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La vie de Rossini, tome II

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Comme cantatrice, madame Pasta est trop jeune pour avoir pu voir à la scène la Todi, Pacchiarotti, Marchesi ou Crescentini; elle n'a même jamais eu, ce me semble, l'occasion de les entendre au piano; et pourtant les dilettanti qui ont entendu ces grands artistes s'accordent à dire qu'elle semble leur élève. Elle n'a d'obligation pour le chant qu'à madame Grassini, avec laquelle elle a chanté pendant une saison à Brescia106.

CHAPITRE XXXVI
LA DONNA DEL LAGO

On peut dire qu'à Naples, après l'Élisabeth, les pièces de Rossini n'ont réussi qu'à force de génie. Son principal mérite était d'avoir un style différent de celui de Mayer et des autres compositeurs savants et sans idées qui l'avaient précédé. Dans le genre ennuyeux de l'opéra séria, il portait une vie inconnue avant lui. Peut-être, sans le mécontentement public contre Barbaja et tout ce qui tenait à son entreprise, Rossini se serait-il négligé. Je l'ai vu se trouver mal à cause des sifflets. C'est beaucoup pour un homme en apparence si indifférent, et d'ailleurs si sûr de son mérite. C'était à la première représentation de la Donna del Lago, opéra tiré d'un mauvais poëme de Walter Scott.

Ce jour-là, le premier sentiment fut de plaisir. La première décoration représentait un lac solitaire et sauvage du nord de l'Écosse sur lequel la Dame du Lac, fidèle à son nom, se promène seule dans une barque qu'elle dirige elle-même. Cette décoration était un chef-d'œuvre. Toutes les imaginations furent transportées en Écosse et prêtes à s'occuper d'aventures ossianiques. Mademoiselle Colbrand, tout en faisant voguer sa barque avec beaucoup de grâce, chanta son premier air, et fort bien. Le public mourait d'envie de siffler, mais il n'y avait pas moyen. Le duetto qui suit avec Davide fut chanté avec beaucoup d'art. Enfin Nozzari parut; il entrait par le fond de la scène, qui, ce soir-là, se trouvait à une distance vraiment prodigieuse de la rampe. Son rôle commençait par un port de voix. Il donna un éclat de voix magnifique, et d'une force à être entendu de la rue de Tolède; mais comme lui-même, du fond de la scène, n'entendait pas l'orchestre, ce port de voix se trouva à un quart de ton peut-être au-dessous de ce qu'il devait être. Je me rappelle encore le cri soudain du parterre et sa joie d'avoir un prétexte pour siffler. Une ménagerie de lions rugissants à qui l'on ouvre les barreaux de leur cage, Éole déchaînant les vents en furie, rien ne peut donner une idée, même imparfaite, de la fureur d'un public napolitain offensé par un son faux, et trouvant une juste raison pour satisfaire une vieille haine.

L'air de Nozzari était suivi de l'apparition d'une quantité de bardes, qui viennent animer à la guerre l'armée écossaise qui marche au combat. Rossini avait eu l'idée de lutter avec les trois orchestres du bal de Don Juan; il avait divisé son harmonie en deux parties, savoir, le chœur des bardes, et la marche militaire avec accompagnement de trompettes qui, après avoir paru séparément, sont entendues en même temps107. Ce jour (4 octobre 1819) était un jour de gala; le théâtre était illuminé, la cour n'y était pas; rien ne pouvait retenir l'extrême gaieté des jeunes officiers qui remplissent par privilège les cinq premières banquettes du parterre, et qui avaient bu à la santé du roi en sujets loyaux et fidèles. L'un de ces messieurs, au premier son des trompettes, se mit à imiter, avec sa canne, le bruit d'un cheval au galop. Le public saisit cette idée, et à l'instant le parterre est plein de quinze cents écoliers qui imitent de toutes leurs forces et en mesure le bruit d'un cheval au galop. Les oreilles du pauvre maître de musique ne purent tenir à un tel tapage, il se trouva mal.

