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Actes et Paroles, Volume 3

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Ah! vous avez fait appeler M. Victor Hugo a la surete publique pour l'engager a quitter le pays. Ne deviez-vous pas, au contraire, l'obliger a rester? Son temoignage, le temoignage des gens de sa maison, ne sont-ils pas indispensables au proces que vous voulez intenter? (Interruption.)

Voila ce qu'exigeait la justice; voila ce qu'exigeait la reparation des troubles deplorables qui ont eu lieu.

Savez-vous, messieurs, ce que peut etre la consequence de l'expulsion, dans les conditions ou elle se fait? Si, par hasard, la rumeur publique dit vrai, si les hommes qu'elle designe appartiennent a votre monde, a votre parti, s'ils appartiennent a la jeunesse doree qui hante vos salons, savez-vous ce qu'on dira? On dira que les coupables vous touchaient de trop pres; que vous ne les decouvrirez pas parce que vous ne voulez pas les decouvrir; que vous avez un interet politique a masquer leur faute, a empecher leurs noms d'etre connus, leurs personnes d'etre frappees par la justice.

Aujourd'hui vous avez mis tous les torts de votre cote. L'accuse d'hier sera la victime demain. Les rapports non controles de la surete publique et des agents de police auront beau dire le contraire; pour le public du dehors, la version veritable, authentique, celle qui fera foi devant l'histoire, sera la version du poete que vous avez expulse le lendemain du jour ou il a pu croire sa vie menacee.

Voila pourquoi je regrette la mesure qui a ete prise; voila pourquoi je declare que vous avez manque d'intelligence et de tact politique.

M. JOTTRAND. – Messieurs, excite par l'injustice incontestable de quelques-unes des interruptions parties des bancs de la droite, j'ai prononce ces paroles: "Brigands contre brigands!" Vous avez, a ce propos, monsieur le president, prononce quelques mots que je n'ai pas compris. Je dois m'expliquer sur le sens de mon exclamation.

M. LE PRESIDENT. – Permettez. Avant que vous vous expliquiez, je tiens a dire ceci: les paroles que vous reconnaissez avoir prononcees, je ne les avais pas entendues. Aux demandes de rappel a l'ordre, j'ai repondu que je ne pouvais le prononcer sans connaitre les expressions dont vous vous etiez servi…

D'apres la declaration que vous venez de faire, vous auriez appele brigands les representants de la force legitime.

M. JOTTRAND. – Monsieur le president, ces paroles sont sorties de ma bouche au moment ou mon honorable collegue, M. Couvreur, venait de fletrir ceux qui, apres la victoire et de sang-froid, executent leurs prisonniers en masse et sans jugement. Je me serais tu, si a ce moment, si, de ce cote, n'etaient parties des protestations contre l'indignation de mon collegue, protestations qui ne pouvaient avoir d'autre sens que l'approbation des actes horribles qui continuent a se passer en France.

Ces paroles, vous le comprenez, ne s'appliquaient pas, dans ma pensee, a ces defenseurs energiques, resolus et devoues du droit et de la legalite qui, prevoyant l'ingratitude du lendemain, la montrant deja du doigt, la proclamant comme attendue par eux, n'en ont pas moins continue a se devouer a la tache penible qu'ils accomplissaient; ces paroles, dans ma pensee, ne s'appliquaient pas a ces soldats esclaves de leur devoir, agissant dans l'ardeur du combat; elles s'appliquaient uniquement a ceux dont j'ai rappele les actes. Et ces actes, suis-je seul a les fletrir?

N'entendons-nous pas, a Versailles meme, des voix amies de l'ordre, des hommes qui ont toujours defendu dans la presse l'ordre et la legalite, ne les voyons-nous pas protester contre les horreurs qui se commettent sous leurs yeux? ne voyons-nous pas toute la presse francaise reclamer la constitution immediate de tribunaux reguliers et la cessation de toutes ces horreurs?

Voici ce que disait le Times, faisant, comme moi, la part egale aux deux partis en lutte:

"Des deux parts egalement, nous arrive le bruit d'actes incroyables d'assassinat et de massacre. Les insurges ont accompli autant qu'il a ete en leur pouvoir leurs menaces contre la vie de leurs otages et sans plus de pitie que pour toutes leurs autres menaces. L'archeveque de Paris, le cure Deguerry, l'avocat Chaudey, en tout soixante-huit victimes sont tombees sous leurs coups. Ce massacre d'hommes distingues et inoffensifs est un de ces crimes qui ne meurent point et qui souillent a jamais la memoire de leurs auteurs. Mais, dans l'esprit de carnage et de haine qu'il revele, les communistes ne semblent guere pires que leurs antagonistes.

