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Han d'Islande

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Les fatigues de la journée l'avaient épuisé; aussi n'aborda-t-il que très péniblement. Il se rhabilla à la hâte, et marcha vers le Spladgest qui se dessinait dans la place du port comme une masse noire; car depuis quelque temps la lune s'était entièrement voilée.

En approchant de cet édifice, il entendit comme un bruit de voix; une lumière faible sortait par l'ouverture supérieure. Étonné, il frappa violemment à la porte carrée; le bruit cessa, la lueur disparut. Il frappa de nouveau; la lumière en reparaissant lui laissa voir quelque chose de noir sortir par l'orifice supérieur et se blottir sur le toit plat du bâtiment. Ordener frappa une troisième fois avec le pommeau de son sabre, et cria:– Ouvrez, de par sa majesté le roi! ouvrez, de par sa sérénité le vice-roi!

La porte s'ouvrit enfin lentement, et Ordener se trouva face à face avec la longue figure pâle et maigre de Spiagudry, qui, les habits en désordre, l'oeil hagard, les cheveux hérissés, les mains ensanglantées, portait une lampe sépulcrale, dont la flamme tremblait encore moins visiblement que son grand corps.

VI

PIRRO. Jamais!

ANGELO. Quoi! je crois que tu veux faire l'homme de bien. Misérable! si tu dis un seul mot…

PIRRO. Mais, Angelo, je t'en conjure, pour l'amour de Dieu…

ANGELO. Laisse faire ce que tu ne peux empêcher.

PIRRO. Ah! quand le diable vous tient par un cheveu, il faut lui abandonner toute la tête. Malheureux que je suis!

(Émilia Galotti.)

Une heure environ après que le jeune voyageur à la plume noire était sorti du Spladgest, la nuit étant tout à fait tombée et la foule entièrement écoulée, Oglypiglap avait fermé la porte extérieure de l'édifice funèbre, tandis que son maître Spiagudry arrosait pour la dernière fois les corps qui y étaient déposés. Puis tous deux s'étaient retirés dans leur très peu somptueux appartement, et tandis qu'Oglypiglap dormait sur son petit grabat, comme l'un des cadavres confiés à sa garde, le vénérable Spiagudry, assis devant une table de pierre couverte de vieux livres, de plantes desséchées et d'ossements décharnés, s'était plongé dans les graves études qui, bien que réellement fort innocentes, n'avaient pas peu contribué à lui donner parmi le peuple une réputation de sorcellerie et de diablerie, fâcheux apanage de la science à cette époque.

Il y avait plusieurs heures qu'il était absorbé dans ses méditations; et, prêt enfin à quitter ses livres pour son lit, il s'était arrêté à ce passage lugubre de Thormodus Torfoeus:

«Quand un homme allume sa lampe, la mort est chez lui avant qu'elle soit éteinte…»

– N'en déplaise au savant docteur, se dit-il à demi-voix, il n'en sera point ainsi chez moi ce soir. Et il prit sa lampe pour la souffler.

– Spiagudry! cria une voix qui sortait de la salle des cadavres.

Le vieux concierge trembla de tous ses membres. Ce n'est pas qu'il crût, comme tout autre peut-être à sa place, que les tristes hôtes du Spladgest s'insurgeaient contre leur gardien. Il était assez savant pour ne pas éprouver de ces terreurs imaginaires; et la sienne n'était si réelle que parce qu'il connaissait trop bien la voix qui l'appelait.

– Spiagudry! répéta violemment la voix, faudra-t-il, pour te faire entendre, que j'aille t'arracher les oreilles?

– Que saint Hospice ait pitié, non de mon âme, mais de mon corps! dit l'effrayé vieillard; et, d'un pas que la peur pressait et ralentissait à la fois, il se dirigea vers la seconde porte latérale, qu'il ouvrit. Nos lecteurs n'ont pas oublié que cette porte communiquait à la salle des morts.

