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La San-Felice, Tome 09

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CI
TONINO MONTI

A l'instant même où le roi s'élançait, furieux, hors de la chambre de la princesse royale, et où San-Felice le suivait en déchirant la supplique, le capitaine Skinner discutait dans sa cabine le prix de son engagement avec un grand et beau garçon de vingt-cinq ans, qui était venu s'offrir à lui pour faire partie de l'équipage de la goëlette.

Quand nous disons s'offrir à lui, la chose pourrait être dite d'une façon plus exacte. La veille, un de ses meilleurs matelots, qui exerçait à bord le poste de contre-maître et qui était né à Palerme, chargé par le capitaine Skinner de recruter quelques hommes pour renforcer son équipage, avait vu, à la porte de la maison nº 7 de la rue della Salute, un beau jeune homme coiffé d'un bonnet de pêcheur et portant un caleçon relevé jusqu'au-dessus du genou, lequel laissait voir une jambe vigoureuse et fine tout à la fois.

Il s'était arrêté un instant devant lui et l'avait regardé avec une attention et une persistance qui lui avaient valu, en patois sicilien, cette question:

–Que me veux-tu?

–Rien, avait répondu le contre-maître dans le même patois. Je te regarde et je me dis, à part moi, que c'est une honte.

–Qu'est-ce qui est une honte?

–Qu'un grand et fort gaillard comme toi, qui ferait un si beau matelot, soit destiné à faire un si mauvais geôlier.

–Qui t'a dit cela? demanda le jeune homme.

–Que t'importe, du moment que je le sais!

Le jeune homme haussa les épaules.

–Que veux-tu! dit-il, l'état de pêcheur ne nourrit pas son homme, et l'état de geôlier rapporte deux carlins par jour.

–Bon! deux carlins par jour! dit le contre-maître en faisant claquer ses doigts: belle rétribution pour un si triste métier! Moi, je suis à bord d'un bâtiment où les mousses ont deux carlins, les novices quatre, et les matelots huit.

–Tu gagnes huit carlins par jour, toi? demanda le jeune pêcheur.

–Moi? J'en gagne douze: je suis contre-maître.

–Peste! dit le pêcheur, quel commerce fait donc ton capitaine, pour payer ses hommes ce prix-là?

–Il ne fait aucun commerce, il se promène.

–Il est donc riche?

–Il est millionnaire.

–Bon état, et qui vaut encore mieux que celui de matelot à huit carlins.

–Lequel, cependant, vaut mieux que celui de geôlier à deux.

–Je ne dis pas; mais c'est mon père qui s'est coiffé de cette idée-là. Il veut absolument que je lui succède comme geôlier en chef.

–Ce qui lui vaut?

–Six carlins par jour.

Le contre-maître se mit à rire.

–Au fait, dit-il, voilà un riche avenir! Et tu es décidé?

–Ah! je n'ai pas la vocation. Mais, ajouta-t-il avec l'insouciance des hommes du Midi, il faut bien faire quelque chose.

–Ce n'est pas amusant de se lever la nuit, de faire des rondes dans les corridors, d'entrer dans les cachots, de voir de malheureux prisonniers qui pleurent!

–Bah! on s'y habitue. Est-ce qu'il n'y a pas partout des gens qui pleurent!

–Ah! je vois ce que c'est, dit le contre-maître: tu es amoureux, et tu ne veux pas quitter Palerme.

–Amoureux! j'ai eu deux maîtresses dans ma vie, et l'une m'a quitté pour un officier anglais, l'autre pour un chanoine de Sainte-Rosalie.

–Alors, libre comme l'air?

–Libre comme l'air. Et, si tu as un bon poste à m'offrir, comme je ne suis pas encore nommé geôlier, que j'attends depuis trois ans ma nomination, fais tes offres.

–Un bon poste?.. Je n'en ai pas d'autre que celui de matelot à bord de mon bâtiment.

