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Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies

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VI
LA COLLINE DE L'OISEAU-NOIR

Les deux fléaux marchaient l'un vers l'autre, et déjà les Indiens et les gambucinos pouvaient calculer avec certitude combien de minutes il leur restait à vivre encore, avant que leur dernier refuge fût englouti sous les eaux ou dévoré par les flammes.

A cette heure suprême, les Pawnies se tournèrent tous vers le Faucon-Noir, comme vers le seul homme qui pût les sauver.

Le chasseur abandonna la poursuite de don López. – Que demandent mes frères? dit-il.

– Que le chasseur pâle les sauve, répondit un chef pawnie.

Le jeune homme sourit en jetant un regard d'orgueil sur tous ces hommes qui attendaient de lui leur salut.

– Que mes frères écoutent, reprit-il: leur délivrance est entre leurs mains. Ne perdez pas de temps, tuez le plus de bisons que vous pourrez, dépouillez-les de leurs peaux qui vous serviront de pirogues, et, alors, que Wacondah vous protège.

Les Indiens poussèrent un cri de joie et d'espoir, et, sans plus hésiter, ils coururent sus aux bisons, qui, demi-fous de terreur, se laissaient tuer sans opposer de résistance.

Lorsque le Faucon-Noir vit que ses alliés s'occupaient activement de confectionner leurs pirogues, il songea de nouveau aux gambucinos. Ceux-ci non plus n'étaient pas restés oisifs. Dirigés par don López, ils avaient rassemblé quelques arbres que la rivière charriait, ils les avaient attachés les uns aux autres avec leurs lassos, et, après avoir ainsi confectionné à la hâte un radeau capable de les porter tous, ils l'avaient lancé dans l'eau et s'étaient abandonnés au courant.

Le Faucon-Noir, voyant son ennemi sur le point de lui échapper une seconde fois, n'hésita pas et le mit en joue. Mais don Juan Venado avait une vengeance à tirer du chasseur, et, profitant de l'occasion qui s'offrait à lui, il épaula vivement son fusil et fit feu.

La balle, dérangée par le mouvement du radeau, n'arriva pas au but que le Mexicain s'était proposé, mais elle brisa le rifle du chasseur dans ses mains au moment où il allait appuyer le doigt sur la détente. Les gambucinos poussèrent un cri de triomphe qui se changea subitement en cri de colère: le señor don Juan venait de tomber entre leurs bras mortellement blessé par le Castor, qui lui avait envoyé une balle en pleine poitrine.

Sur ces entrefaites, le jour se leva, et le soleil apparut montant splendide à l'horizon, éclairant de ses rayons le sublime tableau de la nature en travail, et rendant un peu de courage aux hommes et aux animaux.

Les Indiens, après avoir confectionné avec cette vivacité et cette adresse qui les distinguent une vingtaine de pirogues, commençaient déjà à les lancer dans les flots.

Les chasseurs cherchaient à lasser le radeau et à le tirer à eux, tandis que les gambucinos faisaient au contraire des efforts inouïs pour le maintenir dans le courant. Fleur-de-Genêt avait réussi à jeter son lasso de façon à l'engager fortement dans les troncs d'arbres, et deux fois Pépé Naïpès l'avait tranché avec son couteau.

Le Pigeon-Volant, dont on ne songeait pas en ce moment à surveiller les mouvements, profita d'une seconde pendant laquelle elle n'était pas épiée par don López, et se jeta résolument à la nage; mais, au bruit de sa chute, le Mexicain tourna la tête, et plongea à sa poursuite. Les chasseurs recommencèrent alors à tirer sur le gambucino, qui secouait la tête avec un rire sardonique à chaque balle qui frappait l'eau à ses côtés avec un sifflement sinistre.

– A moi! criait la jeune fille d'une voix haletante, à moi, Kolixi! à mon secours!

– Me voilà! répondit le Faucon-Noir, courage, mon amour, courage!

Et, n'écoutant que sa passion et sa haine contre le Mexicain, le chasseur mit son couteau entre ses dents et s'élança dans la rivière pour venir en aide à celle qu'il aimait.

– Viens! répétait le Pigeon-Volant, où es-tu? où es-tu?