La lampe qu'il portait éclaira alors un tableau bizarrement hideux. D'un côté, le corps maigre, long et légèrement voûté de Spiagudry; de l'autre, un homme petit, épais et trapu, vêtu de la tête aux pieds de peaux de toutes sortes d'animaux encore teintes, d'un sang desséché, et debout au pied du cadavre de Gill Stadt, qui, avec ceux de la jeune fille et du capitaine, occupait le fond de la scène. Ces trois muets témoins, ensevelis dans une sorte de pénombre, étaient les seuls qui pussent'voir, sans fuir d'épouvanté, les deux vivants dont l'entretien commençait.

Les traits du petit homme, que la lumière faisait vivement ressortir, avaient quelque chose d'extraordinairement sauvage. Sa barbe était rousse et touffue, et son front, caché sous un bonnet de peau d'élan, paraissait hérissé de cheveux de môme couleur; sa bouche était large, ses lèvres épaisses, ses dents blanches, aiguës et séparées; son nez, recourbé comme le bec de l'aigle; et son oeil gris bleu, extrêmement mobile, lançait sur Spiagudry un regard oblique, où la férocité du tigre n'était tempérée que par la malice du singe. Ce personnage singulier était armé d'un large sabre, d'un poignard sans fourreau, et d'une hache à tranchants de pierre, sur le long manche de laquelle il était appuyé; ses mains étaient couvertes de gros gants de peau de renard bleu;

– Ce vieux spectre m'a fait attendre bien longtemps, dit-il, se parlant à lui-même; et il poussa une espèce de rugissement comme une bête des bois.

Spiagudry aurait certainement pâli d'effroi, s'il eût pu pâlir.

– Sais-tu bien, poursuivit le petit homme en s'adressant à lui directement, que je viens des grèves d'Urchtal? Avais-tu donc envie, en me retardant, d'échanger ta couche de paille contre une de ces couches de pierre?

Le tremblement de Spiagudry redoubla; les deux seules dents qui lui restaient s'entre-choquèrent avec violence.

– Pardonnez, maître, dit-il en courbant l'arc de son grand corps jusqu'au niveau du petit homme, je dormais d'un profond sommeil.

– Veux-tu que je te fasse connaître un sommeil plus profond encore?

Spiagudry fit une grimace de terreur, qui seule pouvait être plus plaisante que ses grimaces de gaieté.

– Eh bien! qu'est-ce? continua le petit homme. Qu'as-tu? Est-ce que ma présence ne t'est pas agréable?

– Oh! mon maître et seigneur, répondit le vieux concierge, il n'est certainement pas pour moi 'de bon heur plus grand que la vue de votre excellence.

Et l'effort qu'il faisait pour donner à sa physionomie; effrayée une expression riante eût déridé tout autre que des morts.

– Vieux renard sans queue, mon excellence t'ordonne de me remettre les vêtements de Gill Stadt. En prononçant ce nom, le visage farouche et railleur du petit homme devint sombre et triste.

– Oh! maître, pardonnez, je ne les ai plus, dit Spiagudry; votre grâce sait que nous sommes obligés de livrer au fisc royal les dépouilles des ouvriers des mines, dont le roi hérite en sa qualité de leur tuteur né.

Le petit homme se tourna vers le cadavre, croisa les bras, et dit d'une voix sourde:– Il a raison. Ces misérables mineurs sont comme l'eider[3]; on lui'fait son nid, on lui prend son duvet.

Puis soulevant le cadavre entre ses bras et l'étreignant fortement, il se mit à pousser des cris sauvages d'amour et de douleur, pareils aux grondements d'un ours qui caresse son petit. À ces sons inarticulés, se mêlaient, par intervalles, quelques mots d'un jargon étrange que Spiagudry ne comprenait pas.

11 laissa retomber le cadavre sur la pierre, et se tourna vers le gardien.

– Sais-tu, sorcier maudit, le nom du soldat né sous un mauvais astre qhi a eu le malheur d'être préféré à Gill par cette fille?

Et il poussa du pied les restes froids de Guth Stersen.

Spiagudry fit un signe négatif.

