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Choix de contes et nouvelles traduits du chinois

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Or, parmi les plantes nombreuses du jardin, les pivoines seules étaient épanouies. On compte cinq espèces remarquables de cette fleur qui est la reine des parterres; ce sont: l'étage d'or, le papillon vert, la richesse du melon d'eau, le lion bleu scintillant, et la tête du grand lion rouge. Mais la ville de Lo-Yang, dans le Ho-Nan, fut la première de l'empire qui posséda la belle variété nommée Yao-Hoang-Kouey (l'Elégant génie doré) dont un seul pied vaut mille des autres.

Peut-être demanderez-vous pourquoi cette ville eut ce privilège? Ecoutez: sous la dynastie des Tang, vivait la reine Wou-Sse-Tien, princesse d'une conduite fort irrégulière. La fantaisie lui prit d'aller se promener pendant l'hiver dans le parc, derrière le palais, et elle écrivit les quatre vers suivants:

 
Demain matin, je me promènerai dans le parc:
Que la chaleur aille rapidement l'annoncer au printemps,
Et que toutes les fleurs s'épanouissent dans une nuit,
Sans attendre que la brise du matin ait soufflé.
 

C'est que la princesse avait la puissance de commander à la nature, et les fleurs n'osant résister à ses ordres, dans une nuit les boutons parurent et s'épanouirent. Le lendemain la reine monta sur son char pour se rendre au parc, et vit mille fleurs de toutes couleurs, de toutes nuances, dont l'éclat éblouissait les regards. La pivoine seule, par un sentiment de dignité, ne consentit pas à flatter bassement la jeune magicienne, qui, quand elle en eût voulu une seule feuille, n'eût pu la trouver. Wou-Sse-Tien, furieuse, se hâta d'exiler la fleur rebelle à Lo-Yang: et voilà pourquoi les pivoines de cette ville lèvent un front radieux parmi toutes celles de l'empire.

Mais revenons à Tsieou-Sien. Les pivoines étaient placées en face de la chaumière, tout autour de la balustrade de pierre qui bordait l'étang; et dans toute la longueur s'élevait un petit appareil en bois, recouvert d'un rideau de toile, destiné à protéger les plantes contre l'ardeur du jour. Les plus hautes tiges avaient bien dix pieds de hauteur, et les plus basses six à sept. Les plus grandes de ces fleurs ressemblaient à un bassin de cuivre rouge; et l'éclat étincelant des couleurs qu'elles reflétaient dans leur ensemble ravissait les regards.

Tous les jeunes gens se récriaient sur la beauté de ces plantes, et Tchang-Oey, pour aller en sentir le parfum, enjamba par-dessus la balustrade de l'étang. Tsieou-Sien surpris et vexé, s'écria aussitôt: Monsieur, restez ici, regardez de loin, et ne passez pas cette barrière. Mais Tchang-Oey, irrité de ce qu'on avait fait des difficultés pour le laisser entrer, cherchait en lui-même l'occasion de se quereller avec le vieux jardinier. A ces mots, il prit un air insultant: Comment donc, dit-il, vous êtes mon proche voisin, vieillard, et vous ne savez pas encore quel homme c'est que Tchang-Yâ-Nouy! Quand vous avez d'aussi belles fleurs, vous venez tout exprès me répondre qu'elles sont passées: je n'ai pas fait de bruit, je suis resté tranquille; vous recommencez à bavarder, et vous voyez que j'ai encore écouté vos observations. Quand j'aurai brisé vos fleurs, il sera beaucoup plus convenable alors de vous acharner à me faire entendre vos discours. Et là-dessus, déterminé à pousser la chose jusqu'au bout, il attira à lui les fleurs et franchit la barrière pour aller en respirer l'odeur de plus près.