–Et quel est ton bâtiment?

–Le Runner.

–Ah! ah! vous êtes de l'équipage américain?

–Eh bien, as-tu quelque chose contre les Américains?

–Ils sont hérétiques.

–Celui-là est catholique comme toi et moi.

–Et tu t'engages à me faire recevoir à bord?

–J'en parlerai au capitaine.

–Et j'aurai huit carlins par jour comme les autres?

–Oui.

–Fait-on la pagnote, ou est-on nourri?

–On est nourri.

–Convenablement?

–On a le café et le petit verre de rhum le matin; à midi, la soupe, un morceau de boeuf ou de mouton rôti, du poisson, si l'on en a pincé, et, le soir, du macaroni.

–Je voudrais voir cela.

–Il ne tient qu'à toi. Il est onze heures et demie, on dîne à midi; je t'invite à dîner avec nous.

–Et le capitaine?

–Le capitaine? Est-ce qu'il fera attention à toi!

–Ah! ma foi, dit le jeune homme, j'accepte; j'allais dîner avec un morceau de baccala.

–Pouah! fit le contre-maître: il y a un chien à bord, il n'en veut pas.

Madonna! dit le jeune homme, il y a beaucoup de chrétiens alors qui ne demanderaient pas mieux que d'être chiens à bord de ton bâtiment.

Et, passant son bras sous celui du contre-maître, il suivit le quai jusqu'à la Marina.

A la Marina, il y avait un canot amarré, près du débarcadère. Il était gardé par un seul matelot; mais le contre-maître fit entendre un roulement de son sifflet, et trois autres matelots accoururent et sautèrent dans la barque, où le contre-maître et le jeune pêcheur descendirent à leur tour.

–Au Runner! et vivement! leur dit en mauvais anglais le contre-maître en prenant place au gouvernail.

Les matelots se roidirent sur leurs rames, et la légère embarcation glissa sur l'eau.

Dix minutes après, elle abordait l'escalier de bâbord du Runner.

Le contre-maître avait dit la vérité: ni le capitaine ni son second ne parurent remarquer l'arrivée d'un étranger à bord. On se mit à table, et, comme la pêche avait été bonne et qu'un des matelots, Provençal de naissance, avait fait une bouillabaisse, le repas fut encore plus soigné que le contre-maître ne l'avait annoncé.

Nous devons avouer que les trois plats qui se succédèrent, arrosés d'une demi-bouteille de vin de Calabre parurent produire une sensation favorable sur l'esprit de l'invité.

Au dessert, le capitaine parut sur le pont, accompagné de son second, et, en se promenant, se dirigea vers l'avant du petit bâtiment.

A l'approche du capitaine, les matelots se levèrent, et, comme le capitaine leur faisait signe de la main de se rasseoir:

–Pardon, mon capitaine, dit le contre-maître, mais j'ai une prière à vous faire.

–Et que veux-tu? demanda le capitaine Skinner en riant. Voyons, parle, mon brave Giovanni.

–Ce n'est pas moi, capitaine, c'est un de mes compatriotes que j'ai racolé par les rues de Palerme, et que j'ai invité à dîner avec nous.

–Ah! ah! Et où est-il, ton compatriote?

–Le voilà, capitaine.

–Que demande-t-il?

–Une grande faveur, capitaine.

–Laquelle?

–Celle de boire à votre santé.

–C'est chose accordée, dit le capitaine, et tout le bénéfice en sera pour moi.

–Hourra pour le capitaine! crièrent les matelots d'une seule voix.

Skinner salua de la tête.

–Et comment s'appelle ton compatriote? demanda-t-il.

–Ma foi, dit Giovanni, je n'en sais rien.

–Je m'appelle votre serviteur, Excellence, répondit le jeune homme, et voudrais bien que vous me répondissiez que vous vous appelez mon maître.

–Ah! ah! tu as de l'esprit, garçon!

