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Correspondance de Voltaire avec le roi de Prusse

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DU PRINCE ROYAL

Remusberg, 30 septembre 1738.

Thiriot doit être à présent à Cirey; il n'y aura donc que moi qui n'y serai jamais! Ma curiosité est bien grande pour savoir ce que vous aurez répondu à madame de Brand; tout ce que j'en sais, c'est qu'il y a des vers contenus dans votre réponse; je vous prie de me les communiquer.

La marquise aura autant de plumes2 qu'elle en cassera, je me fais fort de les lui fournir. J'ai déjà fait écrire en Prusse pour en avoir, et pour ajouter ce qui pourrait être omis à l'encrier. Assurez cette unique marquise de mes attentions et de mon estime.

Je suis à jamais, et plus que vous ne pouvez le croire, votre très fidèle ami, Fédéric.

DU PRINCE ROYAL

Remusberg, le 9 novembre 1738.

Mon cher ami, je viens de recevoir une lettre et des vers que personne n'est capable de faire que vous. Mais si j'ai l'avantage de recevoir des lettres et des vers d'une beauté préférable à tout ce qui a jamais paru, j'ai aussi l'embarras de ne savoir souvent comment y répondre. Vous m'envoyez de l'or de votre Potose, et je ne vous renvoie que du plomb. Après avoir lu les vers assez vifs et aimables que vous m'adressez, j'ai balancé plus d'une fois avant que de vous envoyer l'épître Sur l'Humanité, que vous recevrez avec cette lettre; mais je me suis dit ensuite, il faut rendre nos hommages à Cirey, et il faut y chercher des instructions et de sages corrections. Ces motifs, à ce que j'espère, vous feront recevoir avec quelque support les mauvais vers que je vous envoie.

Thiriot vient de m'envoyer l'ouvrage de la marquise Sur le Feu; je puis dire que j'ai été étonné en lisant; on ne dirait point qu'une pareille pièce pût être produite par une femme. De plus, le style est mâle, et tout à fait convenable au sujet. Vous êtes tous deux de ces gens admirables et uniques dans votre espèce, et qui augmentez chaque jour l'admiration de ceux qui vous connaissent. Je pense sur ce sujet des choses que votre seule modestie m'oblige de vous céler. Les païens ont fait des dieux qui assurément resteraient bien au dessous de vous deux. Vous auriez tenu la première place dans l'Olympe, si vous aviez vécu alors.

Rien ne marque plus la différence de nos mœurs de celles de ces temps reculés, que lorsqu'on compare la manière dont l'antiquité traitait les grands hommes, et celle dont les traite notre siècle.

La magnanimité, la grandeur d'âme, la fermeté, passent pour des vertus chimériques. On dit: Oh! vous vous piquez de faire le Romain; cela est hors de saison; on est revenu de ces affectations dans le siècle d'à présent. Tant pis. Les Romains, qui se piquaient de vertus, étaient des grands hommes; pourquoi ne point les imiter dans ce qu'ils ont eu de louable?

La Grèce était si charmée d'avoir produit Homère, que plus de dix villes se disputaient l'honneur d'être sa patrie; et l'Homère de la France, l'homme le plus respectable de toute la nation, est exposé aux traits de l'envie. Virgile, malgré les vers de quelques rimailleurs obscurs, jouissait paisiblement de la protection de Mécène et d'Auguste, comme Boileau, Racine et Corneille, de celle de Louis le Grand. Vous n'avez point ces avantages; et je crois, à dire vrai, que votre réputation n'y perdra rien. Le suffrage d'un sage, d'une Émilie, doit être préférable à celui du trône, pour tout homme né avec un bon jugement.

Votre esprit n'est point esclave, et votre muse n'est point enchaînée à la gloire des grands. Vous en valez mieux, et c'est un témoignage irrévocable de votre sincérité; car on sait trop que cette vertu fut de tout temps incompatible avec la basse flatterie qui règne dans les cours.