La même nuit, pour tenir un engagement contracté quelque temps auparavant, il dut monter en voiture et courir en toute hâte à Milan. Quinze jours après, nous sûmes qu'en arrivant à Milan, et sur toute la route, il avait répandu la nouvelle que la Donna del Lago était allée aux nues. Il croyait mentir, et il doit, avoir tous les honneurs du mensonge; cependant il disait vrai. Le 5 octobre, le public si éclairé de Naples avait senti toute l'étendue de son injustice; il applaudit l'opéra comme il mérite de l'être, c'est-à-dire avec transport. On avait diminué de moitié le nombre des trompettes qui accompagnaient les bardes, et qui, le premier soir, étaient réellement assourdissantes.

Je me souviens que nous autres bonnes gens, nous disions le soir du 5 octobre, à la soirée de la princesse de Belmonte: «Au moins si ce pauvre Rossini pouvait savoir son succès en route, il serait consolé! quel triste voyage il va faire!» Nous avions oublié le gasconisme du personnage.

Si je n'étais pas honteux de la grosseur démesurée de la présente brochure, je hasarderais une analyse suivie de la Donna del Lago. C'est un ouvrage plutôt épique que dramatique. La musique a vraiment une couleur ossianique et une certaine énergie sauvage extrêmement piquante. Après la chute du premier jour, on ne se lassa pas d'applaudir la cavatine et duetto

O matutini albori,

chanté par Davide et mademoiselle Colbrand. Il y règne une fraîcheur et une bonne foi de sentiment d'un effet délicieux.

Le chœur de femmes

D'Inibaca donzella,

le petit duetto

Le mie barbare vicende,

de Davide et mademoiselle Colbrand, l'air

O quante lagrime!

de mademoiselle Pisaroni, sont des chefs-d'œuvre.

Le finale est extrêmement remarquable et vraiment original.

On admira dans le second acte le terzetto

Alla ragion deh'ceda!

et l'air

Ah si pera,

de mademoiselle Pisaroni, à qui cet opéra valut le rang de cantatrice du premier ordre.

Les passions sont moins vives dans cet opéra que dans Otello, mais les cantilènes me semblent plus belles. Le chant est en général plus spianato, plus simple; par exemple, l'air délicieux et si tendre:

Ma dov'è colei che accende?

Les dilettanti de Naples jugèrent que, dans la Donna del Lago, Rossini avait fait un pas pour revenir au style de sa première jeunesse, au système dans lequel sont écrits l'Inganno felice, et le Demetrio; sur quoi je ferai observer que Demetrio e Polibio et surtout Tancrède sont écrits dans le style qui, à mes yeux, est le plus beau, dans le mélange proportionnel de mélodie et d'harmonie le plus favorable pour l'effet; ce qui ne veut nullement dire que Tancrède présente les meilleures idées possibles, et que ce soit le meilleur opéra de Rossini. Il acquit depuis plus de profondeur et d'énergie, mais ses idées sont un peu déparées par les effets d'un faux système.

CHAPITRE XXXVII
DE HUIT OPÉRAS DE ROSSINI

Il y a plusieurs opéras de Rossini desquels je dirai fort peu de chose; je ne les ai jamais vus, ou bien ils sont inconnus à Paris.

Le chant

O crude stelle!

d'Adelaïde di Borgogna joué à Rome en 1818, est admirable comme faisant beaucoup de plaisir et comme peignant juste le désespoir dans un cœur de seize ans (le désespoir de miss Ashton de Walter Scott). – Quel sens peut avoir une telle phrase pour le lecteur, qui voit peut-être pour la première fois le nom d'Adelaïde di Borgogna?

L'Armida fut donnée à Naples pendant l'automne de 1817. Nozzari faisait Renaud, et mademoiselle Colbrand Armide. L'opéra eut un brillant succès; on y trouve un des plus beaux duetti de Rossini, peut-être le plus célèbre de tous:

Amor, possente nome

L'extrême volupté qui, aux dépens du sentiment, fait souvent le fond des plus beaux airs de Rossini, est tellement frappante dans le duetto d'Armide, qu'un dimanche matin qu'il avait été exécuté d'une manière vraiment sublime au Casin de Bologne, je vis les femmes embarrassées de le louer. On dirait que ce duetto est d'un commençant; il y a des longueurs vers la fin de la première partie. Malgré son grand succès à Naples, il ne paraît pas que cet opéra ait été donné sur d'autres théâtres. L'auteur du libretto laisse languir l'intérêt, et il a gâté d'une manière pitoyable le beau récit du Tasse. Il y a de beaux chœurs.