– Eh bien! par la hache d'Ingolphe, le chef de ma race, j'exterminerai tous les porteurs de cet uniforme; et il désignait les vêtements de l'officier.– Celui dont je veux la vengeance se trouvera dans le nombre. J'incendierai toute la forêt pour brûler l'arbuste vénéneux qu'elle renferme. Je l'ai juré du jour où Gill est mort; et je lui ai donné déjà un compagnon qui doit réjouir son cadavre.– O Gill! te voilà donc là sans force et sans vie, toi qui atteignais le phoque à la nage, le chamois à la course, toi qui étouffais l'ours des monts de Kolè à la lutte; te voilà immobile, toi qui parcourais le Drontheimhus depuis l'Orkel jusqu'au lac de Smiasen en un jour, toi qui gravissais les pics du Dofre-Field comme l'écureuil gravit le chêne; te voilà muet, Gill, toi qui, debout sur les sommets orageux de Kongsberg, chantais plus haut que le tonnerre. O Gill! c'est donc en vain que j'ai comblé pour toi les mines de Fa-roër; c'est en vain que j'ai incendié l'église cathédrale de Drontheim; toutes mes peines sont perdues, et je ne verrai pas se perpétuer en toi la race des enfants d'Islande, la descendance d'Ingolphe l'Exterminateur; tu n'hériteras pas de ma hache de pierre; et c'est toi au contraire qui me lègues ton crâne pour y boire désormais l'eau des mers et le sang des hommes.

À ces mots, saisissant la tête du cadavre:

– Spiagudry, dit-il, aide-moi. Et arrachant ses gants, il découvrit ses-larges mains, armées d'ongles longs, durs et retors comme ceux d'une bête fauve.

Spiagudry, qui le vit prêt à faire sauter avec son sabre le crâne du cadavre, s'écria avec un accent d'horreur qu'il ne put réprimer:– Juste Dieu! maître! un mort!

– Eh bien, répliqua traquillement le petit homme, aimes-tu mieux que cette lame s'aiguise ici sur un vivant?

– Oh! permettez-moi de supplier votre courtoisie… Comment votre excellence peut-elle profaner?… Votre grâce.... Seigneur, votre sérénité ne voudra pas....

– Finiras-tu? ai-je besoin de tous ces titres, squelette vivant, pour croire à ton profond respect pour mon sabre?

– Par saint Waldemar, par saint Usuph, au nom de saint Hospice, épargnez un mort!

– Aide-moi, et ne parle pas des saints au diable.

– Seigneur, poursuivit le suppliant Spiagudry, par votre illustre aïeul saint Ingolphe!…

– Ingolphe l'Exterminateur était un réprouvé comme moi.

 

– Au nom du ciel, dit le vieillard en se prosternant, c'est cette réprobation que je veux vous éviter.

L'impatience transporta le petit homme. Ses yeux gris et ternes brillèrent comme deux charbons ardents.

– Aide-moi! répéta-t-il en agitant son sabre.

Ces deux mots furent prononcés de la voix dont les prononcerait un lion, s'il parlait. Le concierge, tremblant et à demi mort, s'assit sur la pierre noire, et soutint de ses mains la tête froide et humide de Gill, tandis que le petit homme, à l'aide de son poignard et de son sabre, enlevait le crâne avec une dextérité singulière.

Quand cette opération fut terminée, il considéra quelque temps le crâne sanglant, en proférant des paroles étranges; puis il le remit à Spiagudry pour qu'il le dépouillât et le lavât, et dit en poussant une espèce de hurlement:

– Et moi, je n'aurai pas en mourant la consolation de penser qu'un héritier de l'âme d'Ingolphe boira dans mon crâne le sang des hommes et l'eau des mers.

Après une sinistre rêverie, il continua:

– L'ouragan est suivi de l'ouragan, l'avalanche entraîne l'avalanche, et moi je serai le dernier de ma race. Pourquoi Gill n'a-t-il pas haï comme moi tout ce qui porte la face humaine? Quel démon ennemi du démon d'Ingolphe l'a poussé sous ces fatales mines à la recherche d'un peu d'or?

Spiagudry, qui lui rapportait le crâne de Gill, l'interrompit.

– L'excellence a raison; l'or lui-même, dit Snorro Sturleson, s'achète souvent trop cher.