L'Histoire de Louis XIV, que je viens de relire, se ressent bien de votre séjour à Cirey; c'est un ouvrage excellent, et dont l'univers n'a point encore d'exemple. Je vous demande instamment de m'en procurer la continuation; mais je vous conseille, en ami, de ne point le livrer à l'impression. La postérité de tous ceux dont vous dites la vérité se liguerait contre vous. Les uns trouveraient que vous en avez trop dit, les autres, que vous n'avez pas assez exagéré les vertus de leurs ancêtres; et les prêtres, cette race implacable, ne vous pardonneraient point les petits traits que vous leur lancez. J'ose même dire que cette histoire, écrite avec vérité et dans un esprit philosophique, ne doit point sortir de la sphère des philosophes. Non, elle n'est point faite pour des gens qui ne savent point penser.

Vos deux lettres ont produit un effet bien différent sur ceux à qui je les ai rendues. Césarion, qui avait la goutte, l'en a perdue de joie, et Jordan, qui se portait bien, pensa en prendre l'apoplexie: tant une même cause peut produire des effets différents! C'est à eux à vous marquer tout ce que vous leur inspirez; ils s'en acquitteront aussi bien et mieux que je ne pourrais le faire.

Il ne nous manque à Remusberg qu'un Voltaire, pour être parfaitement heureux; indépendamment de votre absence, votre personne est, pour ainsi dire, innée dans nos âmes. Vous êtes toujours avec nous. Votre portrait préside dans ma bibliothèque; il pend au dessus de l'armoire qui conserve notre Toison d'or; il est immédiatement placé au-dessus de vos ouvrages, et vis-à-vis de l'endroit où je me tiens, de façon que je l'ai toujours présent à mes yeux. J'ai pensé dire que ce portrait était comme la statue de Memnon, qui donnait un son harmonieux lorsqu'elle était frappée des rayons du soleil; que votre portrait animait de même l'esprit de ceux qui le regardent; pour moi, il me semble toujours qu'il paraît me dire:3

Ô vous donc qui brûlant d'une ardeur périlleuse, etc.

Souvenez-vous toujours, je vous prie, de la petite colonie de Remusberg, et souvenez-vous-en pour lui adresser vos lettres pastorales. Ce sont des consolations qui deviennent nécessaires dans votre absence: vous les devez à vos amis. J'espère bien que vous me compterez à leur tête. On ne saurait du moins être plus ardemment que je suis et que je serai toujours, votre très affectionné et fidèle ami, Frédéric.

DE M. DE VOLTAIRE

Octobre 1738.

Monseigneur, que votre Altesse Royale pardonne à ce pauvre malade enrichi de vos bienfaits, s'il tarde trop à vous payer ses tributs de reconnaissance.

Ce que vous avez composé sur l'humanité vous assure, sans doute, le suffrage et l'estime de Madame du Châtelet, et vous me forceriez à l'admiration, si vous ne m'y aviez pas déjà tout disposé. Non seulement Cirey remercie votre Altesse Royale, mais il n'y a personne sur la terre qui ne doive vous être obligé. Ne connût-on de cet ouvrage que le titre, c'en est assez pour vous rendre maître des cœurs. Un prince qui pense aux hommes, qui fait son bonheur de leur félicité! on demandera dans quel roman cela se trouve, et si ce prince s'appelle Alcimédon ou Almanzor, s'il est fils d'une fée et de quelque génie. Non, messieurs, c'est un être réel; c'est lui que le ciel donne à la terre sous le nom de Frédéric; il habite d'ordinaire la solitude de Remusberg; mais son nom, ses vertus, son esprit, ses talens sont déjà connus dans tout le monde; si vous saviez tout ce qu'il a écrit sur l'humanité, le genre humain députerait vers lui pour le remercier; mais ces détails heureux sont réservés à Cirey, et ces faveurs sont tenues secrètes. Les gens qui se mêlaient autrefois de consulter les demi-dieux, se vantaient d'en recevoir des oracles: nous en recevons, mais nous ne nous en vantons pas.