Tsieou-Sien, qui était à ses côtés, ressentait une violente colère, mais il n'osait ouvrir la bouche, et se disait à lui-même: qu'il sente donc une bonne fois et qu'il s'en aille. Mais hélas! pouvait-il deviner les intentions de ce méchant homme, qui se plaisant à déployer toute sa malice et se mit à dire: Puisqu'il y a d'aussi belles fleurs, il faut en jouir; il faut boire tout en savourant le parfum et la vue de ce jardin; et sur son ordre, les domestiques se hâtèrent daller chercher du vin. Or le vieillard qui vit ces dispositions, sentit augmenter son inquiétude et sa mauvaise humour: Monsieur, dit-il en s'avançant, le lieu où rampe le limaçon est bien vil, et ce n'est pas un endroit propre à vous recevoir. Sa Seigneurie, après avoir considéré ces fleurs à loisir, peut bien retourner dans sa noble demeure pour y vider son verre. Tchang-Oey, montrant du doigt la terre, répondit: Voilà une excellente place pour s'asseoir. Mais, reprit le vieillard, la terre est inégale et raboteuse, comment sa Seigneurie peut-elle songer à choisir un tel siège! Cela ne fait rien du tout, répliqua le jeune homme, il suffira d'étendre un tapis de feutre pour garantir nos vêtements.

Et déjà le vin et tout ce qu'il fallait pour le repas était arrivé; le tapis fut déplié, et toute la troupe s'assit en cercle, se livrant à mille extravagances, criant et hurlant; ils étaient au comble de la joie, tandis que le pauvre jardinier, assis à côté, les maudissait en silence.

La vue de tant d'arbres et de fleurs poussant et fleurissant en abondance fit naître dans l'esprit de Tchang-Oey une bien mauvaise pensée, celle de s'approprier cette demeure. Jetant donc sur le jardinier un regard oblique et troublé par le vin, il lui dit: Je vois bien, stupide vieillard, que vous ne savez faire autre chose que de planter votre jardin: eh bien! à cause de cela, car je n'y trouve aucun mal, je veux vous récompenser d'un verre de vin. Tsieou-Sien était-il bien disposé à répondre? Sa colère redoublait. Le vieux Chinois, dit-il, n'a point reçu du ciel le talent de boire; que votre Seigneurie daigne l'excuser. Il faut me vendre votre jardin, ajouta brusquement le jeune seigneur? – Ces paroles retentirent bien douloureusement aux oreilles du jardinier; il fut saisi d'effroi. Ce jardin est la vie du vieux Chinois, répondit-il, comment donc consentirais-je à le vendre? Que ce soit votre vie ou non, vendez-le moi, ajouta Tchang. Vous ne sortirez pas d'ici; une fois que je serai retourné dans ma maison de campagne, vous n'aurez rien autre chose à faire que de planter pour mon compte; est-ce que cela ne vous sourit pas? Ah! s'écrièrent tout d'une voix les compagnons du jeune seigneur, quel bonheur pour vous, vieillard, et quand vous obtenez une si rare et si insigne faveur de sa Seigneurie, vous ne vous hâtez pas de lui en témoigner votre reconnaissance!

Tsieou-Sien se sentait cruellement humilié; mais il se résigna et fit quelques pas en avant. Tout à coup la colère paralysa ses bras et ses jambes, et il ne put remuer.

Tchang-Oey ajouta: Quel maudit vieillard! que tu consentes ou non, pourquoi ne me réponds-tu pas? Je vous l'ai dit, reprit alors le jardinier, je ne le vendrai pas, pourquoi prendre la peine de faire cette question? Sottises que tout cela, s'écria le jeune homme; si tu répètes encore que tu ne veux pas vendre ton jardin, je vais écrire un billet, et l'envoyer au préfet du département.»

Le vieillard n'y tenait plus; il avait une furieuse envie d'éclater en injures, mais il songea qu'il avait en tête un homme puissant, qui de plus était ivre. Comment donc espérer de s'entendre? Ainsi, il eut recours à un expédient; et maîtrisant sa colère, il dit: Puisque sa Seigneurie est décidée à acheter, eh bien! soit; mais je demande que l'on m'accorde un jour, ce n'est pas une affaire qui puisse se traiter en une minute, au galop.

Bien, très bien! s'écria toute la bande, c'est à merveille: à demain donc.

