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Jacques

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XXV.
DE CLÉMENCE A FERNANDE

Je suis plus affligée que surprise de ce qui t'arrive; tes chagrins me paraissent la conséquence inévitable d'une union mal assortie. D'abord ton mari est trop âgé pour toi, ensuite tu as pris ta position tout de travers. Il eût été possible à une femme dont le caractère serait calme et un peu froid de s'habituer aux inconvénients que je t'avais signalés, et qui ne se sont que trop réalisés; mais, pour une petite tête exaltée comme la tienne, un homme aussi expérimenté que M. Jacques est le pire mari que tu pouvais rencontrer. Ce n'est pas que je rejette sur lui la faute de tout ce qui s'est passé entre vous; il me semble que c'est lui qui a constamment raison, et voilà pourquoi je te plains: ce qu'il y a de plus triste au monde, c'est d'être condamné, par sa position et par la force des choses, à avoir constamment tort. Cet amour enthousiaste que tu t'es évertuée à ressentir pour lui est un sentiment hors nature, et destiné à s'éteindre tout à coup comme un feu de paille; mais avant d'en venir là il te fera cruellement souffrir, et, quelque patient que soit ton mari, il te rendra insupportable à ses yeux. Il me semble, à moi, que la passion, est tout à fait contraire à la dignité et à la sainteté du mariage. Tu t'es imaginé que tu inspirais cette passion à ton mari; j'en doute fort: je crois que tu auras pris pour l'enthousiasme les caresses véhémentes qu'un mari prodigue dès les premiers jours à sa femme, quand elle est, comme toi, toute jeune et remarquablement jolie. Mais sois sûre que toutes les extases de ton cerveau, toutes les illusions de ton âme, ne sont plus du goût d'un homme de trente-cinq ans, et que, du jour où, au lieu de contribuer à ses plaisirs, elles lui causeront du trouble et de l'ennui, il te dessillera les yeux, peut-être un peu brusquement. Tu seras au désespoir alors, pauvre Fernande, et il n'aura fait qu'une chose très-simple et très-légitime; car de quel droit viens-tu, avec tes folies et tes caprices, empoisonner la vie d'un homme qui était libre et tranquille, et qui t'a recherchée en mariage pour te faire participer à son bien-être, et non pour t'ériger en souveraine jalouse et impérieuse? Je vois déjà que tu as le talent de le rendre assez malheureux; cette manière de l'épier, de scruter toutes ses pensées, d'interpréter toutes ses paroles, doit faire de ton amour un fléau. Et pourtant, Fernande, personne n'était plus douce et plus facile à vivre que toi; nul caractère n'est plus éloigné du soupçon et de la tyrannie; nul coeur peut-être n'est plus généreux et plus juste, mais tu aimes, et voilà l'effet de l'amour sur les femmes quand elles ne savent pas se vaincre. Prends garde à toi, ma chère; je te parle bien durement, bien cruellement, mais tu cherches l'appui de ma raison, et je te l'offre d'une main ferme. Je t'ai déjà dit que, le jour où la vérité te serait trop rude à supporter, tu n'avais qu'à cesser de m'écrire, et que je comprendrais ton silence. Je ne chercherai jamais à te guérir malgré toi, je ne suis pas une marchande de conseils. Adieu, ma petite amie; tâche de te guérir de l'exagération, ou tu es perdue.

