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Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor

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Cette scène ne fut que la première d'un grand nombre d'autres semblables, car le gouvernement, qui s'efforçait de satisfaire aux demandes de ses partisans, avait promis beaucoup plus de prisonniers qu'il n'y en avait.

Je suis fâché d'avoir à le dire, j'ai vu non seulement des hommes, mais encore des femmes de mon pays, des dames titrées même, se tordre les mains, se lamenter parce qu'il leur avait été impossible d'obtenir quelqu'un de ces pauvres gens du comté de Somerset pour le vendre comme esclave.

Et en fait, il fut fort difficile de leur faire comprendre que leurs sollicitations auprès du Gouvernement ne leur donnaient aucunement le droit de s'emparer du premier citadin ou paysan qui leur tomberait sous la main et de l'expédier aux Plantations sans autre forme de procès.

Ainsi donc, mes chers petits enfants, je vous ai ramenés avec moi dans le passé pendant toutes les soirées de ce long et ennuyeux hiver, je vous ai fait assister à des scènes dont tous les acteurs sont sous terre, à part peut-être un ou deux barbons comme moi, pour garder quelque souvenir d'eux.

J'ai appris que vous, Joseph, vous avez mis par écrit, chaque matin, ce que je vous avais raconté la veille.

Vous avez fort bien fait d'agir ainsi, car vos enfants et les enfants de vos enfants pourront y prendre de l'intérêt et même éprouver quelque fierté, en apprenant que leurs ancêtres ont joué un rôle dans de telles scènes.

Mais voici que le printemps arrive, que la verdure se dépouille de sa neige, en sorte que vous avez mieux à faire que de rester assis à écouter les histoires d'un vieillard loquace.

Ah! ah! vous secouez la tête.

Mais la vérité, c'est que vos jeunes membres ont besoin de s'exercer, de se fortifier, de se consolider, et vous n'obtiendrez jamais ce résultat en vous rôtissant devant ce grand feu.

De plus, maintenant mon histoire marche rapidement à sa fin, car je n'ai jamais eu l'intention de vous conter autre chose que les événements qui se rapportent à l'insurrection de l'Ouest.

Si la partie qui s'achève a été des plus mornes, si elle n'a point pour dénouement un joyeux carillon et des poignées de mains, comme dans les livres à bon marché, c'est à l'histoire et non à moi qu'il faut vous en prendre. Car la Vérité est une maîtresse sévère, et une fois qu'on s'est mis en route avec elle, il faut suivre la commère jusqu'au bout, dut-elle braver carrément toutes les règles, toutes les conditions, qui voudraient faire de cette confusion inextricable qu'est le monde le jardin bien régulier, à la hollandaise, des conteurs d'histoires.

Trois jours après notre procès, nous fûmes alignés dans la rue du Nord, devant le château, avec des hommes venus d'autres prisons et qui devaient partager notre sort.

Nous étions placés sur quatre de front et une corde réunissait chaque rang au suivant.

Je comptai cinquante de ces rangs, ce qui porterait notre total à deux cents.

De chaque côté marchaient des dragons. Nous avions devant et derrière nous des compagnies de mousquetaires pour empêcher toute tentative d'attaque ou d'évasion.

Nous partîmes ainsi rangés le dix septembre, au milieu des larmes et des gémissements des gens de la ville, parmi lesquels beaucoup voyaient leurs fils ou leurs frères en route pour l'exil sans pouvoir échanger avec eux un dernier mot, une étreinte.

Quelques-uns de ces pauvres gens, des vieux tout ridés, au chef branlant, des femmes décrépites, marchèrent péniblement pendant des milles à notre suite sur la grande route, jusqu'au moment où l'infanterie de l'arrière-garde fit volte-face de leur côté et les chassa avec des jurons et des coups de leurs baguettes de fusil.

Ce jour-là, nous passâmes par Yeovil et Sherborne.

Le lendemain, on traversa les Dunes du Nord jusqu'à Blandford, où nous fûmes parqués ensemble comme des bestiaux et laissés là pendant la nuit.

Le troisième jour, nous reprîmes notre marche à travers Wimborne et une série de jolis villages du Comté de Dorset, les derniers villages anglais que devaient voir la plupart d'entre nous pour bien des longues années.