Il y a, monseigneur, une secrète sympathie qui assujettit mon âme à Votre Altesse Royale; c'est quelque chose de plus fort que l'harmonie préétablie. Je roulais dans ma tête une épître sur l'humanité, quand je reçus celle de Votre Altesse Royale. Voilà ma tâche faite. Il y a eu, à ce que conte l'antiquité, des gens qui avaient un génie qui les aidait dans leurs grandes entreprises. Mon génie est à Remusberg. Eh! à qui appartenait-il de parler de l'humanité, qu'à vous, grand prince, à votre âme généreuse et tendre: à vous, monseigneur, qui avez daigné consulter des médecins pour la maladie d'un de vos serviteurs qui demeure à près de trois cents lieues de vous? Ah! monseigneur, malgré ces trois cents lieues, je sens mon cœur lié à Votre Altesse Royale de bien près.

Je me flatte, même avec assez d'apparence, que cet intervalle disparaîtra bientôt. Monseigneur l'électeur Palatin mourra s'il veut, mais les confins de Clèves et de Juliers verront au printemps prochain madame la marquise du Châtelet. Nous arrangerons tout pour nous trouver près de vos États. Je sais bien qu'en fait d'affaires, il ne faut jamais répondre de rien; mais l'espérance de faire notre cour à Votre Altesse royale, de voir de près ce que nous admirons, ce que nous aimons de loin, aplanira bien des difficultés. N'est-il pas vrai, monseigneur, que Votre Altesse Royale donnera des saufs-conduits à madame du Châtelet? mais qui voudrait l'arrêter, quand on saura qu'elle sera là pour voir Votre Altesse Royale; et qui m'osera faire du mal à moi, quand j'aurai l'Epître de l'Humanité à la main?

 

Que je suis enchanté que Votre Altesse Royale ait été contente de cet Essai sur le feu que madame du Châtelet s'amusa de composer, et qui, en vérité, est plutôt un chef-d'œuvre qu'un essai! Sans les maudits tourbillons de Descartes, qui tournent encore dans les vieilles têtes de l'académie, il est bien sûr que madame du Châtelet aurait eu le prix, et cette justice eût fait l'honneur de son sexe et de ses juges: mais les préjugés dominent partout. En vain Newton a montré aux yeux les secrets de la lumière; il y a de vieux romanciers physiciens qui sont pour les chimères de Malebranche. L'académie rougira un jour de s'être rendue si tard à la vérité; et il demeurera constant qu'une jeune dame osait embrasser la bonne philosophie, quand la plupart de ses juges l'étudiaient faiblement pour la combattre opiniâtrement.

M. de Maupertuis, homme qui ose aimer et dire la vérité, quoique persécuté, a mandé hardiment, mais secrètement, que les discours français couronnés étaient pitoyables. Son suffrage, joint à celui de Remusberg, sont le plus beau prix qu'on puisse jamais recevoir.

Madame du Châtelet sera très flattée que Votre Altesse Royale fasse lire à M. Jordan ce qui a plu à Votre Altesse Royale. Elle estime avec raison un homme que vous estimez. Je suis, etc.

DU PRINCE ROYAL

À Remusberg, le 15 avril 1739.

J'ai été sensiblement attendri du récit touchant que vous me faites de votre déplorable situation. Un ami à la distance de quelques centaines de lieues paraît un homme assez inutile dans le monde, mais je prétends faire un petit essai en votre faveur, dont j'espère que vous retirerez quelque utilité. Ah! mon cher Voltaire, que ne puis-je vous offrir un asile, où assurément vous n'auriez rien à souffrir de semblable aux chagrins que vous donne votre ingrate patrie! Vous ne trouveriez chez moi ni envieux, ni calomniateurs, ni ingrats; on saurait rendre justice à vos mérites, et distinguer parmi les hommes ce que la nature a si fort distingué parmi ses ouvrages.

