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Cinq semaines en ballon

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X. Essais antérieurs. – Les cinq caisses du docteur.

Essais antérieurs. – Les cinq caisses du docteur. – Le chalumeau à gaz. – Le calorifère. – Manière de manœuvrer. – Succès certain.


«On a tenté souvent, messieurs, de s’élever ou de descendre à volonté, sans perdre le gaz ou le lest d’un ballon. Un aéronaute français, M. Meunier, voulait atteindre ce but en comprimant de l’air dans une capacité intérieure. Un belge, M. le docteur van Hecke, au moyen d’ailes et de palettes, déployait une force verticale qui eut été insuffisante dans la plupart des cas. Les résultats pratiques obtenus par ses divers moyens ont été insignifiants.

«J’ai donc résolu d’aborder la question plus franchement. Et d’abord je supprime complètement le lest, si ce n’est pour les cas de force majeure, tels que la rupture de mon appareil, ou l’obligation de m’élever instantanément pour éviter un obstacle imprévu.

«Mes moyens d’ascension et de descente consistent uniquement à dilater ou à contracter par des températures diverses le gaz renfermé dans l’intérieur de l’aérostat. Et voici comment j’obtiens ce résultat.

«Vous avez vu embarquer avec la nacelle plusieurs caisses dont l’usage vous est inconnu. Ces caisses sont au nombre de cinq.

«La première renferme environ vingt-cinq gallons d’eau, à laquelle j’ajoute quelques gouttes d’acide sulfurique pour augmenter sa conductibilité, et je la décompose au moyen d’une forte pile de Bunsen. L’eau, comme vous le savez, se compose de deux volumes en gaz hydrogène et d’un volume en gaz oxygène.

«Ce dernier, sous l’action de la pile, se rend par son pôle positif dans une seconde caisse. Une troisième, placée au-dessus de celle-ci, et d’une capacité double, reçoit l’hydrogène qui arrive par le pôle négatif.

«Des robinets, dont l’un a une ouverture double de l’autre, font communiquer ces deux caisses avec une quatrième, qui s’appelle caisse de mélange. Là, en effet, se mélangent ces deux gaz provenant de la décomposition de l’eau. La capacité de cette caisse de mélange est environ de quarante et un pieds cubes[18].

«À la partie supérieure de cette caisse est un tube en platine, muni d’un robinet.

«Vous l’avez déjà compris, messieurs : l’appareil que je vous décris est tout bonnement un chalumeau à gaz oxygène et hydrogène, dont la chaleur dépasse celle des feux de forge.

«Ceci établi, je passe à la seconde partie de l’appareil.

«De la partie inférieure de mon ballon, qui est hermétiquement clos, sortent deux tubes séparés par un petit intervalle. L’un prend naissance au milieu des couches supérieures du gaz hydrogène, l’autre au milieu des couches inférieures.

«Ces deux tuyaux sont munis de distance en distance de fortes articulations en caoutchouc, qui leur permettent de se prêter aux oscillations de l’aérostat.

«Ils descendent tous deux jusqu’à la nacelle, et se perdent dans une caisse de fer de forme cylindrique, qui s’appelle caisse de chaleur. Elle est fermée à ses deux extrémités par deux forts disques de même métal.

«Le tuyau parti de la région inférieure du ballon se rend dans cette boîte cylindrique par le disque du bas ; il y pénètre, et affecte alors la forme d’un serpentin hélicoïdal dont les anneaux superposés occupent presque toute la hauteur de la caisse. Avant d’en sortir, le serpentin se rend dans un petit cône, dont la base concave, en forme de calotte sphérique, est dirigée en bas.

«C’est par le sommet de ce cône que sort le second tuyau, et il se rend, comme je vous l’ai dit, dans les couches supérieures du ballon.

«La calotte sphérique du petit cône est en platine afin de ne pas fondre sous l’action du chalumeau. Car celui-ci est placé sur le fond de la caisse en fer, au milieu du serpentin hélicoïdal, et l’extrémité de sa flamme viendra légèrement lécher cette calotte.

