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Abrégé de l'Histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome 1)

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DES NORMANDS VERS LE IVe SIÈCLE

Il est difficile de dire quel Pays de l'Europe était alors plus mal gouverné et plus malheureux. Tout étant divisé, tout était faible. Cette confusion ouvrit un passage aux Peuples de la Scandinavie et aux habitants des bords de la Mer Baltique. Ces Sauvages trop nombreux n'ayant à cultiver que des terres ingrates, manquant de Manufactures et privés d'Arts, ne cherchaient qu'à se répandre loin de leur patrie. Le brigandage et la piraterie leur était nécessaire, comme le carnage aux bêtes féroces. En Allemagne on les appelait Normands, Hommes du Nord, sans distinction, comme nous disons encore en général les Corsaires de Barbarie. Dès le IVe Siècle ils se mêlèrent aux flots des autres Barbares, qui portèrent la désolation jusqu'à Rome et en Afrique. On a vu que resserrés sous Charlemagne, ils craignirent l'esclavage. Dès le temps de Louis le Débonnaire ils recommencèrent leurs courses. Les forêts dont ces Pays étaient hérissés, leur fournissaient assez de bois pour construire leurs barques à deux voiles à rames. Environ cent hommes tenaient dans ces bâtiments, avec leurs provisions de bière, de biscuit de mer, de fromage, et de viande salée. Ils côtoyaient les côtes, descendaient où ils ne trouvaient point de résistance, et retournaient chez eux avec leur butin, qu'ils partageaient ensuite selon les lois du brigandage, ainsi qu'il se pratique à Tunis. Dès l'an 843 ils entrèrent en France par l'embouchure de la Rivière de la Seine, et mirent la Ville de Rouen au pillage. Une autre flotte entra par la Loire, et dévasta tout jusqu'en Touraine. Ils emmenaient en esclavage les hommes, ils partageaient entre eux les femmes et les filles, prenant jusqu'aux enfants pour les élever dans leur métier de pirates. Les bestiaux, les meubles, tout était emporté. Ils vendaient quelquefois sur une côte ce qu'ils avaient pillé sur une autre. Leurs premiers gains excitèrent la cupidité de leurs compatriotes indigents. Les habitants des côtes Germaniques et Gauloises se joignirent à eux, ainsi que tant de renégats de Provence et de Sicile ont servi sur les vaisseaux d'Alger.

En 844 ils couvrirent la mer de vaisseaux. On les vit descendre presqu'à la fois en Angleterre, en France et en Espagne. Il faut que le Gouvernement des Français et des Anglais fût moins bon que celui des Mahométans, qui régnaient en Espagne; car il n'y eut nulle mesure prise par les Français ni par les Anglais, pour empêcher ces irruptions; mais en Espagne les Arabes gardèrent leurs côtes, et repoussèrent enfin les Pirates.

En 845 les Normands pillèrent Hambourg, et pénétrèrent avant dans l'Allemagne. Ce n'était plus alors un ramassis12 de Corsaires sans ordre, c'était une flotte de six cents bateaux, qui portait une armée formidable. Un Roi de Danemark, nommé Eric, était à leur tête. Il gagna deux batailles avant de se rembarquer. Ce Roi des Pirates après être retourné chez lui avec les dépouilles Allemandes, envoie en France un des Chefs des Corsaires, à qui les Histoires donnent le nom de Régner. Il remonte la Seine à cent vingt voiles. Il n'y a point d'apparence que ces cent vingt voiles portaient dix mille hommes. Cependant avec un nombre probablement inférieur, il pille Rouen une seconde fois, et vient jusqu'à Paris. Dans de pareilles invasions, quand la faiblesse du Gouvernement n'a pourvu à rien, la terreur du peuple augmente le péril, et le plus grand nombre fuit devant le plus petit. Les Parisiens qui se défendirent dans d'autres temps avec tant de courage, abandonnèrent alors leur Ville, et les Normands n'y trouvèrent que des maisons de bois qu'ils brûlèrent. Le malheureux Roi, Charles le Chauve, retranché à Saint Denis avec peu de troupes, au lieu de s'opposer à ces Barbares, acheta de quatorze mille marcs d'argent la retraite qu'ils daignèrent faire. On est indigné quand on lit dans nos Auteurs que plusieurs de ces Barbares furent punis de mort subite pour avoir pillé l'Église de Saint-Germain-des-Prés. Ni les Peuples, ni leurs Saints ne se défendirent, mais les vaincus se donnent toujours la honteuse consolation de supposer des miracles opérés contre leurs vainqueurs.