À une heure avancée de l'après-midi, nous vîmes apparaître les vergues et les agrès des navires dans le Port de Poole.

Au bout d'une autre heure, nous descendîmes le sentier ardu et rocailleux qui mène à la ville.

Là nous fûmes rangés sur le quai en face du brick au large pont, aux lourdes manœuvres qui était destiné à nous conduire vers l'esclavage.

Pendant toute cette marche, nous fûmes traités avec la plus grande bonté par le menu peuple.

Il accourait de tous ces cottages avec des fruits et du lait qu'ils partageaient entre nous.

Dans d'autres endroits, des ministres dissidents risquèrent leur vie en venant se poster sur les bords de la route, pour nous bénir au passage, sous les grossières plaisanteries et les jurons des soldats.

Nous montâmes à bord et fûmes menés dans la cale par le lieutenant du navire, un grand marin à figure rouge, aux oreilles ornées d'anneaux, pendant que le capitaine, debout sur la poupe, les jambes écartées, la pipe à la bouche, nous vérifiait l'un après l'autre au moyen d'une liste qu'il tenait à la main.

Quand il vit de près la construction solide et l'air de santé rustique des paysans, que n'avait pu entamer même leur longue captivité, ses yeux pétillèrent et il frotta de plaisir ses grosses mains rouges.

– Conduisez-les en bas, Jim, ne cessait-il de crier au lieutenant. Arrimez-les comme il faut. Là-bas. Il y a des logements dignes d'une duchesse, sur ma foi, une duchesse. Emballez-moi cela.

Nous défilâmes l'un après l'autre devant le capitaine enchanté.

Puis, nous descendîmes par l'échelle raide qui aboutissait à la cale.

Arrivés là, nous fûmes conduits dans un étroit corridor, sur chaque côté duquel s'ouvraient les compartiments qui nous étaient destinés.

À mesure qu'un homme se trouvait devant, celui qui lui était réservé, il y était poussé par le vigoureux lieutenant, et fixé au plancher par des entraves aux chevilles que mettait en place l'armurier du bord.

Il faisait nuit quand nous fûmes tous enchaînés, mais le capitaine fit une ronde avec une lanterne pour s'assurer que sa propriété était en parfaite sûreté.

Je pus l'entendre, ainsi que le lieutenant, calculer la valeur de chaque prisonnier et compter ce qu'il en tirerait sur le marché des Barbades.

– Leur avez-vous servi leur fourrage, Jim? demanda-t-il en mettant sa lanterne successivement dans chaque compartiment. Vous êtes-vous assuré qu'ils ont eu leur ration?

– Un pain d'avoine et une pinte d'eau, répondit le lieutenant.

– Une duchesse s'en contenterait, par ma foi, s'écria le capitaine. Regardez-moi celui-ci, Jim. Regardez-moi ses grandes mains: il pourrait travailler des années dans les rizières, avant que les crabes de terre viennent le dévorer.

– Oui, nous aurons une belle vente aux enchères chez les colons pour cet assortiment. Par Dieu! Capitaine, vous avez fait là une fameuse affaire. Morbleu, vous avez roulé ces gens de Londres de la belle manière.

– Qu'est-ce que cela? hurla le capitaine. En voici un qui n'a pas touché à sa ration? Ah! ça, mon homme, est-ce que vous auriez l'estomac trop délicat pour manger ce que d'autres ont trouvé bon, qui valaient mieux que vous.

– Je n'ai pas le cœur à manger, monsieur, répondit le prisonnier.

– Eh quoi! Se permettrait-on des caprices, des fantaisies? Prétendez-vous trier, choisir? Je vous le dis, mon homme, vous m'appartenez corps et âme. Je vous ai payé dix belles pièces, et maintenant il faut que je m'entende dire que vous ne voulez pas manger. Mettez-vous à la besogne à l'instant, capricieux coquin, où je vous fais passer à l'estrapade.

– En voici un autre qui reste continuellement la tête penchée sur la poitrine, sans entrain, sans vie.

– Chien de révolté, d'entêté, cria le capitaine, de quoi vous plaignez-vous? Pourquoi faites-vous une figure d'assureur pendant une tempête?

