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Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor

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IX – Le Diable en perruque et en robe

L'œuvre de carnage commença sans retard.

Cette nuit même, le grand gibet fut dressé devant l'Hôtellerie du Blanc Cerf.

Pendant des heures, nous pûmes entendre les coups des maillets, les scies coupant les poutres, en même temps que l'obscène concert de la suite du Président, qui se divertissaient bruyamment avec les officiers du régiment de Tanger, dans la salle qui donnait sur la rue et avait vue sur le gibet.

Du côté des prisonniers, la nuit se passa en prière et en méditation, les hommes au cœur énergique raffermissant leurs frères plus faibles, les exhortant à se montrer virils, à marcher à la mort d'une manière qui servirait d'exemple dans le monde entier aux vrais protestants.

Les Puritains, qui étaient ecclésiastiques, avaient été, pour la plupart, pendus séance tenante, après la bataille, mais il en était resté un petit nombre pour soutenir le courage de leur troupeau et lui montrer comment on marche au supplice.

Jamais je ne vis rien d'aussi admirable que la fermeté calme et l'entrain avec lesquels ces pauvres paysans envisageaient leur destin.

Leur bravoure sur le champ de bataille n'était rien auprès de celle qu'ils montrèrent dans l'abattoir légal.

Ce fut ainsi, parmi les prières dites à voix basse et les appels à la miséricorde divine, de ces voix qui n'avaient jamais encore imploré la pitié humaine, que se leva le matin, le dernier matin, que beaucoup d'entre nous avaient à passer sur la terre.

L'audience aurait dû s'ouvrir à neuf heures, mais mylord le Président était indisposé pour avoir prolongé la veillée en compagnie du colonel Kirke.

Il était près de onze heures quand les trompettes et les crieurs annoncèrent qu'il avait pris place.

Les prisonniers furent appelés par leurs noms, l'un après l'autre, les plus marquants les premiers.

Ils nous quittèrent avec des poignées de mains, des bénédictions, mais nous ne les revîmes plus, nous ne les entendîmes plus.

Seulement un bruyant roulement de timbales s'entendait de temps à autre.

Il avait pour but, à ce que nos gardiens nous dirent, de couvrir les dernières paroles que les victimes pourraient prononcer et qui porteraient leur fruit dans l'âme des auditeurs.

Le défilé des martyrs, qui marchaient d'un pas ferme, le sourire aux lèvres à leur destin, dura pendant toute cette longue journée d'automne, si bien qu'enfin les grossiers soldats de garde furent réduits à un silencieux respect devant un courage qu'ils ne pouvaient s'empêcher de reconnaître comme plus élevé et plus noble que le leur.

On peut qualifier de débats la façon dont furent traités ces héros, et c'étaient en effet des débats, mais non dans le sens que nous autres Anglais donnons à ce mot.

Cela ne consistait qu'à être amené devant le juge et insulté avant d'être traîné au gibet.

La salle du tribunal était la voie semée d'épines qui aboutissait à l'échafaud.

À quoi bon présenter un témoin qu'on faisait taire par des clameurs, par des jurons, par les menaces du Président qui braillait, jurait au point que les bourgeois épouvantés de Fore Street pouvaient l'entendre?

J'ai ouï dire par des personnes qui se trouvaient là en ce jour qu'il tint des propos dignes d'un possédé du démon, que ses yeux noirs étincelaient d'un éclat qui n'avaient presque rien d'humain.

Le jury s'effaçait devant lui comme devant une créature venimeuse, lorsqu'il tournait sur lui son regard funeste.

Parfois, à ce qu'on m'a rapporté, sa sévérité faisait place à une gaieté plus terrible encore. Il se renversait sur son siège de magistrat en riant au point que les larmes coulaient en sautillant sur son hermine.

Ce premier jour, près de cent personnes furent exécutées ou condamnées à mort.

Je m'étais attendu à être appelé l'un des premiers, et je l'aurais été sans doute sans les actives démarches du Major Ogilvy.

En fait, le second jour se passa sans qu'on se fût occupé de moi.