«Vous savez, messieurs, ce que c’est qu’un calorifère destiné à chauffer les appartements. Vous savez comment il agit. L’air de l’appartement est forcé de passer par les tuyaux, et il est restitué avec une température plus élevée. Or, ce que je viens de vous décrire là n’est, à vrai dire, qu’un calorifère.

«En effet, que se passera-t-il ? Une fois le chalumeau allumé, l’hydrogène du serpentin et du cône concave s’échauffe, et monte rapidement par le tuyau qui le mène aux régions supérieures de l’aérostat. Le vide se fait en dessous, et il attire le gaz des régions inférieures qui se chauffe à son tour, et est continuellement remplacé ; il s’établit ainsi dans les tuyaux et le serpentin un courant extrêmement rapide de gaz, sortant du ballon, y retournant et se surchauffant sans cesse.

«Or, les gaz augmentent de 1/480 de leur volume par degré de chaleur. Si donc je force la température de dix-huit degrés[19], l’hydrogène de l’aérostat se dilatera de 18/480, ou de seize cent quatorze pieds cubes[20], il déplacera donc seize cent soixante-quatorze pieds cubes d’air de plus, ce qui augmentera sa force ascensionnelle de cent soixante livres. Cela revient donc à jeter ce même poids de lest. Si j’augmente la température de cent quatre-vingt degrés[21], le gaz se dilatera de 180/480 : il déplacera seize mille sept cent quarante pieds cubes de plus, et sa force ascensionnelle s’accroîtra de seize cents livres.

«Vous le comprenez, messieurs, je puis donc facilement obtenir des ruptures d’équilibre considérables. Le volume de l’aérostat a été calculé de telle façon, qu’étant à demi gonflé, il déplace un poids d’air exactement égal à celui de l’enveloppe du gaz hydrogène et de la nacelle chargée de voyageurs et de tous ses accessoires. À ce point de gonflement, il est exactement en équilibre dans l’air, il ne monte ni ne descend.

«Pour opérer l’ascension, je porte le gaz à une température supérieure à la température ambiante au moyen de mon chalumeau ; par cet excès de chaleur, il obtient une tension plus forte, et gonfle davantage le ballon, qui monte d’autant plus que je dilate l’hydrogène.

«La descente se fait naturellement en modérant la chaleur du chalumeau, et en laissant la température se refroidir. L’ascension sera donc généralement beaucoup plus rapide que la descente. Mais c’est là une heureuse circonstance ; je n’ai jamais d’intérêt à descendre rapidement, et c’est au contraire par une marche ascensionnelle très prompte que j’évite les obstacles. Les dangers sont en bas et non en haut.

«D’ailleurs, comme je vous l’ai dit, j’ai une certaine quantité de lest qui me permettra de m’élever plus vite encore, si cela devient nécessaire. Ma soupape, située au pôle supérieur du ballon, n’est plus qu’une soupape de sûreté. Le ballon garde toujours sa même charge d’hydrogène ; les variations de température que je produis dans ce milieu de gaz clos pourvoient seules à tous ses mouvements de montée et de descente.

«Maintenant, messieurs, comme détail pratique, j’ajouterai ceci.

«La combustion de l’hydrogène et de l’oxygène à la pointe du chalumeau produit uniquement de la vapeur d’eau. J’ai donc muni la partie inférieure de la caisse cylindrique en fer d’un tube de dégagement avec soupape fonctionnant à moins de deux atmosphères de pression ; par conséquent, dès qu’elle a atteint cette tension, la vapeur s’échappe d’elle-même.

«Voici maintenant des chiffres très exacts.

«Vingt-cinq gallons d’eau décomposée en ses éléments constitutifs donnent deux cents livres d’oxygène et vingt-cinq livres d’hydrogène. Cela représente, à la tension atmosphérique, dix-huit cent quatre-vingt-dix pieds cubes[22] du premier, et trois mille sept cent quatre-vingts pieds cubes[23] du second, en tout cinq mille six cent soixante-dix pieds cubes du mélange[24].