– S'il vous plaît, monsieur, c'est que je ne fais que penser à ma vieille mère, là-bas, à Wellington, et je me demande qui la nourrira maintenant que je n'y suis plus.

– Hé, qu'est-ce que cela me fait? brailla le brutal marin. Comment ferez-vous pour arriver au terme de votre voyage, en bon état de santé, et le cœur content, si vous restez là comme une poule malade sur son perchoir? Riez, mon homme, faites-vous gai, ou bien je vous donnerai de quoi pleurer. C'est honteux pour vous, torchon de terrien, de bouder, de geindre comme un enfant qu'on vient de sevrer. N'avez-vous pas tout ce que le cœur peut souhaiter? Faites-lui tâter d'un bout de corde, Jim, si jamais vous le rattrapez à se faire du mauvais sang. Ce qu'il fait là, ce n'est que pour nous ennuyer.

– Votre Honneur m'excusera, dit un matelot accourant du pont. Il y a à l'arrière un étranger qui désire s'entretenir avec Votre Honneur.

– Quelle sorte d'homme est-ce, l'ami?

– C'est certainement une personne de qualité, Votre Honneur. Il parle avec autant d'aplomb que s'il était le capitaine du navire. Le maître d'équipage n'a fait que le frôler et il s'est mis à jurer, à sacrer après lui, à le regarder en face, avec des yeux de chat sauvage, si bien que Job Harrisson se figure avoir embarqué le diable en personne. Les hommes ne trouvent pas sa tournure fort à leur gré.

– Que diable peut-être ce godelureau? dit le capitaine. Allez sur le pont, Jim, et dites-lui que je suis occupé à compter mon bétail sur pied et que j'irai le trouver dans un instant.

– Non, Votre Honneur, on aura des ennuis, si vous ne montez pas. Il jure qu'il n'entend pas se laisser berner, qu'il veut vous voir tout de suite.

– Que son sang soit maudit, quel qu'il soit! grommela le marin. Tout cop est maître sur son tas de fumier. Que veut dire ce coquin? Quand même il serait le Lord du Sceau privé, je tiens à lui faire savoir que je suis le maître sur mon pont.

 

En disant ces mots et les accompagnant de grondements d'indignation, le lieutenant et le capitaine retirèrent, à eux deux, l'échelle, et firent retomber le lourd panneau de l'écoutille après leur passage.

Une seule lampe à huile, suspendue à une des solives au centre du couloir, qui séparait les deux rangées de cellules, était tout l'éclairage qu'on nous accordait.

À sa jaune et trouble lueur, nous distinguions vaguement les grosses côtes de bois du navire se courbant de chaque côté de nous et supportant les traverses qui soutenaient le pont.

Une odeur infecte, provenant de l'eau stagnante, empoisonnait l'air épais et lourd.

À chaque instant, un rat, poussant un cri aigu, et avec un bruit de piétinement, s'élançait à travers la zone éclairée, et disparaissait un peu loin dans les ténèbres.

La forte respiration que j'entendais autour de moi m'apprit que mes compagnons, épuisés par leur voyage et leurs souffrances, avaient fini par s'endormir.

De temps à autre, un lugubre tintement de chaînes, la brusque interruption du souffle, et une inspiration profonde rappelaient qu'un pauvre paysan, encore sous l'influence d'un rêve qui lui montrait son humble coin de terre parmi les bosquets des Mendips, se réveillait brusquement pour voir le vaste cercueil dans lequel il se trouvait et pour respirer l'air empoisonné de la prison flottante.

Je restai longtemps éveillé, tout entier à mes pensées au sujet de moi-même, et aussi des pauvres créatures qui m'entouraient.

À la fin, cependant, le battement rythmique de l'eau contre les flancs du navire, le léger roulis et le tangage me firent tomber dans un sommeil dont je fus brusquement tiré par une lumière passant devant mes yeux. Je me mis sur mon séant et vis plusieurs matelots groupés autour de moi, avec un homme de haute taille enveloppé d'un manteau noir, qui tenait une lanterne au-dessus de ma tête.

– C'est l'homme en question, dit-il.