Le troisième et le quatrième jour, la boucherie se ralentit, non point que la pitié s'éveillât dans l'âme du juge, mais parce que les grands propriétaires tories et les principaux partisans du gouvernement avaient encore des entrailles compatissantes, que révoltait ce massacre de gens sans défense.

Sans l'influence que ces gentlemen exercèrent sur le juge, je suis convaincu que Jeffreys aurait pendu jusqu'au dernier les onze cents prisonniers enfermés alors à Taunton.

Quoi qu'il en soit, deux cent cinquante d'entre eux furent sacrifiés à la soif de sang humain de ce monstre maudit.

Le huitième jour des assises, il ne restait plus que cinquante de nous dans le magasin aux laines.

En effet, dans ces quelques derniers jours, les prisonniers avaient été jugés par fournées de dix, de vingt.

Mais cette fois nous fûmes tous emmenés comme un troupeau, sous escorte, dans la salle d'audience.

On nous entassa à la barre en aussi grand nombre qu'il pouvait en tenir, pendant que les autres étaient parqués, comme les veaux au marché, dans le centre de la salle.

Le juge était vautré sur un siège élevé, avec un dais au-dessus de lui, les deux autres juges installés sur des sièges moins hauts, à ses deux côtés.

À droite, se trouvait le compartiment des jurés, douze personnes soigneusement triées, des tories de la vieille école, fermes partisans des doctrines de la non-résistance et du droit divin des rois.

La Couronne avait pris les précautions les plus minutieuses pour le choix de ces hommes.

Il n'y en avait pas un seul qui n'eût condamné son propre père, sur le plus léger soupçon qu'il penchait vers le presbytérianisme ou pour les Whigs.

Juste au-dessous du juge se trouvait une grande table couverte de drap vert, et jonchée de papiers.

À la droite s'alignait la longue rangée des légistes de la Couronne, gens farouches, aux mines de furets.

Chacun d'eux tenait une liasse de papiers, qu'ils flairaient de temps en temps.

On eût dit autant de mâtins cherchant la piste sur laquelle ils comptaient nous poursuivre jusqu'au bout.

De l'autre côté de la table était assis un seul homme, jeune, à figure fraîche, en perruque et en robe, avec des manières nerveuses d'une prudence craintive.

C'était l'avocat, Maître Helstrop, que, dans sa clémence, la Couronne avait consenti à nous accorder, de peur que quelqu'un n'eût la hardiesse de déclarer que nous n'avions pas été jugés dans les formes légales.

Le reste de la salle était occupé par les serviteurs de la suite des juges, par les soldats de la garnison, qui se conduisaient là comme dans leur lieu habituel de flânerie et regardaient toute la cérémonie comme un genre de divertissement qui ne coûtait rien, qui riaient bruyamment aux grossiers sarcasmes, aux brutales plaisanteries de Sa Seigneurie.

Le clerc ayant bredouillé la formule légale d'après laquelle nous, les prisonniers à la barre, ayant secoué toute crainte de Dieu, nous nous étions assemblés illégalement, traîtreusement, et cetera, le Lord juge de paix déclara qu'il prenait l'affaire en main, selon son habitude:

– J'espère que nous nous tirerons heureusement de ceci, dit-il brusquement, j'espère qu'un jugement ne tombera pas sur cet édifice. A-t-on jamais vu tant de scélératesse entassée dans une seule salle d'audience? Vit-on jamais pareille collection de faces criminelles? Ah! coquins, je vois une corde toute prête pour chacun, de vous. N'as-tu point peur du jugement? N'as-tu point peur du feu d'enfer? Vous, le barbon, dans le coin, comment se fait-il que vous n'ayez pas eu en vous assez de la grâce de Dieu pour vous empêcher de prendre les armes contre votre très gracieux et très affectueux souverain.

– J'ai suivi les conseils de ma conscience, mylord, dit le vénérable drapier de Wellington, auquel il s'adressait.

