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Jacques

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TROISIEME PARTIE

LV.
D'OCTAVE A FERNANDE

Fernande, je n'en puis plus, j'étouffe, cette vertu est au-dessus de mes forces, il faut que je parle et que je fuie, ou que je meure à vos pieds; je vous aime, il est impossible que vous ne le sachiez pas. Jacques et Sylvia sont des êtres sublimes, mais ce sont des fous, et moi aussi je suis un insensé, et vous aussi, Fernande. Comment ont-ils pu, comment avons-nous pu croire que je vivrais entre Sylvia et vous, sans aimer passionnément l'une des deux? Longtemps je me suis flatté que je n'aimerais que Sylvia; mais Sylvia ne l'a pas voulu. Elle m'a repoussé avec une obstination qui m'a rebuté, et mon coeur peu à peu lui a obéi; il s'est rangé sans colère et sans effort à l'amitié, et il est certain que ce sentiment, entre elle et moi, m'a rendu bien plus heureux que l'amour. C'est ainsi que j'aurais dû l'aimer toujours, et c'est ainsi que je l'aimerai toute ma vie, avec calme, avec force, avec vénération. Mais vous, Fernande, je vous aime mille fois plus que je ne l'ai jamais aimée, je vous aime avec emportement, avec désespoir, et il faut que je parte! oh! Dieu! oh! Dieu! pourquoi vous ai-je connue?

Vous me demandez tous les jours pourquoi je suis triste, vous vous inquiétez de ma santé; vous ne comprenez donc pas que je ne suis pas votre frère et que je ne peux pas l'être? Vous ne voyez pas que je bois le poison par tous les pores, et que votre amitié me tue? Que vous ai-je fait pour que vous m'aimiez avec cette tendresse et cette douceur impitoyables? Chassez-moi, maltraitez-moi, ou parlez-moi comme à un étranger. Je vous écris dans l'espoir de vous irriter; quelque chose que vous fassiez, quelque malheur qui m'arrive, ce sera un changement; le calme étouffant où nous vivons m'oppresse et me rendra fou. J'ai été longtemps heureux auprès de vous. Votre amitié, qui m'irrite et me fait souffrir aujourd'hui, était, dans les premiers mois, un baume divin répandu sur les blessures d'un coeur déchiré. J'étais incertain, agité, plein d'un espoir inconnu, transporté de désirs que je ne savais pas expliquer, et dont le but me semblait être l'éternité avec vous. J'étais si fatigué des choses de la terre, Sylvia m'avait rendu l'amour si fâcheux et si rude dans les derniers temps, et ce que j'avais souffert pour la perdre, la retrouver et la perdre encore, m'avait tellement brisé, que je n'espérais presque plus rien en ce monde, et que je me sentais dans une disposition à me nourrir de rêves et de chimères. Il faut que je vous dise toute ma folie; dès que je vous vis, je vous aimai, non d'une amitié paisible et fraternelle, comme je m'en vantais, mais d'an amour romanesque et enivrant. Je m'abandonnais à ce sentiment à la fois vif et pur; si j'avais été repoussé et contrarié, peut-être serait-il devenu dès lors une passion violente; mais vous m'accueillîtes avec tant de confiance et d'ingénuité! Jacques ensuite m'appela si loyalement à partager le bonheur de vous voir tous les jours, que je m'habituai à vous contempler sans oser vous désirer. Je pensais alors que cela me suffirait toujours, ou je me disais du moins que le jour où ce sentiment me ferait trop souffrir, j'aurais toujours la force de m'en aller; à présent, je me sens plus volontiers la force de mourir.