– Allons, matelot, il faut que vous veniez sur le pont, dit l'armurier du bord.

Et de quelques coups de son marteau, il fit tomber les fers de mes pieds.

– Suivez-moi, dit l'inconnu de haute stature, en me précédant vers l'échelle de l'écoutille.

C'était une sensation céleste de revenir encore une fois à l'air pur.

Les étoiles brillaient au ciel de tout leur éclat.

Une fraîche brise soufflait de la terre et murmurait une charmante chanson à travers les agrès.

Tout près de nous, les lumières de la ville jetaient des éclats jaunes et gais.

Plus loin, la lune regardait à la dérobée par-dessus les collines de Bournemouth.

– Par ici, monsieur, dit le marin, tout droit, dans la cabine, monsieur.

Suivant toujours mon guide, je me trouvai dans la cabine basse du brick.

Une table carrée, luisante, en occupait le centre, et une lampe à lumière éclatante se balançait au-dessus.

Tout au bout, en plein dans la partie éclairée, le capitaine était assis, la figure rayonnante d'avidité et d'espoir.

Sur la table il y avait une petite pile de pièces d'or, une bouteille de rhum, des verres, une boîte à tabac et deux longues pipes.

– Mes compliments, capitaine Clarke, dit le capitaine, avançant sa tête ronde, hérissée. Agréez les félicitations d'un honnête marin. À ce qu'il paraît, nous ne sommes pas destinés à être compagnons de voyage, malgré tout.

– Le capitaine Micah Clarke doit faire un voyage pour son compte, dit l'inconnu.

Au son de sa voix, je sursautai d'étonnement.

– Grands Dieux! m'écriai-je, Saxon!

– Vous l'avez deviné, dit-il en rejetant son manteau et me montrant la figure et la tournure bien connues du soldat de fortune. Par ma foi! l'ami, si vous avez pu me recueillir dans le Solent, je puis bien, je suppose, vous tirer de ce maudit piège à rats où je vous trouve. C'est partie liée, comme on dit devant le tapis vert. Sans doute je vous en voulais à mort au moment de notre dernière séparation, mais je vous gardais quand même un coin de mon âme.

– Une chaise et un verre, capitaine Clarke, s'écria le patron. Parbleu! Je pense que vous êtes tout disposé à lever le petit doigt et à vous rincer le sifflet après tout ce que vous avez traversé.

Je m'assis à table. La tête me tournait.

– Voilà qui est trop profond pour moi, dis-je. Que signifie tout cela et comment est-ce arrivé?

– Pour mon compte, le sens est aussi clair que le verre de mon habitacle, dit le marin. Votre bon ami le Colonel Saxon, – c'est son nom à ce que j'apprends, – m'a offert autant d'argent que je pouvais espérer d'en gagner en vous vendant dans les Indes. Ma parole! je suis rude et je parle franc, mais j'ai le cœur au bon endroit. Oui, oui, je ne voudrais pas enlever par fraude un homme si je pouvais lui rendre la liberté, mais nous avons à veiller sur nos intérêts et le commerce ne marche guère.

– Alors je suis libre! dis-je.

– Vous êtes libre, répondit-il. Voici l'argent de votre achat sur la table. Vous pouvez aller où il vous plaira, excepté en Angleterre, où vous êtes encore hors la loi par le fait de votre sentence.

– Comment avez-vous fait cela, Saxon? demandai-je. N'avez-vous rien à craindre pour vous-même.

– Ho! Ho! fit le vieux soldat en riant, je suis un homme libre, mon garçon. Je tiens mon pardon et je ne me soucie d'un espion ou d'un dénonciateur pas plus que d'un maravédi. Qui ai-je rencontré, il y a un jour ou deux? Le Colonel Kirke en personne. Oui, mon garçon, je l'ai rencontré dans la rue, et à son nez, j'ai mis mon chapeau de travers. Le gredin a porté la main à la poignée de son épée, et j'allais dégainer pour envoyer son âme au diable, si on ne nous avait pas séparés. Jeffreys et les autres me sont aussi indifférents que les cendres de cette pipe. Je peux faire claquer ce pouce et cet index pour les narguer. Ils aiment mieux voir le dos de Décimus Saxon que sa figure, je vous en réponds, oui!