Charles le Chauve, en achetant ainsi la paix, ne faisait que donner à ces Pirates de nouveaux moyens de faire la guerre, et s'ôter celui de la soutenir. Les Normands se servirent de cet argent pour aller assiéger Bordeaux, qu'ils pillèrent. Pour comble d'humiliation et d'horreur, un descendant de Charlemagne, Pépin Roi d'Aquitaine, n'ayant pu leur résister, s'unit avec eux, et alors la France vers l'an 858 fut entièrement ravagée. Les Normands fortifiés de tout ce qui se joignait à eux, désolèrent longtemps l'Allemagne, la Flandres, l'Angleterre. Nous avons vu depuis peu des armées de cent mille hommes pouvoir à peine prendre deux Villes après des victoires signalées; tant l'Art de fortifier les places et de préparer des ressources a été perfectionné; mais alors des Barbares combattant d'autres Barbares désunis, ne trouvaient après le premier succès, presque rien qui arrêtât leurs courses. Vaincus quelquefois, ils reparaissaient avec de nouvelles forces.

Godefroi, Roi de Danemark, à qui Charles le Gros céda enfin une partie de la Hollande en 882, pénètre de la Hollande en Flandres, ses Normands passent de la Somme à l'Oise sans résistance, prennent et brûlent Pontoise, et arrivent par eau et par terre devant Paris, en 885.

Les Parisiens qui s'attendaient alors à l'irruption des Barbares, n'abandonnèrent point la Ville, comme autrefois. Le Comte de Paris, Ode ou Eudes, que sa valeur éleva depuis sur le trône de France, mit dans la Ville un ordre qui anima les courages, et qui leur tint lieu de tours et de remparts. Sigefroi, Chef des Normands, pressa le siège avec une fureur opiniâtre, mais non destituée d'arts. Les Normands se servirent du bélier pour battre les murs. Ils firent brèche, et donnèrent trois assauts. Les Parisiens les soutinrent avec un courage inébranlable. Ils avaient à leur tête non seulement le Comte Eudes, mais encore leur Évêque Goflin, qui chaque jour après avoir donné la bénédiction à son peuple, se mettait sur la brèche, le casque en tête, un carquois sur le dos, et une hache à sa ceinture, et ayant planté la croix sur le rempart, combattait à sa vue. Il paraît que cet Évêque avait dans la Ville autant d'autorité pour le moins que le Comte Eudes, puisque ce fut à lui que Sigefroy s'était d'abord adressé, pour entrer par sa permission dans Paris. Ce Prélat mourut de ses fatigues au milieu du siège, laissant une mémoire respectable et chère; car s'il arma des mains que la Religion réservait seulement au ministère de l'Autel, il les arma pour cet autel même et pour des citoyens dans la cause la plus juste, et pour la défense la plus nécessaire, qui est toujours au-dessus des lois. Ses confrères ne s'étaient armés que dans des Guerres Civiles et contre des Chrétiens. Peut-être, si l'apothéose est due à quelques hommes, eût-il mieux valu mettre dans le Ciel ce Prélat qui combattit et mourut pour son Pays, que tant d'hommes obscurs, dont la vertu, s'ils en ont eu, a été pour le moins inutile au Monde.

Les Normands tinrent la Ville assiégée une année et demie, les Parisiens éprouvèrent toutes les horreurs qu'entraînent dans un long siège la famine et la contagion, qui en sont les suites, et ne furent point ébranlés. Au bout de ce temps l'Empereur Charles le Gros, Roi de France, parut enfin à leurs secours sur le Mont de Mars, qu'on appelle aujourd'hui Montmartre, mais il n'osa pas attaquer les Normands, il ne vint que pour acheter encore une trêve honteuse. Ces Barbares quittèrent Paris pour aller assiéger Sens et piller la Bourgogne, tandis que Charles alla dans Mayence assembler ce Parlement qui lui ôta un trône dont il était si indigne.

Les Normands continuèrent leurs dévastations, mais quoiqu'ennemis du Nom Chrétien il ne leur vint jamais en pensée de forcer personne à renoncer au Christianisme. Ils étaient à peu près tels que les Francs, les Goths, les Alains, les Huns, les Hérules, qui en cherchant au IVe Siècle de nouvelles Terres, loin d'imposer une Religion aux Romains, s'accommodèrent aisément de la leur: ainsi les Turcs en pillant l'Empire des Califes, se sont fournis à la Religion Mahométane.