 

Ricciardo e Zoraïde (automne 1818). Davide, Nozzari et mademoiselle Colbrand. Le libretto est du feu marquis Berio, l'un des hommes les plus aimables de Naples; c'est un morceau du poëme de Ricciardetto; les noms seuls sont changés. J'ai peu vu cet opéra, je me souviens seulement d'un fort grand succès. On applaudit beaucoup, au premier acte, le duetto de mesdemoiselles Colbrand et Pisaroni,

In van tu fingi, ingrata!

le terzetto entre les mêmes cantatrices, et Nozzari,

Cruda sorte,

la cavatine de Davide,

Frena, o ciel!

et dans le second acte, le duetto,

Ricciardo che vega?

Le style est magnifique, oriental, passionné; cet opéra n'a point d'ouverture108. Ce genre de travail contrarie Rossini, qui prouve par de beaux raisonnements qu'il ne faut pas d'ouvertures.

L'Ermione, 1819, n'eut qu'un succès partiel; on n'applaudit que certains morceaux. C'était un essai, Rossini avait voulu tenter le genre de l'opéra français.

Maometto secondo, 1820. Je n'ai pas vu cet opéra. On m'écrivit dans le temps qu'il avait du succès. Il y a des morceaux d'ensemble fort remarquables. Le libretto, est ce me semble, de M. le duc de Ventignagno qui passe à Naples pour le premier faiseur de tragédies du royaume. Galli fut superbe dans le rôle de Maometto.

Metilde di Shabran. Rome, 1821. Au théâtre d'Apollo, la jolie Liparini était prima donna. Libretto exécrable et jolie musique. Tel fut le jugement du public.

Zelmira, jouée à Naples en 1822, a fait fureur à Vienne comme à Naples. Rossini, dans cet opéra, s'est éloigné le plus possible du style de Tancrède et de l'Aureliano in Palmira; c'est ainsi que Mozart, dans la Clémence de Titus, s'est éloigné du style de Don Giovanni. Ces deux hommes de génie ont marché en sens inverse. Mozart aurait fini par s'italianiser tout à fait. Rossini finira peut-être par être plus allemand que Beethoven. J'ai entendu chanter Zelmire au piano; mais ne l'ayant pas vue au théâtre, je n'ose en juger.

Le degré de germanisme de Zelmire n'est rien en comparaison de la Semiramide que Rossini a donnée à Venise en 1823. Il me semble que Rossini a commis une erreur de géographie. Cet opéra, qui, à Venise n'a évité les sifflets qu'à cause du grand nom de Rossini, eût peut-être semblé sublime à Koenigsberg ou à Berlin; je me console facilement de ne l'avoir pas vu au théâtre; ce que j'en ai entendu chanter au piano ne m'a fait aucun plaisir109.

La Donna del Lago, Ricciardo e Zoraïda, Zelmira, Semiramide et quelques autres opéras de Rossini ne peuvent pas se donner à Paris, à cause du manque d'une voix de contralto assez habile pour pouvoir chanter la musique écrite pour mademoiselle Pisaroni110.

Je ne conseillerais pas d'essayer ces opéras à Louvois. Les plus beaux morceaux ont été intercalés dans d'autres pièces; par exemple, l'air de la Donna del Lago,

Oh! quante lagrime,

placé par madame Pasta dans Otello; peut-être aussi que la musique de ces opéras semblerait faible après Otello et Mosè.

Je me hâte d'ajouter que je n'entends nullement parler de la Donna del Lago, partition originale et superbe dans laquelle, pour la première fois de sa vie peut-être, Rossini a été inspiré par son libretto. Cet opéra triompherait de tous les obstacles, mais il faut des décorations faites par des peintres arrivant d'Italie. Les scene ridicules que nous venons de voir à la reprise des Horaces, amèneraient une chute complète pour la Donna del Lago, qui exige un peu l'illusion des yeux. Il faut d'ailleurs un grand théâtre à cause des évolutions militaires et des chœurs de bardes. Au génie près, cet opéra est comme les Bardes de M. Lesueur.

Nous eûmes à Naples, en 1819 je crois, une messe de Rossini, qui employa trois jours à donner l'apparence de chant d'église à ses plus beaux motifs. Ce fut un spectacle délicieux; nous vîmes passer successivement sous nos yeux, et avec une forme un peu différente qui donnait du piquant aux reconnaissances, tous les airs sublimes de ce grand compositeur. Un des prêtres s'écria au sérieux: «Rossini, si tu frappes à la porte du paradis avec cette messe, malgré tous tes péchés saint Pierre ne pourra pas s'empêcher de t'ouvrir.» Ce mot est délicieux en napolitain à cause de sa grotesque énergie.