– Mais d'où vient cela? demandai-je.

– Eh! Vierge Marie, ce n'est point un mystère. Les vieux oiseaux, qui ont de l'expérience, ne se prennent pas avec de la paille. Lorsque je vous quittai, je me mis en route pour certaine hôtellerie où je pouvais être sûr de trouver une personne amie. J'y passai quelque temps en cachette, ainsi que disent les Français, afin de préparer à bien le plan que j'avais en tête. Éclair et tonnerre! j'eus une peur terrible que me causa ce vieux marin votre ami, qui pourrait être vendu comme peinture, car en tant qu'homme, il n'est plus bon à grand'chose.

Bon, je me rappelai assez tôt l'affaire de votre visite à Badminton et du Duc de B… Nous ne nommerons personne, mais vous devinerez aisément de quoi je parle. Je lui envoyai un messager pour lui dire que je comptais acheter mon pardon en faisant connaître tout ce que je savais du double jeu qu'il avait joué avec les rebelles.

Le message fut remis secrètement et il me répondit que je le trouverais lui-même, à un certain endroit, la nuit.

Au lieu de m'y rendre en personne, j'y envoyai mon messager, qui fut trouvé le lendemain raide mort avec plus de boutonnières dans son doublet que le tailleur n'en avait fait.

Sur quoi j'envoyai de nouveau, en me montrant plus exigeant et parlant d'un prompt arrangement.

Il me demanda mes conditions.

Je répondis: un pardon complet et un commandement pour moi, et pour vous une somme suffisante pour que vous puissiez vous rendre commodément dans un pays étranger et vous adonner à la noble profession des armes.

J'obtins l'un et l'autre, quoique cela fût aussi dur que si on lui arrachait les dents.

Son nom a grand crédit à la Cour en ce moment même et le Roi ne peut rien lui refuser.

J'ai mon pardon et un commandement de troupes dans la Nouvelle-Angleterre.

Pour vous, j'ai deux cents pièces; sur lesquelles trente ont servi à payer votre rançon au capitaine; vingt autres me sont dues pour mes avances en cette affaire.

Vous trouverez dans ce sac les cent cinquante et quelques pièces, sur lesquelles vous en paierez quinze aux pêcheurs qui ont pris l'engagement de vous transporter à Flessingue.

Vous n'aurez aucune peine à croire, mes chers enfants, combien je fus bouleversé par ce brusque revirement des choses.

Lorsque Saxon eut cessé de parler, je restai comme étourdi à essayer de comprendre ce qu'il m'avait dit.

Puis, il me vint à l'esprit une pensée qui glaça la flamme d'espoir et de bonheur qu'avait fait jaillir en moi l'idée de ma liberté recouvrée.

Ma présence avait été un aide, une consolation pour mes malheureux compagnons.

Ne serait-ce pas cruauté que de les abandonner dans leur détresse? Il n'y en avait pas un seul parmi eux qui ne levât les yeux vers moi dans sa peine, et dans la faible mesure de mes ressources je les avais secourus et réconfortés.

Comment les abandonner maintenant?

– Je vous suis extrêmement obligé, Saxon, dis-je enfin en parlant avec lenteur, et avec quelque difficulté, car c'étaient des paroles pénibles à prononcer, mais je crains que vous ne vous soyez donné des peines inutiles. Les pauvres paysans n'ont personne pour les soigner, pour les aider. Ils sont aussi simples que des enfants, et tout aussi peu faits pour être débarqués dans un pays inconnu. Je ne puis prendre sur moi de les abandonner.

Saxon éclata de rire, en se renversant sur sa chaise, allongeant ses grandes jambes et enfonçant les mains dans les poches de sa culotte.

– Voilà qui est trop fort, dit-il enfin. J'avais prévu bien des difficultés sur ma route, mais celle-là, je n'y songeais pas! Vous êtes, il faut le dire, l'homme le plus contrariant qui ait jamais porté le justaucorps de cuir de bœuf. Vous avez toujours quelque raison tirée on ne sait d'où pour vous échapper, pour vous effrayer, comme un poulain étourdi, à moitié dompté. Et pourtant je crois pouvoir venir à bout, avec un peu de persuasion, de ces étranges scrupules qui vous prennent.