Enfin Rolon ou Raoul, le plus illustre de ces Brigands du Nord, après avoir été chassé du Danemark, ayant rassemblé en Scandinavie tous ceux qui voulurent s'attacher à sa fortune, tenta de nouvelles aventures, et fonda l'espérance de sa grandeur sur la faiblesse de l'Europe. Il aborda l'Angleterre, où ses compatriotes étaient déjà établis; mais après deux victoires inutiles il retourna du côté de la France, que d'autres Normands savaient ruiner, mais qu'ils ne savaient pas asservir.

Rolon fut le seul de ces Barbares qui cessa d'en mériter le nom, en cherchant un établissement fixe. Maître de Rouen sans peine, au lieu de la détruire, il en fit relever les murailles et les tours. Rouen devint sa place d'armes, de-là il volait tantôt en Angleterre, tantôt en France, faisant la guerre avec politique, comme avec fureur. La France était expirante sous le règne de Charles le Simple, Roi de nom, et dont la Monarchie était encore plus démembrée par les Ducs, par les Comtes et par les Barons ses sujets, que par les Normands. Charles n'avait donné que de l'or aux Barbares, Charles le Simple offrit à Rolon sa fille et des provinces.

Raoul demanda d'abord la Normandie, et on fut trop heureux de la lui céder. Il demanda ensuite la Bretagne, on disputa, mais il fallut la céder encore avec des clauses que le plus fort explique toujours à son avantage. Ainsi la Bretagne qui était tout à l'heure un Royaume, devint un Fief de la Neustrie; et la Neustrie qu'on s'accoutuma bientôt à nommer Normandie du nom de ses usurpateurs, fut un État séparé, dont les Ducs rendaient un vain hommage à la couronne de France.

 

L'Archevêque de Rouen sut persuader à Rolon de se faire Chrétien. Ce

Prince embrassa volontiers une Religion qui affermissait sa puissance.

Les véritables Conquérants sont ceux qui savent faire des lois. Leur puissance est stable, les autres sont des torrents qui passent. Rolon paisible fut le seul Législateur de son temps dans le Continent Chrétien. On sait avec quelle inflexibilité il rendit la justice. Il abolit le vol chez ses Danois, qui n'avaient jusques-là vécu que de rapine. Longtemps après lui son nom seul prononcé, était un ordre aux Officiers de Justice d'accourir pour réprimer la violence, et de-là est venu cet usage de la clameur de Haro, si connue en Normandie. Le sang des Danois et des Francs mêlés ensemble produisit ensuite dans ce Pays ces Héros qu'on verra conquérir l'Angleterre et la Sicile.

DE L'ANGLETERRE VERS LE IVe SIÈCLE

L'Angleterre après avoir été divisée en sept petits Royaumes, s'était presque réunie sous le Roi Egbert, lorsque ces mêmes Pirates vinrent la ravager aussi bien que la France. On prétend qu'en 852 ils remontèrent la Tamise avec trois cents Voiles. Les Anglais ne se défendirent guère mieux que les Francs. Ils payèrent, comme eux, leurs vainqueurs. Un Roi nommé Ethelbert suivit le malheureux exemple de Charles le Chauve. Il donna de l'argent; la même faute eut la même punition. Les Pirates se servirent de cet argent pour mieux subjuguer le Pays. Ils conquirent la moitié de l'Angleterre. Il fallait que les Anglais, nés courageux et défendus par leur situation, eussent dans leur Gouvernement des vices bien essentiels, puisqu'ils furent toujours assujettis par des Peuples qui ne devaient pas aborder impunément chez eux. Ce qu'on raconte des horribles dévastations qui désolèrent cette Île, surpasse encore ce qu'on vient de voir en France. Il y a des temps où la Terre entière n'est qu'un théâtre de carnage, et ces temps sont trop fréquents.

Il me semble que le Lecteur respire enfin un peu, lorsque dans ces horreurs il voit s'élever quelque grand-homme qui tire sa patrie de la servitude, et qui le gouverne en bon Roi.

Je ne sais s'il y a jamais eu sur la Terre un homme plus digne des respects de la postérité qu'Alfred le Grand, qui rendit ses services à sa patrie.