XXVI.
DE SYLVIA A JACQUES

Tu as raison, Jacques, de ne pas t'effrayer beaucoup de ces légers nuages. Je ne sais pas si tu dois aimer éternellement Fernande; je ne sais pas si l'amour est, de sa nature, un sentiment éternel; mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'avec des caractères aussi nobles que les vôtres il doit avoir un cours aussi long que possible, et ne pas se flétrir dès les premiers mois. Je vois que dea caractères plus mal assortis, et moins dignes l'un de l'autre, se tiennent embrassés durant des années et ont une peine extrême à se détacher. Toi-même tu l'as éprouvé; tu as aimé des femmes beaucoup moins parfaites que Fernande, et tu les as aimées longtemps avant de commencer à souffrir et à te dégoûter. Il me semble donc impossible que la chute du premier grain de sable ait déjà troublé ton amour, et que ton lac ne redevienne pas tranquille et pur. Peut-être que deux grands coeurs ont plus de peine à s'entendre que lorsqu'un des deux fait à lui seul tous les frais de la sympathie. Peut-être qu'avant de se livrer entièrement, et de s'abandonner l'un à l'autre, ils ont besoin de s'essayer, de briser quelques aspérités qui les repoussent encore. Un grand bonheur, une longue passion, doivent être achetés au prix de quelques souffrances. Quand on plante un arbre vigoureux, il souffre et se flétrit pendant quelques jours avant de s'accoutumer au terrain et de montrer la force qu'il doit acquérir. Les petites douleurs de ton amie prouvent l'excessive délicatesse de son amour. Je voudrais être aimée comme tu l'es. Garde-toi donc de te plaindre; surmonte un peu ta fierté, s'il le faut, et consens, non à mentir, mais à t'expliquer. Tu fais injure à Fernande en croyant qu'elle ne comprendrait pas; elle serait flattée de te voir condescendre aux faiblesses de son sexe et aux ignorances de son âge; elle s'efforcerait de marcher plus vite vers toi et d'arriver à ton point de vue. Que ne peut pas une âme comme la tienne et une parole si éloquente quand tu daignes parler! Oh! ne t'enferme pas dans le silence! tu n'as pas besoin de ta force avec cet être angélique qui est à genoux déjà pour t'écouter. Rappelle-toi ce que j'étais quand je t'ai connu, et ce que tu as fait de cette âme qui dormait informe dans le chaos. Que serais-je si tu n'étais descendu jusqu'à moi, si tu ne m'avais révélé ce que tu sais de Dieu, des hommes et de la vie? Ne t'ai-je pas compris? n'ai-je pas acquis quelque grandeur, moi qui n'étais qu'une enfant sauvage, incapable de bien et de mal par moi-même au milieu des ténèbres de mon ignorance? Souviens-toi des longues promenades que nous faisions ensemble sur les Alpes, au temps des vacances. Avec quelle avidité je t'écoutais! comme je rentrais dans mon couvent éclairée et sanctifiée! O mon brave Jacques! quel être sublime ne pourras-tu pas faire de celle qui est ta femme et qui possède ton amour! Je te prédis une grande destinée avec elle! Essuie ses belles larmes, ouvre-lui tous les trésors de ton âme: je vivrai de votre bonheur.

XXVII.
D'OCTAVE A SYLVIA

Pourquoi donc avez-vous tant tardé à m'écrire cette lettre qui nous eût épargné tant de maux, et pourquoi, si Jacques est votre frère, avez-vous tant hésité à me l'avouer? Quel être incompréhensible êtes-vous, Sylvia, et quel plaisir trouvez-vous à nous faire souffrir vous et moi? C'est en vain que je vous contemple et que je vous étudie; il y a des jours où je ne sais pas encore si vous êtes la première ou la dernière des femmes; je me demande si votre fierté signifie la vertu la plus sublime ou l'effronterie du vice hypocrite. Ah! ne m'accablez pas de vos froides et méprisantes railleries. Ne me dites pas que personne ne m'impose l'obligation de vous aimer, et que je suis libre de renoncer à vous. Je suis bien assez malheureux; ne faites pas tant de gloire de vos dédains et de votre indifférence: vous ne seriez que plus digne d'amour si vous étiez moins forte et moins cruelle.

