait.

Sa religiosité, vu que nous en sommes à ce point, était toujours très présente dans ses lettres et quelques fois même ostentatoire (n'oublions pas qu'il vivait dans une principauté religieuse et dépendait totalement de la bienveillance de l'Archevêque, son "patron"). Il respectait certainement davantage les concepts de la Foi que ses représentants. Nous trouvons la preuve de cette manière de penser dans les effusions de lettres (dans lesquelles il démontre du mépris pour tous ceux qui portaient une soutane) et dans l'épisode de la publication, en 1753, d'un pamphlet anonyme contre deux ecclésiastiques de Salzbourg.

Léopold fut convoqué devant le magistrat de la Cathédrale, accusé d'être l'auteur du livret offensif (rappelons que l'on vivait dans un État de police où les contrôles et les accusations étaient efficaces) et contraint à présenter ses excuses pour éviter la prison, tandis que le livret était déchiré devant ses yeux.

Cet épisode associé à son caractère épineux, pourrait avoir été une cause qui contribua à la difficulté rencontrée pour faire carrière, vu qu'à plusieurs occasions on préféra d'autres personnes aux postes qu'il convoitait.

Quant à sa foi, les invocations concernant Dieu et sa volonté, dont il remplit les lettres, semblent parfois être plus une répétition habituelle, plutôt qu'une fervente foi d'acceptation par rapport à ce que la société attendait d'un bon chrétien. Le fait qu'à l'occasion de la guérison de la maladie mais aussi pour favoriser le bon résultat d'une des compositions de Wolfgang, il disposa de faire célébrer, en payant, un certain nombre de messes, semble être davantage une attitude utilitaire (certes commune en ces temps là et encore aujourd'hui) qu'un acte de foi profondément ressentie.

Des prières personnelles non déléguées à d'autres auraient sans doute été suffisantes pour atteindre l'objectif, pourquoi faire célébrer les messes dans l'église de Salzbourg alors qu'il aurait pu le faire dans le lieu où il se trouvait, au moins quand il se trouvait en région catholique? Est-ce que cela pouvait être une manière d'afficher sa religiosité auprès de ses concitoyens ? Quant à son attitude peu chrétienne de raconter des mensonges ou d'embellir la réalité en sa faveur, est démontrée dans de nombreux faits réels de sa vie, comme par exemple rajeunir d'un ou deux ans l'âge de ses enfants durant les présentations en veste d"enfants 39

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart prodiges" ou bien comme se présenter à l'étranger en Maître de Chapelle alors qu'il était seulement adjoint.

Un dernier exemple nous montre que, déjà tout jeune, Léopold n'hésitait pas à mentir et transformer la réalité en sa faveur chaque fois que ses convenances le lui suggéraient. Nous sommes en 1747, Léopold a 28 ans et doit demander au Conseil municipal d'Augusta le renouvellement de sa citoyenneté (ceux qui déménageaient devait renouveler leur permis tous les trois ans) et l'autorisation de résider à Salzbourg et se marier (même si en réalité il était déjà marié avant d'envoyer la demande et sans la permission de sa mère, qui ne le lui pardonnera pas) en maintenant la citoyenneté de sa ville natale.

Eh bien, dans sa demande, il insert toute une série de mensonges en soutenant que son père était encore en vie (alors qu'il était mort), qu'il l'avait récemment envoyé à Salzbourg pour continuer ses études auprès de l'Université bénédictine (alors qu'il était allé à Salzbourg dix ans auparavant, de sa propre volonté, contre le désir de sa mère, et qu'il avait interrompu les études). En outre il vente des recommandations de la Cour Princière Archiépiscopale (qu'il n'avait pas) et soutient d'avoir épousé la fille d'un riche citoyens (alors que son épouse, comme nous l'avons vu, provenait d'une famille absolument pas riche). Mais nous parlerons par la suite également de ces mensonges et de la manipulation de la réalité qui apparaissent dans la correspondance.

Pour compléter la présentation de Léopold Mozart nous ne pouvons pas cependant oublier ses intérêts culturels. Au cours des voyages il ne perdit pas l'occasion de visiter des monuments, des musées, des œuvres d'art dans les palais privés dont il laissa des traces dans la correspondance (la Chapelle Sixtine à Rome, les peintures de Rubens à Bruxelles etc...). Il s'intéressa aux progrès scientifiques de son époque, en se tenant au courant, soit en fréquentant les démonstrations expérimentales offertes aux courtisans par l'université de Salzbourg, soit en achetant des instruments tel que le microscope.