Le jeune homme fit un effort terrible pour se rapprocher de Rant-chaï-waï-mè, et les deux ennemis se trouvèrent en présence au milieu des flots agités de la rivière. Oubliant alors tout sentiment de conservation, ils se précipitèrent l'un vers l'autre le couteau à la main.

En ce moment un bruit formidable, semblable à la détonation d'un parc d'artillerie, sortit des entrailles de la terre; une secousse terrible agita le sol, et la rivière fut refoulée dans son lit avec une force irrésistible. Don López et le Faucon-Noir, saisis par le colossal remous causé par cette effroyable secousse, tournoyèrent quelques secondes, furent brusquement séparés l'un de l'autre, et un gouffre infranchissable s'ouvrit entre eux.

Lorsque le chasseur se releva, il aperçut de l'autre côté du gouffre don López tenant avec un rire de démon la jeune fille évanouie dans ses bras. Il se laissa tomber sur le sol avec désespoir.

Cette secousse fut le dernier effort du terremoto; il y eut encore quelques oscillations, mais à peine sensibles, comme si la terre cherchait à reprendre son équilibre un instant perdu.

Les Pawnies, emportés sur leurs pirogues, étaient hors de danger; l'incendie commençait à s'éteindre faute d'aliments dans ce terrain bouleversé et inondé par les flots de la rivière.

Le Faucon-Noir restait seul à pied avec ses six compagnons au milieu de ce chaos indescriptible; il ne se découragea pas, et, voulant à toute force rejoindre les gambucinos, qui déjà avaient disparu derrière les immenses plis de terrain créés par le tremblement de terre, il fit signe à ses compagnons de lasser quelques-uns des chevaux qui galopaient dans la plaine, et, sautant en selle, les sept aventuriers se remirent à la recherche de leurs ennemis.

Don López, dans un de ses nombreux voyages à travers les Prairies, avait remarqué une colline dont la position était si forte, qu'il était facile d'y tenir plusieurs jours contre des ennemis en nombre même considérable; il s'était promis d'utiliser ce lieu, si quelque jour les circonstances l'obligeaient à recourir à un abri formidable. Ce fut donc là qu'il conduisit sa petite troupe.

Elle y arriva un peu après le milieu du jour.

Cet endroit se nommait la colline de l'Oiseau-Noir. Voici pour quelle raison on lui avait donné ce nom qu'il porte encore.

Les Omahas eurent, il y a une cinquante d'années, un chef fameux qui fit de sa nation la tribu la plus guerrière et la plus redoutée de toutes les peuplades indiennes des Prairies de l'ouest. Ce chef, qui se nommait Waeh ing-guh sah-ba, ou l'Oiseau-Noir, était non-seulement un grand guerrier, mais encore un grand politique. A l'aide du secret de certains poisons, et surtout de l'arsenic qu'il avait acheté à des marchands blancs, il était parvenu, en tuant traîtreusement ceux qui lui étaient opposés, à inspirer une crainte superstitieuse sans bornes. Lorsqu'il sentit la mort venir, il désigna le lieu qu'il avait choisi pour sa sépulture.

C'était une colline pyramidale d'environ cent vingt mètres de hauteur. Elle domine au loin le cours de la rivière qui en lave le pied, et, après avoir fait mille et mille détours dans la plaine, revient passer tout auprès. L'Oiseau-Noir ordonna que sa tombe fût élevée sur le sommet de cette colline, où il avait coutume de venir s'asseoir.

On exécuta ses dernières volontés. Son cadavre fut placé au sommet de la colline, à cheval sur son plus beau coursier, et l'on éleva un monticule par-dessus tous les deux: un bâton enfoncé dans le tombeau supportait la bannière du chef et les scalps qu'il avait enlevés à ses ennemis. Aussi la montagne de l'Oiseau-Noir est-elle un objet de vénération pour les Indiens, et lorsqu'un peau-rouge va suivre pour la première fois le sentier de la guerre, il vient raffermir son courage en contemplant cette cime enchantée qui renferme le squelette du guerrier Indien et de son cheval37.

Les gambucinos prirent avec joie possession de la colline, qu'ils commencèrent à fortifier autant que cela leur fut possible, en coupant les arbres les plus gros qu'ils trouvèrent et en élevant d'épaisses palissades garnies de pieux taillés en pointe et défendues d'un fossé circulaire large de dix pieds dans toute sa longueur.