"Il est presque ridicule, de la part de M. Thiers, de venir denoncer les insurges pour avoir fusille un officier captif au mepris des lois de la guerre.

"Les lois de la guerre! Elles sont douces et chretiennes, comparees aux lois inhumaines de vengeance, en vertu desquelles les troupes de Versailles ont, pendant ces six derniers jours, fusille et dechiquete a coups de bayonnette des prisonniers, des femmes et des enfants!

"Nous n'avons pas un mot a dire en faveur de ces noirs coquins, qui, evidemment, ont premedite la destruction totale de Paris, la mort par le feu de sa population et l'aneantissement de ses tresors. Mais si des soldats se transforment eux-memes en demons pour attaquer des demons, est-il etonnant de voir le caractere demoniaque de la lutte redoubler?

"La fureur a attise la fureur, la haine a envenime la haine, jusqu'a ne plus faire des plus sauvages passions du coeur humain qu'un immense et inextinguible brasier."

Voila, messieurs, les sentiments qu'inspire a l'opinion anglaise ce qui se passe a Paris; voila les sentiments sous l'empire desquels j'ai repondu tantot aux interruptions de la droite.

Je n'ai voulu fletrir que des actes qui seront a jamais fletris dans l'histoire comme le seront ceux des insurges eux-memes.

Je passe a l'expulsion de Victor Hugo. Je n'en dirai qu'un mot, si on veut me laisser la parole en ce moment.

Si j'etais sur de l'exactitude de la conversation que M. le ministre des affaires etrangeres nous a rapportee, comme ayant eu lieu entre M. l'administrateur de la surete publique et M. Victor Hugo, je declare que je ne voterais point l'ordre du jour qui d'abord avait mes sympathies.

On repand partout dans la presse, pour terrifier nos populations, le bruit d'une vaste conspiration dont on aurait saisi les preuves materielles sur des cadavres de membres de la Commune, conspiration ayant pour but de traverser avec l'armee insurrectionnelle le territoire occupe par les troupes prussiennes, afin de porter en Belgique les restes de la Commune expirante, et de l'y ranimer a l'aide des sympathies qu'elle excite pretendument chez nos classes ouvrieres.

Je ne crois pas a cette conspiration, et je ne crois pas non plus aux paroles que l'on prete a M. Hugo dans son entretien avec M. l'administrateur de la surete publique. (Interruption.)

M. le ministre des affaires etrangeres les a-t-il entendues? Ne peut-on, au milieu des passions du moment, au milieu des preoccupations qui hantent legitimement, je le veux bien, l'esprit des ministres et de leurs fonctionnaires, se tromper sur certains details?

Avez-vous un interrogatoire de M. Victor Hugo?

N. D'ANETHAN, ministre des affaires etrangeres. – Oui. [Note: C'est faux]

M. JOTTRAND. – …Signe de lui? Avez-vous la preuve que, pour le triomphe de sa personnalite, il ait ete pret a plonger notre pays dans l'abime de la lutte entre classes?

Si vous pouviez fournir cette preuve, je declarerais que l'expulsion a ete meritee. Mais cette preuve, vous ne pouvez nous la donner; je me defie de vos paroles, et, en consequence, je voterai l'ordre du jour. —

A la suite de cette discussion dans laquelle le ministre et le bourgmestre ont reproduit leurs affirmations mensongeres, dont ferait justice l'enquete judiciaire eludee par le gouvernement belge, la Chambre a vote sur l'ordre du jour propose par M. Defuisseaux.

Elle l'a rejete a la majorite de 81 voix contre 5.

Ont vote pour:

MM. Couvreur.

Defuisseaux.

Demeur.

Guillery.

Jottrand.

* * * * *

A M. LE REDACTEUR DE L'Independance belge.

Bruxelles, 1er juin 1871.

