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La vie et la mort du roi Richard III

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ÉLISABETH. – Que pourrais-je lui dire?.. Que le frère de son père voudrait être son époux? ou lui dirai-je son oncle? ou bien celui qui a tué ses frères et ses oncles? Sous quel titre lui annoncer tes désirs, que Dieu, que les lois, mon honneur et son amour puissent rendre agréable à sa tendre jeunesse?

LE ROI RICHARD. – Montrez-lui cette alliance donnant la paix à la belle Angleterre.

ÉLISABETH. – Mais elle l'achèterait aux dépens de ses troubles éternels.

LE ROI RICHARD. – Dites-lui que le roi, qui pourrait commander, la supplie.

ÉLISABETH. – De consentir à ce que défend le Roi des rois.

LE ROI RICHARD. – Dites-lui qu'elle sera une grande et puissante reine.

ÉLISABETH. – Pour en déplorer le titre comme fait sa mère.

LE ROI RICHARD. – Dites-lui que je l'aimerai toujours.

ÉLISABETH. – Mais combien de temps ce mot toujours conservera-t-il quelque valeur?

LE ROI RICHARD. – Autant que durera sa belle vie, et toujours aussi tendre.

ÉLISABETH. – Mais sincèrement, combien durera sa douce vie 29?

LE ROI RICHARD. – Aussi longtemps que le ciel et la nature la prolongeront.

ÉLISABETH. – Aussi longtemps que l'enfer et Richard le trouveront bon.

LE ROI RICHARD. – Dites-lui que moi, son souverain, je suis son humble sujet.

ÉLISABETH. – Mais elle, votre sujette, abhorre une pareille souveraineté.

LE ROI RICHARD. – Employez votre éloquence en ma faveur.

ÉLISABETH. – Une proposition honnête réussit mieux exposée simplement.

LE ROI RICHARD. – Eh bien, annoncez-lui simplement l'offre de mon amour.

ÉLISABETH. – Dire simplement ce qui n'est pas honnête, cela est par trop grossier.

LE ROI RICHARD. – Vos raisonnements sont superficiels et par trop recherchés.

ÉLISABETH. – Oh! non, mes raisons sont trop profondes et trop naturelles 30. Mes pauvres enfants sont trop profondément et trop réellement ensevelis dans leurs tombeaux.

LE ROI RICHARD. – Ne touchez point cette corde, madame; cela est passé.

ÉLISABETH. – Je la toucherai tant qu'il restera dans mon coeur une corde sensible.

LE ROI RICHARD. – Oui, par mon saint George, par ma jarretière, par ma couronne…

ÉLISABETH. – Tu as profané l'un, déshonoré l'autre, usurpé la troisième.

LE ROI RICHARD. – Je jure…

ÉLISABETH. – Sur rien, ce n'est point là un serment: ton saint George profané a perdu sa sainte dignité; ta jarretière ternie est dépouillée de sa vertu chevaleresque; ta couronne usurpée est déshonorée dans sa gloire: si tu veux faire un serment qui te lie et que je croie, jure donc par quelque chose que tu n'aies pas outragé.

LE ROI RICHARD. – Eh bien, par l'univers…

ÉLISABETH. – Il est plein de tes odieux forfaits.

LE ROI RICHARD. – Par la mort de mon père.

ÉLISABETH. – Ta vie l'a déshonorée.

LE ROI RICHARD. – Par moi-même.

ÉLISABETH. – Tu t'es avili toi-même.

LE ROI RICHARD. – Enfin, par le nom de Dieu.

ÉLISABETH. – Dieu a été le plus offensé de tous. Si tu avais craint de violer un serment fait au nom de Dieu, l'union que le roi ton frère avait formée n'aurait pas été rompue ni mon frère égorgé. Si tu avais craint de violer un serment fait au nom de Dieu, cet or, signe du pouvoir, qui entoure maintenant ta tête, aurait décoré le jeune front de mon enfant; et je verrais ici vivants les deux princes qui, maintenant, tendres camarades couchés ensemble dans la poussière du tombeau 31, sont par la violation de ta foi devenus la proie des vers. Par quoi peux-tu jurer aujourd'hui?