Où est-il ce temps où un baiser sur votre main me rendait si heureux? où un regard de vous me restait dans les yeux et dans l'âme pour toute une nuit? Je me confesse à vous, Fernande, je vous possédais dans mon sommeil, et cela me suffisait. L'amour encore mal éteint que j'avais eu pour Sylvia se rallumait de temps en temps, et je donnais le change à mon coeur, selon les circonstances qui me rapprochaient d'elle ou de vous plus intimement. Combien de fois j'ai pressé dans mes bras un fantôme qui avait vos traits et les siens, et dont la longue chevelure d'ébène, mêlée à des flocons de soie dorée, reposait éparse sur mon coeur et sur mes épaules! Dans le délire de ces nuits heureuses, je vous appelais tour à tour, j'invoquais l'affection de l'une de vous, et il me semblait vous voir toutes deux descendre du ciel et me donner un baiser au front; mais insensiblement les traits de Sylvia s'effacèrent, et le fantôme ne m'apparut que sous les vôtres. Quelquefois encore, par habitude, par effroi, par remords peut-être, j'appelais l'image de votre compagne, mais elle ne me répondait plus; et vous passiez sans cesse devant mes yeux, comme une révélation de mon destin, comme une prophétie obéissant à l'ordre de Dieu. Alors je m'abandonnai à ma passion, et je commençai à souffrir; mais je vous offrais ma douleur en sacrifice. Je vous voyais éprise de Jacques avec raison; j'estime et je vénère cet homme: pouvais-je désirer lui arracher le bien le plus précieux qu'il ait au monde? J'aimerais mieux l'assassiner. Longtemps cette idée de vertu et de dévouement a soutenu mon courage; je me disais bien qu'il serait plus prudent et plus facile de vous fuir que de me taire éternellement; mais il était trop tard, je ne le pouvais plus: tout me semblait supportable plutôt que de cesser de vous voir. Il y a huit mois que je me tais; j'ai supporté héroïquement ce terrible hiver passé à vos côtés, sans distraction et presque tête à tête, car vous ne pouvez pas disconvenir que nous faisons deux à nous quatre: Jacques et Sylvia font un, vous et moi faisons un autre; ils se comprennent en tout, et nous nous comprenons de même. Quand nous sommes tous ensemble, nous sommes comme deux amis qui s'entretiennent de leurs plaisirs et de leurs peines, et qui se révèlent mutuellement ce qu'ils éprouvent et ce qu'ils sont. Vous et moi nous ne nous racontons rien, nous n'avons qu'une âme, et nous n'avons pas besoin de nous exprimer ce que nous sentons en commun. Cette impérieuse et enivrante sympathie dont je m'abreuve en silence, j'ai pourtant besoin de l'épancher. Ce n'est pas par des mots que nous pouvons nous comprendre; ils sont inutiles; nos regards et le battement de nos coeurs se répondent. Mais il faut des embrassements et des étreintes ardentes à ce feu qui s'allume et s'avive chaque jour de plus en plus; car tu m'aimes, peut-être!.. Ah! pardonnez-moi, Fernande, je deviens fou. Adieu, adieu! je partirai demain. Ne me méprisez pas; j'ai fait ce que j'ai pu, mes forces ne vont pas au delà.

LVI.
DE FERNANDE A OCTAVE

Octave, Octave, que fais-tu? où t'égares-tu? Tu es fou, mon ami! Tu es mon frère; tu l'as juré devant Dieu et devant moi; tu ne peux pas te parjurer, tu ne peux pas te souiller à ce point, toi que je connais si noble et si pur. Est-ce que je pourrais t'aimer autrement qu'une soeur aime son frère? Quelles pensées affreuses harcellent ta pauvre tête? Tu es malade. O mon cher Octave! tu souffres, je le vois; des fantômes évoqués par la fièvre troublent ton sommeil; la raison, la mémoire et le jugement t'abandonnent. Tu crois avoir de l'amour pour moi; et, si j'y répondais, tu aurais horreur de cet amour comme d'un forfait. Non, mon ami, tu ne m'aimes pas comme tu le crois; tu as besoin d'aimer, et tu te méprends. C'est Sylvia que tu aimes; et si ce n'est plus elle, c'est un être que tu désires, et qui existe pour toi dans quelque autre lieu où il faut aller le chercher. Oui, tu as raison, pars, voyage; il faut distraire ta folie. Hélas! tu n'as pu vivre ici, et je croyais que nous pouvions vieillir ensemble, et j'étais si heureuse de cette idée! Mais tu guériras, et tu reviendras, Octave; tu reviendras avec une compagne digne de toi, et notre bonheur à tous sera plus pur et plus paisible. Tu dis que je dois avoir deviné ton amour; j'aurais vécu mille ans ainsi, près de toi, dans cette confiance sacrée en ta parole, sans jamais songer qu'il te fût possible de te parjurer, même dans le secret de ton coeur. Et aujourd'hui encore, je suis sûre que tu t'abuses; je contemple ta douleur avec la stupeur et la sollicitude que j'aurais si je te voyais atteint d'un mal subit, d'une attaque de folie ou de terribles convulsions. Que pourrais-je penser alors? Rien, sinon que ton mal me ferait autant souffrir que toi-même. Comment pourrais-je m'en irriter ou m'en croire coupable? Je te soignerais avec tendresse, j'essaierais de te calmer par de douces paroles, par de saintes caresses, et cela te ferait du bien. Mon ami bien-aimé, reviens à toi, reviens à nous; oublie cette funeste secousse. Brûlons ces deux lettres, et qu'il n'en soit jamais question. Tout cela est un rêve; il ne s'est rien passé. Personne n'a entendu les paroles que tu as proférées dans le délire; elles sont ensevelies dans mon coeur, et n'en ont point altéré le calme et la tendresse. Une amitié comme la nôtre peut-elle être brisée par un instant d'erreur et de souffrance? Pars, mon ami; mais reviens sans crainte et sans honte aussitôt que tu seras guéri. Cet éclair n'aura pas laissé de trace sinistre dans notre beau ciel, et tu nous retrouveras tels que tu nous laisses.