Monsieur,

Je viens de lire la seance de la Chambre. Je remercie les hommes eloquents qui ont defendu, non pas moi qui ne suis rien, mais la verite qui est tout. Quant a l'acte ministeriel qui me concerne, j'aurais voulu garder le silence. Un expulse doit etre indulgent. Je dois repondre cependant a deux paroles, dites l'une par le ministre, l'autre par le bourgmestre. Le ministre, M. d'Anethan, aurait, d'apres le compte rendu que j'ai sous les yeux, donne lecture du proces-verbal d'un entretien signe par moi. Aucun proces-verbal ne m'a ete communique, et je n'ai rien signe. Le bourgmestre, M. Anspach, a dit du recit des faits publie par mon fils: C'est un roman. Ce recit est la pure et simple verite, plutot attenuee qu'aggravee. M. Anspach n'a pu l'ignorer. Voici en quels termes j'ai annonce le fait aux divers fonctionnaires de police qui se sont presentes chez moi: Cette nuit, une maison, la mienne, habitee par quatre femmes et deux petits enfants, a ete violemment attaquee par une bande poussant des cris de mort et cassant les vitres a coups de pierres, avec tentative d'escalade du mur et d'effraction de la porte. Cet assaut, commence a minuit et demi, a fini a deux heures un quart, au point du jour. Cela se voyait, il y a soixante ans, dans la foret Noire; cela se voit aujourd'hui a Bruxelles.

Ce fait est un crime qualifie. A six heures du matin, le procureur du roi devait etre dans ma maison; l'etat des lieux devait etre constate judiciairement, l'enquete de justice en regle devait commencer, cinq temoins devaient etre immediatement entendus, les trois servantes, Mme Charles Hugo et moi. Rien de tout cela n'a ete fait. Aucun magistrat instructeur n'est venu; aucune verification legale des degats, aucun interrogatoire. Demain toute trace aura a peu pres disparu, et les temoins seront disperses; l'intention de ne rien voir est ici evidente. Apres la police sourde, la justice aveugle. Pas une deposition n'a ete judiciairement recueillie; et le principal temoin, qu'avant tout on devait appeler, on l'expulse.

 

Cela dit, je pars.

VICTOR HUGO

Sec.7

A MM. COUVREUR, DEFUISSEAUX, DEMEUR, GUILLERY, JOTTRAND, representants du peuple belge.

Luxembourg, 2 juin 1871.

Messieurs,

Je tiens a vous remercier publiquement; non pas en mon nom, car que suis-je dans de si grandes questions? mais au nom du droit, que vous avez voulu maintenir, et au nom de la verite, que vous avez voulu eclaircir. Vous avez agi comme des hommes justes.

L'offre d'asile qu'a bien voulu me faire, en nobles et magnifiques paroles, l'eloquent promoteur de l'interpellation, M. Defuisseaux, m'a profondement touche. Je n'en ai point use. Dans le cas ou les pluies de pierre s'obstineraient a me suivre, je ne voudrais pas les attirer sur sa maison.

J'ai quitte la Belgique. Tout est bien.

Quant au fait en lui-meme, il est des plus simples.

Apres avoir fletri les crimes de la Commune, j'avais cru de mon devoir de fletrir les crimes de la reaction. Cette egalite de balance a deplu.

Rien de plus obscur que les questions politiques compliquees de questions sociales. Cette obscurite, qui appelle l'enquete et qui quelquefois embarrasse l'histoire, est acquise aux vaincus de tous les partis, quels qu'ils soient; elle les couvre en ce sens qu'elle veut l'examen. Toute cause vaincue est un proces a instruire. Je pensais cela. Examinons avant de juger, et surtout avant de condamner, et surtout avant d'executer. Je ne croyais pas ce principe douteux. Il parait que tuer tout de suite vaut mieux.

Dans la situation ou est la France, j'avais pense que le gouvernement belge devait laisser sa frontiere ouverte, se reserver le droit d'examen inherent au droit d'asile, et ne pas livrer indistinctement les fugitifs a la reaction francaise, qui les fusille indistinctement.

Et j'avais joint l'exemple au precepte en declarant que, quant a moi, je maintenais mon droit d'asile dans ma maison, et que, si mon ennemi suppliant s'y presentait, je lui ouvrirais ma porte. Cela m'a valu d'abord l'attaque nocturne du 27 mai, ensuite l'expulsion en regle. Ces deux faits sont desormais connexes. L'un complete l'autre; le second protege le premier. L'avenir jugera.

Ce ne sont pas la des douleurs, et je m'y resigne aisement. Peut-etre est-il bon qu'il y ait toujours un peu d'exil dans ma vie.

Du reste, je persiste a ne pas confondre le peuple belge avec le gouvernement belge, et, honore d'une longue hospitalite en Belgique, je pardonne au gouvernement et je remercie le peuple. VICTOR HUGO.