Or ils étaient complètement ivres; quand ils se furent levés, les domestiques remportèrent les objets qui avaient servi au repas, et Tsieou-Sien craignant toujours pour ses fleurs, avait la prévoyance de se tenir à côté, tout prêt à les protéger contre Tchang-Oey, qui prenait sa course en avant, dans le but de passer par-dessus le mur de l'étang pour aller cueillir les pivoines. Mais le vieillard l'arrêta: Monsieur, lui dit-il, ces plantes sont peu de chose, à la vérité; cependant, vous ne savez pas combien de travaux elles exigent tout le long de l'année. Aujourd'hui qu'elles ont pu se parer de ces fleurs, ne vous acharnez pas à les détruire: ce serait vraiment une grande pitié. Si vous les cueillez, avant un ou deux jours elles seront toutes fanées. Que ce serait mal de commettre un tel crime! Mais Tchang-Oey reprit d'un ton insultant: Qu'est-ce qu'il appelle un crime? Demain vous vendez, et ces choses là sont à moi; quand je briserais tout, qu'est-ce que cela vous fait? Et il avança la main.

Le vieux jardinier l'arrêta par ses babils, et eût donné sa vie plutôt que de le lâcher. Seigneur, criait-il, assommez le vieux Chinois, tuez-le, mais il ne vous laissera pas arracher ses fleurs.

Quel détestable vieillard, s'écrièrent tous en chœur les amis de Tchang-Oey. Sa Seigneurie cueille des fleurs, qu'y a-t-il donc là de si grave? Parce que vous prenez de grands airs, croyez-vous que vous lui ferez peur et que vous l'en empêcherez; et les voilà tous qui s'en vont en désordre cueillir les pivoines.

Le pauvre vieillard, hors de lui, implorait le secours du ciel; il avait lâché Tchang-Oey, et il prodiguait sa vie pour arrêter le pillage. Mais tandis qu'il attaquait à droite, il ne pouvait avoir l'œil à gauche. En une minute, bien des fleurs avaient été enlevées. Tsieou-Sien, accablé de chagrin, se mit à injurier cette troupe désordonnée: Bandits, canaille, vous franchissez sans motif le seuil de ma porte pour venir m'injurier, me vilipender; vous voulez ce jardin qui est ma vie, et pourquoi faire? Alors s'élançant vers Tchang-Oey, il le pousse avec une violence terrible. Le jeune homme avait trop bu, ses jambes n'étaient pas solides, et il roula à terre la tête la première.

Les amis de celui-ci crièrent à l'infamie; sa Seigneurie est renversée! – Laissant là les fleurs, ils se précipitèrent sur le vieillard pour le frapper. Mais parmi eux se trouvait un homme d'un âge plus mûr, qui songeant aux cinquante ans dont Tsieou-Sien était chargé, craignit que ces fous ne s'exposassent à de fâcheuses affaires en battant un vieillard: il calma ses compagnons. Tchang-Oey était remis sur pied.

 

Mais cette chute n'avait fait que remuer la bile qu'il portait dans le cœur; il court et brise les boutons avec acharnement, le sol en est jonché de toutes parts. Ce n'est pas assez, il saule au milieu des pivoines et les foule aux pieds: quelle pitié! de si belles fleurs!

 
Le vieillard a châtié d'un bras robuste cette troupe ivre et
méchante;
Ces charmantes fleurs ont en un instant cessé d'exister:
Comme si elles eussent péri victimes du vent et de la grêle,
Elles pleuvent en désordre comme un nuage de pourpre,
sans que personne les recueille.
 

Dans son indignation, Tsieou-Sien invoquait le ciel et la terre: tout le jardin était bouleversé. Les voisins entendant les cris et les gémissements qui sortent de l'enclos, s'y rendent en masse, et ils voient cette troupe de scélérats occupés à couvrir la terre de débris de fleurs et de branches. Les habitants du village manifestent leur surprise, s'avancent vers les jeunes gens pour les engager à cesser leur œuvre de destruction, et demandent ce que tout cela veut dire. Au milieu d'eux il y avait deux ou trois fermiers de Tchang-Oey, qui abandonnèrent le parti du vieillard pour celui de ses ennemis; leur premier sentiment s'évanouit, leur colère se calma, et ils accompagnèrent jusqu'à la porte leur maître qui criait: Vous l'avez entendu, ce scélérat de vieillard l'a dit devant vous, il m'a bien cédé son jardin, aussi je l'ai épargné; mais qu'il n'ajoute pas un mot, ou je lui apprendrai à mesurer ses paroles! Et là-dessus il partit en manifestant la haine qu'il avait dans le cœur.