Je voudrais pouvoir soulager l'amertume de votre condition; et je vous assure que je pense aux moyens de vous servir efficacement. Consolez-vous toujours de votre mieux, mon cher ami, et pensez que, pour établir une égalité de conditions parmi tous les hommes, il vous fallait des revers capables de balancer les avantages de votre génie, de vos talents, et de l'amitié de la marquise.

C'est dans des occasions semblables qu'il nous faut tirer de la philosophie des secours capables de modérer les premiers transports de la douleur, et de calmer les mouvements impétueux que le chagrin excite dans nos âmes. Je sais que ces conseils ne coûtent rien à donner, et que la pratique en est presque impossible; je sais que la force de votre génie est suffisante pour s'opposer à vos calamités. Mais on ne laisse point que de tirer des consolations du courage que nous inspirent nos amis.

Vos adversaires sont d'ailleurs des gens si méprisables, qu'assurément vous ne devez pas craindre qu'ils puissent ternir votre réputation. Les dents de l'envie s'émousseront toutes les fois qu'elles voudront vous mordre. Il n'y a qu'à lire sans partialité les écrits et les calomnies qu'on sème sur votre sujet pour en connaître la malice et l'infamie. Soyez en repos, mon cher Voltaire, et attendez que vous puissiez goûter les fruits de mes soins.

J'espère que l'air de Flandre vous fera oublier vos peines, comme les eaux du Léthé en effaçaient le souvenir chez les ombres.

J'attends de vos nouvelles pour savoir quand il serait agréable à la marquise que je lui envoyasse une lettre pour le duc d'Aremberg. Mon vin de Hongrie et l'ambre languissent de partir: j'enverrai le tout à Bruxelles, lorsque je vous y saurai arrivé.

Ayez la bonté de m'adresser les lettres que vous m'écrirez de Cirey par le marchand Michelet; c'est la voie la plus courte. Mais si vous m'écrivez de Bruxelles, que ce soit sous l'adresse du général Bork à Vesel. Vous vous étonnerez de ce que j'ai été si longtemps sans vous répondre; mais vous débrouillerez facilement ce mystère, quand vous saurez qu'une absence de quinze jours m'a empêché de recevoir votre lettre qui m'attendait ici.

Je vous prie de ne jamais douter des sentiments d'amitié et d'estime avec lesquels je suis votre très fidèle ami, Fédéric.

DU PRINCE ROYAL

À Remusberg, le 26 juin 1739.

Mon cher ami, je souhaiterais beaucoup que votre étoile errante se fixât, car mon imagination déroutée ne sait plus de quel côté du Brabant elle doit vous chercher. Si cette étoile errante pouvait une fois diriger vos pas du côté de notre solitude, j'emploierais assurément tous les secrets de l'astronomie pour arrêter son cours: je me jetterais même dans l'astrologie; j'apprendrais le grimoire, et je ferais des invocations à tous les dieux et à tous les diables, pour qu'ils ne vous permissent jamais de quitter ces contrées. Mais, mon cher Voltaire, Ulysse, malgré les enchantements de Circé, ne pensait qu'à sortir de cette île, où toutes les caresses de la déesse magicienne n'avaient pas tant de pouvoir sur son cœur que le souvenir de sa chère Pénélope. Il me paraît que vous seriez dans le cas d'Ulysse, et que le puissant souvenir de la belle Émilie et l'attraction de son cœur auraient sur vous un empire plus fort que mes dieux et mes démons. Il est juste que les nouvelles amitiés le cèdent aux anciennes; je le cède donc à la marquise, toutefois à condition qu'elle maintiendra mes droits de second contre tous ceux qui voudraient me les disputer.