LVII.
D'OCTAVE A FERNANDE

Tu as raison, ma soeur bien-aimée, je suis fou; mon cerveau et mon coeur sont malades; il faut que j'aie du courage et que je parte. Tu es un ange, Fernande; quel billet tu m'écris! Ah! tu ne sauras jamais le bien et le mal qu'il me fait. Persuade-toi que c'est une maladie, et tâche de me persuader que j'en guérirai et que je pourrai revenir, car l'idée de te quitter pour toujours est au-dessus de mes forces. Invoque ma parole et la sainteté de nos liens; invoque le nom respecté et chéri de Jacques; dis-moi tout ce qu'il faut me dire pour me donner la force dont j'ai besoin. Oh! je l'aurai, Fernande; ta douceur et ta compassion nous sauvent tous les deux. Je ne m'étais pas attendu à cette tendresse miséricordieuse avec laquelle tu me plains en me repoussant; j'espérais que tu me repousserais durement, et que je pourrais t'aimer et t'estimer moins. Alors, malheur à toi, je serais resté, et j'aurais peut-être réussi à te perdre. Mais que puis-je faire devant une vertu si calme et si compatissante? Le dernier des lâches tomberait à genoux devant toi, et tu sais que je suis un honnête homme; j'aurai du coeur. Adieu, Fernande; adieu, ma soeur chérie; adieu, mon seul et dernier amour; je deviendrai ce qu'il plaira à Dieu; je guérirai ou je mourrai. Il ne s'agit pas de cela; l'important, c'est que tu restes heureuse et pure; je partirai avec cette idée, et elle me soutiendra.

 

Il faut que vous me pardonniez un vol que je vous ai fait: le bracelet que vous m'avez jeté par la fenêtre, un soir que vous me prîtes pour Jacques, ne m'a jamais quitté. Celui que vous avez est une copie exacte que j'ai fait faire à Lyon, et que je vous ai rendue pour ne pas vous offenser par ma résistance. Je n'ai pas eu le courage de me séparer de ce premier gage d'une affection qui m'est devenue si nécessaire et si funeste; aujourd'hui que je sens mon coeur criminel, je n'oserais emporter ce bracelet sans votre permission. Vous ne pouvez pas me le refuser, quand je pars, peut-être pour toujours. J'accomplis le plus terrible des sacrifices; serez-vous sans pitié? Je paierai mon dévouement de ma vie peut-être, et votre générosité ne vous coûtera rien, car personne ne pourra deviner la supercherie. J'ai fait effacer de l'écusson de mon bracelet le chiffre de Jacques, qui était enlacé au vôtre, et je l'ai fait remplacer par le mien. Si, à ce moment affreux et solennel où je vous quitte, vous m'accordez ce gage d'amitié et de pardon, il me deviendra plus cher que jamais.

Je dirai ce soir que je pars demain; je trouverai un prétexte; je promettrai de revenir. Soyez tranquille, je ne me trahirai pas. Mais partirai-je sans te dire adieu, sans couvrir tes mains de mes larmes? N'évite pas de te trouver seule avec moi, comme tu fais depuis hier, Fernande; que crains-tu donc? n'es-tu pas sûre de toi? Et si j'avais un instant de faiblesse et de désespoir, ne sais-tu pas qu'avec un mot tu me verrais à tes genoux, le plus silencieux et le plus résigné des hommes? Ah! ne me fuis pas, ne me fais pas souffrir pendant ce dernier jour que je vais passer près de toi. Si mes larmes te font du mal, si mes plaintes te fatiguent, aie du courage aussi; il m'en faut bien davantage pour te quitter. Songe que ta tâche sera finie demain, et que la mienne va commencer, affreuse, éternelle! Songe que je suis sur les marches de l'échafaud, et que Dieu te tiendra compte d'une parole de miséricorde que tu m'auras accordée en m'envoyant au martyre.