–Vous croyez, Excellence?

–J'en suis sûr.

–Depuis que ma mère me le disait quand j'étais tout petit, personne cependant ne s'en est aperçu.

–Mais enfin tu as encore un autre nom que celui de mon serviteur?

–J'en ai deux autres, Excellence.

–Lesquels?

–Tonino Monti.

–Attends donc, attends donc, dit le capitaine comme s'il cherchait à rappeler ses souvenirs, il me semble que je te connais.

Le jeune homme secoua dubitativement la tête.

–Cela m'étonnerait bien, dit-il.

–Je me rappelle… Oui, c'est cela. N'es-tu pas le fils du geôlier en chef du fort de Castellamare?

–Ma foi, oui. Eh bien, il faut que vous soyez sorcier pour avoir deviné cela…

–Je ne suis pas sorcier, mais je suis l'ami de quelqu'un qui sollicite pour toi le poste de geôlier, je suis l'ami du chevalier San-Felice.

–Et qui ne l'obtiendra pas, naturellement.

–Bon! et pourquoi ne l'obtiendrait-il pas? Le chevalier est non-seulement le bibliothécaire, mais encore l'ami du duc de Calabre.

–Oui; mais il est le mari de la prisonnière si chaudement recommandée par Sa Majesté, et qui ne vit que par grâce. Si le chevalier avait eu quelqu'un d'influent, il aurait commencé par obtenir la vie de sa femme.

–C'est justement parce qu'on lui a refusé ou qu'on lui refusera probablement une grande faveur que l'on sera charmé de lui en accorder une petite.

–Que Dieu me fasse la grâce de ne pas vous entendre!

–Et pourquoi cela?

–Parce qu'il m'arrangerait mieux de vous servir que de servir le roi Ferdinand.

–Je ne veux cependant pas, je te le déclare, répliqua en riant le capitaine Skinner, lui faire concurrence.

–Oh! vous ne lui ferez pas concurrence, capitaine: je donne ma démission avant d'être nommé.

–Ah! capitaine, dit Giovanni, acceptez-la. Tonino est un bon garçon. Pêcheur d'enfance, ça fera un excellent marin. Je réponds de lui. Nous serons tous contents de le voir porter sur le rôle de l'équipage.

–Oh! oui, oui! s'écrièrent tous les matelots.

–Capitaine, dit Tonino, la main sur sa poitrine, foi de Sicilien, si Votre Excellence m'accorde ma demande, vous serez content de moi.

–Écoute, mon ami, répondit le capitaine, je ne demande pas mieux, car tu me parais un bon garçon. Mais je ne veux pas qu'on dise que je suis un racoleur, et qu'on m'accuse de t'avoir engagé pendant que tu étais ivre. Amuse-toi avec tes compagnons tant qu'il te plaira; mais rentre ce soir chez toi. Réfléchis cette nuit, demain toute la journée, et, demain au soir, si tu es toujours dans les mêmes intentions, reviens, et nous terminerons.

 

–Vive le capitaine! cria Tonino.

–Vive le capitaine! répéta tout l'équipage.

–Voilà quatre piastres, dit Skinner: allez à terre, mangez-les, buvez-les, cela ne me regarde pas; mais que tout le monde, ce soir, soit ici, et qu'il n'y ait pas trace du vin que l'on aura bu. Allez.

–Mais la goëlette, capitaine? demanda Giovanni.

–Laisse deux hommes à bord.

–Bon, capitaine! c'est à qui ne voudra pas rester.

–Vous tirerez au sort, et chacune des victimes recevra une piastre pour consolation.

On tira au sort, et les deux matelots qui tombèrent reçurent chacun une piastre.

Le soir, à neuf heures, tout le monde était rentré, et, comme l'avait recommandé le capitaine, on était gai, mais voilà tout.

Le capitaine passa la revue de son équipage, comme il avait l'habitude de le faire tous les soirs, et fit à Giovanni, mais pour lui seul, le signe de le suivre dans son cabinet.