En 872 il succédait à son frère Ethelred I qui ne lui laissa qu'un droit contesté sur l'Angleterre, partagée plus que jamais en Souverainetés, dont plusieurs étaient possédées par les Danois. De nouveaux Pirates venaient encore, presque chaque année, disputer aux premiers usurpateurs le peu de dépouilles qui pouvaient rester.

Alfred n'ayant pour lui qu'une Province de l'Ouest, fut vaincu d'abord en bataille rangée par ces Barbares, et abandonné de tout le monde il ne se retira point à Rome dans le Collège Anglais, comme Butred son oncle, devenu Roi d'une petite Province et chassé par les Danois; mais seul et sans secours, il voulut périr ou venger sa patrie. Il se cacha six mois chez un Berger dans une chaumière environnée de marais. Le seul Comte de Devon qui défendait encore un faible château, savait son secret. Enfin ce Comte ayant rassemblé des troupes et gagné quelque avantage, Alfred couvert de haillons d'un Berger, osa se rendre dans le camp des Danois, en jouant de la harpe: voyant ainsi par ses yeux la situation du camp et ses défauts, instruit d'une fête que les Barbares devaient célébrer, il court au Comte de Devon qui avait des milices prêtes, il revient aux Danois avec une petite troupe mais déterminée, il les surprend et gagne une victoire complète. La discorde divisait alors les Danois. Alfred sut négocier comme combattre; et ce qui est étrange, les Anglais et les Danois le reconnurent unanimement pour Roi. Il n'y avait plus à réduire que Londres, il la prit, la fortifia, l'embellit, équipa des flottes, contint les Danois d'Angleterre, s'opposa aux descentes des autres, et s'appliqua ensuite pendant douze années d'une possession paisible, à policer sa patrie. Ses lois furent douces, mais sévèrement exécutées. C'est lui qui fonda les Jurés, qui partagea l'Angleterre en Shires ou Comtés, et qui le premier encouragea ses sujets à commercer. Il prêta des vaisseaux et de l'argent à des hommes entreprenants et sages, qui allèrent jusqu'à Alexandrie, et de-là passant l'Isthme de Suez, trafiquèrent dans la Mer de Perse. Il institua des Milices, il établit divers Conseils, mit partout la règle et la paix qui en est la suite.

Il me semble qu'il n'y a point de véritablement grand-homme, sans avoir un bon esprit. Alfred fonda l'Académie d'Oxford. Il fit venir des livres de Rome. L'Angleterre toute barbare n'en avait presque point. Il se plaignait qu'il n'y eût pas alors un Prêtre Anglais qui sût le Latin. Pour lui, il le savait. Il était même assez bon Géomètre pour ce temps-là. Il possédait l'Histoire. On dit même qu'il faisait des vers en Anglo-Saxon. Les moments qu'il ne donnait pas aux soins de l'État, il les donnait à l'étude. Une sage économie le mit en état d'être libéral. On voit qu'il rebâtit plusieurs Églises, mais aucun Monastère. Il pensait sans-doute que dans un État désolé, qu'il fallait repeupler, il eût mal servi sa patrie, en favorisant trop ces familles immenses sans père et sans enfants, qui se perpétuent aux dépens de la Nation: aussi ne fut-il pas au nombre des Saints; mais l'Histoire, qui d'ailleurs ne lui reproche ni défaut ni faiblesse, le met au premier rang des Héros utiles au Genre-humain, qui sans ces hommes extraordinaires eût toujours été semblable aux bêtes farouches.

DE L'ESPAGNE ET DES MUSULMANS AUX VIIIe ET IXe SIÈCLES

Je vois dans l'Espagne des malheurs et des révolutions d'un autre genre, qui méritent une attention particulière. Il faut remonter en peu de mots à la source, et se souvenir que les Goths usurpateurs de ce Royaume, devenus Chrétiens et toujours barbares, furent chassés au VIIIe Siècle par les Musulmans d'Afrique. Je crois que l'imbécillité du Roi Vamba qu'on enferma dans un Cloître, fut l'origine de la décadence de ce Royaume. C'est à sa faiblesse qu'on doit les fureurs de ses successeurs. Vitiza, Prince plus insensé encore que Vamba, puisqu'il était cruel, fit désarmer ses sujets qu'il craignait, mais par-là il se priva de leur secours.