– Tu me rappelles, dit le petit homme, une commission dont il faut que je te charge; voici une boîte de fer que j'ai trouvée sur cet officier, dont tu n'as pas, comme tu le vois, toutes les dépouilles; elle est si solidement fermée, qu'elle doit renfermer de l'or, seule chose précieuse aux yeux des hommes; tu la remettras à la veuve Stadt, au hameau de Thoctree, pour lui payer son fils.

Il tira alors de son havresac de peau de renne un très petit coffre de fer. Spiagudry le reçut, et s'inclina.

– Remplis fidèlement mon ordre, dit le petit homme en lui lançant un regard perçant; songe que rien n'empêche deux démons de se revoir; je te crois encore plus lâche qu'avare, et tu me réponds de ce coffre.

– Oh! maître, sur mon âme.

– Non pas! sur tes os et sur ta chair.

En ce moment, la porte extérieure du Spladgest retentit d'un coup violent. Le petit homme s'étonna, Spiagudry chancela, et couvrit sa lampe de sa main.

– Qu'est-ce? s'écria le petit homme en grondant.

– Et toi, vieux misérable, comment trembleras-tu donc quand tu entendras la trompette du jugement dernier?

Un second coup plus fort se fit entendre.

– C'est quelque mort pressé d'entrer, dit le petit homme.

– Non, maître, murmura Spiagudry, on n'amène point de morts passé minuit.

– Mort ou vivant, il me chasse.– Toi, Spiagudry sois fidèle et muet. Je te jure, par l'esprit d'Ingolphe et le crâne de Gill, que tu passeras dans ton auberge de cadavres tout le régiment de Munckholm en revue.

Et le petit homme, attachant le crâne de Gill à sa ceinture et remettant ses gants, s'élança avec l'agilité d'un chamois, et à l'aide des épaules de Spiagudry, par l'ouverture supérieure, où il disparut.

Un troisième coup ébranla le Spladgest, et une voix du dehors ordonna d'ouvrir aux noms du roi et du vice-roi. Alors le vieux concierge, à la fois agité par deux terreurs différentes, dont on pourrait nommer l'une de souvenir, et l'autre d'espérance, s'achemina ver la porte carrée, et l'ouvrit.

VII

Cette joie à laquelle se réduit la félicité temporelle, elle s'est fatiguée à la poursuivre par des sentiers âpres et douloureux, sans avoir jamais pu l'atteindre.

(Confessions de saint Augustin.)

Rentré dans son cabinet après avoir quitté Poël, le gouverneur de Drontheim s'enfonça dans un large fauteuil, et ordonna, pour se distraire, à l'un de ses secrétaires de lui rendre compte des placets présentés au gouvernement.

Celui-ci, après s'être incliné, commença:

– «1° Le révérend docteur Anglyvius demande qu'il soit pourvu au remplacement du révérend docteur Foxtipp, directeur de la bibliothèque épiscopale, pour cause d'incapacité. L'exposant ignore qui pourra remplacer ledit docteur incapable; il fait seulement savoir que lui, docteur Anglyvius, a longtemps exercé les fonctions de bibliothéc....»

– Renvoyez ce drôle à l'évéque, interrompit le général.

– «2° Athanase Munder, prêtre, ministre des prisons, demande la grâce de douze condamnés pénitents, à l'occasion des glorieuses noces de sa courtoisie Ordener Guldenlew, baron de Thorvick, chevalier de Dannebrog, fils du vice-roi, avec noble dame Ulrique d'Ahlefeld, fille de sa grâce le comte grand-chancelier des deux royaumes.»

– Ajournez, dit le général. Je plains les condamnés.

– «3° Fauste-Prudens Destrombidès, sujet norvégien, poëte latin, demande à faire l'épithalame desdits nobles époux.»

– Ah! ah! le brave homme doit être vieux, car c'est le même qui en 1674 avait préparé un épithalame pour le mariage projeté entre Schumacker, alors comte de Griffenfeld, et la princesse Louise-Charlotte de Holstein-Augustenbourg, mariage qui n'eut pas lieu.– Je crains, ajouta le gouverneur entre ses dents, que Fauste-Prudens soit le poëte des mariages rompus.

