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Sans Laisser de Traces

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Из серии: Une Enquête de Riley Paige #1
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Sans Laisser de Traces
Sans Laisser de Traces
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Читает Elisabeth Lagelee
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Chapitre 7

Bill se retrouvait au milieu d’une mer de regards bleus et froids, artificiels. Les affaires ne lui filaient jamais de cauchemars, et ce n’était pas un cauchemar qu’il était en train de faire – mais cela y ressemblait. Là, dans le magasin de poupée, des petits yeux bleus le cernaient de tous côtés, grands ouverts, étincelants et perçants.

Les petites bouches, rouges comme des rubis, la plupart étirées pour former un sourire, étaient également perturbantes. Tout comme les cheveux artificiels rigoureusement peignés, raides et immobiles. Frappé par ces détails, Bill se demandait comment il avait bien pu rater les intentions du tueur, sa volonté de les faire ressembler à des poupées. Il avait eu besoin de Riley pour comprendre.

Heureusement qu’elle est de retour, pensa-t-il.

Pourtant, Bill ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Il avait été ébloui par son travail, à Mosby Park. Mais, après cela, quand il l’avait reconduite chez elle, elle lui avait parue épuisée et démoralisée. Elle avait à peine prononcé un mot au cours du trajet. Peut-être que tout cela était trop pour elle.

Malgré cela, Bill aurait voulu qu’elle l’accompagne aujourd’hui. Elle avait décidé qu’il serait plus efficace de se séparer, afin de couvrir plus de terrain. Il ne pouvait pas le lui reprocher. Elle lui avait demandé de visiter les magasins de poupées de la région, pendant qu’elle retournerait voir la scène de crime du meurtre précédent.

Bill balaya la boutique du regard avec un sentiment d’impuissance, en se demandant ce que Riley aurait bien pu découvrir ici. C’était une des boutiques les plus élégantes qu’il ait visitées ce jour-là. Située à la périphérie de Capital Beltway, le magasin attirait probablement une clientèle fortunée venue des comtés les plus riches, au nord de la Virginie.

Il se mit à déambuler. Une poupée qui représentait une petite fille attira son regard. Son sourire boudeur et sa peau pâle lui rappelèrent la dernière victime. Elle était toute habillée d’une robe rose avec un col, des manchettes et un ourlet en dentelle, mais positionnée d’une manière étrangement similaire.

Soudain, une voix retentit à la droite de Bill :

— Je pense que vous êtes dans le mauvais rayon.

Bill se retourna et tomba nez à nez une petite femme trapue qui lui adressait un sourire chaleureux. Quelque chose dans sa posture et son assurance lui laissa penser qu’elle était responsable du rayon.

— Pourquoi dites-vous cela ? demanda Bill.

La dame gloussa.

— Parce que vous n’avez pas de fille. Je sais toujours repérer les pères qui n’ont pas de fille. Ne me demandez pas comment, c’est l’instinct, je suppose.

Sa clairvoyance surprit et impressionna Bill.

Elle lui tendit la main.

— Ruth Behnke, dit-elle.

Bill serra sa main tendue.

— Bill Jeffreys. Je suppose que vous êtes la propriétaire de la boutique.

Elle gloussa à nouveau.

— Je vois que vous aussi, vous avez de l’instinct, dit-elle. Je suis ravie de vous rencontrer. Mais vous avez bien des fils, n’est-ce pas ? Trois, je pense.

Bill sourit. Sa clairvoyance était bien affûtée. Elle s’entendrait sûrement très bien avec Riley.

— Deux, répondit-il. Vous n’étiez pas loin.

Elle gloussa.

— Quel âge ? demanda-t-elle.

— Huit et dix.

Elle balaya son magasin du regard.

— Je ne sais pas si nous avons grand-chose ici qui pourrait leur convenir. Oh, en fait, j’ai quelques petits soldats un peu vintage dans l’autre rayon. Mais ce n’est plus vraiment ça qui amusent les garçons, de nos jours, si ? Maintenant, c’est les jeux vidéo. Et les plus violents, en plus.

— J’en ai bien peur.

Elle plissa les yeux comme pour le mesurer du regard.

— Vous n’êtes pas là pour acheter une poupée, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.

Bill sourit et secoua la tête.

— Vous êtes trop forte, répondit-il.

— Vous ne seriez pas policier ? demanda-t-elle.

Bill éclata d’un rire silencieux et sortit son badge.