Ce premier travail terminé, don López monta sur la cime du tombeau de l'Oiseau-Noir et regarda avec attention dans la plaine. A cette hauteur, il découvrait une immense étendue de terrain. La Prairie et la rivière étaient désertes, rien ne paraissait à l'horizon, si ce n'est, ça et là, quelques troupeaux de buffles et de bisons, les uns broutant l'herbe épaisse, les autres nonchalamment couchés. Le Mexicain éprouva un sentiment de satisfaction indicible en reconnaissant que sa piste n'était pas encore découverte et qu'il avait le temps nécessaire afin de tout préparer pour une vigoureuse défense.

Il s'occupa de garnir son camp de vivres, pour ne pas être pris par la famine, si, ce qui était probable, il était attaqué. Il ordonna donc une grande chasse aux bisons, et, à mesure qu'on les tuait, l'on coupait leur chair en lanières très-minces que l'on étendait sur des cordes pour sécher au soleil et faire ce que dans les Pampas on nomme du charqui. La cuisine fut établie dans une grotte naturelle qui se trouva dans l'intérieur des retranchements. Il fut ainsi facile de faire du feu sans crainte d'être découvert, car la fumée se perdait par un nombre infini de fissures qui la divisaient et la rendaient imperceptible.

Les gambucinos, plus heureux que les chasseurs, n'avaient pas perdu leurs chevaux dans la terrible catastrophe de la nuit, et, comme en quittant le camp, ils les avaient chargés à la hâte de tout ce qui leur était tombé sous la main, ils se trouvaient pourvus de munitions de guerre et des objets indispensables à leur campement.

 

Ils passèrent la nuit à faire des outres avec des peaux de bisons; ils enduisirent les coutures de graisse afin qu'elles ne laissassent pas filtrer de liquide, et ils se firent en peu de temps une quantité considérable d'eau.

Au lever du soleil, don López remonta sur son observatoire, et, après avoir jeté un long regard dans la plaine et s'être assuré que le désert conservait sa solitude, il appela Pépé Naïpès.

– Compère, lui dit-il, vous allez monter à cheval et vous vous rendrez aux loges38 des Omahas dont vous apercevez d'ici la fumée.

– Hum! fit le ranchero, seul?

– Oui, il est important que tous nos hommes restent ici; d'ailleurs, dans la Prairie, un homme se cache plus facilement que plusieurs. Et puis, que craignez-vous?

– Eh! d'être scalpé, donc!

– Oh! mon Dieu, le danger n'est pas moins grand ici. Nous allons être attaqués d'un moment à l'autre, et nous ne pouvons manquer d'être tous tués.

– C'est donc dans mon intérêt que vous m'envoyez chez les Omahas?

– Oui, et dans le nôtre.

– Ah!

– Parfaitement; écoutez-moi bien. Arrivé au village, vous vous présenterez de ma part à l'Œil-Gris, c'est le chef de la tribu, une de mes vieilles connaissances; vous vous annoncerez comme venant de ma part, vous direz que je suis en danger et que je demande secours; vous aurez soin surtout de le faire boire, et pour cela, vous emporterez avec vous une outre d'aguardiente; l'Œil-Gris, auquel vous montrerez cette machette, qu'il connaît parfaitement, se laissera convaincre et vous suivra avec ses guerriers, cinq cents hommes à peu près; vous les conduirez ici. M'avez-vous compris?

– Parfaitement.

– Partez donc tout de suite, et bonne chance. Songez que vous avez dans vos mains le sort de tous vos compagnons.

Le señor Pépé Naïpès, moitié flatté, moitié vexé de la mission qui lui était confiée, mais n'osant pas désobéir à l'ordre que son chef lui donnait, se mit en selle, fit le signe de la croix et partit, accompagné jusqu'aux derniers retranchements par les gambucinos qui le suppliaient de se hâter.

Il marchait depuis plus de deux heures et n'était plus qu'à une courte distance du village des Omahas lorsque tout à coup un lasso siffla à ses oreilles, un nœud coulant s'abattit sur ses épaules, et il roula à demi étranglé sur le sol.

Deux peaux-rouges se levèrent subitement du milieu des herbes qui les cachaient et se précipitèrent sur lui.