LVIII.
D'OCTAVE A FERNANDE

O mon ange, ô ma bien-aimée, nous sommes sauvés! que Dieu te couvre de ses bénédictions, ô la plus pure et la plus sainte de ses créatures! Oui, tu as raison, on a la force qu'on veut avoir, el le ciel n'abandonne point au danger ceux qui se recommandent à lui dans la sincérité de leur coeur. Que serais-je devenu loin de toi? Mon âme se serait souillée de regrets, de fureurs, de projets, et peut-être d'entreprises insensées pour te retrouver et te ressaisir, au lieu que tu m'aideras à être vertueux et tranquille comme toi. Le continuel spectacle de ta sérénité angélique fera passer le même calme dans mon coeur et dans mes sens. J'étais perdu si tu me retirais ta main secourable; laisse-moi la coller à mes lèvres, et qu'elle me conduise où elle voudra. Je suis résigné à tous les sacrifices; je me tairai et je guérirai. Eh! ne suis-je pas déjà guéri? n'ai-je pas fait l'essai de mes forces durant ces heures de la nuit que tu m'as laissé passer dans ta chambre? J'étais fou quand je me suis levé pour t'aller dire adieu. Et ce Jacques que le hasard fait partir précisément hier soir, au milieu du plus terrible accès de ma fièvre et de mon égarement! An! c'était la volonté de la Providence. Si tu avais refusé de me voir, j'enfonçais ta porte; je ne savais plus ce que je faisais; mais tu m'as ouvert, et tu as bien fait. Est-ce qu'il y a au monde un emportement, un délire, qui puisse résister à la sainte confiance d'un être aussi chaste, aussi divin que toi? Tu ne dormais pas non plus, ô mon enfant chéri! tu n'étais pas même déshabillée, et tu priais pour moi! ange du ciel, Dieu t'a exaucée! Quand je t'ai vue si belle, si candide avec ta robe blanche et les cheveux blonds épars sur tes épaules, avec ton sourire affectueux sur les lèvres, et tes grands yeux encore humides des larmes que tu avais versées pour moi, il m'a semblé voir une vierge de l'Elysée, et je suis tombé à tes pieds comme devant un autel. Oh! comme tu as écouté ma douleur, comme tu as essuyé mes larmes avec une ineffable tendresse! et tu m'embrassais en pleurant toi-même, ô sublime imprudente! Mais quel être immatériel es-tu donc? et quelle puissance divine as-tu reçue d'en haut pour calmer les fureurs du désespoir avec les caresses qui devraient les allumer? Tes lèvres étaient si fraîches sur mon front! Il me semblait qu'un baume ineffable passait dans toutes mes artères, et que mon sang devenait aussi pur, aussi paisible que celui de tes enfants endormis auprès de nous. Oh! qu'ils sont beaux, tes enfants, et combien je les aime! Il y a déjà sur le visage de ta fille un reflet de ton âme virginale! Je te l'aurais enlevée, si tu m'avais chassé; je n'aurais pu abandonner ce berceau où je l'ai endormie si souvent; car mon âme se brisait à l'idée de vivre seul et abandonné, moi qui, depuis huit mois, vis d'affections ineffables. Avec toi, mon plus précieux trésor, que de biens j'allais perdre: l'amitié de Sylvia, qui est si grande, si éclairée, si belle! et celle de Jacques, que je paierais de mon sang! Où aurais-je retrouvé des coeurs semblables? Qui m'aurait fait une vie supportable loin de vous tous?