— Pas tout à fait, mais c’est bien vu.

— Eh bien ! s’exclama-t-elle avec un soupçon d’inquiétude. Qu’est-ce que le FBI vient faire dans ma boutique ? Est-ce que je suis sur un genre de liste ?

— D’une certaine façon, dit Bill, mais ne vous inquiétez pas. On a découvert votre boutique en cherchant tous les magasins à la ronde qui vendent des poupées de collection ou d’occasion.

En fait, Bill ne savait pas ce qu’il cherchait exactement. Riley lui avait proposé de visiter des magasins que le tueur fréquentait peut-être – ou dans lesquels il aurait pu avoir l’occasion de faire un tour. Qu’attendait-elle de lui ? Il n’en savait rien. S’attendait-elle à ce que le tueur se trouve ici ? Ou que l’un des employés l’ait rencontré ?

Mais c’était peu probable. Même si quelqu’un l’avait rencontré, il ne serait sans doute pas capable de l’identifier comme étant le meurtrier. Tous les hommes qui entraient dans ce magasin devaient être, en fait, un peu étranges.

Riley voulait sûrement que Bill rassemble plus d’informations sur la façon dont l’esprit du tueur fonctionnait, le regard qu’il portait sur le monde. Si c’était le cas, elle allait être déçue. Bill n’avait pas son talent. Il n’était pas capable d’entrer dans le cerveau d’un tueur.

Aux yeux de Bill, elle brassait du vent : il y avait des douzaines de magasins de poupées aux alentours. Il aurait mieux valu laisser la police scientifique retrouver le fabricant de perruque. Même s’ils n’avaient rien trouvé pour le moment.

— Je vous demanderais bien de quel genre d’affaire il s’agit, dit Ruth, mais je crois qu’il ne vaut mieux pas.

— Non, dit Bill. Il ne vaut mieux pas.

Non pas que l’affaire était demeurée secrète – pas après le communiqué de presse du sénateur Newbrough. La nouvelle était dans tous les journaux. Comme d’habitude, le Bureau croulait sous les faux témoignages délivrés par téléphone et des théories étranges commençaient à envahir la toile. Un vrai merdier.

Mais pourquoi le dire à cette femme ? Elle avait l’air gentil et sa boutique semblait plutôt saine et innocente. Bill ne voulait pas la perturber en lui parlant du meurtre sordide d’un tueur en série obsédé par les poupées.

Cependant, il y avait une chose qu’il voulait savoir.

— Dites-moi, dit Bill. Est-ce que vous vendez beaucoup à des adultes... Je veux dire des adultes sans enfants ?

— Oh, c’est le cas de la majorité des acheteurs, et de loin. Des collectionneurs.

C’était intriguant. Bill ne l’aurait jamais cru.

— Pourquoi, à votre avis ? demanda-t-il.

La dame lui adressa un sourire étrange et distant, avant de répondre d’une voix douce.

— Parce que les gens meurent, Bill Jeffreys.

Cette fois, Bill resta bouche bée.

— Pardon ? dit-il.

— À mesure que l’on vieillit, on perd des gens. Nos amis, nos êtres chers, ils meurent. Nous pleurons. Les poupées arrêtent le temps. Elles nous font oublier notre chagrin. Elles nous consolent. Regardez autour de vous. Il y a ici des poupées qui ont plus d’un siècle et d’autres qui sont pratiquement neuves. Dans la plupart des cas, vous ne voyez pas la différence. Elles n’ont pas d’âge.

Bill se tourna vers le rayon, perturbé par les yeux centenaires qui lui renvoyèrent son regard. Combien d’hommes et de femmes ces poupées avaient-elles enterré ? De quels actes avaient-elles été les témoins ? De l’amour, de la colère, de la haine, de la tristesse, de la violence… Et, pourtant, elles se contentaient de regarder droit devant elle, avec la même expression figée. Aux yeux de Bill, cela n’avait pas de sens.

Les gens devraient vieillir, pensa-t-il. Ils devraient avoir des rides, des cheveux blancs, comme lui, devant les ténèbres et les horreurs que ce monde pouvait offrir. Après tout ce qu’il avait vu, il n’avait pas le droit d’avoir toujours le même visage. Les scènes de crime s’étaient imprimées en lui comme des maladies et lui avaient coupé l’envie de rester jeune.

— Elles sont aussi… Pas vraiment vivantes, dit enfin Bill.

Le sourire de la femme se fit plus amer, comme si elle avait pitié de lui.