– Ajournez la demande et poursuivez. On s'informera, à l'occasion dudit poëte, s'il n'y aurait pas un lit vacant à l'hôpital de Drontheim.

– «4° Les mineurs de Guldbranshal, des îles Faroër, du Sund-Moër, de Hubfallo, de Roeraas et de Kongsberg, demandent à être affranchis des charges de la tutelle royale.»

– Ces min eurs sont remuants. On dit même qu'ils commencent déjà à murmurer du long silence gardé sur leur requête. Qu'elle soit réservée pour un mûr examen.

– «5° Braal, pêcheur, déclare, en vertu de l'Odelsrecht[4], qu'il persévère dans l'intention de racheter son patrimoine.

– «6° Les syndics de Noes, Loevig, Indal, Skongen, Stod, Sparbo et autres bourgs et villages du Drontheimhus septentrional, demandent que la tête du brigand, assassin et incendiaire Han, natif, dit-on, de Klipstadur en Islande, soit mise à prix.– S'oppose à la requête Nychol Orugix, bourreau du Drontheimhus, qui prétend que Han est sa propriété.– Appuie la requête Benignus Spiagudry, gardien du Spladgest, auquel doit revenir le cadavre.»

– Ce bandit est bien dangereux, dit le général, surtout lorsqu'on craint des troubles parmi les mineurs. Qu'on fasse proclamer sa tête au prix de mille écus royaux.

– «7° Benignus Spiagudry, médecin, antiquaire, sculpteur, minéralogiste, naturaliste, botaniste, légiste, chimiste, mécanicien, physicien, astronome, théologien, grammairien…»

– Eh mais, interrompit le général, est-ce que ce n'est pas le même Spiagudry que le gardien du Spladgest?

– Si vraiment, votre excellence, répondit le secrétaire— «… concierge, pour sa majesté, de l'établissement dit Spladgest, dans la royale ville de Drontheim, expose— que c'est lui, Benignus Spiagudry, qui a découvert que les étoiles appelées fixes n'étaient pas éclairées par l'astre appelé soleil; item, que le vrai nom d'Odin est Frigge, fils de Fridulph; item, que le lombric marin se nourrit de sable; item, que le bruit de la population éloigne les poissons des côtes de Norvège, en sorte que les moyens de subsistance diminuent en proportion de l'accroissement du peuple; item, que le golfe nommé Otte-Sund s'appelait autrefois Limfiord et n'a pris le nom d'Otte-Sund qu'après qu'Othon le Roux y eut jeté sa lance; item, expose que c'est par ses conseils et sous sa direction qu'on a fait d'une vieille statue de Freya la statue de la Justice qui orne la grande place de Drontheim; et qu'on a converti en diable, représentant le crime, le lion qui se trouvait sous les pieds de l'idole; item

– Ah! faites-nous grâce de ses éminents services. Voyons, que demande-t-il?»

Le secrétaire tourna plusieurs feuillets, et poursuivit:

«.... Le très humble exposant croit pouvoir, en récompense de tant de travaux utiles aux sciences et aux belles-lettres, supplier son excellence d'augmenter la taxe de chaque cadavre mâle et femelle de dix ascalins, ce qui ne peut qu'être agréable aux morts en leur prouvant le cas qu'on fait de leurs personnes.»

Ici la porte du cabinet s'ouvrit, et l'huissier annonça à haute voix la noble dame comtesse d'Ahlefeld. En même temps, une grande dame, portant sur sa tête une petite couronne de comtesse, richement vêtue d'une robe de satin écarlate, bordée d'hermine et de franges d'or, entra, et, acceptant la main que le général lui offrait, vint s'asseoir près de son fauteuil.

La comtesse pouvait avoir cinquante ans. L'âge n'avait, en quelque sorte, rien eu à ajouter aux rides dont les soucis de l'orgueil et de l'ambition avaient depuis si longtemps creusé son visage. Elle attacha sur le vieux gouverneur son regard hautain et son sourire faux.

– Eh bien, seigneur général, votre élève se fait attendre. Il devait être ici avant le coucher du soleil.