Bénie sois-tu, ma Fernande! tu n'as pas voulu mon désespoir, et quand je t'ai demandé si tu croyais qu'il nous fût possible de vivre l'un près de l'autre sans danger, c'est Dieu qui a dicté ta réponse. Ah! ce oui! comme tu l'as dit avec enthousiasme et avec confiance! il m'a frappé d'une commotion électrique; je m'attendais si peu à cette parole d'encouragement et de pardon! Un instant, un mot a suffi pour faire de moi un autre homme. Puisque tu es sûre de moi, je le suis aussi; c'était une lâcheté de fuir quand je pouvais me vaincre; et d'ailleurs est-ce donc si difficile? Je ne conçois plus pourquoi j'ai été en proie à ces agitations frénétiques; c'est que le danger est toujours plus terrible de loin que de près; c'est que, d'ailleurs, quand je croyais pouvoir succomber et t'entraîner avec moi, je ne te connaissais pas; je te prenais pour une femme comme les autres, et tu es une divinité qu'aucune souillure humaine ne peut atteindre. Je ne pouvais m'imaginer qu'au lieu de la crainte ou de la colère, quand je t'aurais avoué mes tourments, je trouverais sur ton front cette impassible confiance, et sur tes lèvres ce miséricordieux sourire. Je croyais que tu t'arracherais de mes bras avec effroi, et quand j'approcherais mes lèvres de ton visage pour te donner, comme les autres jours, un fraternel baiser, que tu te détournerais avec indignation. Mais ton innocence brave tous les périls vulgaires et les surmonte tranquillement. Ah! je saurai m'élever jusqu'à toi, et planer du même vol au-dessus des orages des passions terrestres, dans un ciel toujours radieux, toujours pur. Laisse-moi t'aimer, et laisse-moi donner encore le nom d'amour à ce sentiment étrange et sublime que j'éprouve; amitié est un mot trop froid et trop vulgaire pour une si ardente affection; la langue humaine n'a pas de nom pour la baptiser. Mais n'appelle-t-on pas amour aussi l'amitié des mères pour leurs enfants et l'enthousiasme de la foi religieuse? Ce que tu m'inspires participe de tout cela, mais c'est quelque chose de plus encore. Ah! sache qu'il faut bien t'aimer, Fernande, pour éprouver ce calme qui est descendu en moi depuis six heures. Chose étrange et délicieuse! en rentrant dans ma chambre, purifié par mes résolutions, apaisé par ton chaste embrassement, je me suis endormi du plus profond et du plus bienfaisant sommeil que j'aie goûté depuis trois mois, et je viens de m'éveiller plus calme et plus joyeux que je ne l'ai été de ma vie. Oh! quel bien m'ont fait tes paroles! Écris-moi, répète-moi tout ce que tu m'as dit, afin que je le relise à genoux si quelque nuage de mélancolie vient encore à passer dans mon beau ciel, et que je retrouve la pure lumière, ô étoile radieuse qui me conduis! Il me semble que je vois le soleil pour la première fois, tant la nature m'apparaît belle et jeune ce matin! Je viens d'entendre le premier coup de la cloche qui t'appelle au déjeuner, et j'ai tressailli comme à la voix d'un ami. Quelle belle vie! comme nous sommes heureux! Comme je demeure près de toi, Fernande! le vent d'ouest m'apporte les bruits de ta maison et les parfums de ton jardin. J'ai le temps de m'habiller et d'aller m'asseoir à la même table que toi, avant que Sylvia ait fini d'arranger méthodiquement ses livres et ses crayons dans le grand salon. Comment! je vais revoir tout cela! tout cela que j'ai cru quitter pour toujours, hier soir. Je vais encore rire et causer à cette table où il est permis de mettre les deux coudes, et d'où l'on peut se lever autant de fois qu'on veut pendant le repas? Je vais chanter encore avec toi le duo que nous aimons? Oh! quel jour de fête! Si tu savais comme la lune était belle à son coucher ce matin, quand j'ai traversé le vallon pour revenir chez moi! Comme l'herbe humide était semée de pâles diamants, et comme les premières fleurs des amandiers exhalaient une odeur fraîche et suave! Mais tu as joui de tout cela aussi, car tu étais à ta fenêtre, et je t'ai vue aussi longtemps que me l'a permis la distance. Tu me suivais des yeux, ô ma belle amie! tu m'accompagnais de tes voeux, tu demandais à Dieu de conserver pure en moi l'oeuvre de tes pieux efforts, cette nouvelle âme que tu m'as donnée, cette nouvelle vertu que tu m'as révélée! Allons, allons, je plie ma lettre et je pars; je viens de regarder dans la lunette d'approche qui est fixée sur ma fenêtre et braquée sur ta demeure; j'ai vu Sylvia avec sa robe bleue dans le jardin. Tu dors encore, mon petit ange, ou tu habilles tes enfants; je vais t'aider, et jouer du hautbois pour empêcher ta fille de crier quand tu lui mettras ses bas. Et notre Jacques! il revient ce soir, n'est-ce pas? je vais l'embrasser comme si je l'avais perdu pendant dix ans! Toi, je ne t'embrasserai plus, mais tu me laisseras baiser tes pieds et le bas de ta robe tant que je voudrai.

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