— Est-ce que c’est bien vrai, Bill ? La plupart de nos clients ne seraient pas d’accord. Je ne suis moi-même pas sûre d’être d’accord.

Un étrange silence s’installa. La dame le brisa en gloussant. Elle offrit à Bill une petite brochure colorée avec des photos de poupées.

— En fait, je vais à Washington pour une convention. Vous pourriez y aller, vous aussi. Peut-être que ça vous donnera des idées pour trouver ce que vous cherchez.

Bill la remercia et quitta la boutique, satisfait d’avoir entendu parler de cette convention. Il espéra que Riley irait avec lui. Elle était censée interroger le sénateur Newbrough et sa femme cet après-midi. C’était un rendez-vous important, pas seulement parce que le sénateur pouvait avoir des informations, mais aussi pour des raisons diplomatiques. Le tapage de Newbrough n’arrangeait pas les affaires du Bureau. Riley était exactement l’agent qu’il fallait pour le convaincre qu’ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient.

Mais va-t-elle vraiment y aller ? se demanda Bill.

C’était étrange, mais il n’arrivait pas à en être sûr. Six mois plus tôt, Riley avait été le roc de son existence. Il lui avait toujours fait entièrement confiance. Aujourd’hui, sa détresse évidente l’inquiétait.

Et surtout, elle lui manquait. Intimidé parfois par son cerveau imprévisible, il avait besoin d’elle dans une affaire comme celle-ci. Ces dernières semaines, il avait compris qu’il avait également besoin de son amitié.

 

Ou, au fond, peut-être plus que ça ?

Chapitre 8

Les yeux sur l’autoroute à deux voies, Riley sirotait à petites gorgées une boisson énergisante. La matinée était chaude et ensoleillée et elle avait baissé les vitres de sa voiture. L’odeur du foin fraîchement coupé embaumait l’air. Les pâtures de taille modeste, d’une part et d’autre de l’autoroute, étaient semées de bétail. Des montagnes se dressaient des deux côtés de la vallée. L’endroit plaisait à Riley.

Cependant, elle tâcha de se rappeler qu’elle n’était pas venue pour le plaisir. Elle avait un travail difficile à accomplir.

Riley s’engagea sur une route de goudron usé et roula quelques minutes, avant d’arrêter sa voiture sur le bas-côté qui descendait en pente douce.

C’était là. C’était là que le corps de Eileen Rogers avait été découvert, déposé de façon assez maladroite contre cet arbre. Riley était venue ici avec Bill six mois auparavant. Elle se représenta à nouveau la scène, en pensée.

La plus grosse différence, c’était le temps. La dernière fois, c’était la mi-décembre et il faisait un froid pinçant. Une pellicule de neige recouvrait le sol.

Repars, se dit-elle. Repars et renifle-le.

Elle prit une profonde inspiration, jusqu’à imaginer le froid brûler sa trachée. Elle vit presque un nuage de vapeur se former devant sa bouche, à chacune de ses expirations.

Riley reconstitua la scène, dans ses moindres détails. La perruque. Le sourire peint. Les paupières cousues pour rester ouvertes. La rose artificielle déposée dans la neige entre les jambes écartées du corps.

L’image était maintenant suffisamment vive dans son esprit. Elle n’avait plus qu’à faire ce qu’elle avait fait hier – s’approprier l’expérience du tueur.

Une fois de plus, elle ferma les yeux, se détendit et plongea dans les abysses. Elle se laissa étourdir, accueillit le sentiment de vertige qui lui permettait d’entrer dans la tête du tueur. Bientôt, elle fut avec lui, à l’intérieur de lui, elle vit ce qu’il voyait, sentit ce qu’il sentait.

Il était au volant de son véhicule et il était tout sauf confiant. Il ne cessait de jeter des coups d’œil nerveux en direction de la route, inquiet de sentir la glace sous ses roues. Et s’il perdait le contrôle, s’il glissait dans un fossé ? Il avait un cadavre à bord. Il serait arrêté. Il fallait qu’il roule avec prudence. Il avait espéré que son deuxième meurtre serait plus facile que le précédent, mais il était terriblement nerveux.

Il arrêta son véhicule, juste là. Il traîna le corps de la femme – probablement nu –, mais elle était déjà toute raide. Il n’avait pas pensé à ça et cela le frustrait, ébranlait sa confiance. Pire encore : il ne voyait pas vraiment ce qu’il faisait, pas même sous la lumière des phares dirigée vers le tronc d’arbre. Il faisait bien trop sombre. La prochaine fois, il ferait ça à la lumière du jour, s’il en avait la possibilité.