Rodrigue dont il avait assassiné le père, l'assassina à son tour, et fut encore plus méchant que lui. Il ne faut pas chercher ailleurs la cause de la supériorité des Musulmans en Espagne. Je ne sais s'il est bien vrai que Rodrigue eût violé Florinde, nommée la Cava ou la Méchante, fille malheureusement célèbre du Comte Julien, et si ce fut pour venger son honneur que ce Comte appela les Maures. Peut-être l'aventure de la Cava est copiée en partie sur celle de Lucrèce, et ni l'une ni l'autre ne paraît appuyée sur des monuments bien authentiques. Il paraît que pour appeler les Africains on n'avait pas besoin du prétexte d'un viol, qui est d'ordinaire aussi difficile à prouver qu'à faire. Déjà sous le Roi Vamba, le Comte Hervig, depuis Roi, avait fait venir une armée de Maures. Opas Archevêque de Séville, qui fut le principal instrument de la grande révolution, avait des intérêts plus chers à soutenir que ceux de la pudeur d'une fille. Cet Évêque, fils de l'usurpateur Vitiza détrôné et assassiné par l'usurpateur Rodrigue, fut celui dont l'ambition fit venir les Maures pour la seconde fois. Le Comte Julien, gendre de Vitiza, trouvait dans cette seule alliance assez de raisons pour se soulever contre le tyran. Un autre Évêque nommé Torizo, entra dans la conspiration d'Opas et du Comte. Y a-t-il apparence que deux Évêques se fussent ligués ainsi avec les ennemis du Nom Chrétien, s'il ne s'était agi que d'une fille?

Quoi qu'il en soit, les Mahométans étaient maîtres comme ils le sont encore, de toute cette partie de l'Afrique qui avait appartenu aux Romains, ils venaient d'y fonder la Ville de Maroc près du Mont Atlas. Le Calife Valid Almanzor, maître de cette belle partie de la Terre, résidait à Damas en Syrie. Son Vice-roi Muzza, qui gouvernait l'Afrique, fit par un de ses Lieutenants la conquête de toute l'Espagne. Il y envoya d'abord son Général Tarif, qui gagna en 714 cette célèbre bataille où Rodrigue perdit la vie. On prétend que les Sarrasins ne tinrent pas leurs promesses à Julien, dont ils se défiaient sans-doute. L'Archevêque Opas fut plus satisfait d'eux. Il prêta serment de fidélité aux Mahométans, et conserva sous eux beaucoup d'autorité sur les Églises Chrétiennes, que les vainqueurs toléraient.

Pour le Roi Rodrigue, il fut si peu regretté que sa veuve Egilone épousa publiquement le jeune Abdalis, fils du Sultan Muzza, dont les armes avaient fait périr son mari, et réduit en servitude son Pays et sa Religion.

L'Espagne avait été soumise en quatorze mois à l'Empire des Califes, à la réserve des cavernes et des rochers de l'Asturie. Pélage Teudomer, parent du dernier Roi Rodrigue, caché dans ces retraites, y conserva sa liberté. Je ne sais comment on a pu donner le nom de Roi à ce Prince, qui en était en effet digne, mais dont toute la Royauté se borna à n'être point captif. Les Historiens Espagnols et ceux qui les ont suivis, lui font remporter de grandes victoires, imaginent des miracles en sa faveur, lui établissent une Cour, lui donnent son fils Favilla et son gendre Alphonse pour successeurs tranquilles dans ce prétendu Royaume. Mais comment dans ce temps-là même les Mahométans, qui sous Abdérame vers l'an 734 subjuguèrent la moitié de la France, auraient-ils laissé subsister derrière les Pyrénées ce Royaume des Asturies? C'était beaucoup pour les Chrétiens de pouvoir se réfugier dans ces montagnes et d'y vivre de leurs courses, en payant tribut aux Mahométans. Ce ne fut que vers l'an 759 que les Chrétiens commencèrent à tenir tête à leurs vainqueurs affaiblis par les victoires de Charles Martel et par leurs divisions; mais eux-mêmes plus divisés entre eux que les Mahométans, retombèrent bientôt sous le joug.

En 783, Maurégat, à qui il a plû aux Historiens de donner le titre de Roi, eut la permission de gouverner les Asturies et quelques Terres voisines, en rendant hommage et en payant tribut. Il se soumit surtout de fournir cent belles filles tous les ans pour le sérail d'Abdérame.

On donne pour successeur à ce Maurégat un Diacre nommé Vérémon, Chef de ces Montagnards réfugiés, faisant le même hommage et payant le même nombre de filles qu'il était obligé de payer souvent. Est-ce-là un Royaume, et sont-ce-là des Rois?