 

«Or, le robinet de mon chalumeau, ouvert en plein, dépense vingt-sept pieds cubes[25] à l’heure avec une flamme au moins six fois plus forte que celle des grandes lanternes d’éclairage. En moyenne donc, et pour me maintenir à une hauteur peu considérable, je ne brûlerai pas plus de neuf pieds cubes à l’heure[26] ; mes vingt-cinq gallons d’eau me représentent donc six cent trente heures de navigation aérienne, ou un peu plus de vingt-six jours.

«Or, comme je puis descendre à volonté, et renouveler ma provision d’eau sur la route, mon voyage peut avoir une durée indéfinie.

«Voilà mon secret, messieurs, il est simple, et, comme les choses simples, il ne peut manquer de réussir. La dilatation et la contraction du gaz de l’aérostat, tel est mon moyen, qui n’exige ni ailes embarrassantes, ni moteur mécanique. Un calorifère pour produire mes changements de température, un chalumeau pour le chauffer, cela n’est ni incommode, ni lourd. Je crois donc avoir réuni toutes les conditions sérieuses de succès.»

Le docteur Fergusson termina ainsi son discours, et fut applaudi de bon cœur. Il n’y avait pas une objection à lui faire ; tout était prévu et résolu.

«Cependant, dit le commandant, cela peut être dangereux.

– Qu’importe, répondit simplement le docteur, si cela est praticable ?»

XI. Arrivée à Zanzibar, – Le consul anglais

Arrivée à Zanzibar, – Le consul anglais. – Mauvaises dispositions des habitants. – L’île Koumbeni. – Les faiseurs de pluie – Gonflement du ballon. – Départ du 18 avril. – Dernier adieu. – Le «Victoria».


Un vent constamment favorable avait hâté la marche du Resolute vers le lieu de sa destination. La navigation du canal de Mozambique fut particulièrement paisible. La traversée maritime faisait bien augurer de la traversée aérienne. Chacun aspirait au moment de l’arrivée, et voulait mettre la dernière main aux préparatifs du docteur Fergusson.

Enfin le bâtiment vint en vue de la ville de Zanzibar, située sur l’île du même nom, et le 15 avril, à onze heures du matin, laissa tomber l’ancre dans le port.

L’île de Zanzibar appartient à l’iman de Mascate, allié de la France et de l’Angleterre, et c’est à coup sûr sa plus belle colonie. Le port reçoit un grand nombre de navires des contrées avoisinantes.

L’île n’est séparée de la côte africaine que par un canal dont la plus grande largeur n’excède pas trente milles[27].

Elle fait un grand commerce de gomme, d’ivoire, et surtout d’ébène, car Zanzibar est le grand marché d’esclaves. Là vient se concentrer tout ce butin conquis dans les batailles que les chefs de l’intérieur se livrent incessamment. Ce trafic s’étend aussi sur toute la côte orientale, et jusque sous les latitudes du Nil, et M. G. Lejean y a vu faire ouvertement la traite sous pavillon français.

Vue de Zanzibar.

Dès l’arrivée du Resolute, le consul anglais de Zanzibar vint à bord se mettre à la disposition du docteur, des projets duquel, depuis un mois, les journaux d’Europe l’avaient tenu au courant. Mais jusque-là, il faisait partie de la nombreuse phalange des incrédules.

«Je doutais, dit-il en tendant la main à Samuel Fergusson, mais maintenant je ne doute plus.»

Il offrit sa propre maison au docteur, à Dick Kennedy, et naturellement au brave Joe.

Par ses soins, le docteur prit connaissance de diverses lettres qu’il avait reçues du capitaine Speke. Le capitaine et ses compagnons avaient eu à souffrir terriblement de la faim et du mauvais temps avant d’atteindre le pays d’Ugogo ; ils ne s’avançaient qu’avec une extrême difficulté et ne pensaient plus pouvoir donner promptement de leurs nouvelles.

«Voilà des périls et des privations que nous saurons éviter», dit le docteur.

Les bagages des trois voyageurs furent transportés à la maison du consul. On se disposait à débarquer le ballon sur la plage de Zanzibar ; il y avait près du mât des signaux un emplacement favorable, auprès d’une énorme construction qui l’eut abrité des vents d’est. Cette grosse tour, semblable à un tonneau dressé sur sa base, et près duquel la tonne d’Heidelberg n’eut été qu’un simple baril, servait de fort, et sur sa plate-forme veillaient des Beloutchis armés de lances, sorte de garnisaires fainéants et braillards.