LE ROI RICHARD. – Par l'avenir.

ÉLISABETH. – Tu l'as outragé dans le passé, et moi-même j'ai encore bien des larmes à verser dans l'avenir pour le passé rempli de tes crimes. Les enfants dont tu as massacré les parents passent une jeunesse sans conseils et sans guides qu'ils déploreront dans la suite de l'âge; les parents dont tu as égorgé les enfants vivent aujourd'hui, plantes stériles et desséchées, pour passer leur vieillesse dans les pleurs. Ne jure point par l'avenir; tu en as abusé avant de pouvoir en user, par le mauvais usage que tu as fait du passé.

LE ROI RICHARD. – Comme il est vrai que je désire prospérer, je veux tout réparer, et puissé-je à ce seul prix réussir dans l'entreprise dangereuse que je vais tenter contre mes ennemis en armes! Que je sois moi-même l'artisan de ma ruine! Que le ciel et la fortune ne m'accordent plus un instant de bonheur! Jour, refuse-moi ta lumière; nuit, refuse-moi ton doux repos: que tous les astres propices deviennent contraires à mes desseins si ce n'est pas avec l'amour le plus pur, le dévouement le plus vertueux et les pensées les plus saintes, que j'adresse mes voeux à ta belle et noble fille: c'est en elle qu'est placé mon bonheur et le tien. Sans elle, je vois tomber sur moi, sur vous, sur elle-même, sur l'Angleterre et sur une foule d'âmes chrétiennes, la mort, la désolation, la ruine et la destruction. Tous ces désastres ne peuvent être prévenus que par cet hymen: ainsi donc, chère mère (car c'est le nom qu'il faut que je vous donne), plaidez auprès d'elle la cause de mon amour; parlez-lui de ce que je serai, et non pas de ce que j'ai été; ne lui parlez pas de mon mérite présent, mais de celui que je veux acquérir. Insistez sur les nécessités de l'État et des temps, et ne mettez pas de maussades obstacles à de grands projets.

ÉLISABETH. – Me laisserai-je donc tenter ainsi par ce démon?

LE ROI RICHARD. – Oui, si ce démon vous tente pour le bien.

ÉLISABETH. – Faudra-t-il m'oublier moi-même, pour me revoir ce que j'étais?

LE ROI RICHARD. – Oui, si le souvenir de ce que vous êtes vous nuit à vous-même.

ÉLISABETH. – Mais tu as assassiné mes fils.

LE ROI RICHARD. – Mais je les ensevelis dans le sein de votre fille, et dans ce nid brûlant ils renaîtront de leurs cendres, pour votre consolation et votre félicité.

ÉLISABETH. – Irai-je presser ma fille de céder à tes désirs?

LE ROI RICHARD. – Oui, et par là devenez une heureuse mère.

ÉLISABETH. – Eh bien, j'y vais. – Écris-moi une lettre très-courte, et tu connaîtras par moi ses sentiments.

LE ROI RICHARD. – Portez-lui le baiser de mon tendre amour; adieu. (Il l'embrasse; Élisabeth sort.) O femme imbécile, légère, changeante et prompte à pardonner! (Entrent Ratcliff et ensuite Catesby.) Eh bien, quelles nouvelles?

RATCLIFF. – Très-puissant souverain, une flotte redoutable paraît sur la côte occidentale. Sur le rivage accourent une foule d'amis douteux, au coeur dissimulé, sans armes, et ne paraissant pas disposés à s'opposer à la descente des ennemis. On croit que Richmond est l'amiral de la flotte, et qu'ils longent la côte, en attendant que Buckingham vienne leur prêter son appui, et les recevoir sur le rivage.

LE ROI RICHARD. – Que quelque ami rapide dans sa course se rende promptement auprès du duc de Norfolk. Ratcliff, que ce soit toi… ou Catesby: où est-il?

CATESBY. – Ici, mon bon seigneur.

LE ROI RICHARD. – Catesby, vole vers le duc.

CATESBY. – Je pars, seigneur, avec toute la célérité possible.

LE ROI RICHARD. – Ratcliff, approche: cours à Salisbury, et quand tu reviendras… (A Catesby.) Traître d'imbécile, pourquoi restes-tu là au lieu d'aller trouver le duc?