Après la mort de cet Abdérame, les Émirs des Provinces d'Espagne voulurent être indépendants. On a vu dans l'article de Charlemagne, qu'un d'eux, nommé Ibna Larabi, eut l'imprudence d'appeler ce conquérant à son secours. S'il y avait eu alors un véritable Royaume Chrétien en Espagne, Charles n'eût-il pas protégé ce Royaume par ses armes, plutôt que de se joindre à des Mahométans? Il prit cet Émir sous sa protection, et se fit rendre hommage des Terres qui sont entre l'Ebre et les Pyrénées, que les Musulmans gardèrent. On voit en 794 le Maure Abutar rendre hommage à Louis le Débonnaire, qui gouvernait l'Aquitaine sous son père avec le titre de Roi.

Quelque temps après, les divisions augmentèrent chez les Maures d'Espagne. Le Conseil de Louis le Débonnaire en profita, ses troupes assiégèrent deux ans Barcelone, et Louis y entra en triomphe en 796. Voilà l'époque de la décadence des Maures. Ces vainqueurs n'étaient plus soutenus par les Africains et par les Califes dont ils avaient secoué le joug. Les successeurs d'Abdérame ayant établi le siège de leur Royaume à Cordoue, étaient mal obéis des Gouverneurs des autres Provinces.

Alfonse de la race de Pélage commença dans ces conjonctures heureuses à rendre considérables les Chrétiens Espagnols retirés dans les Asturies. Il refusa le tribut ordinaire à des Maîtres contre lesquels il pouvait combattre; et après quelques victoires il se vit maître paisible des Asturies et de Léon au commencement du IXe Siècle.

C'est par lui qu'il faut commencer de retrouver en Espagne des Rois Chrétiens. Cet Alfonse était artificieux et cruel. On l'appelle le Chaste, parce qu'il fut le premier qui refusa les cent filles aux Maures. On ne songe pas qu'il ne soutint point la guerre pour avoir refusé ce tribut, mais que voulant se soustraire à la domination des Maures et ne plus être tributaire, il fallait bien qu'il refusât les cent filles ainsi que le reste.

Les succès d'Alfonse qui, malgré beaucoup de traverses, enhardit les Chrétiens de Navarre à se donner un Roi. Les Aragonais levèrent l'étendard sous un Comte: ainsi sur la fin de Louis le Débonnaire, ni les Maures, ni les Français n'eurent plus rien dans ces Contrées stériles, mais le reste de l'Espagne obéissait aux Rois Musulmans. Ce fut alors que les Normands ravagèrent les côtes de l'Espagne, mais étant repoussés, ils retournèrent piller la France et l'Angleterre.

 

On ne doit point être surpris que les Espagnols des Asturies, de Léon, d'Aragon, aient été alors des barbares. La guerre qui avait succédé à la servitude, ne les avait pas polis. Ils étaient dans une si profonde ignorance, qu'Alfonse Roi de Léon et des Asturies, surnommé le Grand, fut obligé de donner à son fils des Précepteurs Mahométans.

Je ne cesse d'être étonné, quand je vois quels titres les Historiens prodiguent aux Rois. Cet Alfonse qu'ils appellent le Grand, fit crever les yeux à ses quatre frères; sa vie n'est qu'un tissu de cruautés et de perfidies. Ce Roi finit par faire révolter contre lui ses Sujets, et fut obligé de céder son petit Royaume à son fils vers l'an 910.

Cependant les Mahométans qui perdaient cette partie de l'Espagne qui confine à la France, s'étendaient partout ailleurs. Si j'envisage leur Religion, je la vois embrassée par toutes les Indes, et par les côtes orientales de l'Afrique où ils trafiquaient. Si je regarde leurs conquêtes, d'abord le Calife Aaron Rachild impose un tribut de soixante et dix mille écus d'or par an à l'Impératrice Irène. L'Empereur Nicéphore ayant ensuite refusé de payer le tribut, Aaron prend l'Île de Chypre et vient ravager la Grèce. Almamon son petit-fils, Prince d'ailleurs si recommandable par son amour pour les Sciences et par son savoir, s'empare par ses Lieutenants de l'Île de Crète en 825. Les Musulmans y firent bâtir la Ville de Candie.

En 826 les mêmes Africains qui avaient subjugué l'Espagne et fait des incursions dans cette Île fertile, encouragés par un Sicilien nommé Euphémiris, qui ayant, à l'exemple de son Empereur Michel, épousé une Religieuse, et poursuivi par les lois que l'Empereur s'était rendu favorables, fit à peu près en Sicile ce que le Comte Julien avait fait en Espagne.