Sec.8

En presence des falsifications catholiques et doctrinaires, M. Victor

Hugo a adresse cette derniere lettre a l'Independance belge:

Luxembourg, 6 juin 1871.

Monsieur,

Permettez-moi de retablir les faits.

Le 25 mai, au nom du gouvernement belge. M. d'Anethan dit:

"Je puis donner a la Chambre l'assurance que le gouvernement saura remplir son devoir avec la plus grande fermete et avec la plus grande vigilance; il usera des pouvoirs dont il est arme pour empecher l'invasion sur le sol de la Belgique de ces gens qui meritent a peine le nom d'hommes et qui devraient etre mis au ban de toutes les nations civilisees. (Vive approbation sur tous les bancs.}

"Ce ne sont pas des refugies politiques; nous ne devons pas les considerer comme tels."

C'est la frontiere fermee. C'est le refus d'examen.

C'est contre cela que j'ai proteste, declarant qu'il fallait attendre avant de juger, et que, quant a moi, si le gouvernement supprimait le droit d'asile en Belgique, je le maintenais dans ma maison.

J'ai ecrit ma protestation le 26, elle a ete publiee le 27; le 27, dans la nuit, ma maison etait attaquee; le 30 j'etais expulse.

Le 31, M. d'Anethan a dit:

"Chaque cas special sera examine, et lorsque les faits ne rentreront pas dans le cadre de la loi, la loi ne sera pas appliquee. Le gouvernement ne veut que l'execution de la loi."

Ceci, c'est la frontiere ouverte. C'est l'examen admis. C'est ce que je demandais.

Qui a change de langage? est-ce moi? Non, c'est le ministere belge.

Le 25 il ferme la frontiere, le 27 je proteste, le 31 il la rouvre.

Il m'a expulse, mais il m'a obei.

L'asile auquel ont droit en Belgique les vaincus politiques, je l'ai perdu pour moi, mais gagne pour eux.

Cela me satisfait.

Recevez, monsieur, l'assurance de mes sentiments distingues.

VICTOR HUGO
* * * * *

Depuis le depart de M. Victor Hugo, les journaux liberaux belges ont declare, en mettant le gouvernement belge au defi de dementir le fait, qu'un des chefs de la bande nocturne de la place des Barricades etait M. Kervyn de Lettenhove, fils du ministre de l'interieur.

Ce fait n'a pas ete dementi.

En outre, ils ont annonce que M. Anspach, le bourgmestre de Bruxelles, venait d'etre nomme par le gouvernement francais commandeur de la Legion d'honneur.

* * * * *

Denoument de l'incident belge.

(Voir les notes.)

VI

VIANDEN

Quand M. Victor Hugo, expulse de Belgique, est arrive dans le

Luxembourg, a Vianden, la societe chantante des travailleurs de

Vianden, qui se nomme la Lyre ouvriere, lui a donne une serenade. M.

Victor Hugo a remercie en ces termes:

Mes amis de Vianden,

Vous derangez un peu une idee que je m'etais faite. Cette annee ou nous sommes avait commence pour moi par une ovation, et elle venait de finir par tout le contraire. Cela ne me deplaisait pas; la huee est le correctif de l'applaudissement, la Belgique m'avait rendu ce petit service; et, au point de vue philosophique ou tout homme de mon age doit se placer, je trouvais bon que l'acclamation de Paris eut pour contre-poids la lapidation de Bruxelles. Vous avez trouble cet equilibre, vous renouvelez autour de moi, non ce qu'a fait Bruxelles, mais ce qu'a fait Paris; et cela ne ressemble pas du tout a une huee. L'annee va donc finir pour moi comme elle a commence, par une effusion de bienvenue populaire.

Eh bien, decidement je ne m'en plains pas.

Je vois a votre tete une noble intelligence, M. Pauely Strasser, votre

bourgmestre. C'est un artiste en meme temps qu'un homme politique.

Vianden vit en lui;, depute et bourgmestre, il en est l'incarnation.

Dans cette ville il est plus que le magistrat, il est l'ame.

Je vous felicite en lui et je le felicite en vous.

Oui, votre cordiale bienvenue m'est douce.

Vous etes des hommes des champs, et parmi vous il y a des hommes d'etude, car j'apercois plusieurs maitres d'ecole. C'est la un beau melange. Cette reunion est un echantillon du vrai groupe humain qui se compose de l'ouvrier materiel et de l'ouvrier moral, et qui resume toute la civilisation dans l'embrassement du travail et de la pensee.