CHAPITRE XXXVIII
BIANCA E FALIERO

Nous avons vu Rossini quitter Naples au bruit des sifflets, dans la nuit du 4 octobre 1819. Le 26 décembre de la même année, il fit représenter à Milan Bianca e Faliero. C'est à peu près le sujet du comte de Carmagnola, tragédie de M. Manzoni111. La scène est à Venise. Le conseil des Dix condamne à mort un jeune général dont il se défie parce qu'il est vainqueur; mais Faliero est aimé de Bianca, la fille du doge. Madame Camporesi chanta supérieurement le rôle de Bianca; celui de Faliero était rempli par madame Carolina Bassi, la seule cantatrice qui approche un peu de madame Pasta. La décoration représentant la salle du conseil des Dix fut d'une vérité parfaite. On se sentait frémir au milieu de la magnificence dans cette salle immense et sombre, tendue en velours violet, et éclairée seulement par quelques rares bougies dans des flambeaux d'or. On se voyait en présence du despotisme tout-puissant et inexorable. Notre insensibilité ou notre pauvreté a beau dire, de belles décorations sont le meilleur commentaire de la musique dramatique; elles décident l'imagination à faire les premiers pas dans le pays des illusions. Rien ne dispose mieux à être touché par la musique que ce léger frémissement de plaisir que l'on sent à la Scala au lever de la toile, à la première vue d'une décoration magnifique.

Celle de la salle du Conseil des Dix, dans Bianca e Faliero, était un chef-d'œuvre de M. Sanquirico. Quant à la partition de Rossini, tout était réminiscence; il ne fut pas applaudi, il fut presque sifflé. Le public se montra sévère; un air fort difficile et chanté avec une perfection froide par madame Camporesi, ne le désarma pas. Cet air fut appelé l'air de guirlande, parce que Bianca le chante en tenant une guirlande à la main. Il n'y eut qu'un morceau neuf dans Bianca e Faliero, le quartetto; mais ce morceau et le trait de clarinette surtout, sont au nombre des plus belles inspirations qu'aucun maître ait jamais eues. Je le dis hardiment, et si ce n'est avec vérité, du moins avec une pleine conviction, il n'y a rien dans Otello ou dans la Gazza ladra de comparable à ce quartetto; c'est un moment de génie qui dure dix minutes. Cela est aussi tendre que Mozart, sans être aussi profondément triste. Je mets hautement ce quartetto au niveau des plus belles choses de Tancrède ou de Sigillara.

A peine ce morceau avait-il paru, qu'on le plaça dans la musique d'un ballet joué au même théâtre. Le même public l'entendit ainsi pendant six mois de suite, tous les soirs, sans en être jamais rassasié; toujours à ce moment l'on faisait silence.

Lorsque je redoute d'avoir placé quelques exagérations dans le présent livre sur la musique, je n'ai qu'à me chanter la cantilène de ce quartetto, et aussitôt je me sens plein de courage; une voix intérieure me dit: Tant pis pour ceux qui ne sentent pas ainsi. Pourquoi prennent-ils un livre qui n'est pas fait pour eux?

CHAPITRE XXXIX
ODOARDO E CRISTINA

L'année qui précéda Bianca e Faliero, Rossini avait joué un bien mauvais tour à un impresario de Venise; le public de Milan ne l'ignorait pas, et la crainte d'applaudir de la vieille musique fut pour beaucoup dans le froid accueil fait à Bianca. Au printemps de 1819, l'impresario du théâtre de San Benedetto à Venise, avait engagé Rossini moyennant quatre ou cinq cents sequins; prix énorme en Italie. Le libretto que l'impresario envoya à Naples était intitulé: Odoardo e Cristina.