Ni les Empereurs Grecs, ni ceux d'Occident ne purent alors chasser de Sicile les Musulmans, tant l'Orient et l'Occident étaient mal gouvernés. Ces Conquérants allaient se rendre maîtres de l'Italie, s'ils avaient été unis; mais leurs fautes sauvèrent Rome, comme celle des Carthaginois la sauvèrent autrefois. Ils partent de Sicile en 846 avec une flotte nombreuse. Ils entrent par l'embouchure du Tibre, et ne trouvant qu'un Pays, presque désert, ils vont assiéger Rome. Ils prirent les dehors, et ayant pillé la riche Église de Saint Pierre hors des murs, ils levèrent le siège pour aller combattre une armée de Français, qui venait secourir Rome sous un Général de l'Empereur Lothaire. L'armée Française fut battue, mais la Ville rafraîchie fut manquée; et cette expédition qui devait être une conquête, ne devint par leur mésintelligence qu'une incursion de Barbares. Ils revinrent bientôt après avec une armée formidable, qui semblait devoir détruire l'Italie et faire une Bourgade Mahométane de la Capitale du Christianisme. Le Pape Léon IV prenant dans ce danger une autorité que les Généraux de l'Empereur Lothaire semblaient abandonner, se montra digne en défendant Rome, d'y commander en Souverain. Il avait employé les richesses de l'Église à réparer les murailles, à élever des tours, à tendre des chaînes sur le Tibre. Il arma les milices à ses dépens, engagea les habitants de Naples et de Gayette à venir défendre les côtes et le port d'Ostie, sans manquer à la sage précaution de prendre d'eux des otages, sachant bien que ceux qui sont assez puissants pour nous secourir, le sont assez pour nous nuire. Il visita lui-même tous les postes et reçut les Sarrasins à leur descente, non pas en équipage de guerrier, ainsi qu'en avait usé Goflin Évêque de Paris dans une occasion encore plus pressante, mais comme un Pontife qui exhortait un Peuple Chrétien, et comme un Roi qui veillait à la sûreté de ses Sujets. Il était né Romain. Le courage des premiers âges de la République revivait en lui dans un temps de lâcheté et de corruption, tel qu'un des beaux monuments de l'ancienne Rome qu'on trouve quelquefois dans les ruines de la nouvelle. Son courage et ses soins furent secondés.

En 849, on reçut les Sarrasins courageusement à leur descente, et la tempête ayant dissipé la moitié de leurs vaisseaux, une partie de ces conquérants échappés au naufrage fut mise à la chaîne. Le Pape rendit sa victoire utile, en faisant travailler aux fortifications de Rome et à ses embellissements les mêmes mains qui devaient les détruire. Les Mahométans restèrent cependant maîtres du Garillan entre Capoue et Gayette, mais plutôt comme une Colonie de Corsaires indépendants, que comme des Conquérants disciplinés.

Je vois donc au IXe Siècle les Musulmans redoutables à la fois à Rome et à Constantinople, maîtres de la Perse, de la Syrie, de l'Arabie, et de toutes les Côtes d'Afrique jusqu'au Mont Atlas, et des trois quarts de l'Espagne. Mais ces Conquérants ne forment pas une Nation, comme les Romains étendus presqu'autant qu'eux, n'avaient fait qu'un seul Peuple.

Sous le fameux Calife Almamon vers l'an 815, un peu après la mort de Charlemagne, l'Égypte devint indépendante, et le Grand-Caire fut la résidence d'un Soudan. Le Prince de la Mauritanie Tangitane, sous le titre de Misamolin, était maître absolu de l'Empire de Maroc. La Nubie et la Lybie obéissaient à un autre Soudan. Les Abdérames qui avaient fondé le Royaume de Cordoue, ne purent empêcher d'autres Mahométans de fonder celui de Tolède. Toutes ces nouvelles Dynasties révéraient dans le Calife le successeur de leur Prophète. Ainsi que les Chrétiens allaient en foule en pèlerinage à Rome, les Mahométans de toutes les parties du Monde allaient à la Mecque, gouvernée par un Shérif que nommait le Calife; et c'était principalement par ce pèlerinage que le Calife maître de la Mecque était vénérable à tous les Princes de sa croyance. Mais ces Princes distinguant la Religion de leurs intérêts, dépouillaient le Calife en lui rendant hommage.