Et vous, n'avez-vous jamais eu des instants de faiblesse et d'incertitude avec moi? ne m'avez-vous pas accusé de bien des torts que vous m'avez pardonnés? Pourquoi railler si durement l'impiété de mon âme? pourquoi me dire que je ne vous aime pas du moment que je doute de vous? Savez-vous bien ce que c'est que l'amour, pour parler de la sorte? Mais vous m'avez aimé, puisque vous m'avez rappelé souvent après m'avoir repoussé; mais vous m'aimez encore, puisque, après trois mois d'un silence obstiné, vous m'écrivez pour vous laver de mes soupçons. Elle est bien laconique et bien hautaine, votre justification! Je n'oserais confier à personne combien vous me dominez, tant je me trouve rapetissé et humilié par votre amour. O Dieu! et vous seriez un ange si vous vouliez; c'est l'orgueil qui fait de vous un démon! Quand vous vous abandonnez à votre sensibilité, vous êtes si belle, si adorable! j'ai eu de si beaux jours avec vous! sont-ils donc perdus pour jamais? Non; je ne saurais y renoncer; que ce soit force ou faiblesse, lâcheté ou courage, je retournerai à toi! Je te presserai encore dans mes bras, je te forcerai encore à croire en moi et à m'aimer, dusse-je n'avoir qu'un jour de ce bonheur, et rester avili à mes propres yeux pour toute ma vie! Je sais que je serai encore malheureux avec toi; je sais qu'après m'avoir rendu fou, tu me chasseras avec un abominable sang-froid. Tu ne comprendras pas où tu ne voudras pas comprendre que, pour retourner à tes pieds, avec l'âme toute saignante encore de doute et de soupçons, il faut que je t'aime d'une passion effrénée. Tu me diras que je ne sais pas ce que c'est qu'aimer; tu croiras être bien sublime et bien généreuse envers moi, parce que tu me pardonneras d'avoir soupçonné ce que tous les hommes auraient supposé à ma place. Tu es une âme d'airain; tu brises tout ce qui t'approche, et ne consens à plier devant aucune des réalités de la vie. Comment veux-tu que je te suive toujours aveuglément dans ce monde imaginaire où je n'avais jamais mis le pied avant de te connaître? Ah! sans doute, si tu es ce tu parais à mon enthousiasme, tu es bien grande, et je devrais passer ma vie enchaîné à tes pieds; si tu es ce que ma raison croit deviner parfois, cache-moi bien la vérité, trompe-moi habilement, car malheur à toi si tu te démasques! Adieu; reçois-moi comme tu voudras, dans trois jours je serai à tes genoux.

XXVIII.
DE FERNANDE A CLÉMENCE

Tu m'humilies, tu me brises; si c'est la vérité que tu m'enseignes, elle est bien âpre, ma pauvre Clémence. Tu vois cependant que je l'accepte, toute cruelle qu'elle est, et que je reviens toujours à toi, sauf à être plus malheureuse qu'auparavant, quand tu m'as répondu. J'ai donc tort? Mon Dieu, je croyais qu'avec un malheur comme le mien on ne pouvait pas être coupable. Les méchants sont ceux qui rient des peines d'autrui; moi je pleure celles de Jacques encore plus que les miennes; je sais bien que je l'afflige, mais ai-je la force de cacher mon chagrin? Peut-on tarir ses larmes, peut-on s'imposer la loi d'être insensible à ce qui déchire le coeur?

 

Si quelqu'un est jamais arrivé à cette vertu, il a dû bien souffrir avant de l'atteindre; son coeur a dû saigner cruellement! Je suis trop jeune pour savoir déguiser mon visage et cacher mon émotion; et puis, ce n'est pas Jacques qu'il me serait possible de tromper. Cette lutte avec moi-même ne servirait donc qu'à augmenter mon mal; ce qu'il faudrait étouffer, c'est ma sensibilité, c'est mon amour! O ciel, tu me parles de le vaincre! Cette seule idée lui donne plus d'intensité; que deviendrais-je à présent que j'ai connu l'amour, si je me trouvais le coeur vide? Je mourrais d'ennui. J'aime mieux mourir de chagrin, la mort sera moins lente.