Paroles d'ivrogne, dirent les gens du village qui s'aperçurent bien que le jeune seigneur avait bu, paroles d'ivrogne, dites sans intention! Alors ils retournèrent vers le vieillard et le firent asseoir sur les marches de la cour, cherchant à consoler le pauvre jardinier qui s'abandonnait à l'expression de sa douleur; puis ils prirent congé de lui et eurent l'attention de fermer la porte de l'enclos.

Chemin faisant, les uns, surpris de l'obstination avec laquelle ce vieillard avait toute sa vie refusé l'entrée de son jardin, se mirent à dire: Ce vieux Monsieur est vraiment d'une originalité, d'une bizarrerie inexcusable; voila ce qui lui attire de semblables affaires. L'expérience d'un premier malheur le garantira sans doute d'un second. Cependant d'autres, doués d'une raison plus éclairée, disaient aussi: Ne proférez pas des paroles si opposées aux principes de la justice; les anciens avaient coutume de dire: «La culture demande une année, et la fleur ne se montre que pendant dix jours. » – Le curieux, frappé de leur éclat, s'écrie: Ah! les belles plantes! – et voilà tout. Mais comprend-il tous les soins, toutes les peines de celui qui les a mises en terre? Si vous ignorez les travaux qu'exige cette profession, ne vous étonnez pas au moins que le cultivateur en les voyant enfin couvertes de fleurs, ressente pour elles de la tendresse et de la compassion.

Mais revenons à notre vieillard: il n'avait pu s'éloigner de ses fleurs mortes; courant vers elles, il les recueillit dans sa main et se mit à les examiner avec soin. Il les vit foulées aux pieds, flétries, maltraitées, arrachées de leur tige, salies, souillées de boue. Accablé de douleur, il s'écria: O fleurs que j'ai toute ma vie tant aimées et si bien protégées! Moi qui n'eusse pas voulu toucher une seule de vos feuilles, pouvais-je prévoir le malheur qui vient de fondre sur vous!

Ainsi il se lamentait, lorsque derrière lui se fit entendre une voix humaine qui disait: Tsieou-Sien, qu'as-tu donc à te désoler ainsi? Tsieou-Sien se détourne, et il voit devant lui une jeune fille de seize ans environ, gracieuse et belle, vêtue avec goût et simplicité. Le vieux jardinier ne connaissait nullement cette jeune personne. Il suspend le cours de ses larmes et lui adresse cette question: Qui êtes-vous donc, Mademoiselle, et qu'est-ce qui vous amène ici?

Je suis, répond la jeune fille, votre proche voisine; j'ai appris que vous avez dans votre jardin de magnifiques pivoines en pleine fleur, et je viens tout exprès pour les admirer: il est à croire qu'elles ne sont pas encore fanées. A ce mot de pivoines, Tsieou-Sien se mit à sangloter de nouveau. Quelle triste aventure vous est donc arrivée, demanda la jeune fille, que vous vous désolez ainsi? Et le pauvre jardinier lui raconte les violences exercées par le jeune seigneur. C'est là, reprend-elle en souriant, la cause de vos chagrins! vous serait-il agréable que les fleurs reparussent sur leur tige? Mademoiselle, répond Tsieou, ne vous jouez pas de moi: quand la fleur a quitté la branche, est-il un moyen de l'y replacer? Mes ancêtres, ajouta la jeune inconnue, m'ont transmis un art magique au moyen duquel je puis opérer ce prodige; j'ai réussi toutes les fois que j'en ai fait l'essai.

A ces mots la douleur de Tsieou se changea en joie; et il s'écria; Quoi! est-il bien vrai que vous possédiez cet art surnaturel? Et pourquoi pas, répond la jeune fille? Le vieillard était tombé à ses pieds et lui exprimait ainsi sa reconnaissance: Mademoiselle, daignez employer cet art magique; il sera au-dessus des forces du vieux Chinois de vous en témoigner sa gratitude, mais à chaque fleur qui s'épanouira il ira vous inviter à la venir voir.