Rossini, amoureux fou alors de mademoiselle Chomel, ne se détermina à quitter Naples que quinze jours avant celui où le théâtre de Venise devait ouvrir. Pour faire prendre patience à l'impresario, il lui avait expédié de temps à autre quantité de beaux morceaux de musique. A la vérité les paroles étaient un peu différentes de celles qu'on avait envoyées de Venise; mais qui fait attention aux paroles d'un opéra seria? C'est toujours felicita, felice ognora, crude stelle, etc., et à Venise personne ne lit un libretto serio, pas même, je crois, l'impresario qui le paie. Rossini parut enfin, neuf jours seulement avant la première représentation. L'opéra commence, il est applaudi avec transport; mais par malheur il y avait au parterre un négociant napolitain qui chantait le motif de tous les morceaux avant les acteurs. Grand étonnement des voisins. On lui demande où il a entendu la musique nouvelle. «Hé! ce qu'on vous joue, leur dit-il, c'est Ricciardo e Zoraïda et Ermione que nous avons applaudis à Naples il y a six mois; je me demande seulement pourquoi vous avez changé le titre. De la plus belle phrase du duetto de Ricciardo,

Ah! nati in ver noi siamo,

Rossini en a fait la cavatine de votre opéra nouveau; il n'a pas même changé les paroles.»

Dans l'entr'acte et pendant le ballet, cette nouvelle fatale se répand bien vite au café, où les premiers dilettanti du pays étaient occupés à motiver leur admiration. A Milan, la vanité nationale eût été furibonde; à Venise on se mit à rire. Le charmant Ancillo (poëte célèbre) fit sur-le-champ un sonetto sur le malheur de Venise et le bonheur de mademoiselle Chomel. Cependant l'impresario, furieux, et que ce bruit fatal allait ruiner, cherche Rossini; il le trouve: «Que t'ai-je promis? lui répond celui-ci d'un grand sang-froid, de te faire de la musique qui fût applaudie. Celle-ci a réussi, e tanto basta. Au reste, si tu avais le sens commun, ne te serais-tu pas aperçu, aux bords des cahiers de musique tout roussis par le temps, que c'était de vieille musique que je t'envoyais de Naples? Va, pour un impresario qui doit être fripon et demi, tu n'es qu'un sot.»

 

De la part de tout autre, cette réponse eût mérité un coup de stylet; mais l'impresario aimait la musique. Ravi de celle qu'il venait d'entendre pour la première fois, il pardonna les faiblesses de l'amour à un homme de génie112.

Cette idée expéditive qui vint à Rossini pour Venise n'était que le parti extrême de sa manière de faire. L'essentiel pour lui, depuis quelques années, c'est de donner ses opéras en des lieux différents; il y ajoute alors un ou deux morceaux réellement nouveaux; tout le reste n'offre qu'une forme nouvelle donnée à d'anciennes idées. C'est ainsi que le sentiment de la nouveauté, si essentiel au beau musical, manque souvent au dilettante instruit en entendant cette musique d'ailleurs si piquante et si vive.

De là l'extrême difficulté de répondre à cette question: Quel est le plus bel opéra de Rossini?

Je laisse à part la question de la préférence que l'on peut accorder à la simplicité du style de Tancrède sur le luxe et les roulades changées en motifs du style de Ricciardo e Zoraïde.

Dans l'ouverture du Barbier, il y a un petit passage fort agréable. Hé bien! ce motif est déjà dans Tancrède, et Rossini l'a repris plus tard dans Élisabeth. A cette dernière fois, il en a fait un duetto, et c'est celle des trois tentatives où il a le mieux réussi. C'est donc sous la forme de duetto qu'il faut avoir le bonheur de rencontrer cette charmante idée pour la première fois; mais il faut implorer le hasard. Si vous l'avez déjà vue dans le Barbier ou dans Tancrède, il se peut très bien que le duetto vous impatiente. Si j'avais un piano et quelqu'un pour en bien jouer, je vous citerais trente exemples de ces transformations de Rossini.

Il y aurait un travail curieux à faire; ce serait la liste de tous les morceaux de musique réellement différents des opéras de Rossini, et ensuite la liste des morceaux bâtis sur la même idée, avec l'indication du duetto ou de l'air où elle est présentée avec le plus de bonheur.

J'ai vu à Naples, dans le cercle de mes connaissances, vingt jeunes gens en état de faire ce travail en deux jours, et avec autant de facilité qu'on écrirait à Londres un morceau de critique sur le onzième chant de Don Juan; ou à Paris, un grand article profond sur le crédit public, ou une diatribe plaisante sur les tours de page joués par le ministre à tel président du conseil. Il y a, à Naples, cent jeunes gens courant la société qui, au besoin, écriraient un opéra-comique comme Ser Marc Antonio ou le Baron de Dolsheim, et cela en six semaines. La différence, c'est que ces opéras ne coûteraient que quinze jours aux maestri qui ont reçu une éducation régulière dans les conservatoires.