– Miséricorde! s'écria-t-il en fermant les yeux avec terreur, je suis mort.

VII
NÉCULPANGUE

Le señor Pépé Naïpès était perdu; déjà un des Indiens, saisissant son épaisse et rude chevelure, la tordait autour de son poignet, et son couteau à scalper décrivait autour du crâne de sa victime des cercles de plus en plus effrayants, lorsque le second Indien arrêta le bras de son compagnon en lui disant:

– Laisse ce chien, il est indigne de ta colère, sa vie nous sera plus utile que sa mort.

Le guerrier, sans répondre remit son couteau à sa ceinture en repoussant dédaigneusement le Mexicain du pied.

Celui-ci respira; il était sauvé, provisoirement du moins.

– Qui es-tu? reprit en espagnol l'homme qui s'était interposé si heureusement pour lui.

– Un pauvre diable de gambucino engagé par le chef d'une expédition qui cherche un placer.

– Tu mens, interrompit violemment le premier Indien; tu es l'associé et l'ami de don López Arriaga.

– Chef, je vous assure que vous vous trompez.

– Tais-toi, Nauchenanga sait ce qu'il dit; n'ai-je pas habité un mois parmi vous? Ne vous ai-je pas entendus souvent devant moi dévoiler vos projets?

Le Mexicain baissa la tète.

– Que voulez-vous de moi? demanda-t-il.

– La vérité! dit le vieil Indien d'une voix imposante.

Pépé Naïpès tressaillit à ces paroles; il considéra un instant Néculpangue d'un air effrayé, et il comprit aussitôt que la franchise seule pouvait le sauver; son parti fut bientôt pris.

– Parlez! murmura-t-il.

– Viens, lui répondit Nauchenanga, en lui faisant signe de se lever et de les suivre.

Pépé Naïpès obéit sans résistance.

Surpris par le tremblement de terre, Néculpangue et Nauchenanga avaient, comme les autres habitants de la Prairie, passé par tous les degrés de la terreur et risqué vingt fois de périr depuis le moment où ils étaient sortis de la grotte du sayotkatta pour se mettre à la poursuite de don López; aussitôt le danger passé, ils avaient exploré les alentours du camp et n'avaient pas tardé à retrouver les traces des gambucinos, mais ils les avaient perdues quelques lieues plus loin, et lorsque Pépé Naïpès était venu se jeter entre leurs mains, ils ne savaient plus de quel côté se diriger.

Escorté par les deux Indiens qui lui avaient fait quitter ses souliers et l'obligeaient à marcher à pied afin de le surveiller plus facilement, le Mexicain continua sa route en songeant avec tristesse au présidio de Santa Fé, et aux supplices que pourraient lui infliger les sauvages sur la mansuétude desquels il ne comptait guère. Après avoir marché assez longtemps au fond d'un ravin profondément encaissé entre deux collines, ils débouchèrent dans une large clairière située sur les bords du Néobraska, à peu de distance des loges des Omahas, vers lesquelles avait été envoyé Pépé Naïpès.

Ce lieu semblait complètement désert, mais les trois hommes n'eurent pas fait dix pas en avant qu'une centaine de Comanches peints et armés en guerre se levèrent tout à coup des hautes herbes au milieu desquelles ils étaient cachés. A cette apparition subite et imprévue, Pépé Naïpès ne put réprimer un geste d'effroi, mais ses compagnons se contentèrent de jeter un coup d'œil autour d'eux sans manifester la moindre surprise, et, après avoir échangé quelques paroles à voix basse avec les nouveaux venus, ils continuèrent leur route en silence; à part quelques Indiens qui les accompagnèrent, les autres disparurent aussi vite qu'ils s'étaient montrés.

Enfin, arrivés à un endroit où plusieurs pirogues se trouvaient échouées sur la plage, non loin des restes d'un brasier dans lequel les peaux-rouges se hâtèrent de jeter quelques brassées de bois sec pour le raviver, les deux chefs s'arrêtèrent en faisant signe au Mexicain de les imiter. Néculpangue, Nauchenanga et quelques autres s'assirent en cercle autour du feu et commencèrent gravement à fumer sans prononcer une parole.

Les naturels de l'Amérique ont la coutume de fumer ainsi quelque temps avant de prendre une résolution importante, d'entamer une discussion sérieuse ou de mettre à exécution un projet hardi.