– Il y serait, dame comtesse, s'il n'était, en arrivant, allé à Munckholm.

– Comment, à Munckholm! j'espère que ce n'est pas Schumacker qu'il cherche?

– Mais cela se pourrait.

– La première visite du baron de Thorvick aura été pour Schumacker!

– Pourquoi non, comtesse? Schumacker est malheureux.

– Comment, général! le fils du vice-roi est lié avec ce prisonnier d'état!

– Frédéric Guldenlew, en me chargeant de son fils, me pria, noble dame, de l'élever comme j'eusse élevé le mien. J'ai pensé que la connaissance de Schumacker serait utile à Ordener, qui est destiné à être aussi puissant un jour. J'ai en conséquence, avec l'autorisation du vice-roi, demandé à mon frère Grummond de Knud un droit d'entrée pour toutes les prisons, que j'ai donné à Ordener.– Il en use.

– Et depuis quand, noble général, le baron Ordener a-t-il fait cette utile connaissance?

– Depuis un peu plus d'un an, dame comtesse; il paraît que la société de Schumacker lui plut, car elle le fixa assez longtemps à Drontheim; et ce n'est qu'à regret et sur mon invitation expresse qu'il en partit l'année dernière pour visiter la Norvège.

– Et Schumacker sait-il que son consolateur est le fils d'un de ses plus grands ennemis?

– Il sait que c'est un ami, et cela lui suffit, comme à nous.

– Mais vous, seigneur général, dit la comtesse avec un coup d'oeil pénétrant, saviez-vous en tolérant, et même en formant cette liaison, que Schumacker avait une fille?

– Je le savais, noble comtesse.

– Et cette circonstance vous a semblé indifférente pour votre élève?

– L'élève de Levin de Knud, le fils de Frédéric Guldenlew est un homme loyal. Ordener connaît la barrière qui le séparé de la fille de Schumacker; il est incapable de séduire, sans but légitime, une fille, et surtout la fille d'un homme malheureux.

La noble comtesse d'Ahlefeld rougit et pâlit; elle tourna la tête, cherchant à éviter le regard calme du vieillard comme celui d'un accusateur.

– Enfin, balbutia-t-elle, cette liaison, général, me semble, souffrez que je le dise, singulière et imprudente. On dit que les mineurs et les peuplades du Nord menacent de se révolter, et que le nom de Schumacker est compromis dans cette affaire.

– Noble dame, vous m'étonnez! s'écria le gouverneur. Schumacker a jusqu'ici supporté tranquillement son malheur. Ce bruit est sans doute peu fondé.

La porte s'ouvrit en ce moment, et l'huissier annonça qu'un messager de sa grâce le grand-chancelier demandait à parler à la noble comtesse.

La comtesse se leva précipitamment, salua le gouverneur, et, tandis qu'il continuait l'examen des placets, se rendit en toute hâte à ses appartements, situés dans une aile du palais, en ordonnant qu'on y envoyât le messager.

Elle était depuis quelques moments assise sur un riche sopha, au milieu de ses femmes, quand le messager, entra. La comtesse en l'apercevant fit un mouvement de répugnance qu'elle cacha soudain sous un sourire bienveillant. L'extérieur du messager ne semblait pourtant pas repoussant au premier abord; c'était un homme plutôt petit que grand, et dont l'embonpoint annonçait tout autre chose qu'un messager. Cependant, quand on l'examinait, son visage paraissait ouvert jusqu'à l'impudence, et la gaieté de son regard avait quelque chose de diabolique et de sinistre. Il s'inclina profondément devant la comtesse, et lui présenta un paquet, scellé avec des fils de soie.

– Noble dame, dit-il, daignez me permettre d'oser déposer à vos pieds un précieux message de sa grâce, votre illustre époux, mon vénéré maître.

 

– Est-ce qu'il ne vient pas lui-même? et comment vous prend-il pour messager? demanda la comtesse.

– Des soins importants diffèrent l'arrivée de sa grâce, cette lettre est pour vous en informer, madame la comtesse; pour moi, je dois, d'après l'ordre de mon noble maître, jouir de l'insigne honneur d'un entretien particulier avec vous.