Mes amis de Naples disaient qu'il n'y a rien au monde de si facile que de ressusciter cinquante chefs-d'œuvre de Paisiello ou de Cimarosa. Il faut d'abord attendre qu'ils soient complètement oubliés; ce sera une affaire faite en 1825. On ne joue plus à Naples, de tous les opéras de Paisiello, que la Scuffiara: alors, quelque manœuvre élégant et spirituel, quelque maestro qui se repose et qui ne peut travailler pour cause de santé, M. Pavesi, par exemple, prendra le Pirro de Paisiello, supprimera les récitatifs, renforcera l'accompagnement, et ajoutera des finale. Le travail le plus important sera de transformer dans chaque acte, le morceau le plus original en finale. Peut-être que, chemin faisant, on retombera sur les airs les plus connus de nos grands maîtres actuels. Quel dommage pour moi si l'on allait déterrer le beau quartetto de Bianca e Faliero!

Au point où il en est, Rossini a le plus pressant besoin de quelques chutes bien piquantes et bien humiliantes. Malheureusement je ne vois guère que Naples ou Milan qui soient dignes de le siffler; partout ailleurs ce sera de la haine, mais non pas un jugement. Il a passé l'année 1822 à Vienne; ce sera Londres qui le possédera, dit-on, en 1824. A Londres, Rossini, loin du théâtre ordinaire de sa gloire, n'en aura que plus de facilité à donner de la vieille musique pour nouvelle; son défaut naturel va se renforcer.

Pour le piquer d'honneur, l'impresario de Londres devrait lui proposer de mettre en musique les libretti de Don Juan ou du Mariage secret.

106Voir dans le Mémorial de Sainte-Hélène, tome IV, un passage intéressant sur madame Grassini. J'ai vu hier douze lettres de l'amour le plus passionné; elles sont de la main de Napoléon, et adressées à Joséphine; l'une d'elles est antérieure à leur mariage. A propos de la mort imprévue d'un M. Chauvel, ami intime de Napoléon, il y a une boutade singulière et tout à fait digne de Platon ou de Werther sur l'immortalité de l'âme, la mort, etc. Plusieurs de ces lettres si passionnées sont sur de grand papier officiel portant en tête: Liberté, égalité. Napoléon méprise les victoires, et n'est inquiet que des rivaux qu'il peut avoir auprès de Joséphine. «Aime-les si tu veux, lui dit-il, tu n'en trouveras jamais qui t'adoreront comme moi.» Puis il ajoute: «On s'est battu hier et aujourd'hui; je suis plus content de Beaulieu que des autres, mais je le battrai à plate couture.» Il est à craindre qu'à la mort de M. le comte de B***, ces douze lettres ne soient vendues à l'épicier.
107Je trouve plus de difficulté vaincue dans Mozart, et un effet plus clair et plus agréable chez Rossini.
108Erreur, dit M. Prunières. Cet opéra a une ouverture. N. D. L. E.
109Tel de mes voisins qui préfère Mosè à Tancrède, aimera mieux la Semiramide e sempre bene; si nous sommes de bonne foi, nous avons tous deux raison.
110Il existe sans doute des voix de contralto en France; mais, dès qu'une jeune personne ne peut pas monter au sol ou au la, on dit ici qu'elle n'a pas de voix. Voir un fort bon article de M*** dans les Débats de juillet 1823.
111M. Fauriel, écrivain du goût le plus pur, et, de plus, homme d'esprit, vient de nous donner une excellente traduction du Comte de Carmagnola (1823). Que ne donneraient pas les amateurs pour avoir un Shakspeare traduit de ce style! C'est dans le Comte de Carmagnola que se trouve la plus belle ode qui ait encore été faite au XIXe siècle, du moins à mon avis: I fratelli hanno ucciso i fratelli!
112On m'écrit de Turin que madame Pasta y a donné. Odoardo e Cristina avec le plus grand succès (1822). On a placé dans Odoardo les plus beaux morceaux des opéras de Rossini, inconnus à Turin.
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