A lieu de me remercier ainsi, reprit l'inconnue, allez puiser un peu d'eau. Le vieillard s'empresse d'obéir, mais il lui revient à l'esprit ces pensées: Possède-t-elle cette magique puissance? ah! non – Voyant mes larmes et ma douleur, cette jeune fille est venue se rire de moi: pourtant, elle m'est tout à fait étrangère; qui l'a donc amenée près de moi? Non, elle mérite toute confiance… Et il se hâte d'emplir sa cruche d'une eau limpide, puis retourne la tête; – cependant, la jeune fille a disparu, et toutes les fleurs ont repris leur place sur les tiges, il n'en est pas resté une seule oubliée à terre.

Précédemment, chacune d'elles avait une couleur distincte, et maintenant, il y a cela de changé que la rouge est marbrée, celle d'une nuance plus pâle porte au fond de son disque une teinte foncée; chaque pied réunit les cinq couleurs, et les voilà toutes plus brillantes, plus étincelantes qu'auparavant.

Il y a des vers qui en ont perpétué la mémoire:

 
On dit que ces fleurs ayant été mutilées et traînées dans la
boue,
Une jeune immortelle lui apparut, qui connaissait l'art de
les ressusciter;
Il était plein de foi, il était avancé dans la vertu: aussi
il a su concilier l'affection des objets inanimés.
Les imbéciles, qui se riaient du Fou des fleurs!
 

Partagé entre la joie et une surprise mêlée de crainte, Tsieou s'écrie: Je ne croyais pas que cette jeune demoiselle fût une si habile magicienne! Il faut que je retourne dans le parterre; et, laissant là son eau, il s'avance pour lui adresser ses remerciements. Il fait le tour du jardin, cherche par ici, cherche par là. – Aucune trace de la jeune inconnue! Par où s'en est-elle donc allée, se dit-il à lui-même? – Décidément je vais retourner à la porte, l'attendre au passage, pour lui demander de me communiquer cet art magique. Et il prend sa course vers la porte, mais elle était fermée; et tandis qu il l'ouvre, il aperçoit, assis à l'entrée même, ses deux voisins de droite, Hou-Kong et Tan-Lao, occupés à regarder les pêcheurs du village qui faisaient sécher leurs filets au soleil.

Dès qu'ils voient le jardinier, les deux vieillards se lèvent et le saluent, en disant: Nous avons appris l'injustice que Tchang-Oey a commise à votre égard; comme nous nous rendions aux champs, nous n'avons pas pu nous informer des détails de cette affaire.

Oh! n'en parlons plus, reprit Tsieou-Sien; j'ai eu à souffrir les mauvais traitements d'une troupe de débauchés insolents, mais il est venu une jeune demoiselle qui, à l'aide d'un secret magique, a su tout rétablir; et elle est partie avant que j'aie pu lui adresser une parole de remerciement. Vous avez dû voir, vous autres, de quel côté elle est passée.

Ces paroles étonnèrent singulièrement les deux voisins: A-t-il jamais existé de moyen d'opérer un pareil prodige, s'écrièrent-ils? Et quand dites-vous que cette jeune fille s'en est allée? – A l'instant même, répondit Tsieou. – Nous étions très bien placés pour la voir sortir, et personne n'a remué par ici: quelle jeune fille avez-vous donc vue? Cette réponse jeta quelque hésitation dans l'esprit du vieux jardinier. Puisque c'est ainsi, pensa-t-il, ce ne peut être qu'un esprit immortel qui est descendu du ciel. Mais comment donc a-t-elle remis vos fleurs sur leur tige, demandèrent les deux amis? Tsieou-Sien leur raconta ponctuellement tout ce qui était arrivé; et ceux-ci, avouant qu'il y avait là-dedans quelque chose de surnaturel, demandèrent à aller s'assurer du prodige par leur propres yeux.

Ils s'avancent donc et leur stupeur redouble. Cette jeune fille est bien un esprit, car quel mortel peut jamais opérer de si grands miracles par le secours de la magie.