– Ha! votre conscience! hurla Jeffreys. Un prédicant qui a une conscience! Où était-elle votre conscience, il y a deux mois, scélérats, coquin? Votre conscience ne vous servira guère, monsieur, quand vous danserez en l'air avec la corde au cou. A-t-on jamais vu pareille scélératesse? A-t-on jamais entendu pareille effronterie? Et vous, grand pendard de rebelle, n'aurez-vous pas assez de grâce pour tenir les yeux baissés? Faut-il que vous osiez regarder la justice en face, comme si vous étiez un honnête homme! Est-ce que vous n'avez pas peur, monsieur? Ne voyez-vous pas la mort qui vous attend?

– Je l'ai déjà vue, mylord, et je n'en ai pas peur, répondis-je.

– Race de vipères! cria-t-il en levant les mains. Le meilleur des pères, le plus bienveillant des rois! Ayez soin que mes paroles soient transcrites sur le procès-verbal, greffier! Le plus indulgent des parents. Mais il faut ramener par le fouet à l'obéissance les enfants indociles.

Et sur ces mots, il eut un ricanement féroce.

– Le roi épargnera tout nouveau souci sur ce point à vos parents naturels. S'ils tenaient à vous conserver, ils n'avaient qu'à vous élever dans de meilleurs principes. Coquins, nous allons être miséricordieux envers vous. – Oh! miséricordieux, miséricordieux! Combien sont-ils ici, greffier?

– Cinquante-un, mylord.

– Ô égout de vilenie! Cinquante-un coquins fieffés comme il n'y en eut jamais de traînés sur claie! Oh! quelle masse de corruption nous avons là! Qui défend les vilains?

– Je défends les prisonniers, Votre Seigneurerie, répondit le jeune légiste.

– Maître Helstrop! Maître Helstrop, cria Jeffreys, agitant sa grande perruque au point d'en faire tomber la poudre, vous êtes dans toutes ces sales affaires, Maître Helstrop. Vous pourriez bien vous trouver dans un cas fâcheux, Maître Helstrop. Parfois il me semble que je vous vois vous-même sur la sellette, Maître Helstrop. Il pourrait bien arriver que vous ayez aussi besoin d'un gentleman de robe longue, Maître Helstrop. Ah! prenez garde, prenez garde.

 

– Je suis désigné par la couronne, Votre Seigneurie, dit le légiste d'une voix tremblante.

– Dois-je donc m'entendre répliquer! brailla Jeffreys, dont les yeux noirs s'allumèrent d'une rage démoniaque Serais-je insulté dans mon propre tribunal? Faudra-t-il que tout plaideur d'une pièce de cinq liards, parce que le hasard lui aura mis une perruque et une robe, vienne contredire le Lord juge et sauter à la figure de celui qui préside le Tribunal? Oh! Maître Helstrop, je crains de vivre assez longtemps pour vous voir arriver quelque malheur.

– J'implore le pardon de Votre Seigneurie, s'écria l'avocat au cœur défaillant, la figure aussi blanche que le papier de sa nomination.

– Prenez garde à vos paroles et à vos actes, répondit Jeffreys d'un ton de menace. Faites en sorte de ne pas exagérer le zèle à défendre l'écume de la terre. Eh bien, maintenant, voyons. Qu'est-ce que ces cinquante-un bandits désirent dire pour leur défense? Messieurs du jury, je vous prie de remarquer l'air de coupeurs de gorge qu'ont toutes ces figures. Il est heureux que le Colonel Kirke ait donné au tribunal une garde suffisante, car avec eux ni la justice ni l'Église ne sont en sûreté.

– Quarante d'entre eux demandent à plaider coupables sur l'accusation d'avoir pris les armes contre le Roi, répondit notre avocat.

– Ah! hurla le juge, vit-on jamais une imprudence aussi incomparable? Vit-on jamais une effronterie aussi invétérée? Coupables, disent-ils? Ont-ils exprimé leur repentir de cette faute contre le meilleur, le plus patient monarque! Écrivez ces mots sur le procès-verbal, greffier.

– Ils ont refusé d'exprimer du repentir, Votre Seigneurerie, répondit le conseiller de la défense.