La comtesse pâlit; elle s'écria d'une voix tremblante:

– Moi! un entretien avec vous, Musdoemon?

– Si cela affligeait en rien la noble dame, son indigne serviteur serait au désespoir.

– M'affliger! non sans doute, reprit la comtesse s'efforçant de sourire; mais cet entretien est-il si nécessaire?

Le messager s'inclina jusqu'à terre.

– Absolument nécessaire! la lettre que l'illustre comtesse a daigné recevoir de mes mains doit en contenir l'injonction formelle.

C'était une chose singulière que de voir la fière comtesse d'Ahlefeld trembler et pâlir devant un serviteur qui lui rendait de si profonds respects. Elle ouvrit lentement le paquet et en lut le contenu. Après l'avoir relu:

– Allons, dit-elle à ses femmes d'une voix faible, qu'on nous laisse seuls.

– Daigne la noble dame, dit le messager fléchissant le genou, me pardonner la liberté que j'ose prendre et la peine que je parais lui causer.

– Croyez au contraire, repartit la comtesse avec un sourire forcé, que j'ai beaucoup de plaisir à vous voir.

Les femmes se retirèrent.

– Elphège, tu as donc oublié qu'il fut un temps où nos tête-à-tête ne te répugnaient pas?

C'était le messager qui parlait à la noble comtesse, et ces paroles étaient accompagnées d'un rire pareil à celui du diable lorsqu'au moment où le pacte expire il saisit l'âme qui s'est donnée à lui.

La puissante dame baissa sa tête humiliée.

– Que ne l'ai-je en effet oublié! murmura-t-elle.

– Pauvre folle! comment peux-tu rougir de choses que nul oeil humain n'a vues?

– Ce que les hommes ne voient pas, Dieu le voit.

– Dieu, faible femme! tu n'es pas digne d'avoir trompé ton mari, car il est moins crédule que toi.

– Vous insultez peu généreusement à mes remords, Musdoemon.

– Eh bien! si tu en as, Elphège, pourquoi leur insultes-tu toi-même chaque jour par des crimes nouveaux?

La comtesse d'Ahlefeld cacha sa tête dans ses mains; le messager poursuivit:

– Elphège, il faut choisir: ou le remords et plus de crimes, ou le crime et plus de remords. Fais comme moi, choisis le second parti, c'est le meilleur, le plus gai du moins.

– Puissiez-vous, dit la comtesse à voix basse, ne pas retrouver ces paroles dans l'éternité!

– Allons, ma chère, quittons la plaisanterie. Alors Musdoemon s'asseyant près de la comtesse, et passant ses bras autour de son cou:

– Elphège, dit-il, tâche de rester, par l'esprit du moins, ce que tu étais il y a vingt ans.

L'infortunée comtesse, esclave de son complice, tâcha de répondre à sa repoussante caresse. Il y avait dans cet embrassement adultère de deux êtres qui se méprisaient et s'exécraient mutuellement quelque chose de trop révoltant, même pour ces âmes dégradées. Les caresses illégitimes qui avaient fait leur joie, et que je ne sais quelle horrible convenance les forçait de se prodiguer encore, faisaient maintenant leur torture. Étrange et juste changement des affections coupables! leur crime était devenu leur supplice.

La comtesse, pour abréger ce tourment adultère, demanda enfin à son odieux amant, en s'arrachant de ses bras, de quel message verbal son époux l'avait chargé.

– D'Ahlefeld, dit Musdoemon, au moment de voir son pouvoir s'affermir par le mariage d'Ordener Guldenlew avec notre fille…

– Notre fille! s'écria la hautaine comtesse, et son regard fixé sur Musdoemon reprit une expression d'orgueil et de dédain.