CATESBY. – Dites-moi d'abord, mon souverain, les ordres de Votre Majesté; que veut-elle que je dise au duc?

LE ROI RICHARD. – Oh! tu as raison, bon Catesby. – Dis-lui de lever sur-le-champ la plus forte armée qu'il pourra rassembler, et de venir me joindre au plus tôt à Salisbury.

CATESBY. – Je pars. (Catesby sort.)

RATCLIFF. – Que désirez-vous que je fasse à Salisbury?

LE ROI RICHARD. – Eh! qu'y veux-tu faire, avant que j'y sois arrivé?

RATCLIFF. – Votre Majesté m'avait dit de prendre les devants.

LE ROI RICHARD. – J'ai changé d'avis. (Entre Stanley.) Stanley, quelles nouvelles?

STANLEY. – Seigneur, pas d'assez bonnes pour être entendues de vous avec plaisir, ni d'assez mauvaises pour qu'on n'ose vous les annoncer.

LE ROI RICHARD. – Bon, des énigmes? Ni bonnes, ni mauvaises! Qu'as-tu besoin de venir ainsi d'une lieue, quand tu peux arriver à dire ton affaire par le plus court chemin? Encore une fois, quelle nouvelles?

STANLEY. – Richmond est en mer.

LE ROI RICHARD. – Eh bien, qu'il s'y abîme, et que la mer l'engloutisse. Que fait là ce vagabond sans courage?

STANLEY. – Mon souverain, je ne le sais que par conjecture.

LE ROI RICHARD. – Eh bien, voyons votre conjecture.

STANLEY. – C'est qu'excité par Buckingham, Dorset et Morton, il fait voile vers l'Angleterre pour revendiquer la couronne.

 

LE ROI RICHARD. – Le trône est-il vacant? l'épée sans maître? le roi est-il mort? l'empire sans possesseur? Quel autre héritier d'York est en vie que nous? et qui est roi d'Angleterre, que l'héritier du grand York? D'après cela dites-moi donc ce qu'il fait sur la mer.

STANLEY. – Si ce n'est pas là son projet, seigneur, j'ignore ses desseins.

LE ROI RICHARD. – A moins qu'il ne vienne pour être votre souverain, vous ne pouvez deviner ce qui attire ce Gallois sur nos bords?.. Tu te révolteras, et tu iras te joindre à lui, j'en ai peur.

STANLEY. – Non, mon puissant souverain: n'ayez donc de moi aucune défiance.

LE ROI RICHARD. – En ce cas, où sont tes troupes pour le repousser? où sont tes vassaux, tes soldats? Ne sont-ils pas plutôt actuellement sur la côte occidentale, à seconder la descente des rebelles sur le rivage?

STANLEY. – Non, mon bon seigneur: tous mes amis sont dans le nord.

LE ROI RICHARD. – De froids amis pour moi! Que font-ils dans le nord, lorsqu'ils devraient servir leur souverain dans l'occident?

STANLEY. – Ils n'en ont pas reçu l'ordre, puissant roi. Si Votre Majesté veut bien m'y autoriser, je vais rassembler mes amis, et je rejoindrai Votre Grâce au temps et dans le lieu qu'il lui plaira de me prescrire.

LE ROI RICHARD. – Oui, oui, tu voudrais déjà être parti pour joindre Richmond. Je ne me fierai point à vous, Mortimer.

STANLEY. – Très-puissant souverain, vous n'avez aucun sujet de douter de mon attachement: jamais je ne fus et jamais je ne serai un traître.

LE ROI RICHARD. – Allez donc, et rassemblez vos forces. – Mais écoutez; laissez avec moi votre fils George Stanley. Songez à être ferme dans votre fidélité; autrement la tête de votre fils est mal assurée.

STANLEY. – Agissez avec lui, seigneur, selon que vous me trouverez fidèle envers vous.

(Stanley sort.)
(Entre un messager.)

LE MESSAGER. – Mon gracieux souverain, j'ai reçu par des amis l'avis certain que sir Édouard Courtney, et ce hautain prélat, l'évêque d'Exeter, son frère aîné, sont actuellement en armes dans le Devonshire, à la tête d'un parti nombreux.