Mais, lors du débarquement de l’aérostat, le consul fut averti que la population de l’île s’y opposerait par la force. Rien de plus aveugle que les passions fanatisées. La nouvelle de l’arrivée d’un chrétien qui devait s’enlever dans les airs fut reçue avec irritation ; les nègres, plus émus que les Arabes, virent dans ce projet des intentions hostiles à leur religion ; ils se figuraient qu’on en voulait au soleil et à la lune. Or, ces deux astres sont un objet de vénération pour les peuplades africaines. On résolut donc de s’opposer à cette expédition sacrilège.

Le consul, instruit de ces dispositions, en conféra avec le docteur Fergusson et le commandant Pennet. Celui-ci ne voulait pas reculer devant des menaces ; mais son ami lui fit entendre raison à ce sujet.

«Nous finirons certainement par l’emporter, lui dit-il ; les garnisaires mêmes de l’iman nous prêteraient main-forte au besoin ; mais, mon cher commandant, un accident est vite arrivé ; il suffirait d’un mauvais coup pour causer au ballon un accident irréparable, et le voyage serait compromis sans remise ; il faut donc agir avec de grandes précautions.

– Mais que faire ? Si nous débarquons sur la côte d’Afrique, nous rencontrerons les mêmes difficultés! Que faire ?

– Rien n’est plus simple, répondit le consul. Voyez ces îles situées au-delà du port ; débarquez votre aérostat dans l’une d’elles, entourez-vous d’une ceinture de matelots, et vous n’aurez aucun risque à courir.

– Parfait, dit le docteur, et nous serons à notre aise pour achever nos préparatifs.

Le commandant se rendit à ce conseil. Le Resolute s’approcha de l’île de Koumbeni. Pendant la matinée du 16 avril, le ballon fut mis en sûreté au milieu d’une clairière, entre les grands bois dont le sol est hérissé.

On dressa deux mats hauts de quatre-vingts pieds et placés à une pareille distance l’un de l’autre ; un jeu de poulies fixées à leur extrémité permit d’enlever l’aérostat au moyen d’un câble transversal ; il était alors entièrement dégonflé. Le ballon intérieur se trouvait rattaché au sommet du ballon extérieur de manière à être soulevé comme lui.

C’est à l’appendice inférieur de chaque ballon que furent fixés les deux tuyaux d’introduction de l’hydrogène.

La journée du 17 se passa à disposer l’appareil destiné à produire le gaz ; il se composait de trente tonneaux, dans lesquels la décomposition de l’eau se faisait au moyen de ferraille et d’acide sulfurique mis en présence dans une grande quantité d’eau. L’hydrogène se rendait dans une vaste tonne centrale après avoir été lavé à son passage, et de là il passait dans chaque aérostat par les tuyaux d’introduction. De cette façon, chacun d’eux se remplissait d’une quantité de gaz parfaitement déterminée.

Il fallut employer, pour cette opération, dix-huit cent soixante-six gallons[28] d’acide sulfurique, seize mille cinquante livres de fer[29] et neuf cent soixante-six gallons d’eau[30].

Cette opération commença dans la nuit suivante, vers trois heures du matin ; elle dura près de huit heures. Le lendemain, l’aérostat, recouvert de son filet, se balançait gracieusement au-dessus de la nacelle, retenu par un grand nombre de sacs de terre. L’appareil de dilatation fut monté avec un grand soin, et les tuyaux sortant de l’aérostat furent adaptés à la boîte cylindrique.

Les ancres, les cordes, les instruments, les couvertures de voyage, la tente, les vivres, les armes, durent prendre dans la nacelle la place qui leur était assignée ; la provision d’eau fut faite à Zanzibar. Les deux cents livres de lest furent réparties dans cinquante sacs placés au fond de la nacelle, mais cependant à portée de la main.

Ces préparatifs se terminaient vers cinq heures du soir ; des sentinelles veillaient sans cesse autour de l’île, et les embarcations du Resolute sillonnaient le canal.