Il s'intéressa également à la pharmacologie, au point d'amener dans ses voyages toute une série de poudres et recettes qui soignaient les affections les plus diffusées, se soignant lui même et ses enfants jusqu'à ce que la gravité de la maladie ne nécessite l'intervention d'un "medicus". S'il ne pouvait pas intervenir directement dans le soin il le faisait par lettre, comme lorsqu’il continua pendant des dizaines de lignes pour indiquer à Wolfgang (qui en cette période se trouvait à Monaco avec sa mère) comment soigner les mucosités.

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart Le musicien

La formation musicale de Léopold qui semble être plutôt solide sous le profil instrumental, grace aux études dans sa jeunesse dans les écoles jésuites d'Augusta, sa ville natale, ne met pas en évidence de fréquentations avec des enseignants de composition, à l'exception de l'ami et mentor Johann Ernst Eberlin (organiste de Cour dès 1727, et à partir de 1749 également Maître de Chapelle).

Cela fait donc penser à un parcours principalement autodidacte, avec probablement une supervision occasionnelle d'Eberlin et les conseils de quelques amis ou connaissances dans le milieu musical de Salzbourg. L'auto-instruction était du reste à cette époque largement pratiquée: Antonio Lolli, qui semble t'il était également allé à Salzbourg dans ses tournées, était violoniste autodidacte mais cela ne lui empêcha pas, durant sa vie, d'être considéré un des vertueux de l'instrument, obtenant des charges prestigieuses très bien rémunérées (par exemple, comme violoniste à la Cour de Stuttgart il avait un salaire annuel de bien 2000 florins, augmenté par la suite à 2500). En comparaison, rappelons que Léopold Mozart en 1750, comme le rappelle lui même dans une lettre à sa fille, comme violoniste de l'orchestre de Cour et enseignant d'instrument aux jeunes garçons du chœur de la Cathédrale, percevait un salaire de 29 florins et 30

Kreutzer par mois, environ 360 florins annuels. Et cette "tradition" des vertueux autodidactes ne s'arrêta certainement pas à Lolli, puisque quelques dizaines d'années après nous trouverons "le" vertueux en substance, Niccolò Paganini, autodidacte tant pour le violon que pour la guitare.

Ce qui est certain c'est l'utilité indiscutable pour l'apprentissage de Mozart et de tous les autres musiciens de cette époque, des manuscrits des compositeurs actifs à Salzbourg mais également ailleurs, demandé par Léopold à ses correspondants dans d'autres villes. Nous devons sûrement rappeler les partitions des concerts d'Antonio Vivaldi que Johann Sebastian Bach transcrit pour les étudier et, grace également aux études, rejoindre les sommets musicaux des 6 concerts brandebourgeois? L'habitude de se procurer (plus ou moins loyalement) des partitions d' autres compositeurs continua encore pour Léopold lorsqu'il du suivre la formation compositrice de Wolfgang en la mettant à jour avec les styles à la mode à cette époque. Nous avons à cette époque beaucoup de musiciens débutants, souvent de formation religieuse qui composèrent pour les exigences de leurs amis ou pour les fonctions qu'ils recouvraient. Les définir débutants, n'empêche pas, dans certains cas, qu'ils composaient de manière agréable et dans un style à la mode de leur temps. La simplification qui eut lieu musicalement en passant du Baroque au Style galant (il suffit de confronter, pour s'en rendre compte, les architectures polyphoniques de Johann Sebastian Bach 41

 

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart avec les bien plus simples compositions des musiciens des Cours de Salzbourg, comme Eberlin et Adlgasser) rendirent la composition musicale active à la portée de plus de gens.

Sans aucun doute, Léopold, dans ses années à l'école des Jésuites d'Augusta, eut un enseignement musical pour le chant, l'orgue et le violon avec quelques notions d'harmonie (juste celles qui devaient servir pour compléter un accompagnement sur des bases énumérées ou pour construire de simples structures harmoniques pour les improvisations, avec de simples modulations). A l'époque, l'usage prévoyait que les musiciens des orchestres sachent jouer plusieurs instruments pour répondre aux différentes exigences sacrées et profanes. Il est clair que de telles habitudes, sauf exceptions, déterminaient une qualité instrumentale non excellente pour tous les instruments (l'ami de famille Schachtner, par exemple, était trompettiste dans l'orchestre de Cour mais également décrit comme violoniste et violoncelliste).