Tu prends le parti de Jacques, tu as bien raison! c'est lui qui est un ange, c'est lui qui devrait être aimé d'une âme aussi forte, aussi calme que la tienne. Mais suis-je donc indigne de lui? ne suis-je pas sincère et dévouée autant qu'il est possible de l'être? Non! ce ne sont pas des lueurs d'enthousiasme que j'ai pour lui, c'est une vénération constante, éternelle. Il m'aime vraiment, je le sais, je le sens; il ne faut pas me dire qu'il n'aime de moi que ma jeunesse et ma fraîcheur; si je le croyais!.. non, cette idée est trop cruelle! Tu es inexorable dans ton mépris pour l'amour; ton esprit observateur juge tout sans pitié; mais de quel droit parles-tu d'un sentiment que tu n'as pas éprouvé? Si tu savais combien un pareil doute me ferait souffrir, une fois entré dans mon coeur, tu n'aurais pas la cruauté de m'y pousser.

Eh bien, s'il en était ainsi, si Jacques m'aimait comme un passe-temps, moi qui lui ai dévoué toute ma vie, moi qui l'aime de toutes les forces de mon âme, j'essaierais de ne plus l'aimer; mais cela me serait impossible, je mourrais.

Ma pauvre tête est malade. Aussi quelle lettre tu m'écris! je n'ai pu cacher l'impression qu'elle me faisait, et Jacques m'a demandé si je venais d'apprendre quelque mauvaise nouvelle. J'ai répondu que non. «Alors, m'a-il dit, c'est une lettre de ta mère.» Je mourais de peur qu'il ne me demandât à la voir, et, tout interdite, j'ai baissé la tête sans répondre. Jacques a frappé la table avec une violence que je ne lui ai jamais vue. «Que cette femme n'essaie point d'empoisonner ton coeur, s'est-il écrié, car je jure sur l'honneur de mon père qu'elle me paierait cher la moindre tentative contre la sainteté de notre amour!» Je me suis levée tout épouvantée, et je suis retombée sur ma chaise. «Eh bien, qu'as-tu? m'a-t-il dit. – Vous-même, qu'avez-vous contre ma mère? que vous a-t-elle fait pour vous mettre ainsi en colère? – J'ai des raisons que tu ne sais pas, Fernande, et qui sont grosses comme des montagnes; puisses-tu ne les savoir jamais! mais, pour l'amour de notre repos, cache-moi les lettres de ta mère, et surtout l'effet qu'elles produisent sur toi. – Je te jure que tu te trompes, Jacques, me suis-je écriée; cette lettre n'est pas de ma mère, elle est de… – Je n'ai pas besoin de le savoir, a-t-il dit vivement; ne me fais pas l'injure de répondre à des questions que je ne t'adresserai jamais.» Et il est sorti; je ne l'ai pas revu de la journée. O Dieu! nous en sommes presque à nous quereller! et pourquoi? parce que j'ai cru le voir triste et que j'ai pris de l'inquiétude? Oh! s'il n'y avait pas au fond de tout cela quelque chose de vrai, nous n'en serions pas où nous en sommes. Jacques a eu des peines qu'il m'a cachées, à bonne intention peut-être, mais il a eu tort; s'il m'avait révélé la première, je ne l'aurais pas interrogé sur les autres, tandis qu'à présent je m'imagine toujours qu'il couve quelque mystère, et je ne trouve pas cela juste, car mon âme lui est ouverte, et il peut y lire à chaque instant. Je vois bien qu'il est préoccupé, quelque chose le distrait de l'amour qu'il avait pour moi; quelquefois il a un froncement de sourcil qui me fait trembler de la tête aux pieds. Il est vrai que si je prends le courage de lui adresser la parole, cela se dissipe aussitôt, et je retrouve son regard bon et tendre comme auparavant. Mais autrefois je ne lui déplaisais jamais, je lui disais avec confiance tout ce qui me passait par l'esprit; quand j'étais absurde, il se contentait de sourire, et il prenait la peine de redresser mon jugement avec affection. A présent, je vois que certaines paroles, dites presque au hasard, lui font un mauvais effet; il change de visage, ou il se met à fredonner cette petite chanson qu'il chantait à Smolensk, quand on lui retira une balle de la poitrine. Une parole de moi lui fait le même mal apparemment.

