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La Curée

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Cependant, à gauche, sur la voie réservée aux cavaliers, elle avait reconnu le duc de Rozan, M. de Mussy et M. de Saffré. Larsonneau avait tué la mère du duc, en lui présentant, à l'échéance, les cent cinquante mille francs de billets signés par son fils, et le duc mangeait son deuxième demi-million avec Blanche Muller, après avoir laissé les premiers cinq cent mille francs aux mains de Laure d'Aurigny. M. de Mussy, qui avait quitté l'ambassade d'Angleterre pour l'ambassade d'Italie, était redevenu galant; il conduisait le cotillon avec de nouvelles grâces. Quant à M. de Saffré, il restait le sceptique et le viveur le plus aimable du monde. Renée le vit qui poussait son cheval vers la portière de la comtesse Vanska, dont il était amoureux fou, disait-on, depuis le jour où il l'avait vue en Corail, chez les Saccard.

Toutes ces dames se trouvaient là, d'ailleurs: la duchesse de Sternich, dans son éternel huit-ressorts; Mme de Lauwerens, ayant devant elle la baronne de Meinhold et la petite Mme Daste, dans un landau; Mme Teissière et Mme de Guende, en victoria. Au milieu de ces dames, Sylvia et Laure d'Aurigny s'étalaient, sur les coussins d'une magnifique calèche.

Mme Michelin passa même, au fond d'un coupé; la jolie brune était allée visiter le chef-lieu de M. Hupel de la Noue; et, à son retour, on l'avait vue au Bois dans ce coupé, auquel elle espérait bientôt ajouter une voiture découverte. Renée aperçut aussi la marquise d'Espanet et Mme Haffner, les inséparables, cachées sous leurs ombrelles, qui riaient tendrement, les yeux dans les yeux, étendues côte à côte.

Puis passaient ces messieurs: M. de Chibray, en mail;

M. Simpson, en dog-cart; les sieurs Mignon et Charrier, plus âpres à la besogne, malgré leur rêve de retraite prochaine, dans un coupé qu'ils laissaient au coin des allées, pour faire un bout de chemin à pied; M. de Mareuil, encore en deuil de sa fille, quêtant des saluts pour sa première interruption lancée la veille au Corps législatif, promenant son importance politique dans la voiture de M. Toutin-Laroche, qui venait une fois de plus de sauver le Crédit viticole, après l'avoir mis à deux doigts de sa perte, et que le Sénat maigrissait et rendait plus considérable encore.

Et, pour clore ce défilé, comme majesté dernière, le baron Gouraud s'appesantissait au soleil, sur les doubles oreillers dont on garnissait sa voiture. Renée eut une surprise, un dégoût, en reconnaissant Baptiste à côté du cocher, la face blanche, l'air solennel. Le grand laquais était entré au service du baron.

Les taillis fuyaient toujours, l'eau du lac s'irisait sous les rayons plus obliques, la file des voitures allongeait ses lueurs dansantes. Et la jeune femme, prise elle-même et emportée dans cette jouissance, avait la vague conscience de tous ces appétits qui roulaient au milieu du soleil. Elle ne se sentait pas d'indignation contre ces mangeurs de curée. Mais elle les haïssait, pour leur joie, pour ce triomphe qui les lui montrait en pleine poussière d'or du ciel. Ils étaient superbes et souriants; les femmes s'étalaient, blanches et grasses; les hommes avaient des regards vifs, des allures charmées d'amants heureux.

Et elle, au fond de son cœur vide, ne, trouvait plus qu'une lassitude, qu'une envie sourde. Était-elle donc meilleure que les autres, pour plier ainsi sous les plaisirs? ou était-ce les autres qui étaient louables d'avoir les reins plus forts que les siens? Elle ne savait pas, elle souhaitait de nouveaux désirs pour recommencer la vie, lorsque, en tournant la tête, elle aperçut, à côté d'elle, sur le trottoir longeant le taillis, un spectacle qui la déchira d'un coup suprême.

Saccard et Maxime marchaient à petits pas, au bras l'un de l'autre. Le père avait dû rendre visite au fils, et tous deux étaient descendus de l'avenue de l'Impératrice jusqu'au lac, en causant.

– Tu m'entends, répétait Saccard, tu es un nigaud…

Quand on a de l'argent comme toi, on ne le laisse pas dormir au fond de ses tiroirs. Il y a cent pour cent à gagner dans l'affaire dont je te parle. C'est un placement sûr. Tu sais bien que je ne voudrais pas te mettre dedans.

Mais le jeune homme semblait ennuyé de cette insistance. Il souriait de son air joli, il regardait les voitures.

– Vois donc cette petite femme, là-bas, la femme en violet, dit-il tout à coup. C'est une blanchisseuse que cet animal de Mussy a lancée.