Les Nègres continuaient à manifester leur colère par des cris, des grimaces et des contorsions. Les sorciers parcouraient les groupes irrités, en soufflant sur toute cette irritation ; quelques fanatiques essayèrent de gagner l’île à la nage, mais on les éloigna facilement.

Alors les sortilèges et les incantations commencèrent ; les faiseurs de pluie, qui prétendent commander aux nuages, appelèrent les ouragans et les «averses de pierres[31]» à leur secours ; pour cela, ils cueillirent des feuilles de tous les arbres différents du pays ; ils les firent bouillir à petit feu, pendant que l’on tuait un mouton en lui enfonçant une longue aiguille dans le cœur. Mais, en dépit de leurs cérémonies, le ciel demeura pur, et ils en furent pour leur mouton et leurs grimaces.

Les nègres se livrèrent alors à de furieuses orgies, s’enivrant du «tembo», liqueur ardente tirée du cocotier, ou d’une bière extrêmement capiteuse appelée «togwa». Leurs chants, sans mélodie appréciable, mais dont le rythme est très juste, se poursuivirent fort avant dans la nuit.

Vers six heures du soir un dernier dîner réunit les voyageurs à la table du commandant et de ses officiers. Kennedy, que personne n’interrogeait plus, murmurait tout bas des paroles insaisissables ; il ne quittait pas des yeux le docteur Fergusson.

Ce repas d’ailleurs fut triste. L’approche du moment suprême inspirait à tous de pénibles réflexions. Que réservait la destinée à ces hardis voyageurs ? Se retrouveraient-ils jamais au milieu de leurs amis, assis au foyer domestique ? Si les moyens de transport venaient à manquer, que devenir au sein de peuplades féroces, dans ces contrées inexplorées, au milieu de déserts immenses ?

Ces idées, éparses jusque-là, et auxquelles on s’attachait peu, assiégeaient alors les imaginations surexcitées. Le docteur Fergusson, toujours froid, toujours impassible, causa de choses et d’autres ; mais en vain chercha-t-il à dissiper cette tristesse communicative ; il ne put y parvenir.

Comme on craignait quelques démonstrations contre la personne du docteur et de ses compagnons, ils couchèrent tous les trois à bord du Resolute. À six heures du matin, ils quittaient leur cabine et se rendaient à l’île de Koumbeni.

 

Le ballon se balançait légèrement au souffle du vent de l’est. Les sacs de terre qui le retenaient avaient été remplacés par vingt matelots. Le commandant Pennet et ses officiers assistaient à ce départ solennel.

En ce moment, Kennedy alla droit au docteur, lui prit la main et dit :

«Il est bien décidé, Samuel, que tu pars ?

– Cela est très décidé, mon cher Dick.

– J’ai bien fait tout ce qui dépendait de moi pour empêcher ce voyage ?

– Tout.

– Alors j’ai la conscience tranquille à cet égard, et je t’accompagne.

– J’en étais sûr», répondit le docteur, en laissant voir sur ses traits une rapide émotion.

L’instant des derniers adieux arrivait. Le commandant et ses officiers embrassèrent avec effusion leurs intrépides amis, sans en excepter le digne Joe, fier et joyeux. Chacun des assistants voulut prendre sa part des poignées de main du docteur Fergusson.

À neuf heures, les trois compagnons de route prirent place dans la nacelle : le docteur alluma son chalumeau et poussa la flamme de manière à produire une chaleur rapide. Le ballon, qui se maintenait à terre en parfait équilibre, commença à se soulever au bout de quelques minutes. Les matelots durent filer un peu des cordes qui le retenaient. La nacelle s’éleva d’une vingtaine de pieds.

«Mes amis, s’écria le docteur debout entre ses deux compagnons et ôtant son chapeau, donnons à notre navire aérien un nom qui lui porte bonheur! qu’il soit baptisé le Victoria!»

Un hourra formidable retentit :

«Vive la reine! Vive l’Angleterre!»

En ce moment, la force ascensionnelle de l’aérostat s’accroissait prodigieusement. Fergusson, Kennedy et Joe lancèrent un dernier adieu à leurs amis.