Le même Léopold, et ensuite son fils Wolfgang, jouaient du clavier (le clavecin, plus tard le piano et l'orgue), des instruments à cordes (violon et l'alto) et savaient exécuter des morceaux vocaux. Pour Nannerl au contraire sa préparation se concentra sur le clavier et le chant.

Dans un célèbre portrait, réalisé par Louis de Carmontelle à Paris en 1763, nous pouvons voir une des formations instrumentales avec lesquelles les Mozart s’exhibaient au cours des voyages promotionnels des deux "enfants prodiges": Wolfgang au clavecin, Nannerl à la voix et Léopold au violon. La variété d’instruments que beaucoup d’exécuteurs devaient savoir jouer indique également le mauvais salaire qui affligeait beaucoup de musiciens de l'époque.

Beaucoup d'entre eux étaient, en effet, contraints d’exercer contemporainement d'autres métiers.

Parmi les amis de la famille Mozart, par exemple, nous trouvons un certain Fink, trompettiste de Cour et organiste, qui, pour arrondir ses fins de mois était également vigneron auprès de l'auberge "Ai 3 Mori". Nous retrouvons aussi à Vienne comme ami de Wolfgang après la rupture avec son père, un autre musicien de Salzbourg, le joueur de cor Ignaz Leutgeb, qui en plus de son activité de musicien gérait une petite boutique de vente de fromages, dont l'ouverture avait requis un prêt à Léopold Mozart.

Mais revenons à Léopold en veste de compositeur. Son premier travail de composition fut un recueil de 6 Sonates d'Église et de Chambre à trois instruments (deux violons et une Basse), publié à ses frais en 1740, lorsqu'il avait 21 ans et dédié au comte Johann Baptist Thurn, Président du Chapitre de la Cathédrale de Salzbourg, auprès duquel il était employé comme domestique et musicien. Ses 42

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart autres œuvres de compositions furent deux Cantates composées durant la période de Pâques, écrites en 1741 et 1743 (elles furent exécutées fort probablement

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart Cour princière, auprès de laquelle bien évidemment Léopold Mozart avait été recommandé par le comte Thurn), et une œuvre scolaire intitulée "Antiquitas personata" (L'histoire personnifiée, c'est à dire l'Histoire antique jusqu'à la naissance du Seigneur), composée en 1742 et exécutée dans la petite salle de l'université locale des étudiants.

Une fois engagé à la Cour, son activité de composition (outre qu’exécutive et didactique) devint régulière et assez prolifique, au point d'être en mesure de

"couvrir" les exigences civiles et religieuses de la Cour mais également de créer de la musique pour le Collegium musicum d'Augusta, auquel il envoya ses compositions intitulées "Promenade en traîneau", "Noces paysannes" et

"Symphonie pastorale" . Il composa un important nombre d'œuvres musicales: beaucoup de messes et compositions sacrées, des morceaux pour clavier, différentes Symphonies et Divertimenti, des concerts, des musiques d'occasion pour différentes fêtes. Parmi ces curiosités nous pouvons citer la série de 12

morceaux que Léopold Mozart écrivit (en collaboration avec l'ami Kapellmeister Eberlin) pour l'orgue mécanique situé dans la Forteresse qui domine Salzbourg sur la colline.

Cependant, Léopold Mozart n'est pas resté mentalement fermé aux étroits confinements de la province de Salzbourg. En plus des contacts avec sa ville natale Augusta il cultiva des liens par correspondance avec des musiciens et des passionnés de musique allemands de Lipsia (Lorenz Mizler) et de Berlin (Friedrich Marpurg), ainsi qu'avec certains éditeurs comme Hulrich Haffner de Nuremberg (auprès duquel il fit imprimer à ses frais sa première œuvre publiée, les Six Sonates à trois dédiées au comte Thurn, et qui publia également trois de ses Sonates pour clavecin en style italien) et Gottlieb Emmanuel Breitkopt (de Lipsia, qui insert dans son catalogue de nombreuses compositions de Léopold).