Il traîna le corps jusqu’à l’arbre et tâcha de l’installer dans la position qu’il avait imaginée. Sans succès. La tête de la femme était inclinée sur le côté, figée dans cette position par la rigidité cadavérique. Il tira dessus pour la décoincer. Même après lui avoir brisé le cou, il ne put faire en sorte qu’elle regarde droit devant elle.

Et maintenant, comment écarter les jambes ? L’une d’elles étaient tordue. Il n’eut pas d’autre choix que d’aller chercher un levier démonte-pneu dans son coffre pour lui briser la cuisse et le genou. Il étendit la jambe du mieux que possible, mais sans obtenir le résultat souhaité.

Enfin, il laissa le ruban autour de son cou, la perruque sur sa tête et la rose dans la neige. Puis il remonta dans sa voiture et repartit, découragé et démoralisé. Il avait peur, aussi. Dans sa maladresse, avait-il laissé un indice derrière lui ? Il refit défiler tous ses gestes dans sa tête, mais il ne put être sûr.

Il serait obligé de mieux faire la prochaine fois. Il se promit de faire mieux.

Riley ouvrit les yeux. La présence du tueur la désertait. À sa grande fierté, elle n’avait pas laissé l’émotion l’envahir. Et l’expérience avait été enrichissante. Elle commençait à comprendre comment le tueur avait affûté son talent.

Si seulement elle savait quelque chose – n’importe quoi – sur son premier meurtre. Elle était de plus en plus certaine qu’il avait tué avant cela. Ce meurtre était l’œuvre d’un apprenti, mais pas celui d’un débutant.

Alors que Riley était sur le point de tourner les talons et de repartir vers sa voiture, quelque chose dans l’arbre attira son regard. Il y avait une tache jaune, là ou le tronc se divisait en deux branches, un peu au-dessus de sa tête.

Elle fit le tour et leva les yeux.

— Il est revenu ! s’exclama-t-elle.

Des frissons la parcoururent et elle jeta des coups d’œil nerveux aux alentours. Personne ne semblait se trouver dans les parages, à présent.

Nichée entre les branches, une poupée aux cheveux blonds dévisageait Riley, disposée exactement comme aurait dû l’être la victime.

Elle n’était pas là depuis longtemps – trois ou quatre jours, tout au plus. Elle n’avait pas été déplacée par le vent ou souillée par la pluie. Le meurtrier était revenu alors qu’il préparait le meurtre de Reba Frye. Un peu comme Riley était en train de le faire, il était venu pour réfléchir à ce qu’il avait fait, pour examiner ses erreurs.

Elle prit des photos avec son téléphone portable. Elle allait devoir les envoyer au Bureau immédiatement.

Riley savait pourquoi il avait laissé la poupée.

C’est une excuse pour son manque de sérieux, réalisa-t-elle.

C’était aussi la promesse de faire mieux la prochaine fois.

Chapitre 9

Riley roulait en direction du manoir du sénateur Newbrough et la terreur l’envahit quand il surgit à l’horizon. Située au bout d’une allée bordée d’arbres, la bâtisse paraissait énorme et intimidante. Riley avait toujours considéré qu’il était plus difficile de discuter avec les gens les plus riches et les plus puissants qu’avec ceux qui occupaient les échelons les plus bas de l’échelle sociale.

Elle se gara dans le parking de gravier circulaire et bien tenu, devant le manoir. Oui, la famille était vraiment riche.

Elle sortit de la voiture et se dirigea vers les hautes portes d’entrée. Après avoir sonné, elle fut accueillie par un homme propre sur lui, âgé d’environ trente ans.

— Je suis Robert, dit-il. Le fils du sénateur. Et vous devez être l’agent spécial Riley. Entrez donc. Mère et Père vous attendent.

Robert Newbrough guida Riley à travers la maison, ce qui rappela immédiatement à cette dernière combien elle détestait les demeures ostentatoires. Le manoir Newbrough semblait particulièrement caverneux et le trajet pour rejoindre le sénateur et sa femme parut désagréablement long. Riley était sûre que contraindre les invités à marcher si longtemps faisait partie d’une tactique d’intimidation, une manière de montrer que les habitants de cette maison étaient trop puissants pour être inquiétés. Riley trouva également le mobilier colonial et la décoration très laids.