«Lâchez tout! s’écria le docteur.»

Et le Victoria s’éleva rapidement dans les airs, tandis que les quatre caronades du Resolute tonnaient en son honneur.

XII. Traversée du détroit. – Le Mrima. – Propos de Dick et proposition de Joe.

Traversée du détroit. – Le Mrima. – Propos de Dick et proposition de Joe. – Recette pour le café. – L’Uzaramo. – L’infortuné Maizan. – Le mont Duthumi. – Les cartes du docteur – Nuit sur un nopal.


L’air était pur, le vent modéré ; le Victoria monta presque perpendiculairement à une hauteur de 1500 pieds, qui fut indiquée par une dépression de deux pouces moins deux lignes[32] dans la colonne barométrique.

À cette élévation, un courant plus marqué porta le ballon vers le sud-ouest. Quel magnifique spectacle se déroulait aux yeux des voyageurs!

L’île de Zanzibar s’offrait tout entière à la vue et se détachait en couleur plus foncée, comme sur un vaste planisphère ; les champs prenaient une apparence d’échantillons de diverses couleurs ; de gros bouquets d’arbres indiquaient les bois et les taillis.

Les habitants de l’île apparaissaient comme des insectes. Les hourras et les cris s’éteignaient peu à peu dans l’atmosphère, et les coups de canon du navire vibraient seuls dans la concavité inférieure de l’aérostat.

Traversée du détroit.

«Que tout cela est beau!» s’écria Joe en rompant le silence pour la première fois.

Il n’obtint pas de réponse. Le docteur s’occupait d’observer les variations barométriques et de prendre note des divers détails de son ascension.

Kennedy regardait et n’avait pas assez d’yeux pour tout voir.

Les rayons du soleil venant en aide au chalumeau, la tension du gaz augmenta. Le Victoria atteignit une hauteur de 2500 pieds.

Le Resolute apparaissait sous l’aspect d’une simple barque, et la côte africaine apparaissait dans l’ouest par une immense bordure d’écume.

«Vous ne parlez pas ? fit Joe.

– Nous regardons, répondit le docteur en dirigeant sa lunette vers le continent.

– Pour mon compte, il faut que je parle.

– À ton aise! Joe, parle tant qu’il te plaira.»

Et Joe fit à lui seul une terrible consommation d’onomatopées. Les oh! les ah! les hein! éclataient entre ses lèvres.

Pendant la traversée de la mer, le docteur jugea convenable de se maintenir à cette élévation ; il pouvait observer la côte sur une plus grande étendue ; le thermomètre et le baromètre, suspendus dans l’intérieur de la tente entrouverte, se trouvaient sans cesse à portée de sa vue ; un second baromètre, placé extérieurement, devait servir pendant les quarts de nuit.

Au bout de deux heures, le Victoria, poussé avec une vitesse d’un peu plus de huit milles, gagna sensiblement la côte. Le docteur résolut de se rapprocher de terre ; il modéra la flamme du chalumeau, et bientôt le ballon descendit à 300 pieds du sol.

Il se trouvait au-dessus du Mrima, nom que porte cette portion de la côte orientale de l’Afrique ; d’épaisses bordures de mangliers en protégeaient les bords ; la marée basse laissait apercevoir leurs épaisses racines rongées par la dent de l’océan Indien. Les dunes qui formaient autrefois la ligne côtière s’arrondissaient à l’horizon ; et le mont Nguru dressait son pic dans le nord-ouest.

Le Victoria passa près d’un village que, sur sa carte, le docteur reconnut être le Kaole. Toute la population rassemblée poussait des hurlements de colère et de crainte ; des flèches furent vainement dirigées contre ce monstre des airs, qui se balançait majestueusement au-dessus de toutes ces fureurs impuissantes.

Le vent portait au sud, mais le docteur ne s’inquiéta pas de cette direction ; elle lui permettait au contraire de suivre la route tracée par les capitaines Burton et Speke.

Kennedy était enfin devenu aussi loquace que Joe ; ils se renvoyaient mutuellement leurs phrases admiratives.

«Fi des diligences! disait l’un.

– Fi des steamers! disait l’autre.