Pépé Naïpès connaissait trop bien les mœurs indiennes pour s'étonner de la feinte indifférence des Comanches à son égard et de l'impassible lenteur avec laquelle ils humaient la fumée de leurs calumets: aussi l'idée de s'échapper de leurs mains ne lui vint pas un seul instant; il savait que tous ses mouvements étaient épiés et qu'au moindre geste suspect il serait en un clin-d'œil renversé et garrotté.

Le nombre des Indiens rassemblés dans la clairière croissait à chaque instant et ne tarda pas à devenir considérable; à leur costume et à la façon dont ils portaient la plume dans leur touffe de guerre, Pépé Naïpès reconnut que ces hommes n'appartenaient pas à la tribu qui avait attaqué le camp et s'en était emparée.

C'étaient en effet les deux cents guerriers comanches dont Nauchenanga avait annoncé l'arrivée à don López.

Néculpangue se leva, et, promenant un regard assuré sur les Indiens qui l'entouraient, il se recueillit une minute et prit la parole.

– Chefs des Comanches, dit-il de sa voix sonore et sympathique, nos frères les Pawnies des Prairies nous ont donné un bel exemple en détruisant le camp des visages pâles; mais le hardi coup de main tenté par nos frères n'a réussi qu'à moitié puisque le chef de l'expédition a su leur échapper, enlevant avec lui celle que nous avons juré de reconquérir, Rant-chaï-waï-mè, le Pigeon-Volant, la joie de nos cœurs et les délices de nos yeux; la laisserons-nous plus longtemps au pouvoir de ses ravisseurs?

A ces dernières paroles, un frisson de colère passa dans l'assemblée, et toutes les mains se crispèrent avec menace sur le manche des tomahawks et les canons des rifles.

– Voici mon avis, chefs des Comanches, continua impassiblement Néculpangue, sans paraître s'apercevoir de l'émotion profonde qu'il avait causée; interrogeons le visage pâle qui est entre nos mains: il doit savoir où est caché son chef que nous cherchons vainement; s'il ne veut pas parler de bonne volonté, nous saurons l'y contraindre, et nous nous mettrons à la poursuite des fugitifs, afin de prendre leurs chevelures et de les attacher au poteau des tortures à notre retour dans nos villages. Ai-je bien parlé, hommes puissants?

– Notre père a bien parlé, répondirent en chœur les chefs en s'inclinant avec déférence devant le vieillard; la sagesse réside en lui, et c'est Guatéchù qui l'inspire.

– Bon! reprit Néculpangue, mes fils ont de l'indulgence pour ma tête grise, je les en remercie; que l'on fasse approcher le prisonnier.

Pépé Naïpès, saisi à l'improviste par deux guerriers, fut poussé jusque auprès du feu du conseil et placé en face du Lion-du-Désert. Assez peu rassuré par la manière brusque qu'on employait pour le mettre en scène, il recommença à trembler de tous ses membres et à recommander mentalement son âme à Dieu et à tous les saints du paradis.

Néculpangue le considéra un instant de cet œil profond auquel rien n'échappait, et un sourire de dédain plissa ses lèvres pâles; il avait reconnu du premier coup à quelle pauvre nature il avait affaire et combien il lui serait facile d'en obtenir tout ce qu'il voudrait; alors, changeant l'expression sévère de son visage pour prendre un air riant et affable, il s'inclina gracieusement devant le Mexicain, et ce fut d'une voix douce et insinuante qu'il entama l'entretien.

– Je suis heureux, dit-il, que Guatéchù m'ait permis de rendre service à mon frère.

– Service! s'écria avec chaleur Pépé Naïpès tout ragaillardi par les façons aimables de l'Indien… Caray!.. chef, vous m'avez bel et bien sauvé la vie, sans vous j'étais un homme mort.

– Ai-je réellement sauvé la vie à mon frère?

– Hum! je le crois bien, et si Nauchenanga veut en convenir, je suis certain qu'il sera de mon avis.

– Mon frère me pardonnera, dit Nauchenanga d'une voix mielleuse en venant serrer la main du Mexicain avec effusion, la colère m'aveuglait, et je ne savais ce que je faisais.