Il est six heures du soir; Jacques, qui est d'ordinaire si exact, et qui se faisait un scrupule de me causer la plus légère inquiétude ou la plus frivole impatience, n'est pas encore rentré pour dîner. Est-ce qu'il me boude? est-ce qu'il aura eu un chagrin assez vif pour rester absorbé ainsi depuis midi? Je suis tourmentée; s'il lui était arrivé quelque accident! s'il ne m'aimait plus! Peut-être que je lui ai tellement déplu aujourd'hui qu'il éprouve de la répugnance à me voir. Oh! ciel! ma vue lui deviendrait odieuse! Tout cela me fait un mal horrible, je suis enceinte et je souffre beaucoup. Les anxiétés auxquelles je m'abandonne me rendent encore plus malade. Il faut que j'en finisse; il faut que je me jette aux pieds de Jacques, et que je le conjure de me pardonner mes folies. Cela ne peut pas m'humilier: ce n'est pas à mon mari, c'est à mon amant que s'adresseront mes prières. J'ai offensé se délicatesse, j'ai affligé son coeur; il faut qu'une fois pour toutes il me pardonne, et que tout soit oublié. Il y a bien des jours que nous ne nous expliquons plus; cela me tue. J'ai l'âme pleine de sanglots qui m'étouffent; il faut que je les répande dans son sein, qu'il me rende toute sa tendresse, et que je recouvre ce bonheur pur et enivrant que j'ai déjà goûté.

Dimanche matin.