Après la naissance de Wolfgang il est vrai qu'il consacra beaucoup de temps à la formation de ses enfants prodiges, et aux engagements liés au reste du temps, mais il continua encore pendant longtemps à composer: il termina uniquement lorsqu'il se rendit compte, irrémédiablement, que ses compositions n'étaient désormais plus à la mode et inadaptés aux temps présents. Par la suite, la confrontation avec la production en continuelle évolution de son fils ne contribua certes pas à améliorer son appréciation des vieux travaux. Il reste cependant le fait que le "style" musical de Léopold influença son fils, ainsi que les idées que le jeune garçon rencontra au fur et à mesure, emprunté à d'autres artistes et, enfin, dont il s'appropria en rendant chaque fois les notes écrites parfaitement mozartiennes.

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart L'enseignant

Comme enseignant, il faut reconnaître que Léopold avait une certaine capacité, acquérie précédemment grace à sa fonction d'enseignant de chant et instruments pour les jeunes garçons de la Chapelle princière et, par la suite, affinée dans l'élaboration de son "Violinschule" (méthode pour violon) publiée la première fois en 1756 et publiée la première fois en 1787 (année de la mort de l'auteur) et réemprimée par la suite en 1769 et en 1787.. La méthode, publiée aux frais de Léopold par l'éditeur Johann Lotter d'Augusta, eut déjà au cours de la vie de l'auteur une bonne diffusion en Europe, au point d'être traduite également en hollandais (1766) et en français (1770), comme l'écrit avec orgueil Léopold dans sa correspondance des années après.

D'autres différentes éditions furent reproposées aux époques successives et jusqu'à nos jours, car de par son organicité et sa structure méthodique la

"Violinschule" était, et est, très utile pour comprendre les techniques exécutives de l'époque. La méthode rapporte en effet, de manière simple, rationnelle et complète chaque aspect de la technique exécutive de l'époque du passage entre le Baroque et le Classicisme, avec des exemples concernant les positions, l'utilisation de l'arc, le phrasé, l'interprétation des embellissements etc... Pour compléter le livre et indiquer la volonté de l'auteur d'être exhaustif, on y trouve une synthétique Histoire de la musique et un traitement de base des règles du Solfège.

Dans les intentions de l'auteur, la "Violinschule" devait être adressée aux enseignants de violon, mais aussi aux élèves qui, même si doués, n'étaient pas dans les conditions économiques d'affronter le coût des leçons d'un professeur.

Cela explique l'organicité de la méthode, son langage clair et les exemples faits pour tous les aspects retenus importants, non seulement pour une correcte exécution musicale mais aussi pour une juste interprétation expressive et communicative dans la musique exécutée. Le projet de réaliser une Méthode pour violon nous présente un Léopold Mozart qui, à l'âge de trente ans, a les yeux bien ouverts sur le monde musical de son époque et sur les nouvelles exigences qu'il était en train de se proposer. Sa correspondance avec les musiciens et les critiques musicaux allemands témoigne que son ambition allait au delà de la carrière qu'il parcourait à la Cour de Salzbourg.

Déjà avant que naisse Wolfgang, évènement qui le poussa par la suite à dédier tous ses efforts à l'affirmation de son fils, son ambition était de laisser une trace qui puisse durer dans l'environnement musical, et le fait qu'il ait choisi pour y 44

Diego Minoia – Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart réussir un instrument didactique est très significatif. Cela indique qu'il se rendait compte de sa capacité organisatrice et méthodologique et met en évidence combien il n'avait probablement pas la particulière ambition d'entrer dans l'histoire

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart tant que compositeur (en admettant, au moins à lui même, de ne pas avoir de dons particuliers qui puissent le faire concourir non seulement avec les compositeurs italiens mais également avec ses concurrents locaux pour le titre de Maître de Chapelle de la Cour).

Le choix d'écrire une méthode pour violon était, dans tous les cas dans l'air du temps et le fruit d'un calcul certainement bien réfléchi, vu qu'à l'époque il n'y avait pas, pour les aspirants musiciens le choix dont nous disposons actuellement.

En Allemagne il y avait principalement deux méthodes qui circulaient pour l'apprentissage instrumental: celui de Johann Joachim Quantz sur la flûte traversière, avec quelques notes également pour violon (1752) et celui de Carl Philipp Emmanuel Bach sur les instruments à clavier (1753). Comme on peut le voir c'était peu et, en tout cas dans la région germanique, une méthode spécifique pour violon n'existait pas.

En réalité cependant, en Angleterre quelques années auparavant (1748-1751) le compositeur et violoniste italien Francesco Saverio Geminiani (Lucca 1687 -

Dublin 1762) avait publié trois livres sur la didactique adressée aux violonistes.