– Oh! les parricides! les impudents coquins! cria le juge. Mettez ensemble ces quarante-là de ce côté-ci de l'enceinte. Oh! messieurs, avez-vous jamais vu une pareille concentration de vice! Regardez comment la bassesse, la scélératesse peuvent se dresser, la tête haute. Oh! monstres endurcis! Mais les onze autres! Peuvent-ils donc espérer que nous ajouterons foi à ce mensonge transparent? à cette ruse palpable? Pourront-ils le faire avaler à la Cour?

– Mylord, leurs moyens de défense n'ont pas encore été formulés, balbutia Maître Helstrop.

– Je suis capable de flairer un mensonge avant qu'il ne soit exprimé, gronda le juge. Je suis capable de le lire aussi vite que vous de le concevoir. Allons! Allons! le temps de la Cour est précieux. Proposez des moyens de défense ou asseyez-vous et qu'on prononce la sentence.

– Ces hommes, Mylord, dit le défenseur, qui tremblait au point que le parchemin se froissait avec bruit sous sa main, ces onze hommes, mylord…

– Onze diables, mylord, interrompit Jeffreys.

– Ce sont des paysans innocents, mylord, et qui aiment Dieu et le Roi. Ils ne se sont mêlés en aucune façon dans cette récente affaire. Ils ont été traînés hors de leur maison, mylord, non point parce qu'on les soupçonnait, mais parce qu'ils étaient hors d'état de satisfaire la rapacité de certains simples soldats qui, déçus dans leur espoir de butin…

– Oh! honte! honte! cria Jeffreys d'une voix tonnante, trois fois honte! Maître Helstrop, ne vous suffit-il pas de soutenir des rebelles, et faut-il encore que vous sortiez de votre sujet pour calomnier les troupes du Roi? Où en vient le monde? En un mot, qu'allèguent ces coquins pour leur défense?

– Un alibi, Votre Seigneurerie!

– Ha! L'argument connu de tous les gredins. Ont-ils des témoins?

– Nous avons ici une liste de quarante témoins, Votre Seigneurerie. Ils attendent en bas. Beaucoup d'entre eux ont fait un long trajet, se sont exposés à bien de la peine, à des ennuis.

– Que sont-ils? Qui sont-ils? cria Jeffreys.

– Ce sont des gens de la campagne, Votre Seigneurerie, des cultivateurs, des fermiers, les voisins de ces pauvres gens, qu'ils connaissaient bien, et qui peuvent parler de ce qu'ils ont fait.

– Des cultivateurs, des fermiers, cria le juge à tue-tête, mais alors ils appartiennent à la même classe que ces hommes-là. Voudriez-vous que nous acceptions le serment de ces gens-là, qui sont eux-mêmes des Whigs, des Presbytériens, des prêcheurs, des camarades de taverne de ceux que nous sommes en train de juger? Je parie qu'ils ont concerté cela à loisir tout en buvant leur bière. À loisir, à loisir, les coquins.

– Ne voulez-vous pas entendre les témoins, Votre Seigneurie? s'écria notre avocat, rappelé à un faible sentiment d'énergie par cet outrage.

– Pas un mot d'eux, monsieur, dit Jeffreys. Je me demande si mon devoir envers le Roi, mon bon maître, – écrivez «bon maître» greffier, – ne m'autorise pas à faire asseoir tous vos témoins sur la sellette comme complices et fauteurs de trahison.

– S'il plaît à Votre Seigneurie, cria un des prisonniers, j'ai pour témoins M. Johnson, du Bas Stowey, qui est un bon Tory, et aussi M. Shepperton le clergyman.

– Il n'en est que plus honteux pour eux de se montrer dans une cause pareille, riposta Jeffreys. Que devons-nous dire, gentlemen du jury, en voyant la noblesse de campagne et le clergé de l'Église Établie soutenir de cette manière la trahison et la rébellion? Assurément c'est le dernier jour qui approche. Vous êtes un Whig des plus mal intentionnés, des plus dangereux, pour les avoir entraînés si loin de leur devoir.

– Mais écoutez-moi, Mylord, s'écria un des prisonniers.

– Vous écouter, veau mugissant! cria le juge. Nous n'avons pas autre chose à entendre. Vous figurez-vous que vous êtes revenu à votre conciliabule, pour oser élever ainsi la voix. Vous entendre! Parbleu! Nous vous écouterons du bout d'une corde avant peu de jours.