Dix minutes après, excepté les matelots du premier quart de nuit, tout le monde était couché à bord.

Giovanni se glissa dans la cabine du capitaine, qui attendait avec son second. Tous deux paraissaient impatients.

–Eh bien? lui demanda Skinner.

–Eh bien, capitaine, il est à nous.

–Tu en es sûr?

–Comme si je le voyais déjà couché sur le rôle.

–Et tu crois que demain…?

–Demain, à six heures du soir, aussi vrai que je m'appelle Giovanni Capriolo, il aura signé.

–Dieu le veuille! murmura le second: ce sera déjà la moitié de notre affaire faite.

Et, en effet, le lendemain, comme l'avait promis Giovanni, et comme nous l'avons dit dans les premières lignes de ce chapitre, après avoir débattu pour la forme le chiffre des appointements, sur sa demande expresse consignée dans l'engagement, Tonino Monti, libre et majeur, s'engageait pour trois ans comme matelot à bord du Runner, et recevait d'avance trois mois d'appointements, se soumettant à toute la rigueur de la loi, s'il manquait à sa parole.

CII
LE GEOLIER EN CHEF

Au moment où le nouvel enrôlé venait d'opposer-avec quelque difficulté d'exécution, mais lisiblement néanmoins, – sa signature au bas de l'engagement, un matelot entrait dans la cabine, tenant à la main une enveloppe contenant des papiers qu'un messager venait d'apporter de la part du chevalier San-Felice, avec recommandation expresse de ne les remettre qu'au capitaine Skinner lui-même.

Dès midi, le bruit s'était répandu dans Palerme que la duchesse de Calabre était atteinte des douleurs de l'enfantement. Les propriétaires de la goëlette étaient trop intéressés à cet événement pour n'être point des premiers à en être instruits; puis le son des cloches, puis l'exposition du saint sacrement leur avaient appris les craintes de la cour; enfin, les pétards, les fusées et les illuminations les avaient mis au courant de l'heureux résultat auquel ils portaient un si vif intérêt, puisque la vie de la prisonnière y était en quelque sorte attachée.

Le capitaine Skinner comprit donc à l'instant que l'enveloppe contenait, quelle qu'elle fût, la décision du roi.

Il fit un signe à Salvato, qui jeta un coup d'oeil sur l'engagement, dit à Tonino que tout était bien ainsi, prit l'engagement et le mit dans sa poche.

Tonino, enchanté de faire enfin légalement partie de l'équipage du Runner, remonta sur le pont.

Salvato et son père, restés seuls, s'empressèrent de briser le cachet: l'enveloppe contenait la supplique de Luisa déchirée en huit ou dix morceaux.

On le sait, cette réponse seule était significative; elle disait clairement: «Le roi a été impitoyable.»

Mais à ces fragments déchirés étaient joints deux autres papiers intacts.

Le premier, que Salvato ouvrit, était de l'écriture du chevalier.

Il contenait ce qui suit:

«J'allais vous envoyer ces papiers déchirés sans aucun commentaire, – car, ainsi que la chose était convenue entre nous, ils signifiaient que la princesse avait échoué, et que, de notre côté, il n'y avait plus d'espoir, – quand j'ai reçu du directeur de la police la nomination, sollicitée par moi, de Tonino Monti au poste de geôlier adjoint. Y a-t-il dans cette nomination un moyen de salut? Je n'en sais rien et n'essaye même pas de le chercher, tant ma tête est perdue; mais vous, vous êtes des hommes de ressource et d'imagination, vous avez des moyens de fuite qui me manquent, des hommes d'exécution que je n'ai pas et que je ne saurais où trouver. Cherchez, imaginez, inventez, jetez-vous, s'il le faut, dans l'insensé, dans l'impossible; mais sauvez-la!

»Moi, je ne puis que la pleurer.