– Oui, oui, répondit le ranchero, qui se rassurait de plus en plus et qui, par conséquent, en digne Mexicain qu'il était, devenait insolent, bavard et fanfaron; mais, c'est égal, chef, je vous engage une autre fois à faire plus attention; un malentendu est mortel dans certaines circonstances.

– Eh bien, voilà qui est certain, puisque mon frère l'assure, je lui ai sauvé la vie, reprit Néculpangue toujours impassible.

– Oui, chef, je le proclamerai à la face de tous.

– Très-bon! mon frère est reconnaissant. Refusera-t-il à son tour de faire quelque chose pour un homme qui a tant fait pour lui?

– Parlez, chef, je suis à vos ordres.

– Mon frère sait-il ce qu'est devenu le grand chef pâle?

– Caramba! si je le sais! il s'est sauvé, pardieu!

– Et mon frère sait-il dans quelle direction? Où il est?

– Pour cela, chef, j'ignore complètement comment se nomme l'endroit où il s'est retranché, mais je puis vous le décrire.

– Bon! mon frère n'a pas la langue fourchue, tout ce qu'il dit est vrai. Qu'il me décrive donc cet endroit.

– Avec plaisir, chef, répondit Pépé en faisant l'agréable; c'est une haute colline à quatre lieues d'ici, à peu près sur le bord de la rivière; sur le haut de cette colline est enterré un célèbre chef indien.

– La colline de l'Oiseau-Noir? demanda Néculpangue.

– En effet, chef, je crois que c'est le nom que j'ai entendu.

– Et Rant-chaï-waï-mè? Mon frère peut-il me dire ce qu'elle est devenue? dit Nauchenanga.

– Pardieu! chef, parfaitement, elle est au camp avec nous.

En ce moment un Indien vint dire quelques mots à l'oreille de Néculpangue.

– Très-bon! dit le vieux chef au Mexicain, je remercie mon frère; il peut se retirer.

 

– Un instant, dit une voix sévère; mon père Néculpangue ne se souvient-il plus de sa promesse? Cet homme m'appartient.

Et le sorcier, s'avançant au milieu de l'assemblée, posa sa main longue et osseuse sur l'épaule de Pépé Naïpès.

– Que veut faire de cet homme notre grand médecin?

– Je veux offrir demain, au lever du soleil, son cœur palpitant à Jurùpari, afin de détourner sa maligne influence.

– Que mon père laisse aller ce misérable, dit Néculpangue d'une voix douce; je lui réserve d'autres victimes plus dignes du dieu qu'il veut honorer.

– Impossible, reprit le devin d'une voix ferme, Jurùpari veut du sang.

Néculpangue baissa la tête. Quelque puissant que soit un chef indien, quel que soit son ascendant sur les membres de sa tribu, rien n'est plus incertain que ce pouvoir qu'un souffle et qu'un caprice peuvent briser dans une seconde, et la faveur éphémère dont il jouit peut s'évanouir à tout jamais, s'il ne sait, à force de politique et de concessions, mettre toujours la majorité dans ses intérêts, et surtout respecter les croyances superstitieuses de ses subordonnés.

Néculpangue connaissait trop à fond le caractère indien pour lutter plus longtemps et chercher davantage à soustraire à ses guerriers la victime qu'ils convoitaient.

– Que mon père, le grand médecin, soit satisfait, dit-il; cet homme lui appartient: Jurùpari sera content.

– Néculpange est un grand chef; que pendant mille lunes encore il puisse présider au feu du conseil et guider nos guerriers au combat, répondit le devin avec un sourire de satisfaction.

Les Indiens poussèrent un frénétique hourra de joie en félicitant Néculpange qui venait de reconquérir toute son influence un instant ébranlée par son hésitation.

Pépé Naïpès, en apprenant le sort qui l'attendait, poussa des cris pitoyables et se jeta aux pieds de ses bourreaux, qu'il chercha en vain à attendrir par ses larmes, résistant de toutes ses forces à ceux qui s'étaient emparés de lui et cherchaient à l'entraîner. Enfin il perdit tout espoir et n'opposa plus qu'une résistance machinale. On le jeta, solidement garrotté, au pied d'un arbre, en attendant l'heure du supplice.

37Voir, pour plus amples détails, le bel ouvrage de Washington Irving, intitulé Astoria.
38Villages.
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