– Quant aux prisonniers, Capitaine Clarke, dit le marin, je me conduirai envers eux comme un père, sur ma parole, je le ferai, foi d'honnête marin. S'il vous convenait de prélever une bagatelle d'une vingtaine de pièces pour leur assurer le confortable, je veillerais à ce qu'ils aient une nourriture telle que beaucoup d'entre eux n'en ont jamais eu la pareille à leur propre table. Et en outre ils viendront sur le pont, pendant les quarts, et prendront l'air frais une heure ou deux par jour. Je ne puis rien proposer de plus équitable.

– J'ai un ou deux mots à vous dire sur le pont, fit Saxon.

Il sortit de la cabine, et je le suivis jusqu'au bout de la poupe, où nous restâmes debout adossés aux bastingages.

Les lumières s'étaient éteintes l'une après l'autre dans la ville, en sorte que l'océan noir battait contre le rivage plus noir encore.

– Vous n'avez pas à vous tourmenter au sujet de l'avenir des prisonniers, dit-il en me parlant tout bas. Ils ne partiront pas pour les Barbades, et ce capitaine, à l'âme aussi dure qu'un caillou n'aura pas à les vendre, malgré toute la certitude qu'il en a. S'il peut se tirer d'affaire en sauvant sa peau, il aura plus de chance que je ne crois. Il a sur son bord un homme qui ne ferait pas plus de façon que moi pour lui donner une poussée par-dessus bord.

– Que voulez-vous dire, Saxon? m'écriai-je.

– Avez-vous jamais entendu parler d'un certain Hector Marot?

– Hector Marot? Oui, certes, je le connais fort bien. C'était un détrousseur de grand chemin sans doute, mais avec cela un gaillard d'une énergie terrible, et un bon cœur sous l'habit d'un voleur.

– Lui-même. C'est, comme vous le dites, un homme énergique, et un sabreur résolu, bien que, d'après ce que j'ai vu de son jeu, il soit faible dans les coups de pointe, et qu'il ait une préférence exagérée pour les coups de taille et n'attache pas assez d'importance à la pointe. En quoi il ne fait pas assez grand cas de l'opinion et de l'enseignement des escrimeurs les plus remarquables de l'Europe. Bah! Bah! les gens diffèrent d'avis sur ce point comme sur bien d'autres.

Pourtant il me semble que j'aimerais mieux être emporté du terrain de combat, après m'être servi de mon arme secundum artem que de le quitter sans une égratignure après avoir enfreint les lois de l'escrime. Quarto, tierce, seconde, voilà ce que je dis, et au diable vos estramaçons et vos passades.

– Mais il s'agit de Marot, dis-je avec impatience.

– Il est à bord, dit Saxon. Il paraît qu'il a été révolté, indigné des cruautés qu'on a fait souffrir aux paysans après la bataille de Bridgewater. Comme c'est un homme de caractère assez sombre, assez farouche, sa désapprobation s'est traduite par des actes plutôt que par des paroles.

 

On a trouvé çà et là dans la campagne, des soldats tués à coups de pistolets ou de poignard, sans que leur agresseur eût laissé aucune trace.

Il y en a eu une douzaine au moins de traités de la sorte, et l'on en est bientôt venu à se dire tout bas qu'Hector Marot, le brigand de grand chemin, était l'auteur de tout cela et on s'est mis avec ardeur à sa poursuite.

– Bon, et après? demandai-je, car Saxon s'était interrompu pour allumer sa pipe au moyen de cette même vieille boîte de métal contenant un briquet dont il s'était servi lors de notre première rencontre.

Quand j'évoque en imagination Saxon, c'est presque toujours sous l'aspect qu'il avait en ce moment-là, alors que la lueur rouge éclairait sa figure dure, animée, au profil de faucon, et montrait mille petits plis et rides que le temps et le souci avaient gravés dans sa peau brune, hâlée.

Parfois, dans mes rêves, cette figure m'apparaissait sur un fond de ténèbres.