– Eh bien, dit froidement le messager, je crois qu'Ulrique peut m'appartenir au moins autant qu'à lui. Je disais donc que ce mariage ne satisfaisait pas entièrement ton mari, si Schumacker n'était en même temps tout à fait renversé. Du fond de sa prison, ce vieux favori est encore presque aussi redoutable que dans son palais. Il a à la cour des amis obscurs, mais puissants, peut-être parce qu'ils sont obscurs; et le roi, apprenant il y a un mois que les négociations du grand-chancelier avec le duc de Holstein-Ploen ne marchaient pas, s'est écrié avec impatience:– Griffenfeld à lui seul en savait plus qu'eux tous.– Un intrigant nommé Dispolsen, venu de Munckholm à Copenhague, a obtenu de lui plusieurs audiences secrètes, après lesquelles le roi a fait demander à la chancellerie, où ils sont déposés, les titres de noblesse et de propriété de Schumacker. On ignore à quoi Schumacker aspire; mais ne désirerait-il que la liberté, pour un prisonnier d'état c'est désirer le pouvoir.– Il faut donc qu'il meure, et qu'il meure judiciairement; c'est à lui forger un crime que nous travaillons.– Ton mari, Elphège, sous prétexte d'inspecter incognito provinces du Nord, va s'assurer par lui-même du résultat qu'ont eu nos menées parmi les mineurs, dont nous voulons provoquer, au nom de Schumacker, une insurrection qu'il sera facile ensuite d'étouffer. Ce qui nous inquiète, c'est la perte de plusieurs papiers importants relatifs à ce plan, et que nous avons tout lieu de croire au pouvoir de Dispolsen. Sachant donc qu'il était reparti de Copenhague pour Munckholm, rapportant à Schumacker ses parchemins, ses diplômes, et peut-être ces documents qui peuvent nous perdre ou au moins nous compromettre, nous avons aposté dans les gorges de Kole quelques fidèles, chargés de se défaire de lui, après l'avoir dépouillé de ses papiers. Mais si, comme on l'assure, Dispolsen est venu de Berghen par mer, nos peines seront perdues de ce côté-là.– Pourtant j'ai recueilli en arrivant je ne sais quels bruits d'un assassinat d'un capitaine nommé Dispolsen.– Nous verrons.– Nous sommes en attendant à la recherche d'un brigand fameux, Han, dit d'Islande, que nous voudrions mettre à la tête de la révolte des mines. Et toi, ma chère, quelles nouvelles d'ici me donneras-tu? Le joli oiseau de Munckholm a-t-il été pris dans sa cage? La fille du vieux ministre a-t-elle enfin été la proie de notre falcofulvus, de notre fils Frédéric?

La comtesse, retrouvant sa fierté, se récria encore:

– Notre fils!

– Ma foi, quel âge peut-il avoir? Vingt-quatre ans. Il y en a vingt-six que nous nous connaissons, Elphège.

– Dieu le sait, s'écria la comtesse, mon Frédéric est l'héritier légitime du grand-chancelier.

– Si Dieu le sait, répondit le messager en riant, le diable peut l'ignorer. Au reste, ton Frédéric n'est qu'un étourneau indigne de moi, et ce n'est pas la peine de nous quereller pour si peu de chose. Il n'est bon qu'à séduire une fille. Y est-il parvenu au moins?

– Pas encore, que je sache.

– Mais, Elphège, tâche donc de jouer un rôle moins passif dans nos affaires. Celui du comte et le mien sont, tu le vois, assez actifs. Je retourne dès demain vers ton mari. Pour toi, ne te borne pas, de grâce, à prier pour nos péchés, comme la madone que les Italiens invoquent en assassinant.– Il faut aussi qu'Ahlefeld songe à me récompenser un peu plus magnifiquement qu'il ne l'a fait jusqu'ici. Ma fortune est liée à la vôtre; mais je me lasse d'être le serviteur de l'époux, quand je suis l'amant de la femme, et de n'être que le gouverneur, le précepteur, le pédagogue, quand je suis presque le père.

En ce moment minuit sonna, et une des femmes entra, rappelant à la comtesse que, d'après la règle du palais, toutes les lumières devaient être éteintes à cette heure. La comtesse, heureuse de terminer un entretien pénible, rappela ses suivantes.

– Me permette la gracieuse comtesse, dit Musd?mon en se retirant, de conserver l'espérance de la revoir demain, et de déposer à ses pieds l'hommage de mon profond respect.

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