Tsieou avait allumé du feu et brûlait des parfums choisis pour remercier le ciel; pendant qu'il se prosternait humblement, ses deux amis lui dirent: L'ardente affection que vous avez toujours témoignée aux fleurs est ce qui a déterminé les immortels à descendre vers vous. Si demain on faisait en sorte que les mauvais sujets de la compagnie de Tchang-Oey, informés de ce qui s'est passé, vinssent ici, ils en mourraient de honte! Non, non, répartit le vieillard, ces gens-là sont comme des chiens hargneux, qu'il faut fuir du plus loin qu'on les voit; à quel propos les attirer encore ici? Et les deux voisins trouvèrent qu'il avait grandement raison.

Dans l'excès de sa joie, Tsieou-Sien fit chauffer de nouveau le vin qu'il avait apporté, et retint près de lui ses deux amis, qui, après avoir joui du spectacle des fleurs jusqu'au soir, s'en retournèrent au village, racontant l'événement du jour. Tout le monde en fut promptement informé, et le lendemain bien des gens avaient envie de venir voir, mais ils craignaient de ne pas obtenir la permission d'entrer; car ils ignoraient que Tsieou était un homme d'un sens profond. S'étant vu ainsi favorisé des immortels, sa pensée prit son vol au-dessus des choses de la terre. Assis pendant toute la nuit à côté de ses pivoines, il repassa plusieurs fois dans son souvenir l'aventure de Tchang-Oey, et son esprit ayant été soudainement éclairé, il se dit: Je gardais toutes ces choses renfermées dans mon sein, je les couvais des yeux depuis bien des années; c'est là sans doute ce qui a attiré sur elles ce malheur arrivé du dehors. Mais si les immortels les protègent, eux dont le pouvoir est immense, sans bornes, il n'y a plus de motifs pour fermer ma porte. Et dès le lendemain matin il l'ouvrit à deux battants.

Ceux qui étaient déjà venus pour savoir quelque nouvelle, trouvèrent le vieillard assis devant ses fleurs; et ils furent accueillis par lui avec ces paroles: Entrez, Messieurs, entrez, venez voir, mais gardez-vous de toucher à rien. Ceux-ci se hâtèrent de faire connaître partout les bonnes dispositions de Tsieou, et les habitants du village, hommes et femmes, se rendirent tous jusqu'au dernier dans son enclos.

Mais nous les laisserons se promener, et nous reviendrons à Tchang-Oey, qui le lendemain, voyant ses amis assemblés, leur dit: Hier ce vieux brigand m'a culbuté, est-ce un affront qu'on oublie si vite? il faut retourner à l'instant, exiger de lui ce jardin; s'il refuse, je laisserai quelques valets qui arracheront fleurs et arbustes, et en feront un grand feu: ma colère pourra ainsi être satisfaite. Etant votre si proche voisin, répondirent les jeunes gens, il n osera faire des difficultés; seulement, au lieu de briser hier toutes les fleurs, il fallait en laisser quelques-unes, et dans deux ou trois jours, nous n'eussions pas manqué de revenir. Si vous le prenez ainsi, reprit le jeune seigneur, l'an prochain aussi il y en aura d'autres; partons donc de suite, afin qu'il n'ait pas le temps de se revoir. Et toute la troupe se mit en marche.

Mais dès la porte de la ferme, ils entendirent raconter le prodige opéré dans l'enclos, l'apparition de la jeune immortelle, la résurrection des plantes. Tchang-Oey n'en croyait pas un mot. Vraiment, disait-il, ce vieux scélérat a le pouvoir de faire descendre les esprits à sa voix! Eh bien! allons sans perdre une minute, courons détruire de nouveau ses plantes, et les esprits viendront! Est-ce qu'il a des esprits à son service? Il est évident que, dans la crainte d'une seconde visite de notre part, il s'est plu à faire répandre le bruit que les immortels le protègent; c'est pour nous empêcher d'aller le tourmenter. Bravo! sa Seigneurie a parfaitement raison, cria en chœur toute la bande. Les voilà donc qui se hâtent d'arriver au jardin.