Plus que tout, elle redoutait ce qui était sur le point d’arriver. À ses yeux, parler aux familles des victimes était tout simplement affreux – plus encore qu’examiner les scènes de crime ou les cadavres. Il était bien trop facile de se retrouver happé par le chagrin, la colère ou la confusion des autres. De telles émotions perturbaient la concentration de Riley et la détournaient de son travail.

Tout en marchant, Robert Newbrough dit :

— Père est rentré de Richmond depuis…

Il s’étrangla au milieu de sa phrase. Riley sentit l’intensité de sa perte.

— Depuis que nous savons pour Reba, poursuivit-il. C’est terrible. Mère est particulièrement secouée. Tâchez de ne pas la contrarier.

— Toutes mes condoléances, dit Riley.

Robert l’ignora et mena Riley dans un salon spacieux. Le sénateur Mitch Newbrough et sa femme étaient assis côte à côte sur un grand canapé et se tenaient par la main.

— Agent Paige, dit Robert pour la présenter. Agent Paige, laissez-moi vous présenter mes parents, le sénateur et son épouse, Annabeth.

Robert offrit à Riley un siège, avant de prendre place à son tour.

— Tout d’abord, dit Riley doucement, je tiens à vous adresser mes plus sincères condoléances.

Annabeth Newbrough répondit par un hochement de tête silencieux. Le sénateur demeura assis, les yeux fixés sur Riley.

Dans le bref silence qui suivit, Riley évalua rapidement leurs visages. Elle avait déjà vu à la télévision de nombreuses fois Newbrough arborant un sourire mielleux de politicien. Aujourd’hui, il ne souriait pas. Riley connaissait moins Mme Newbrough qui semblait posséder la docilité typique d’une femme d’homme politique.

Tous deux venaient de passer la soixantaine. Riley devina qu’ils avaient employé des moyens coûteux et douloureux pour avoir l’air plus jeune – implants capillaires, liftings, maquillage. Aux yeux de Riley, tous ces efforts leur donnaient aujourd’hui l’air vaguement artificiel.

Comme des poupées, pensa-t-elle.

— Je dois vous poser quelques questions au sujet de votre fille, dit Riley en sortant son calepin. Étiez-vous en contact avec elle récemment ?

— Oh oui, dit Mme Newbrough. Nous sommes une famille très soudée.

Riley remarqua la légère raideur dans la voix de la femme, comme si c’était une phrase qu’elle répétait un peu trop souvent, de façon trop automatique. Riley était sûre que la vie de famille dans le manoir Newbrough ne devait pas être si idyllique.

— Reba vous a-t-elle dit qu’elle se sentait menacée récemment ? demanda Riley.

— Non, dit Mme Newbrough. Elle n’a rien dit.

Le sénateur n’avait pas encore prononcé un mot. Riley se demanda pourquoi il restait silencieux. Il fallait qu’elle le fasse parler, mais comment ?

Ce fut alors que Robert prit la parole :

— Elle sortait d’un divorce difficile. Elle s’est battue avec Paul pour avoir la garde des enfants.

— Oh, je ne l’ai jamais aimé, dit Mme Newbrough. Il avait un tel tempérament. Pensez que, peut-être… ?

Elle laissa sa phrase en suspens.

Riley secoua la tête :

— Son ex-mari ne fait pas partie des suspects potentiels, dit-elle.

— Et pourquoi cela ? demanda Mme Newbrough.

Riley débattit silencieusement avec elle-même : devait-elle leur dire ?

— Vous avez peut-être lu dans les journaux que le tueur a déjà frappé, dit-elle. Une de ses victimes a été retrouvée près de Daggett.

Mme Newbrough semblait de plus en plus nerveuse.

— Est-ce que c’est censé nous éclairer ?

— Nous avons affaire à un tueur en série, dit Riley. Il ne s’agit pas de violences domestiques. Votre fille ne connaissait peut-être pas du tout son meurtrier. Tout concorde pour dire que le meurtre n’avait rien de personnel.

Mme Newbrough sanglotait à présent. Riley regretta immédiatement d’avoir employé ces mots-là.

— Rien de personnel ? hurla presque Mme Newbrough. Comment est-il possible que ce ne soit pas personnel ?

Le sénateur Newbrough s’adressa à son fils :

— Robert, je te prie d’emmener ta mère et de la réconforter. J’ai besoin de m’entretenir seul à seul avec l’agent Paige.