Ses yeux à demi clos, si mobiles, si clignotants, sont tournés vers moi de cette façon un peu oblique qui lui était propre, si bien qu'enfin je me retrouve assis sur mon séant, et tendant la main dans l'espace vide, m'attendant presque à sentir autour d'elle une autre main maigre, nerveuse.

C'était, sous bien des rapports, un malhonnête homme, mes chers enfants, un homme roué, plein de ruse, qui n'avait guère de scrupules, guère de confiance, et pourtant la nature humaine est chose si étrange, et il nous est si difficile de maîtriser nos sentiments, que mon cœur s'échauffe quand je pense à lui et que cinquante années ont plutôt accru qu'affaibli la sympathie que j'ai pour lui.

– J'ai entendu dire, fit-il en envoyant lentement des bouffées de sa pipe, que Marot était bien l'homme de cette trempe, et qu'il était serré de si près qu'il courait le danger d'être pris.

En conséquence, je me mis à sa recherche, et je tins conseil avec lui.

Sa jument avait péri d'une balle perdue, et comme il avait beaucoup d'affection pour cette bête, cet événement le rendait plus farouche et plus dangereux que jamais. Il n'avait plus, disait-il, aucun goût pour son ancien métier.

En fait, il était mûr pour n'importe quoi.

C'est de cette manière-là qu'on fait les instruments utiles.

J'appris que dans sa jeunesse, il avait appris le métier de marin.

À ces mots, mon plan se dessina avec autant de rapidité qu'on tire un coup de pétrinal.

– Et ensuite? demandai-je, je ne vois pas encore clair.

– Pourtant, c'est assez évident pour vous maintenant. Le but de Marot était de fausser compagnie aux gens qui le poursuivaient et de rendre service aux exilés.

Pouvait-il rien faire de mieux pour réaliser ce projet que de s'engager comme matelot à bord de ce brick, la Dorothée Fox, et de quitter l'Angleterre avec lui.

Il n'y a que trente hommes d'équipage.

Au-dessous des écoutilles, ils sont près de deux cents, et si simples qu'ils puissent être, vous le savez aussi bien que moi, ils n'ont pas leurs pareils pour jouer de la pointe et du tranchant, mais il leur manque l'ordre et la discipline qui seraient nécessaires en pareil cas.

Marot n'a qu'à descendre au milieu d'eux, par une nuit noire, à les débarrasser de leurs entraves, à leur mettre en main quelques armes à feu, quelques gourdins.

Ho! Ho! Micah, qu'en dites-vous?

Les planteurs feront bien de cultiver leurs terres eux-mêmes, s'ils n'ont à compter en cette occurrence que sur les bras des campagnards de l'Ouest.

– En effet, c'est un plan bien conçu, dis-je. C'est malheureux, Saxon, qu'avec votre ingéniosité, votre esprit inventif, vous n'ayez pas un champ d'action honorable. Vous êtes, je le sais bien, aussi capable de commander des armées, d'organiser des campagnes qu'aucun de ceux qui jamais portèrent une épée.

– Regardez par-là, dit tout bas Saxon, en me saisissant par le bras. Voyez-vous l'endroit que la lune éclaire, à côté de l'écoutille. N'apercevez-vous pas cet homme de petite taille, trapu, qui est debout, seul perdu dans ses pensées, la tête inclinée sur sa poitrine? C'est Marot.

Je vous l'affirme, si j'étais le capitaine Pogram, j'aimerais mieux avoir pour premier lieutenant, pour camarade de lit le diable en personne, cornes, sabots, et queue, plutôt que d'avoir cet homme, à bord de mon navire. Vous n'avez pas de sujet de vous tourmenter en ce qui regarde les prisonniers, Micah. Leur avenir est décidé.

– Alors, Saxon, répondis-je, il ne me reste plus qu'à vous remercier et à accepter ces moyens de salut que vous avez mis à ma portée.

– Voilà qui est parler en homme, dit-il. Y a-t-il encore autre chose que je puisse faire pour vous en Angleterre? Et pourtant, par la Messe, il pourrait bien se faire que je n'y reste pas bien longtemps, car, à ce que j'ai appris, on doit me confier le commandement d'une expédition qu'on prépare contre les Indiens qui ont ravagé les plantations de nos colons.