– Nous avons peine à croire, dit un des conseillers de la Couronne, en se dressant soudain, avec un grand bruit de papiers froissés, nous avons peine à croire qu'il soit nécessaire pour la Couronne de préciser aucun cas. Nous avons déjà entendu bien des fois toute l'histoire de cette damnable, de cette exécrable entreprise. Les hommes, qui comparaissent devant Votre Seigneurie, se sont, pour la plupart, reconnus coupables, et parmi ceux qui s'obstinent, il n'y en a pas un qui ait pu nous donner quelque sujet de le croire innocent de l'horrible crime dont il est accusé. En conséquence les gentlemen de la robe longue sont d'accord pour déclarer que le jury peut être requis tout de suite de prononcer un seul verdict sur la totalité des accusés.

– Et c'est… demanda Jeffreys, en se tournant vers le chef des jurés pour l'interroger du regard.

– Coupable, Votre Seigneurie, dit celui-ci, en ricanant, pendant que les jurés ses confrères hochaient la tête et échangeaient des rires.

– Naturellement, naturellement! Coupables comme Judas Iscariote, cria le juge, en regardant d'un air triomphant la foule des paysans et bourgeois qui se trouvait devant lui. Faites-les avancer un peu, huissiers, afin que je puisse les considérer plus avantageusement. Oh! les rusés! N'est-ce pas que vous voilà pris! N'est-ce pas que vous êtes cernés? Où pouvez-vous fuir maintenant? Ne voyez-vous pas l'enfer s'ouvrir à vos pieds? Eh! n'est-ce pas que vous avez peur? Oh! elle sera courte, courte, votre confession.

On eût dit que le diable en personne était entré en cet homme, car tout en parlant, il se tordait d'un rire infernal et tapotait le coussin rouge qui était devant lui.

Je promenai un regard sur mes compagnons, mais il semblait que leurs figures eussent été taillées dans le marbre.

S'il avait compté voir un œil se mouiller, une lèvre trembler, cette satisfaction lui était refusée.

– Si j'étais libre d'agir, dit-il, pas un de vous n'échapperait à la corde. Oui, et si j'étais libre d'agir, certains dont l'estomac est trop délicat pour cette besogne et qui prétendent servir le Roi du bout des lèvres, tout en intercédant pour ses pires ennemis, auraient eux-mêmes de quoi garder un souvenir des assises de Taunton. Oh! les plus ingrats des rebelles! N'avez-vous pas entendu comme quoi votre très tendre et très miséricordieux monarque, le meilleur des hommes (greffier; mettez cela par écrit) cédant à l'intercession de ce grand et charitable homme d'état, Lord Sunderland, (greffier, écrivez cela) a pitié de vous. Cela ne vous a-t-il pas amollis? Cela ne vous a-t-il pas inspiré l'horreur de vous-mêmes? Je le déclare, quand j'y songe…

…Et sur ces mots, la respiration lui manqua tout à coup.

Il éclata en sanglots, les larmes ruisselèrent sur ses joues…

– … Quand j'y songe, à cette patience chrétienne, à cette ineffable miséricorde, je me sens contraint d'évoquer en mon esprit ce Grand Juge devant lequel nous tous, et même moi, nous aurons un jour à rendre nos comptes. Faut-il recommencer greffier, ou bien est-ce déjà écrit?

– C'est écrit, Votre Seigneurie.

– Alors écrivez en marge: «sanglots.» Il est bon que le Roi soit instruit de notre opinion en pareille matière. Sachez donc, vous les rebelles les plus perfides et les plus dénaturés, que ce bon père, que vous avez repoussé du talon, est venu s'interposer entre vous et les lois offensées par vous. Sur son ordre, j'écarte de vous le châtiment que vous avez mérité. Si vraiment vous êtes capables de prier, si vos conciliabules mortels pour l'âme n'ont pas chassé de vous toute grâce, tombez à genoux, et exprimez votre gratitude en apprenant de moi qu'il vous est accordé à tous un pardon entier.

Alors le juge se leva de son siège, comme s'il allait descendre du tribunal, et nous échangeâmes des regards stupéfaits sous l'impression de ce dénouement si inattendu du procès.