Ils regardèrent la femme en violet. Puis Saccard tira un cigare de sa poche et, s'adressant à Maxime qui fumait:

– Donne-moi du feu.

Alors ils s'arrêtèrent un instant, face à face, rapprochant leurs visages. Quand le cigare fut allumé:

– Vois-tu, continua le père, en reprenant le bras du fils, en le serrant étroitement sous le sien, tu serais un imbécile si tu ne m'écoutais pas. Hein! est-ce entendu?

M'apporteras-tu demain les cent mille francs?

– Tu sais bien que je ne vais plus chez toi, répondit Maxime en pinçant les lèvres.

– Bah! des bêtises! il faut que ça finisse, à la fin!

Et, comme ils faisaient quelques pas en silence, au moment où Renée, se sentant défaillir, enfonçait la tête dans le capiton du coupé, pour ne pas être vue, une rumeur grandit, courut le long de la file des voitures.

Sur les trottoirs, les piétons s'arrêtaient, se retournaient, la bouche ouverte, suivant des yeux quelque chose qui approchait. Il y eut un bruit de roues plus vif, les équipages s'écartèrent respectueusement, et deux piqueurs parurent, vêtus de vert, avec des calottes rondes sur lesquelles sautaient des glands d'or, dont les fils retombaient en nappe. Ils couraient, un peu penchés, au trot de leurs grands chevaux bais. Derrière eux, ils laissaient un vide. Alors dans ce vide, l'empereur parut.

Il était au fond d'un landau, seul sur la banquette.

Vêtu de noir, avec sa redingote boutonnée jusqu'au menton, il avait un chapeau très haut de forme, légèrement incliné, et dont la soie luisait. En face de lui, occupant l'autre banquette, deux messieurs, mis avec cette élégance correcte qui était bien vue aux Tuileries, restaient graves, les mains sur les genoux, de l'air muet de deux invités de noce promenés au milieu de la curiosité d'une foule.

Renée trouva l'empereur vieilli. Sous les grosses moustaches cirées, la bouche s'ouvrait plus mollement.

Les paupières s'alourdissaient au point de couvrir à demi l'œil éteint, dont le gris jaune se brouillait davantage. Et le nez seul gardait toujours son arête sèche dans le visage vague.

Cependant, tandis que les dames des voitures souriaient discrètement, les piétons se montraient le prince.

Un gros homme affirmait que l'empereur était le monsieur qui tournait le dos au cocher, à gauche. Quelques mains se levèrent pour saluer. Mais Saccard, qui avait retiré son chapeau, avant même que les piqueurs eussent passé, attendit que la voiture impériale se trouvât juste en face de lui, et alors il cria de sa grosse voix provençale:

– Vive l'empereur!

L'empereur, surpris, se tourna, reconnut sans doute l'enthousiaste, rendit le salut en souriant. Et tout disparut dans le soleil, les équipages se refermèrent, Renée n'aperçut plus, au-dessus des crinières, entre les dos des laquais, que les calottes vertes des piqueurs, qui sautaient avec leurs glands d'or.

Elle resta un moment les yeux grands ouverts, pleins de cette apparition, qui lui rappelait une autre heure de sa vie.

Il lui semblait que l'empereur, en se mêlant à la file des voitures, venait d'y mettre le dernier rayon nécessaire, et de donner un sens à ce défilé triomphal. Maintenant, c'était une gloire. Toutes ces roues, tous ces hommes décorés, toutes ces femmes étalées languissamment s'en allaient dans l'éclair et le roulement du landau impérial.

Cette sensation devint si aiguë et si douloureuse, que la jeune femme éprouva l'impérieux besoin d'échapper à ce triomphe, à ce cri de Saccard qui lui sonnait encore aux oreilles, à cette vue du père et du fils, les bras unis, causant et marchant à petits pas. Elle chercha, les mains sur la poitrine, comme brûlée par un feu intérieur; et ce fut avec une soudaine espérance de soulagement, de fraîcheur salutaire qu'elle se pencha et dit au cocher:

– A l'hôtel Béraud!