»Ci-joint le brevet de Tonino Monti.»

La nouvelle était terrible; mais ni Salvato ni son père n'avaient jamais compté sur la clémence royale. Le désappointement de ce côté-là était donc loin de produire l'effet qu'il avait produit sur le chevalier San-Felice.

Les deux hommes se regardèrent avec tristesse, mais non avec désespoir. Il y avait plus: il leur semblait que cette nomination de Tonino Monti était une compensation à l'échec annoncé par la supplique déchirée.

Comme on l'a vu, eux aussi avaient compté sur cet accident, et, en s'emparant à tout hasard de Tonino, avaient pris leurs mesures en conséquence.

Leurs projets étaient bien vagues encore, ou plutôt ils n'avaient pas encore de projets. Ils étaient là, l'oeil au guet, l'oreille avide, le bras tendu, prêts à saisir l'occasion si l'occasion se présentait. Il leur avait semblé voir une lueur quelconque dans l'accaparement de Tonino; cette lueur s'augmentait de sa nomination. Eh bien, à la lueur de ce crépuscule, ils allaient chercher à donner un corps à ce rêve, jusque-là fugitif, insaisissable.

Il était sept heures du soir. A huit, ils paraissaient avoir pris une résolution; car l'avis fut donné à tout l'équipage qu'on devait lever l'ancre dans l'après-midi du lendemain.

Tonino fut autorisé à aller, dans la soirée même ou le lendemain dans la journée, prendre congé de son père. Mais il déclara qu'il craignait tellement la colère du bonhomme, que, loin d'aller prendre congé de lui, il se sauverait à fond de cale s'il le voyait venir du côté du bâtiment.

Il paraît que Salvato et son père ne pouvaient rien désirer de mieux que cet effroi de Tonino; car ils échangèrent un signe de satisfaction.

Maintenant, nous allons raconter les événements tels qu'ils se passèrent, sans essayer de leur donner d'autre explication que celle des faits.

Le lendemain, vers cinq heures du soir, par un temps nuageux et sombre, la goëlette le Runner commença de faire ses préparatifs pour lever l'ancre.

Pendant cette opération, soit maladresse de l'équipage, soit défaut dans la chaîne, un anneau se rompit et l'ancre resta au fond.

Cet accident arrive parfois, et, quand l'ancre n'est point restée à une trop grande profondeur, des plongeurs descendent au fond de l'eau dans laquelle a échoué le cabestan.

Malgré l'accident arrivé à l'ancre, on ne continua pas moins d'appareiller; seulement, il fut convenu que, l'ancre n'étant qu'à trois brasses de profondeur, un canot resterait avec huit hommes et le contre-maître Giovanni pour repêcher l'ancre, et que la goëlette attendrait en croisant à l'entrée du port.

Pour se faire visible dans une nuit sans lune, elle devait porter trois feux de couleurs différentes.

Vers huit heures du soir, elle fut dégagée des différents navires stationnant dans le port et commença de courir des bordées à l'endroit convenu, tandis que les huit matelots dont on avait eu besoin pour la manoeuvre d'appareillage et de sortie revenaient avec la barque pour repêcher l'ancre.

A la même heure, le geôlier en chef du fort de Castellamare, Ricciardo Monti, sortait de la prison, prévenant le gouverneur qu'il recevait une lettre de son fils lui annonçant que ce fils était nommé geôlier adjoint, selon son plus grand désir, et qu'il reviendrait avec lui entre neuf et dix heures, ayant à remplir quelques formalités de police.

Sans doute, cette lettre lui avait été écrite par Tonino, sur le conseil de quelque camarade, afin de détourner l'attention de son père du départ de la goëlette, où il pouvait entendre dire que son fils était engagé.

Le rendez-vous avait été donné à Ricciardo Monti dans une des petites tavernes de la piazza Marina. Sans défiance aucune, il entra en demandant Tonino Monti. On lui indiqua un corridor conduisant à une salle où, lui dit-on, son fils buvait avec trois ou quatre camarades.