Les soldats et les gens de loi ne furent pas moins ébahis, pendant qu'un murmure de joie et d'approbation se faisait entendre, parmi les quelques campagnards qui avaient eu la hardiesse de s'aventurer dans cette enceinte maudite.

– Toutefois, reprit Jeffreys, en se tournant, un malicieux sourire sur les lèvres, ce pardon est subordonné à certaines conditions et réserves. Vous serez tous conduits d'ici à Poole, enchaînés, et vous y trouverez un navire qui vous attend. Vous serez enfermés avec d'autres dans la cale dudit navire et transportés aux frais du Roi dans les Plantations, pour y être vendus comme esclaves. Puisse Dieu vous donner des maîtres qui sachent faire un usage libéral du bâton et du cuir pour amollir vos esprits obstinés et vous porter à de meilleures pensées.

Il était de nouveau sur le point de se retirer, lorsqu'un des conseillers de la Couronne lui dit un mot à demi-voix.

– Une bonne idée! s'écria le juge. J'avais oublié. Ramenez les prisonniers, huissiers. Peut-être vous figurez-vous que par les Plantations j'entends les possessions de Sa Majesté en Amérique. Malheureusement il s'y trouve déjà trop de gens de votre religion. Vous seriez tous au milieu d'amis qui vous encourageraient peut-être dans votre mauvaise voie et mettraient ainsi votre salut en danger. Vous y envoyer, ce serait ajouter du bois au feu, tout en se flattant d'éteindre l'incendie. Ainsi donc, par les Plantations, j'entends les Barbades, où vous vous trouverez avec les autres esclaves, qui ont peut-être la peau plus noire que la vôtre, mais dont j'ose affirmer qu'ils ont l'âme plus blanche.

Le procès se termina sur ce speech final, et nous fûmes ramenés, à travers la foule qui emplissait les rues, dans la prison d'où nous avions été tirés.

Des deux côtés de la rue, sur notre passage, nous pûmes voir les membres de nos anciens compagnons se balançant au vent, et leurs têtes fichées sur des perches et des piques nous regardaient en ricanant.

Nul pays sauvage du cœur de la païenne Afrique ne devait présenter un spectacle égalant en horreur celui de la ville anglaise de Taunton, pendant qu'y régnèrent Jeffreys et Kirke.

Il y avait de la mort dans l'air.

Les citadins allaient et venaient timides, silencieux, osant à peine s'habiller de noir en mémoire de ceux qu'ils avaient aimés et perdus, de peur qu'on ne bâtit sur ce fait une accusation de trahison.

À peine étions-nous de retour dans le magasin aux laines qu'un sergent entra, accompagnant un homme long, à figure pâle, aux dents saillantes, que son costume bleu clair, ses culottes de soie blanche, l'épée à pommeau d'or, les brillantes boucles de ses souliers, permettaient de ranger parmi ces raffinés de Londres que l'intérêt ou la curiosité avaient amenés sur le théâtre de la rébellion. Il marchait à petits pas sur la pointe des pieds comme un maître de danse français, en agitant son mouchoir parfumé devant son nez mince et proéminent, et respirait des sels aromatiques contenus dans un flacon bleu qu'il tenait de la main gauche.

– Par le Seigneur! s'écria-t-il, mais la puanteur de ces sales misérables est de force à vous couper la respiration! Oui, parle Seigneur, qu'on m'arrache les organes vitaux si je me risquerais parmi eux à moins d'être, comme je le suis, un véritable débauché d'enfer! Y a-t-il quelque danger d'attraper la fièvre des prisons, sergent?

 

– Ils sont tous aussi sains que des carpes, Votre Honneur, dit le sous-officier, en portant la main à son bonnet.

– Hé! Hé! s'écria le raffiné, avec un rire suraigu. Ce n'est pas souvent que vous recevez la visite d'une personne de qualité, j'en suis sûr. C'est pour affaires, sergent, pour affaires. Auri sacra fames. Vous vous rappelez, sergent, ce que dit Virgilius Maro.