 

En effet, les portes grandes ouvertes laissaient une libre entrée aux gens du voisinage qui s'y promenaient à leur gré, exactement comme on l'avait raconté. C'est cependant bien vrai, dirent alors les amis de Tchang. – Et qu'importe! répondit celui-ci; si les immortels ont apparu dans ce jardin, et s'ils y habitent, certes il n'en est que plus désirable. Ayant donc marché, tourné de côté et d'autre jusqu'en face de sa cabane, il est convaincu par un regard qu'il n'a pas été dit un mot qui ne fût vrai; car ces fleurs étaient surprenantes, extraordinaires: à la vue des promeneurs, elles augmentaient encore leur éclatante beauté, leur splendeur était doublée, elles semblaient sourire aux passants.

Malgré l'étonnement mêlé d'effroi dont il était frappé, Tchang-Oey n'avait en rien du tout changé d'avis, il désirait toujours se rendre maître de ce lieu; et après l'avoir regardé une fois encore, une mauvaise pensée s'empara soudainement de son esprit, il rappela sa troupe: Allons-nous-en, dit-il. Et tous sortirent sur ses pas. Eh quoi! lui demandèrent ses amis, est-ce que votre Seigneurie n'a plus de goût pour ce jardin? J'ai un plan, répondit le jeune homme, un bon plan qu'il est inutile de vous exposer ici. Demain ce jardin doit être à moi. – Mais quel est donc ce fameux plan? – Le voici, reprit Tchang-Oey. Je viens d'apprendre que Wang-Sse de Pey-Tcheou, en pleine révolte contre l'empereur, a eu recours aux sortilèges: le ministre de la guerre a envoyé une circulaire qui ordonne de réprimer sévèrement les mauvaises doctrines, tant à l'armée que dans les départements, et d'emprisonner ceux qui s'adonnent à la magie. Le préfet de ce district a même promis 3,000 tsien8 de récompense, pour encourager les délations. Ce qui s'est passé hier dans le jardin de Tsieou-Sien me servira de texte. J'envoie mon affidé, Tchang-Pe, au palais, dénoncer cet individu comme pratiquant la magie; le vieux jardinier est torturé avec la dernière rigueur, il avoue: on le jette en prison, l'enclos est vendu au profit de l'état. Qui osera l'acheter? personne: il m'est donc dévolu, et de plus j'ai trois mille tsien de récompense.

Les amis de Tchang approuvèrent très fort le plan de sa Seigneurie. Il était urgent de s'occuper de le réaliser; ayant donc pris toutes les mesures, ils allèrent à l'instant même à la ville pour y dresser leur accusation, que le lendemain Tchang-Pe eut ordre d'aller présenter au préfet de Ping-Kiang. Or, ce Tchang-Pe, le plus intelligent, le plus rusé des subordonnés de la maison Tchang, était aussi très versé dans les intrigues du palais: voilà pourquoi on le chargeait de cette affaire.

Le juge suprême était précisément occupé à poursuivre les sorciers. En apprenant cette histoire dont tout le village avait été témoin, il ne put se refuser d'y croire, et envoya à l'instant même des satellites et des alguazils qui emmenèrent avec eux d'autres affidés du palais; quant à Tchang-Pe, il devait aller en avant donner le coup-d'œil, entrer le premier pour saisir le coupable. Tchang-Oey, grâce à quelques largesses, disposa toute l'affaire selon ses vues, et laissant Tchang-Pe passer le premier avec les alguazils, il se tint à l'arrière-garde avec ses amis.

Le chef des recors pénétra dans le jardin: Tsieou-Sien, persuadé que c'était un amateur venu pour contempler ses pivoines, n'y prit pas garde. Mais toute la bande courut sur lui en poussant des cris, et on le garrotta comme un malfaiteur. Le vieillard criait aussi de toute sa force: Quel crime a donc commis le vieux Chinois, Messieurs? j'espère que vous le lui ferez au moins savoir! – Mais les sbires le chargeaient d'imprécations, l'appelant sorcier, bandit, et sans autre explication, ils l'entraînèrent hors du jardin.