Et, encore avant, Giuseppe Tartini (Pirano 1692-Padoue 1770) célèbre violoniste et compositeur, mais également valide théoricien et studieux d'acoustique (fameux pour le "trille du diable", et pour la théorisation du fameux "troisième son de Tartini", du à la résonance entre deux sons lancés à une distance d'un cinquième). L'enseignant italien écrit différents morceaux comme la " Lettre à madame Magdalena Lombardini Sirmen assistant à une importante leçon pour les joueurs de violon", le " Traité des accords ou leçons sur les différents types de supports, trilles, tremblements et mordants" et la méthode " Leçons pratiques du violon"

Les œuvres de Tartini étaient bien connues par Léopold Mozart qui ne se fit aucun problème particulier à en "emprunter" des morceaux importants, avec les exemples (mais transposés sur d'autres tonalités pour en camoufler l'origine) sans citer le nom de l'auteur, cité épisodiquement comme "un fameux violoniste italien". La correspondance de Mozart nous signale comment Léopold fut toujours très attentif à chaque particularité pour la diffusion de sa méthode et pour en tirer les plus gros profits économiques. Nous verrons plus loin quels furent les problèmes, techniques et financiers liés à la publication de la méthode et combien étaient difficiles la propagation du livre auprès des revendeurs et recevoir le gain des ventes (tâches qui, en son absence étaient déléguées à son épouse après des instructions détaillées) .

 

Voici un exemple de ce qu'il écrit à son épouse le 7 janvier 1770 de Vérone, au cours du premier voyage en Italie effectué avec Wolfgang: "Est-ce qu'une lettre de Mr Lotter est arrivée (l'éditeur d'Augusta qui imprimait sous paiement la Violinschule NdA) concernant la ponctuelle réception d'argent?" . Et encore, dans la 45

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart même lettre: "Monsieur Breitkopft de Lipsia (un autre éditeur musical NdA) a t'il écrit s'il a reçu les 100 livres ? Les livres ont été envoyés à Vienne et monsieur Graeffer (libraire NdA) a t'il confirmé leur réception?". " ... prépare 12 copies de la Violinschule et envoies-les au libraire Joseph Wolf à Innsbruck. Il faut y ajouter une brève lettre avec quelque chose de ce type: "Voici douze copies de la Violinschule que mon mari, de Vérone, m'a dit de vous envoyer. Vous pouvez les tenir sur commission et vendre chacune d'elle au prix de 2 florins et 14 kreutzer tirolais, vous paierez 1 florin et 45 kreutzer à mon mari pour chaque copie vendue".

Même à l'occasion de l'instruction musicale de ses deux enfants, Léopold Mozart se démontra attentif à la didactique en préparant, d'abord pour Marianne et ensuite pour Wolfgang, un Cahier contenant un certain nombre de brèves compositions pour clavier reprises par des auteurs de l'époque (mais presque toujours sans en indiquer le nom) et classées selon une difficulté croissante. La stupeur initiale et l'orgueil du père et du musicien qui se rend compte d'avoir généré un talent hors du commun (états d'âme stimulés par Wolfgang mais qu'il n'avait pas éprouvé dans le passé pour la brave Nannerl) sont mis en évidence dans les inscriptions ajoutées à l'accompagnement des morceaux que le petit apprenait au fur et à mesure. On a l'impression de lire dans ces écrits un présage d'informations à laisser pour les futurs lecteurs dans le but de fournir des preuves de la précoce capacité de son fils.

"Wolfgangerl (terme d’affection) a appris ce menuet à quatre ans" ou bien "Menuet et Trio appris par Wolfgangerl en trente minutes, à 9 heures et demi du soir le 26 janvier 1761, un jour avant son cinquième anniversaire". Avec les premières tentatives de compositions de Wolfgang le Cahier s'enrichira également de petits menuets créés et exécutés au clavier du petit et transcrit par le père.

Naturellement, lorsque les voyages "promotionnels" des deux enfants commenceront, les occasions d'apprentissage sous tous les aspects ne manqueront pas: des leçons de chant par de fameux interprétés (comme celles reçues par Wolfgang à Londres de la part du célèbre Giovanni Manzuoli), apprentissage de composition dans les rencontres avec des musiciens désormais affirmés (comme, toujours à Londres, Johann Christian Bach ou bien les nombreux compositeurs rencontrés durant les voyages italiens). En outre, hors du champ étroitement musical, quelques notions de langue étrangère (un peu de français, un peu d'anglais, un peu d'italien nécessaire pour les mélodrames, un peu de latin utile pour les musiques sacrées) mais surtout tant de musiques écoutées dans les académies, dans les sales de concerts, dans les théâtres fréquentés, on peut le dire, quotidiennement par les Mozart.