– Jamais entendu causer ce gentleman, monsieur, du moins à ma connaissance, dit le sergent.

– Hé! Hé! jamais entendu causer? Hé! Voilà qui aura du succès chez Slaughter, sergent. Voilà qui fera bien pouffer de rire chez Slaughter. Par mon âme! Mais quand je lance une histoire, les gens se plaignent de ne pouvoir se faire servir, car les garçons rient tellement qu'on ne peut tirer d'eux aucun travail. Oh! qu'on me saigne! Mais voilà une troupe bien sale, bien profane. Faites approcher les mousquetaires, sergent, de peur qu'ils ne sautent sur moi.

– Nous y veillerons, Votre-Honneur.

– Il m'est accordé une douzaine d'entre eux, et le capitaine Pogram m'a offert douze livres par tête. Mais il me faut de solides coquins, solides, robustes, car le voyage en tue beaucoup, sergent, et le climat les éprouve pareillement. Ah! en voici un qu'il me faut. Oui, c'est très vrai. Il est jeune. Il a en lui beaucoup de vie et beaucoup de force. Marquez-le à part, sergent. Marquez-le.

– Il se nomme Clarke, dit le soldat. Je l'ai marqué.

– Si celui-ci est le clerc, je désirerais avoir un prêtre pour faire la paire, s'écria le fat, en reniflant son flacon. Saisissez-vous la plaisanterie, sergent? Hé! Hé! Votre lenteur d'esprit s'élève-t-elle à cette hauteur? Qu'on me fasse tourner au rouge, si je ne me sens pas en train. Et cet autre, là-bas, à la figure brune, vous pouvez le marquer aussi, et de même le jeune qui est à côté de lui. Marquez-le. Ah! il agite la main de mon côté. Tenez ferme, sergent. Où sont mes sels. Qu'y a-t-il, l'homme? Qu'y a-t-il?

– S'il plaît à Votre Honneur, dit le jeune paysan, s'il vous convient de me choisir pour faire partie d'une troupe, j'espère que vous permettrez à mon père, que voici, de venir aussi avec nous.

– Peuh! Peuh! s'écria le fat, vous êtes déraisonnable, oui vraiment. A-t-on jamais ouï chose pareille? L'honneur le défend. Comment oserai-je imposer un vieil homme à mon honnête ami, le capitaine Pogram. Fi! Fi! qu'on me coupe en deux s'il ne dirait pas que je l'ai filouté! Il y a là-bas un gaillard, un luron à tête rousse, sergent. Les nègres se figureront qu'il a pris feu. Ceux-là, avec ces six solides rustres, compléteront ma douzaine.

– Vous avez vraiment le dessus du panier, dit le sergent.

– Oui, qu'on me noie si je n'ai pas le coup d'œil prompt en fait de chevaux, d'hommes et de femmes! Je trouverai en un instant ce qu'il y a de mieux dans une fournée. Douze fois douze, bien près de cent cinquante pièces, sergent, qui n'auront coûté que quelques mots. Je n'ai eu qu'à envoyer ma femme, une personne diantrement belle, remarquez bien, et qui s'habille à la mode, à mon bon ami le secrétaire, pour lui demander quelques rebelles. «Combien? dit-il. – Une douzaine, cela suffira.» Et tout a été réglé d'un trait de plume. Pourquoi là maudite sotte n'a-t-elle pas pensé à en demander un cent? Mais qu'y a-t-il, sergent, qu'y a-t-il?

Un petit homme vif, à tête en potiron, vêtu d'un habit de cheval et de grandes bottes, venait d'entrer à grand bruit d'éperons dans le magasin aux laines, d'un air fort assuré, fort autoritaire, porteur d'un grand sabre de forme antique qui traînait derrière lui, et agitant une cravache.

– Bonjour, sergent, dit-il d'une voix forte et impérieuse, vous avez peut-être entendu parler de moi? Je suis monsieur John Wooton, de Langmere House, qui s'est donné tant de tracas pour le Roi et que M. Godolphin a appelé, en pleine Chambre des Communes, une des colonnes locales de l'État. Ce furent ses propres paroles. C'est beau, n'est-ce pas? Des colonnes? Remarquez cette idée ingénieuse: l'État serait en quelque sorte un palais ou un temple, et les fidèles sujets autant de colonnes, et je fus l'une d'elles.