DE L'EMPIRE DE CONSTANTINOPLE, AUX VIIIe et IXe SIÈCLES

Tandis que l'Empire de Charlemagne se démembrait, que les inondations des Sarrasins et des Normands désolaient l'Occident, l'Empire de Constantinople subsistait comme un grand arbre, vigoureux encore. Mais déjà vieux, dépouillé de quelques racines, et assailli de tous côtés par la tempête, cet Empire n'avait plus rien en Afrique, la Syrie et une partie de l'Asie Mineure lui étaient enlevées. Il défendait contre les Musulmans ses frontières vers l'orient de la Mer Noire, et tantôt vaincu, tantôt vainqueur, il aurait pu au moins se fortifier contre eux par cet usage continuel de la guerre. Mais du côté du Danube et vers le bord occidental de la Mer Noire, d'autres ennemis le ravageaient. Une Nation de Scythes, nommée les Abares ou Avares, les Bulgares, autres Scythes, dont la Bulgarie tient son nom, désolaient tous ces beaux climats de la Roumanie13, où Adrien et Trajan avaient construit de si belles Villes, et ces grands-chemins desquels il ne subsiste plus que quelques chaussées.

Les Abares surtout répandus dans la Hongrie et dans l'Autriche se jetaient tantôt sur l'Empire d'Orient, tantôt sur celui de Charlemagne. Ainsi des frontières de la Perse à celles de la France, la Terre était en proie à des incursions presque continuelles.

Si les frontières de l'Empire Grec étaient toujours resserrées et toujours désolées, la Capitale était le théâtre des révolutions et des crimes. Un mélange de l'artifice des Grecs et de la férocité des Thraces, formait le caractère qui régnait à la Cour. En effet quel spectacle nous représente Constantinople? Maurice et ses cinq enfants massacrés: Phocas assassiné pour prix de ses meurtres et de ses incestes: Constantin empoisonné par l'Impératrice Martine, à qui on arrache la langue tandis qu'on coupe le nez à Héracléonas son fils: Constans assommé dans un bain par ses domestiques: Constantin Pogonate qui fait crever les yeux à ses deux frères: Justinien II son fils prêt à faire à Constantinople ce que Théodose fit à Thessalonique, surpris, mutilé et enchaîné par Léonce au moment qu'il allait faire égorger les principaux Citoyens: Léonce bientôt traité lui-même comme il avait traité Justinien II, ce Justinien rétabli, faisant couler sous ses yeux dans la Place publique le sang de ses ennemis, et périssant enfin sous la main d'un bourreau: Philippe Bardanés détrôné et condamné à perdre les yeux: Léon l'Isaurien et Constantin Copronyme morts à-la-vérité dans leur lit, mais après un règne sanguinaire, aussi malheureux pour le Prince que pour les Sujets. L'Impératrice Irène, la première femme qui monta sur le trône des Césars, et la première qui fit périr son fils pour régner: Nicéphore son successeur, détesté de ses Sujets, pris par les Bulgares, décollé, servant de pâture aux bêtes, tandis que son crâne sert de coupe à son vainqueur. Enfin Michel Curopalate contemporain de Charlemagne, confiné dans un Cloître, et mourant ainsi moins cruellement, mais plus honteusement que ses prédécesseurs. C'est ainsi que l'Empire est gouverné pendant 200 ans. Quelle histoire de brigands obscurs punis en Place publique pour leurs crimes, est plus horrible et plus dégoûtante? Cependant il faut voir au IXe Siècle Léon l'Arménien, brave guerrier, mais ennemi des Images, assassiné à la Messe dans le temps qu'il chantait une Antienne: ses assassins s'aplaudissant d'avoir tué un hérétique, vont tirer de prison un Officier, nommé Michel le Bègue, condamné à la mort par le Sénat, et qui au lieu d'être exécuté, reçut la Pourpre Impériale. Ce fut lui qui étant amoureux d'une Religieuse, se fit prier par le Sénat de l'épouser, sans qu'aucun Évêque osât être d'un sentiment contraire. Ce fait est d'autant plus digne d'attention, que presqu'en même temps on voit Euphemius en Sicile, poursuivi criminellement pour un semblable mariage; et quelque temps après, on avait condamné à Constantinople le mariage très-légitime de l'Empereur Léon.

12Écrit «ramas» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).
13«Romanie» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).
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