La cour avait sa froideur de cloître, Renée fit le tour des arcades, heureuse de l'humidité qui lui tombait sur les épaules. Elle s'approcha de l'auge verte de mousse, polie sur les bords par l'usure; elle regarda la tête de lion à demi effacée, la gueule entrouverte, qui jetait un filet d'eau par un tube de fer. Que de fois elle et Christine avaient pris cette tête entre leurs bras de gamines, pour se pencher, pour arriver jusqu'au filet d'eau, dont elles aimaient à sentir le jaillissement glacé sur leurs petites mains. Puis elle monta le grand escalier silencieux, elle aperçut son père au fond de l'enfilade des vastes pièces; il redressait sa haute taille, il s'enfonçait lentement dans l'ombre de la vieille demeure, de cette solitude hautaine où il s'était absolument cloîtré depuis la mort de sa sœur; et elle songea aux hommes du Bois, à cet autre vieillard, au baron Gouraud, qui faisait rouler sa chair au soleil, sur des oreillers. Elle monta encore, elle prit les corridors, les escaliers de service, elle fit le voyage de la chambre des enfants. Quand elle arriva tout en haut, elle trouva la clef au clou habituel, une grosse clef rouillée, où les araignées avaient filé leur toile. La serrure jeta un cri plaintif. Que la chambre des enfants était triste! Elle eut un serrement de cœur à la retrouver si vide, si grise, si muette. Elle referma la porte de la volière laissée ouverte, avec la vague idée que ce devait être par cette porte que s'étaient envolées les joies de son enfance. Devant les jardinières, pleines encore d'une terre durcie et fendillée comme de la fange sèche, elle s'arrêta, elle cassa de ses doigts une tige de rhododendron; ce squelette de plante, maigre et blanc de poussière, était tout ce qu'il restait de leurs vivantes corbeilles de verdure. Et la natte, la natte elle-même, déteinte, mangée par les rats, s'étalait avec une mélancolie de linceul qui attend depuis des années la morte promise. Dans un coin, au milieu de ce désespoir muet, de cet abandon dont le silence pleurait, elle retrouva une de ses anciennes poupées; tout le son avait coulé par un trou, et la tête de porcelaine continuait à sourire de ses lèvres d'émail, au-dessus de ce corps mou, que des folies de poupée semblaient avoir épuisé.

 

Renée étouffait, au milieu de cet air gâté de son premier âge. Elle ouvrit la fenêtre, elle regarda l'immense paysage. Là, rien n'était sali. Elle retrouvait les éternelles joies, les éternelles jeunesses du grand air. Derrière elle, le soleil devait baisser; elle ne voyait que les rayons de l'astre à son coucher jaunissant avec des douceurs infinies ce bout de ville qu'elle connaissait si bien.

C'était comme une chanson dernière du jour, un refrain de gaieté qui s'endormait lentement sur toutes choses.

En bas, l'estacade avait des luisants de flammes fauves, tandis que le pont de Constantine détachait la dentelle noire de ses cordages de fer sur la blancheur de ses piliers. Puis, à droite, les ombrages de la Halle aux vins et du Jardin des plantes faisaient une grande mare, aux eaux stagnantes et moussues, dont la surface verdâtre allait se noyer dans les brumes du ciel. A gauche, le quai Henri-IV et le quai de la Rapée alignaient la même rangée de maisons, ces maisons que les gamines, vingt ans auparavant, avaient vues là, avec les mêmes taches brunes de hangars, les mêmes cheminées rougeâtres d'usines. Et, au-dessus des arbres, le toit ardoisé de la Salpêtrière, bleui par l'adieu du soleil, lui apparut tout d'un coup comme un vieil ami. Mais ce qui la calmait, ce qui mettait de la fraîcheur dans sa poitrine, c'étaient les longues berges grises, c'était surtout la Seine, la géante, qu'elle regardait venir du bout de l'horizon, droit à elle, comme en ces heureux temps où elle avait peur de la voir grossir et monter jusqu'à la fenêtre. Elle se souvenait de leurs tendresses pour la rivière, de leur amour de sa coulée colossale, de ce frisson de l'eau grondante, s'étalant en nappe à leurs pieds, s'ouvrant autour d'elles, derrière elles, en deux bras qu'elles ne voyaient plus, et dont elles sentaient encore la grande et pure caresse. Elles étaient coquettes déjà, et elles disaient, les jours de ciel clair, que la Seine avait passé sa belle robe de soie verte, mouchetée de flammes blanches; et les courants où l'eau frisait mettaient à la robe des ruches de satin, pendant qu'au loin, au-delà de la ceinture des ponts, des plaques de lumière étalaient des pans d'étoffe couleur de soleil.

Et Renée, levant les yeux, regarda le vaste ciel qui se creusait, d'un bleu tendre, peu à peu fondu dans l'effacement du crépuscule. Elle songeait à la ville complice, au flamboiement des nuits du boulevard, aux après-midi ardents du Bois, aux journées blafardes et crues des grands hôtels neufs. Puis, quand elle baissa la tête, qu'elle revit d'un regard le paisible horizon de son enfance, ce coin de cité bourgeoise et ouvrière où elle rêvait une vie de paix, une amertume dernière lui vint aux lèvres. Les mains jointes, elle sanglota dans la nuit tombante.

L'hiver suivant, lorsque Renée mourut d'une méningite aiguë, ce fut son père qui paya ses dettes. La note de Worms se montait à deux cent cinquante-sept mille francs.

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