Je suis une colonne locale. J'ai reçu un permis royal, sergent, pour choisir parmi vos prisonniers dix solides coquins que je pourrai vendre, comme récompense de mes efforts. Rangez-les donc en ligne, que je puisse faire mon choix.

– Alors, monsieur, nous sommes ici pour la même affaire, dit le Londonien, qui mit la main sur son cœur en s'inclinant si bas qu'on eût dit que son épée prenait une direction perpendiculaire vers le plafond, l'honorable Georges Dawnish, à votre service! Votre très humble et très dévoué serviteur, monsieur. À vos ordres en toutes choses, en toutes circonstances. C'est vraiment une joie, une faveur, monsieur, de faire votre distinguée connaissance. Hem!

Le hobereau parut quelque peu décontenancé par cette averse de salamalecs londoniens.

– Ahem! monsieur! oui, monsieur, dit-il en agitant la tête avec rapidité. Enchanté de vous voir, monsieur! Diablement enchanté! Mais ces hommes, sergent! Le temps presse, car il y a marché demain à Shepton, et je serais enchanté de voir mon vieux ragot avant qu'il ne soit vendu. En voilà un bien en chair. Il me le faut.

– Pardieu! je vous ai devancé, s'écria le courtisan. Qu'on me noie, si cela ne me fait pas de la peine. Il est à moi.

– Alors celui-ci, dit l'autre, en le montrant avec sa cravache.

– Il est à moi aussi. Ma parole! mais c'est par trop drôle.

– Corps de Dieu! Combien en avez-vous? s'écria le squire de Dulverton.

– Une douzaine! Hé! Hé! La douzaine toute ronde. Qu'on me crève si je n'ai pas eu le meilleur choix avant vous! Le premier oiseau levé, vous connaissez le vieux dicton.

– C'est une infamie, cria le squire en colère, une honte, une infamie. Il faut que nous nous battions pour le Roi, que nous risquions notre peau, et alors, quand tout est fini, voici qu'arrive un troupeau de laquais d'antichambre, qui viennent nous escamoter le choix avant que leurs maîtres soient servis!

– Laquais d'antichambre, monsieur, piailla le raffiné. Sur la mort, monsieur, voilà qui touche à mon honneur de très près. J'ai vu couler du sang, monsieur, et des blessures s'ouvrir pour de moindres provocations. Rétractez-vous, monsieur, rétractez-vous.

– Arrière, perche à porter les habits! dit l'autre d'un ton méprisant. Vous êtes venu, comme les autres oiseaux mangeurs de charognes, quand la bataille est finie. Est-ce qu'on a prononcé votre nom en plein Parlement? Est-ce que vous êtes une colonne locale? Arrière, arrière, mannequin de tailleur!

– Et vous, insolent rustre en sabots, s'écria le fat, lourdaud au langage grossier, la seule colonne avec laquelle vous ayez jamais fait connaissance est le poteau à fouetter. Ha! sergent, il porte la main à son épée. Arrêtez-le, sergent, arrêtez-le, ou je lui ferai peut-être du mal.

– Non, messieurs, s'écria le sous-officier, cette querelle ne doit pas se poursuivre ici. Nous ne pouvons tolérer qu'on fasse du désordre dans l'intérieur de la prison, mais il y a au dehors une pelouse bien nivelée, où il y a autant d'espace qu'un gentilhomme peut en souhaiter pour se donner de l'exercice.

Cette proposition ne parut plaire à aucun des deux gentlemen en colère, qui se mirent à comparer la longueur de leurs épées et à jurer qu'avant le coucher du soleil chacun aurait des nouvelles de l'autre.

Notre propriétaire, car je puis appeler ainsi le fat, partit enfin, et le hobereau, après avoir choisi les dix hommes suivants, s'en alla à grand fracas, pestant après les courtisans, les Londoniens, le sergent, les prisonniers, et principalement contre l'ingratitude du gouvernement, qui le récompensait aussi chichement de son zèle.

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