J'aime ce pays; c'est la cinquieme fois que j'y viens. Les autres annees, j'y etais attire par ma propre reverie et par la pente que j'ai en moi vers les beaux lieux qui sont des lieux sauvages. Aujourd'hui j'y suis chasse par un coup de vent; ce coup de vent, je le remercie.

Il me replace au milieu de vous.

Agriculteurs et travailleurs, je vous ressemble; votre societe s'appelle la Lyre ouvriere, quel nom touchant et cordial! Au fond, vous et moi, nous faisons la meme chose. Je creuse aussi moi un sillon, et vous dites un hymne aussi vous. Vous chantez comme moi, et comme vous je laboure. Mon sillon, c'est la dure glebe humaine; ma charrue, c'est mon esprit.

Vous venez de chanter des choses tres belles. De nobles et charmantes femmes sont ici presentes, j'ai vu des larmes dans leurs yeux. Ne vous etonnez pas si, en vous remerciant, il y a un peu de tremblement dans ma voix. Depuis quelque temps je suis plus accoutume aux cris de colere qu'aux chants du coeur, et ce que les coleres ne peuvent faire, la sympathie le fait. Elle m'emeut.

Oui, j'aime ce pays de Vianden. Cette petite ville est une vraie figure du progres; c'est un raccourci de toute l'histoire. La nature a commence par la doter; elle a donne au hameau naissant un climat sain, une riviere vivifiante, une bonne terre, des coteaux pour la vigne, des montagnes pour la foret. Puis, ce que la nature avait donne, la feodalite l'a pris. La feodalite a pris la montagne et y a mis un donjon, elle a pris la foret et y a mis des bandits, elle a pris la riviere et l'a barree d'une chaine, elle a pris la terre et a mange la moisson, elle a pris la vigne et a bu le vin. Alors la revolution de France est venue; car, vous savez, c'est de France que viennent les clartes, c'est de France que viennent les delivrances. (Oui! oui!) La revolution francaise a delivre Vianden. Comment? en tuant le donjon. Tant que le chateau a vecu, la ville a ete morte. Le jour ou le donjon est mort, le peuple est ne. Aujourd'hui, dans son paysage splendide que viendra visiter un jour toute l'Europe, Vianden se compose de deux choses egalement consolantes et magnifiques, l'une sinistre, une ruine, l'autre riante, un peuple.

Tout a l'heure, amis, pendant qu'autour de moi vous chantiez, j'ecoutais. Un de vos chants m'a saisi. Il m'a remue entre tous, je crois l'entendre encore. Laissez-moi vous le raconter a vous-memes.

L'orchestre se taisait. Il n'y avait pas d'instruments. La voix humaine avait seule la parole.

Un de vous, que j'apercois et que je salue de la main, etait debout a part et comme en dehors du groupe; mais dans la nuit et sous les arbres on le distinguait a peine. On l'entendait.

Qui entendait-on? on ne savait. C'etait solennel et grand.

Une voix grave parlait dans l'ombre, puis s'interrompait, et les autres voix repondaient. Toutes les voix qui etaient ensemble etaient basses, et la voix qui etait seule etait haute. Rien de plus pathetique. On eut dit un esprit enseignant une foule.

La melopee etait majestueuse. Les paroles etaient en allemand; je ne comprenais pas les paroles, mais je comprenais le chant. Il me semblait que j'en avais une traduction dans l'ame. J'ecoutais ce grand dialogue d'un archange avec une multitude; ce respectueux chuchotement des peuples repondant aux divines explications d'un genie. Il y avait comme un fremissement d'ailes dans la vibration auguste de la voix solitaire. C'etait plus qu'un verbe humain. C'etait comme une voix de la foret, de la nature et de la nuit donnant a l'homme, a tous les hommes, helas! epuises de fatigue, accables de rancunes et de vengeances, satures de guerre et de haine, les grands conseils de la serenite eternelle.

Et au-dessus de tous les fronts inclines, au milieu de tous nos deuils, de toutes nos plaies, de toutes nos inimities, cela venait du ciel, et c'etait l'immense reproche de l'amour.

Amis, la musique est une sorte de reve. Elle propose a la pensee on ne sait quel probleme mysterieux. Vous etes venus a moi chantant; ce que vous avez chante je le parle. Vous m'avez apporte cette enigme, l'Harmonie, et je vous en donne le mot: Fraternite.

Mes amis, emplissons nos verres. Au-dessus des empereurs et des rois, je bois a l'harmonie des peuples et a la fraternite des hommes.

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