A peine fut-il entré dans la salle, où il chercha vainement des yeux celui qui lui avait donné rendez-vous, qu'il fut saisi par les quatre hommes, lié, bâillonné et couché sur un lit, avec l'assurance qu'il serait libre le lendemain matin et qu'il ne lui serait fait aucun mal s'il n'essayait pas de fuir.

La seule violence qui lui fut faite et qui nécessita l'emploi de la force et surtout des menaces, fut de lui prendre le trousseau de clefs qu'il portait à sa ceinture, clefs à l'aide desquelles il entrait dans la chambre des prisonniers.

Ce trousseau de clefs fut passé, à travers la porte entre-bâillée, à quelqu'un qui attendait derrière cette porte.

Une demi-heure après, un jeune homme de l'âge et de la taille de Tonino frappait à la porte du fort et demandait à parler au gouverneur, de la part de son père.

Le gouverneur ordonna qu'il fût introduit près de lui.

Le jeune homme lui dit alors que Ricciardo Monti, au moment où il traversait la rue de Tolède, tout en fête à cause de l'accouchement de la princesse, avait été blessé par un mortarello qui avait éclaté, et transporté à l'hôpital dei Pellegrini.

Le blessé l'avait aussitôt fait appeler, lui avait remis son trousseau et lui avait donné l'ordre de se rendre sur-le-champ chez Son Excellence le gouverneur, qui était prévenu par lui, de justifier de sa nomination en présentant le brevet à Son Excellence, et de le remplacer jusqu'à sa guérison, qui ne pouvait tarder.

Le gouverneur lut le brevet du nouveau geôlier adjoint; il était parfaitement en règle. Il n'y avait rien d'extraordinaire dans l'accident de Ricciardo Monti, ces sortes d'accidents arrivant par centaines à chaque fête. Il avait, en effet, comme nous l'avons dit, été prévenu que son geôlier en chef sortait pour lui ramener son fils. Il ne prit donc aucun soupçon, invita le faux Tonino à garder provisoirement les clefs de son père, à se faire instruire de son service et à entrer en fonction.

Le nouveau geôlier remit précieusement son brevet dans sa poche, rattacha à sa ceinture les clefs qu'il avait déposées sur la table du gouverneur et sortit.

L'inspecteur, prévenu des désirs du gouverneur, le conduisit de corridor en corridor, lui montrant les chambres habitées.

Il y en avait neuf.

En passant devant celle de la San-Felice, il s'arrêta un instant pour lui expliquer l'importance de la prisonnière: on devait entrer dans sa chambre et s'assurer de sa présence trois fois le jour et deux fois la nuit: la première fois à neuf heures du soir, la seconde à trois heures du matin.

De nouveaux ordres, au reste, avaient été donnés le jour même de redoubler de surveillance à l'intérieur et à l'extérieur.

La tournée finie, l'inspecteur montra la chambre de garde. Le geôlier chargé de veiller sur cette partie de la forteresse devait y demeurer toute la nuit. Il avait quatre heures pour dormir dans le jour.

S'il s'ennuyait ou craignait de s'endormir dans la chambre de garde, il était libre de se promener dans les corridors.

Il était onze heures et demie lorsque l'inspecteur et le nouveau geôlier se séparèrent, l'inspecteur lui recommandant l'exactitude et la vigilance, le geôlier promettant que, sous ce nouveau rapport, il ferait encore plus qu'on n'attendait de lui.

En effet, qui l'eût vu debout à la porte de la chambre de garde, donnant sur le premier corridor et s'ouvrant au pied de l'escalier nº 1, l'oeil ouvert, l'oreille au guet, n'aurait pu l'accuser de manquer à sa parole.

Il se tint là debout et immobile jusqu'à ce que tout bruit s'éteignît dans le fort.

Minuit sonna.

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