J'ai cru que je pourrais aller assez vite dans ce que je m'étais proposé d'écrire contre Machiavel, mais j'ai trouvé que les jeunes gens ont la tête un peu trop chaude. Pour savoir tout ce qu'on a écrit sur Machiavel, il m'a fallu lire une infinité de livres, et avant que d'avoir tout digéré, il me faudra encore quelque temps. Le voyage que nous allons faire en Prusse ne laissera pas que de causer encore quelque interruption à mes études, et retardera la Henriade, Machiavel et Euryale.

Je n'ai point encore de réponse d'Angleterre; mais vous pouvez compter que c'est une chose résolue, et que la Henriade sera gravée. J'espère pouvoir vous donner des nouvelles de cet ouvrage et de l'avant-propos à mon retour de Prusse, qui pourra être vers le 15 d'auguste.

Un prince oisif est, selon moi, un animal peu utile à l'univers. Je veux du moins servir mon siècle en ce qui dépend de moi; je veux contribuer à l'immortalité d'un ouvrage qui est utile à l'univers; je veux multiplier un poème où l'auteur enseigne le devoir des grands et le devoir des peuples, une manière de régner peu connue des princes, et une façon de penser qui aurait ennobli les dieux d'Homère autant que leurs cruautés et leurs caprices les ont rendus méprisables.

Vous faites un portrait vrai, mais terrible, des guerres de religion, de la méchanceté des prêtres, et des suites funestes du faux zèle. Ce sont des leçons qu'on ne saurait assez répéter aux hommes que leurs folies passées devraient du moins rendre plus sages dans leur façon de se conduire à l'avenir.

Ce que je médite contre le Machiavélisme est proprement une suite de la Henriade. C'est sur les grands sentiments de Henri IV que je forge la foudre qui écrasera César Borgia.

Pour Nisus et Euryale, ils attendront que le temps et vos corrections aient fortifié ma verve.

J'envoie par le lieutenant Shilling le vin de Hongrie, sous l'adresse du duc d'Aremberg. Il est sûr que ce duc est le patriarche des bons vivants; il peut être regardé comme père de la joie et des plaisirs. Silène l'a doué d'une physionomie qui ne dément point son caractère, et qui fait connaître en lui une volupté aimable et décrassée de tout ce que la débauche a d'obscénités.

J'espère que vous respirerez en Brabant un air plus libre qu'en France, et que la sécurité de ce séjour ne contribuera pas moins que les remèdes à la santé de votre corps. Je vous assure qu'il m'intéresse beaucoup, et qu'il ne se passe aucun jour que je ne fasse des vœux en votre faveur à la déesse de la santé.

J'espère que tous mes paquets vous seront parvenus. Mandez-m'en, s'il vous plaît, quelques petits mots. On dit que les Plaisirs se sont donné rendez-vous sur votre route:

 
Que la Danse et la Comédie,
Avec leur sœur la Mélodie.
Toutes trois firent le dessein
De vous escorter en chemin.
Suivies de leur bande joyeuse;
Et qu'en tous lieux leur troupe heureuse,
Devant vos pas semant des fleurs,
Vous a rendu tous les honneurs
Qu'au sommet de la double croupe,
Gouvernant sa divine troupe,
Apollon reçoit des neuf Sœurs.
 

On dit aussi

 
Que la Politesse et les Grâces
Avec vous quittèrent Paris;
Que l'Ennui froid a pris les places
De ces déesses et des Ris;
Qu'en cette région trompeuse,
La Politique frauduleuse
Tient le poste de l'Equité;
Que la timide Honnêteté,
Redoutant le pouvoir inique
D'un prélat fourbe et despotique,
Ennemi de la liberté,
S'enfuit avec la Vérité.
 

Voilà une gazette poétique de la façon qu'on les fait à Remusberg. Si vous êtes friand de nouvelles, je vous en promets en prose ou en vers, comme vous les voudrez, à mon retour.