Robert Newbrough s’exécuta et conduisit sa mère hors de la pièce. Le sénateur Newbrough ne dit rien pendant un long moment. Il regarda fixement Riley dans les yeux. Il devait être habitué à intimider ses interlocuteurs en les dévisageant de cette manière. Mais cela ne marchait pas très bien sur Riley. Elle se contenta de lui renvoyer son regard.

Enfin, le sénateur plongea la main dans la poche de sa veste et en tira une enveloppe de taille standard. Il marcha jusqu’à son siège et la lui tendit.

— Voilà, dit-il.

Puis il retourna s’asseoir sur le canapé.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Riley.

Le sénateur la dévisagea à nouveau.

— Tout ce que vous avez besoin de savoir, dit-il.

Il prenait Riley complètement au dépourvu.

— Puis-je l’ouvrir ? demanda-t-elle.

— Évidemment.

Riley ouvrit l’enveloppe. Elle contenait une simple feuille de papier sur laquelle étaient inscrites deux colonnes de noms. Riley en reconnut certains. Trois ou quatre étaient des journalistes d’investigation connus de la chaîne d’info locale. D’autres étaient des hommes politiques de Virginie. La perplexité de Riley ne fit que croître.

 

— Qui sont ces gens ? demanda-t-elle.

— Mes ennemis, répondit le sénateur Newbrough d’une voix plate. La liste n’est sans doute pas exhaustive. Mais ce sont eux qui comptent le plus. Quelqu’un parmi eux est coupable.

Riley était complètement abasourdie. Elle demeura silencieuse.

— Je ne dis pas que quelqu’un sur cette liste a tué ma fille de sang froid, dit-il, mais cette personne a payé quelqu’un pour le faire.

Riley reprit la parole, d’une voix lente et prudente :

— Sénateur, sauf votre respect, je viens de dire que l’assassinat de votre fille n’avait sans doute rien de personnel. Un meurtre quasiment identique a déjà eu lieu.

— Êtes-vous en train de me dire que ma fille a été attaquée par pure coïncidence ? demanda le sénateur.

Oui, probablement, pensa Riley.

Mais elle eut la présence d’esprit de ne pas le dire à voix haute.

Avant qu’elle ne puisse répondre, il ajouta :

— Agent Paige, mon expérience m’a appris à ne pas croire aux coïncidences. Je ne sais pas pourquoi ou comment, mais la mort de ma fille est politique. Et en politique, absolument tout est personnel. Alors, n’essayez pas de me faire croire que cela n’a rien de personnel. C’est votre boulot et celui du Bureau de trouver le responsable et de le traîner devant les tribunaux.

Riley prit une profonde inspiration. Elle étudia le visage de son vis-à-vis dans les moindres détails. Elle le devinait à présent. Le sénateur Newbrough était atteint d’un cas sévère de narcissisme et d’égocentrisme.

Non pas que je sois surprise, pensa-t-elle.

Riley comprit autre chose. Le sénateur partait du principe que tout ce qui arrivait au cours de son existence ne concernait que lui. Même le meurtre de sa fille. Selon lui, Reba s’était retrouvée prise au milieu d’un règlement de comptes. Il y croyait sans doute dur comme fer.

— Monsieur, commença Riley, sauf votre respect, je ne pense pas…

— Vous n’avez pas besoin de penser, coupa Newbrough. Toutes les informations dont vous avez besoin se trouvent sous votre nez.

Ils se mesurèrent du regard pendant quelques secondes.

— Agent Paige, dit enfin le sénateur, j’ai l’impression que nous ne nous comprenons pas bien. C’est dommage. Vous ne le savez peut-être pas, mais j’ai de bons amis parmi vos supérieurs. Certains me doivent une faveur. Je vais les contacter dès votre départ. J’ai besoin de mettre sur cette affaire quelqu’un d’efficace.

Riley resta sans voix. Cet homme était-il donc si égocentrique ?

Le sénateur se leva.

— J’appelle quelqu’un pour vous raccompagner, Agent Paige, dit-il. Je suis navré que nous n’ayons pas pu nous entendre.

Le sénateur sortit de la pièce en laissant Riley seule, bouche bée. Un cas sévère de narcissisme, ça oui. Mais il y avait plus que cela.

Le sénateur cachait quelque chose.

Et elle finirait par découvrir ce que c’était, quoi qu’il en coûte.

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