– Fi des chemins de fer! ripostait Kennedy, avec lesquels on traverse les pays sans les voir!

– Parlez-moi d’un ballon, reprenait Joe ; on ne se sent pas marcher, et la nature prend la peine de se dérouler à vos yeux!

– Quel spectacle! quelle admiration! quelle extase! un rêve dans un hamac!

– Si nous déjeunions ? fit Joe, que le grand air mettait en appétit.

– C’est une idée, mon garçon.

– Oh! la cuisine ne sera pas longue à faire! du biscuit et de la viande conservée.

– Et du café à discrétion, ajouta le docteur. Je te permets d’emprunter un peu de chaleur à mon chalumeau ; il en a de reste. Et de cette façon nous n’aurons point à craindre d’incendie.

– Ce serait terrible, reprit Kennedy. C’est comme une poudrière que nous avons au-dessus de nous.

– Pas tout à fait, répondit Fergusson ; mais enfin, si le gaz s’enflammait, il se consumerait peu à peu, et nous descendrions à terre, ce qui nous désobligerait ; mais soyez sans crainte, notre aérostat est hermétiquement clos.

– Mangeons donc, fit Kennedy.

– Voilà, messieurs, dit Joe, et, tout en vous imitant, je vais confectionner un café dont vous me direz des nouvelles.

– Le fait est, reprit le docteur, que Joe, entre mille vertus, a un talent remarquable pour préparer ce délicieux breuvage ; il le compose d’un mélange de diverses provenances, qu’il n’a jamais voulu me faire connaître.

– Eh bien! mon maître, puisque nous sommes en plein air, je peux bien vous confier ma recette. C’est tout bonnement un mélange en parties égales de moka, de bourbon et de rio-nunez.»

Quelques instants après, trois tasses fumantes étaient servies et terminaient un déjeuner substantiel assaisonné par la bonne humeur des convives ; puis chacun se remit à son poste d’observation.

Le pays se distinguait par une extrême fertilité. Des sentiers sinueux et étroits s’enfonçaient sous des voûtes de verdure. On passait au-dessus des champs cultivés de tabac, de maïs, d’orge, en pleine maturité ; çà et là de vastes rizières avec leurs tiges droites et leurs fleurs de couleur purpurine. On apercevait des moutons et des chèvres renfermés dans de grandes cages élevées sur pilotis, ce qui les préservait de la dent du léopard. Une végétation luxuriante s’échevelait sur ce sol prodigue. Dans de nombreux villages se reproduisaient des scènes de cris et de stupéfaction à la vue du Victoria, et le docteur Fergusson se tenait prudemment hors de la portée des flèches ; les habitants, attroupés autour de leurs huttes contiguës, poursuivaient longtemps les voyageurs de leurs vaines imprécations.

À midi, le docteur en consultant sa carte, estima qu’il se trouvait au-dessus du pays d’Uzaramo[33]. La campagne se montrait hérissée de cocotiers, de papayers, de cotonniers, au-dessus desquels le Victoria paraissait se jouer. Joe trouvait cette végétation toute naturelle, du moment qu’il s’agissait de l’Afrique. Kennedy apercevait des lièvres et des cailles qui ne demandaient pas mieux que de recevoir un coup de fusil ; mais c’eût été de la poudre perdue, attendu l’impossibilité de ramasser le gibier.

Les aéronautes marchaient avec une vitesse de douze milles à l’heure, et se trouvèrent bientôt par 38° 20’de longitude au-dessus du village de Tounda.

«C’est là, dit le docteur, que Burton et Speke furent pris de fièvres violentes et crurent un instant leur expédition compromise. Et cependant ils étaient encore peu éloignés de la côte, mais déjà la fatigue et les privations se faisaient rudement sentir.»

Vue du pays d’Uzaramo.

En effet, dans cette contrée règne une malaria perpétuelle ; le docteur n’en put même éviter les atteintes qu’en élevant le ballon au-dessus des miasmes de cette terre humide, dont un soleil ardent pompait les émanations.