Ce sera une bonne affaire que d'obtenir un emploi profitable, car je n'ai jamais vu une guerre pareille, où l'on n'a pu ni se battre, ni piller. Je vous en donne ma parole, c'est à peine si j'ai eu quelque argent entre les mains depuis qu'elle a commencé. Quand il s'agirait de mettre Londres à sac, je ne voudrais pas la recommencer.

– Il y a une personne amie que Sir Gervas Jérôme a recommandée à mes soins, fis-je remarquer, mais j'ai déjà pourvu à ce qu'il désirait. Il ne me reste rien qu'à faire savoir à tous les gens de Havant qu'un Roi qui a prodigué le sang de ses sujets, comme l'a fait celui que nous avons, n'est pas destiné, selon toute vraisemblance, à posséder bien longtemps le trône d'Angleterre. Lorsqu'il tombera, je reviendrai, et plutôt peut-être qu'on ne le croit.

– Ce traitement infligé à l'Ouest a, en effet, fortement indisposé tout le pays, dit mon compagnon. De tous côtés j'entends dire que la haine contre le Roi et ses ministres est plus violente qu'avant l'explosion. Hé! capitaine Pogram, par ici! Nous avons arrangé l'affaire, et mon ami est prêt à partir.

– Je me disais bien qu'il demanderait à virer de bord, fit le capitaine, en s'avançant vers nous d'une allure chancelante qui prouvait que la bouteille de rhum lui avait tenu compagnie depuis notre sortie. Par ma foi, j'en étais sûr. Et pourtant, par la Messe, je ne m'étonne pas qu'il y ait regardé à deux fois avant de quitter la Dorothée Fox. Elle est aménagée pour une duchesse, par ma foi. Où est votre canot?

– Bord à bord, dit Saxon. Mon ami se joint à moi, capitaine Pogram, pour espérer que vous ferez un agréable et utile voyage.

– Je lui en suis diablement obligé, dit le capitaine en agitant en tous sens son tricorne.

– Et aussi que vous arriverez sain et sauf aux Barbades.

– Il n'y a guère à en douter, dit le capitaine.

– Et que vous tirerez de vos marchandises assez bon parti pour recevoir la récompense de votre humanité.

– Ah! voilà de belles paroles, s'écria le capitaine. Monsieur, je suis votre débiteur.

Une barque de pêche se tenait bord à bord du brick.

À la lueur fumeuse des lanternes de la poupe, je pus discerner des hommes sur son pont et la grande voile brune toute prête à être hissée.

J'enjambai le bordage et mis le pied sur l'échelle de corde qui descendait jusqu'à elle.

– Adieu, Décimus, dis-je.

– Adieu, mon garçon. Vous avez votre argent en lieu sûr?

– Je l'ai.

– Alors, j'ai un autre présent à vous faire. Il m'a été remis par un sergent de la cavalerie royale. C'est sur lui que vous devrez compter désormais, Micah, pour vous nourrir, vous loger, vous habiller. C'est à lui qu'un homme brave doit toujours recourir pour vivre. C'est le couteau qui vous servira à ouvrir cette huître qu'est le monde. Regardez, mon garçon. C'est votre sabre.

– Mon vieux sabre! L'épée de mon père! m'écriai-je, au comble du ravissement, lorsque Saxon tira de dessous son manteau et me tendit le fourreau en cuir déteint, de vieux modèle, avec la lourde poignée de laitons que je connaissais si bien.

– Vous voici maintenant, dit-il, membre de l'antique et honorable corporation des soldats de fortune. Tant que le Turc rôdera en grognant devant les portes de Vienne, il y aura toujours de la besogne pour les bras vigoureux et les cœurs braves. Vous verrez que parmi ces guerriers errants, venus de tous les climats, de toutes les nations, le nom d'Anglais est estimé très haut. Je sais fort bien qu'il ne déchoira pas lorsque vous ferez partie de la confrérie. Je voudrais pouvoir partir avec vous, mais on me promet une solde et une situation auxquelles il serait fâcheux de renoncer. Adieu, mon garçon, et que la bonne fortune vous accompagne!

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