O mon amie, que je suis malheureuse! rien ne me réussit, et la fatalité fait tourner à mal tout ce que je tente pour me sauver. Hier, Jacques est rentré à six heures et demie; il avait l'air parfaitement calme, et m'a embrassée comme s'il eût oublié nos petites altercations. Je connais Jacques à présent; je sais quels efforts il fait sur lui-même pour vaincre son déplaisir; je sais que la douleur concentrée est un fer rouge qui dévore les entrailles. Je me suis fait violence pour dîner tranquillement; mais, aussitôt que nous avons été seuls, je me suis jetée à ses genoux en fondant en larmes. Sais-tu ce qu'il a fait? Au lieu de me tendre les bras et d'essuyer mes pleurs, il s'est dégagé de mes caresses et s'est levé d'un air furieux; j'ai caché mon visage dans mes mains pour ne pas le voir dans cet état; j'ai entendu sa voix tremblante de colère qui me disait: «Levez-vous, et ne vous mettez jamais ainsi devant moi.» J'ai senti alors le courage du désespoir. «Je resterai ainsi, me suis-je écriée, jusqu'à ce que vous m'ayez dit ce que j'ai fait pour perdre votre amour. – Tu es folle, a-t-il répondu en se radoucissant, et tu ne sais qu'imaginer pour troubler notre paix et gâter notre bonheur. Expliquons-nous, parlons, pleurons, puisqu'il te faut toutes ces émotions pour alimenter ton amour; mais, au nom du ciel, relève-toi, et que je ne te voie plus ainsi.» J'ai trouvé cette réponse bien dure et bien froide, et je suis retombée sur moi-même à demi brisée d'abattement et de douleur. «Faut-il que je te relève malgré toi? a-t-il dit en me prenant dans ses bras et en me portant sur le sofa; quelle rage ont donc toutes les femmes de jeter ainsi leur âme en dehors comme si elles étaient sur un théâtre! Souffre-t-on moins, aime-t-on plus froidement, pour rester debout et pour ne pas se briser la poitrine en sanglots? Que ferez-vous, pauvres enfants, quand la foudre vous tombera sur la tête? – Tout ce que vous dites là est horrible, lui ai-je répondu; est-ce par le dédain que vous voulez vous délivrer de mon amour? vous importune-t-il déjà?» Il s'est assis auprès de moi, et il est resté silencieux, la tête baissée, l'air résigné, mais profondément triste. Il m'a laissée pleurer longtemps, puis il a fait un effort pour me prendre les mains; mais j'ai vu que cette marque d'affection lui coûtait; et j'ai retiré mes mains précipitamment. «Hélas! hélas!» a-t-il dit, et il est sorti. Je l'ai rappelé, mais en vain, et je me suis presque évanouie. Rosette, en apportant des lumières dans le salon, m'a trouvée sans mouvement; elle m'a portée à mon lit, elle m'a déshabillée pendant qu'on avertissait mon mari; il est venu, et m'a témoigné beaucoup d'intérêt. J'avais une extrême impatience d'être seule avec lui, espérant qu'il me dirait quelque chose qui me consolerait tout à fait; je voyais tant d'émotion sur sa figure! Je ne pouvais cacher l'ennui que me causaient les interminables prévenances de Rosette; j'ai fini par lui parler un peu durement, et Jacques a dit quelques mots en sa faveur. J'avais les nerfs réellement malades; je ne sais comment la manière dont Jacques a semblé s'interposer entre moi et ma femme de chambre m'a causé un mouvement de colère invincible. Plusieurs fois déjà, ces jours derniers, je m'étais impatientée contre cette fille, et Jacques m'en avait blâmée. «Je sais bien qu'en toute occasion, lui ai-je dit, vous donnez de préférence raison à Rosette et à moi tout le tort. – Vous êtes réellement malade, ma pauvre Fernande, a-t-il répondu. Rosette, tu fais trop de bruit autour de ce lit, va-t en; je te sonnerai si madame a besoin de toi.» Aussitôt j'ai senti combien j'étais injuste et folle. «Oui, je suis malade,» ai-je répondu dès que j'ai été seule avec lui, et je me suis caché la tête dans son sein en pleurant; il m'a consolée en me prodiguant les plus tendres caresses et en me donnant les plus doux noms. Je n'avais plus la force de demander une autre explication, tant j'avais la tête brisée; je me suis endormie sur l'épaule de Jacques. Mais ce matin, quand j'ai sonné ma femme de chambre, j'ai vu une autre figure, assez laide et insignifiante. «Qui êtes-vous, ai-je dit, et où est Rosette? – Rosette est partie, m'a dit Jacques aussitôt en sortant de sa chambre pour répondre a ma question. J'avais besoin d'une ménagère diligente et honnête à ma ferme de Blosse, et j'y ai envoyé Rosette pour le reste de la saison. En attendant que tu la remplaces à ton gré, j'ai fait venir sa soeur pour te servir.» J'ai gardé le silence, mais j'ai trouvé cette leçon bien dure et bien froide. Oh! j'avais bien compris l'histoire de la romance. Que faire maintenant? Je vois que mon bonheur s'en va jour par jour, et je ne sais comment l'arrêter. Évidemment, Jacques se dégoûte de moi, et c'est ma faute; je ne vois pas qu'il ait envers moi le moindre tort; je ne vois pas non plus que je sois réellement coupable envers lui. Nous nous faisons du mal mutuellement, comme par une sorte de fatalité; peut-être s'y prend-il mal avec moi. Il est trop grave, trop sentencieux dans ses avis. Les résolutions qu'il prend, la promptitude avec laquelle il tranche les sujets de trouble entre nous, montrent, ce me semble, une espèce de hauteur méprisante à mon égard. Un mot de doux reproche, quelques larmes versées ensemble, et les caresses du raccommodement, vaudraient bien mieux. Jacques est trop accompli, cela m'effraie; il n'a pas de défauts, pas de faiblesses; il est toujours le même, calme, égal, réfléchi, équitable. Il semble qu'il soit inaccessible aux travers de la nature humaine, et qu'il ne puisse les tolérer dans les autres qu'à l'aide d'une générosité muette et courageuse; il ne veut point entrer en pourparler avec eux. C'est trop d'orgueil. Moi je suis une enfant, j'ai besoin qu'on me guide et qu'on me relève quand je tombe. Oui, tu avais raison, Clémence; je commence à croire que le caractère de Jacques n'est pas assez jeune pour moi. C'est de là que viendra mon malheur; car, à cause de sa perfection, je l'aime plus que je n'aimerais un jeune homme, et sa raison empêchera peut-être que je m'entende jamais avec lui.

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