Parfois on put apercevoir une caravane se reposant dans un «kraal» en attendant la fraîcheur du soir pour reprendre sa route. Ce sont de vastes emplacements entourés de haies et de jungles, où les trafiquants s’abritent non seulement contre les bêtes fauves, mais aussi contre les tribus pillardes de la contrée. On voyait les indigènes courir, se disperser à la vue du Victoria. Kennedy désirait les contempler de plus près ; mais Samuel s’opposa constamment à ce dessein.

«Les chefs sont armés de mousquets, dit-il, et notre ballon serait un point de mire trop facile pour y loger une balle.

– Est-ce qu’un trou de balle amènerait une chute ? demanda Joe.

– Immédiatement, non ; mais bientôt ce trou deviendrait une vaste déchirure par laquelle s’envolerait tout notre gaz.

– Alors tenons-nous à une distance respectueuse de ces mécréants. Que doivent-ils penser à nous voir planer dans les airs ? Je suis sûr qu’ils ont envie de nous adorer.

– Laissons-nous adorer, répondit le docteur, mais de loin. On y gagne toujours. Voyez, le pays change déjà d’aspect ; les villages sont plus rares ; les manguiers ont disparu ; leur végétation s’arrête à cette latitude. Le sol devient montueux et fait pressentir de prochaines montagnes.

– En effet, dit Kennedy, il me semble apercevoir quelques hauteurs de ce côté.

– Dans l’ouest…, ce sont les premières chaînes d’Ourizara, le mont Duthumi, sans doute, derrière lequel j’espère nous abriter pour passer la nuit. Je vais donner plus d’activité à la flamme du chalumeau : nous sommes obligés de nous tenir à une hauteur de cinq à six cents pieds.

– C’est tout de même une fameuse idée que vous avez eue là, monsieur, dit Joe ; la manœuvre n’est ni difficile ni fatigante, on tourne un robinet, et tout est dit.

– Nous voici plus à l’aise, fit le chasseur lorsque le ballon se fut élevé ; la réflexion des rayons du soleil sur ce sable rouge devenait insupportable.

– Quels arbres magnifiques! s’écria Joe ; quoique très naturel, c’est très beau! Il n’en faudrait pas une douzaine pour faire une forêt.

– Ce sont des baobabs, répondit le docteur Fergusson ; tenez, en voici un dont le tronc peut avoir cent pieds de circonférence. C’est peut-être au pied de ce même arbre que périt le Français Maizan en 1845, car nous sommes au-dessus du village de Deje la Mhora, où il s’aventura seul ; il fut saisi par le chef de cette contrée, attaché au pied d’un baobab, et ce Nègre féroce lui coupa lentement les articulations, pendant que retentissait le chant de guerre ; puis il entama la gorge, s’arrêta pour aiguiser son couteau émoussé, et arracha la tête du malheureux avant qu’elle ne fût coupée! Ce pauvre Français avait vingt-six ans!

– Et la France n’a pas tiré vengeance d’un pareil crime ? demanda Kennedy.

– La France a réclamé ; le saïd de Zanzibar a tout fait pour s’emparer du meurtrier, mais il n’a pu y réussir.

– Je demande à ne pas m’arrêter en route, dit Joe ; montons, mon maître, montons, si vous m’en croyez.

– D’autant plus volontiers, Joe, que le mont Duthumi se dresse devant nous. Si mes calculs sont exacts, nous l’aurons dépassé avant sept heures du soir.

18Un mètre 50 centimètres carrés.
1910° centigrades. Les gaz augmentent de 1/267 de leur volume par 1° centigrade.
20Soixante-deux mètres cubes environ.
21100° centigrades.
22Soixante-dix mètres cubes d’oxygène.
23Cent quarante mètres cubes d’hydrogène.
24Deux cent dix mètres cubes.
25Un mètre cube.
26Un tiers de mètre cube.
27Douze lieues et demie.
28Trois mille deux cent cinquante litres.
29Plus de huit tonnes de fer.
30Près de quarante et un mille deux cent cinquante litres.
31Nom que les Nègres donnent à la grêle.
32Environ cinq centimètres. La dépression est à peu près d’un centimètre par cent mètres d’élévation.
33U, ou, signifient contrée dans la langue du pays.
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