Mille assurances d'estime à la divine Émilie, ma rivale dans votre cœur. J'espère que vous tiendrez les engagements de docilité que vous avez pris avec Superville. Césarion vous dit tout ce qu'un cœur comme le sien pense, lorsqu'il a été assez heureux pour connaître le vôtre; et moi, je suis plus que jamais votre très fidèle ami, Fédéric.

DE M. DE VOLTAIRE

À Bruxelles, 1er septembre 1739.
 
Ce nectar jaune de Hongrie
Enfin dans Bruxelle est venu;
Le duc d'Aremberg l'a reçu
Dans la nombreuse compagnie
Des vins dont sa cave est fournie;
Et quand Voltaire en aura bu
Quelques coups avec Émilie,
Son misérable individu,
Dans son estomac morfondu
Sentira renaître la vie:
La faculté, la pharmacie,
N'auront jamais tant de vertu.
Adieu, monsieur de Superville:
Mon ordonnance est du bon vin,
Frédéric est mon médecin,
Et vous m'êtes fort inutile.
Adieu; je ne suis plus tenté
De vos drogues d'apothicaire,
Et tout ce qui me reste à faire,
C'est de boire à votre santé.
 

Monseigneur, c'est M. Shilling qui m'apprit, il y a quelques jours, la nouvelle du débarquement de ce bon vin, dans la cave du patron de cette liqueur; et M. le duc d'Aremberg nous donnera ce divin tonneau à son retour d'Enghien; mais la lettre de Votre Altesse Royale, datée du 26 juin, et rendue par ledit M. Shilling, vaut tout le canton de Tokai:

 
Ô prince aimable et plein de grâce.
Parlez: par quel art immortel,
Avec un goût si naturel.
Touchez-vous la lyre d'Horace.
De ces mains dont la sage audace
Va confondre Machiavel?
Le ciel vous fit expressément
Pour nous instruire et pour nous plaire.
Ô monarques que l'on révère,
Grands rois, tâchez d'en faire autant;
Mais, hélas! vous n'y pensez guère.
 

Et avec toutes ces grâces légères dont Votre charmante lettre est pleine, voilà M. Shilling qui jure encore que le régiment de Votre Altesse Royale est le plus beau régiment de Prusse, et par conséquent le plus beau régiment du monde; car omne tulit punctum est votre devise.

Votre Altesse royale va visiter ses peuples septentrionaux, mais elle échauffera tous ces climats-là; et je suis sûr que quand j'y viendrai (car j'irai sans doute, je ne mourrai point sans lui avoir fait ma cour), je trouverai qu'il fait plus chaud à Remusberg qu'à Frescati; les philosophes auront beau prétendre que la terre s'est approchée du soleil, ils feront de vains systèmes, et je saurai la vérité du fait.

Votre Altesse Royale me dit qu'il lui a fallu lire bien des livres pour son Anti-Machiavel; tant mieux, car elle ne lit qu'avec fruit; ce sont des métaux qui deviendront or dans votre creuset; il y a des discours politiques de Gordon, à la tête de sa traduction de Tacite, qui sont bien dignes d'être vus par un lecteur tel que mon prince; mais d'ailleurs quel besoin Hercule a-t-il de secours pour étouffer Antée ou pour écraser Cacus?

 

Je vais vite travailler à achever le petit tribut que j'ai promis à mon unique maître; il aura, dans quinze jours, le second acte de Mahomet; le premier doit lui être parvenu par la même voie des sieurs Gérard et compagnie.

On a achevé une nouvelle édition de mes ouvrages en Hollande; mais Votre Altesse Royale en a beaucoup plus que les libraires n'en ont imprimé. Je ne reconnais plus d'autre Henriade que celle qui est honorée de votre nom et de vos bontés; ce n'est pas moi sûrement qui ai fait les autres Henriades. Je quitte mon prince pour travailler à Mahomet, et je suis, etc.

2Il s'agit d'une plume d'ambre envoyée à madame du Châtelet, et qu'elle avait cassée.
3Boileau, Art poétique, ch. Ier.
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