A cette vue, les voisins frappés de stupeur, accoururent en foule pour connaître la cause de cette conduite. – Qu'est-ce que vous demandez? leur répondit le chef de l'escouade; son crime n'est pas léger, et peut-être même que, vous autres habitants du village, vous en avez votre part. Les paysans stupides, effrayés par ces grands mots, n'eurent plus dans le cœur que de la crainte au lieu de zèle; et ils se dispersèrent précipitamment, redoutant encore de se trouver compromis. Hou-Kong et Tan-Lao, amis intimes et de vieille date du pauvre jardinier, se hasardèrent seuls à suivre de bien loin pour voir où tout cela devait aboutir.

Or, Tchang-Oey, resté en arrière avec les siens, attendit que le propriétaire fût sorti, et s'étant assuré par une inspection minutieuse qu'il n'y avait plus personne dans le jardin, il en ferma la porte, et se rendit en hâte au tribunal.

Le commandant des alguazils avait fait mettre le vieillard à genoux au milieu de la salle. Le pauvre Tsieou, prosterné sur les dalles, regardait tout autour de lui, et ne rencontrait pas un visage connu, mais il ignorait que les geôliers, soudoyés par son ennemi, s'apprêtaient à le torturer! En effet, ils apportèrent les instruments de supplice et attendirent.

Le grand-juge commença son interrogatoire d'une voix menaçante: – Quel audacieux sorcier êtes-vous donc, vieillard, pour avoir osé dans ce pays abuser les cent familles par des artifices magiques? Si vous avez des complices, avouez-le sincèrement. Celui qui au milieu de l'obscurité entend éclater une bombe, sans savoir d'où elle est venue, n'est pas plus surpris que ne le fut Tsieou-Sien, en entendant ces mots. Il répondit donc pour s'excuser: J'ai toute ma vie habité le village de Tchang-Yo; il ne s'y trouve point de sorciers comme il peut y en avoir ailleurs; je ne sais vraiment pas de quels artifices magiques il est question. Mais ces jours passés, ajouta le juge, vous avez employé la magie pour remettre sur la tige les fleurs brisées, et vous avez le front de nier!

Le texte de l'accusation fit voir clairement au vieillard que le trait avait été lancé par Tchang-Oey; il raconta donc en détail la manière dont son ennemi s'était comporté dans l'intention de s'emparer du jardin, et la visite de la jeune immortelle. Mais il ne songeait pas que le juge était trop obstiné pour ajouter foi à ce récit. Combien de gens, reprit le magistrat, en souriant, ont respecté les immortels et pratiqué la vertu sans avoir pu réussir à obtenir la visite des esprits; et vous, parce que vous avez pleuré vos fleurs, voilà qu'un être céleste consent à descendre du ciel. Au moins en partant il eût dû laisser son nom, afin qu'on pût le connaître! Est-ce qu'il s'en est allé sans faire d'adieux? Celui qui cherche à tromper par des paroles aussi artificieuses est bien évidemment un magicien; cela va sans se dire.

Aussitôt s'étançant des deux côtés, les geôliers répondent tous ensemble à la voix du juge; pareils à une troupe de tigres, ils entourent brusquement le prisonnier, et vont lui serrer les pieds et les mains. Ils étaient sur le point de commencer la torture, lorsque le juge, saisi d'un étourdissement subit, faillit rouler au bas du tribunal; sa tête et ses yeux sont troublés par des vertiges; il ne peut demeurer sur son siège. Il ajourne donc au lendemain la suite de l'affaire, après avoir ordonné aux geôliers de conduire en prison le patient, chargé de la cangue.

Tsieou-Sien, pleurant et sanglotant, s'en allait donc en prison sous l'escorte des gardiens, lorsque Tchang-Oey se présente à ses regards. Seigneur Tchang, s'écrie-t-il, je ne vous ai jamais, avant ce jour, donné aucun sujet de me haïr; je n'ai jamais été votre ennemi: pourquoi donc m'accabler de la sorte, et pourquoi chercher à m'arracher la vie? Mais le jeune seigneur, sans répondre, se joignit à Tchang-Pe et au reste de la bande, fit une pirouette et s'en alla.

8Environ 22,500 francs.
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