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1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart Le père

Il n'y a aucun doute que Léopold influença de manière organique et puissante la vie de son fils, non seulement dans son enfance et dans sa jeunesse (période durant laquelle il eut un "contrôle" total sur les activités de Wolfgang) mais également par après, lors de l'éloignement (le voyage à Monaco et Paris, le déménagement à Vienne) même si, avec de grandes difficultés à se faire entendre par son fils devenu récalcitrant par la nouvelle saveur de la liberté. La formation académique de Léopold Mozart, supérieure à celle du citoyen moyen de l'époque, explique pourquoi il s'est occupé personnellement de l'instruction culturelle, outre que musicale, de ses enfants (en particulier celle de son fils). En effet, rien ne nous dit que les enfants Mozart aient jamais fréquenté un institut scolaire, d'autant plus que le père, une fois qu'il se rendit compte d'avoir chez lui deux talents, orienta sa propre vie et celle de ses fils, dans le but d'en faire des enfants prodiges dans les plus brefs délais.

En sa faveur nous trouvons sa conscience d'avoir, en tant que père et musicien, le devoir de développer au mieux les talents reçus par ses enfants, comme il l'écrit dans une lettre du 10 novembre 1766: "Dieu, qui a été bien trop bon avec moi, misérable être humain, a donné à mes enfants de tels talents que, même si cela n'était pas un devoir paternel, je serais contraint de tout sacrifier à leur bonne éducation". Et dans une autre lettre de 1777, il répète le concept "Exploiter les talents: c'est l’évangile lui même qui nous l'enseigne". Les enfants prodiges doivent cependant être valorisés avant que leur âge ne réduise la stupeur que leurs talents pourraient provoquer dans le public.

Voici comment il s'exprime dans une lettre à l'ami et éditeur Lotter d'Augusta en mai 1768: " ... je devrais peut être rester à Salzbourg soupirant le vain espoir d'un meilleur sort, et voir grandir Wolfgang (...) jusqu'à ce que Wolfgang rejoigne l'âge et le développement où ses mérites ne seraient plus objet de stupeur?"

Ses premiers voyages eurent donc le double objectif de "mettre en rendement"

les enfants prodiges, surtout Wolfgang, en les faisant connaître en Europe et, en même temps, leur donner des opportunités de croissance et de formation musicale en rencontrant des compositeurs, des chanteurs et des instrumentistes de valeur. Cependant, une fois l'âge de l'enfance terminé, l'objectif de Léopold Mozart changea: il devait trouver pour Wolfgang une charge fixe auprès de la Cour de Salzbourg (premier objectif) avec l'espoir d'une prochaine charge auprès des Cours les plus prestigieuses.

Même en ce qui concerne sa vision du monde, comme l'acceptation des rôles sociaux différents selon les classes et la nécessité/convenance de gagner les bonnes grâces des personnes qui pouvaient avoir une influence positive pour 47

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart leurs projets, l'influence de Léopold fut profonde et durable, tant en ce qui concerne la soumission de Nannerl (qui accepta son rôle de fille et épouse prédestinée, par son père, à un vieil homme) tant pour le préféré Wolfgang.

L'habitude de Léopold Mozart d' "entrer dans les grâces" de chaque noble rencontré durant les voyages, certainement assimilée par Wolfgang sans avoir les capacités relationnelles et intrigante de son père, fut répétée plusieurs fois dans les conseils qu'il donnait dans ses lettres à son fils désormais grand.

Du reste, en élargissant le regard, nous nous rendrons compte que presque tous les musiciens suivaient à l'époque les mêmes règles: gagner les grâces des puissants pour obtenir des faveurs et des avantages de carrière. Pour ne donner qu'un seul exemple de combien cette pratique était diffusée, citons GiovanBattista Sammartini (ou Saint Martin, si nous voulons maintenant une écriture correcte du nom français du père) qui, en construisant sa carrière à Milan fut toujours très attentif à fréquenter et se faire apprécier par les familles qui à cette époque avaient le contrôle politique, économique et social de la ville. Grace aux appuis de ses nobles "supporter", et grace à ses incontestables capacités, il devint le

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