(Entre un autre messager.)

SECOND MESSAGER. – Dans la province de Kent, mon souverain, les Guilford sont en armes: et à chaque instant une foule de partisans vient se joindre aux rebelles; leur armée grossit de plus en plus.

(Entre un autre messager.)

TROISIÈME MESSAGER. – Seigneur, l'armée du puissant Buckingham…

LE ROI RICHARD. – Soyez maudits, oiseaux de malheur! Quoi, rien que des chants de mort! (Il le frappe.) Tiens, reçois cela jusqu'à ce que tu m'apportes de meilleures nouvelles.

TROISIÈME MESSAGER. – La nouvelle que j'apporte à Votre Majesté, c'est qu'un violent orage et des débordements soudains ont mis en désordre et dispersé l'armée de Buckingham, et qu'il erre abandonné, sans qu'on puisse savoir où.

LE ROI RICHARD. – Oh! je te demande pardon. Tiens, voilà ma bourse, pour te guérir du coup que je t'ai donné. – Quelque ami bien conseillé a-t-il proclamé une récompense pour celui qui m'amènera le traître?

TROISIÈME MESSAGER. – Cette proclamation a été faite, seigneur.

(Entre un autre messager.)

QUATRIÈME MESSAGER. – On dit, mon souverain, que sir Thomas Lovel et le lord marquis de Dorset sont soulevés dans la province d'York. Mais j'ai une nouvelle consolante à apprendre à Voire Majesté: c'est que la tempête a dispersé la flotte de Bretagne. Richmond, sur la côte du comté de Dorset, a détaché une chaloupe au rivage pour savoir si ceux qu'il voyait sur la côte étaient de son parti. Ils lui ont répondu qu'ils venaient de la part de Buckingham pour le seconder. Lui, se méfiant d'eux, a remis à la voile, et a repris sa course vers la Bretagne.

LE ROI RICHARD. – Marchons, marchons, puisque nous sommes sur pied, si ce n'est pour combattre des ennemis étrangers, du moins pour réprimer les rebelles de l'intérieur.

(Entre Catesby.)

CATESBY. – Seigneur, le duc de Buckingham est pris; voilà la meilleure nouvelle que j'aie à vous donner, car il y en a une plus fâcheuse, mais qu'il faut pourtant vous dire: c'est que le comte de Richmond est débarqué à Milford avec une nombreuse armée.

LE ROI RICHARD. – Marchons vers Salisbury: tandis que nous demeurons ici à raisonner, une bataille gagnée ou perdue aurait déjà pu affermir une couronne. – Que quelqu'un de vous se charge de faire amener Buckingham à Salisbury, et que le reste me suive.

(Ils sortent.)

SCÈNE V

Une pièce dans la maison de lord Stanley
Entrent STANLEY ET SIR CHRISTOPHE URSWICK

STANLEY. – Sir Christophe, dites à Richmond, de ma part, que mon fils George Stanley est retenu en otage dans le repaire de ce féroce sanglier. Si je me révolte, la tête de mon jeune George va tomber; c'est cette crainte qui m'empêche de lui prêter mon appui: mais apprenez-moi où est actuellement le noble Richmond.

CHRISTOPHE. – A Pembroke, ou à Harford-West, dans la province de Galles.

STANLEY. – Quels hommes de nom se sont joints à lui?

CHRISTOPHE. – Sir Walter Herbert, guerrier renommé; sir Gilbert Talbot et sir William Stanley; Oxford, le terrible Pembroke, sir James Blunt, et Ricep Thomas, avec une vaillante troupe, et plusieurs autres guerriers de distinction et de mérite. Ils dirigent leur marche vers Londres, si on ne leur livre pas bataille en chemin.

STANLEY. – Va, hâte-toi de rejoindre ton seigneur; porte-lui mon hommage, et annonce-lui que la reine a consenti avec joie à lui donner pour épouse sa fille Élisabeth. Ces lettres l'instruiront de mes dispositions. Adieu.

(Il donne des papiers à sir Christophe. Ils sortent.)
FIN DU QUATRIEME ACTE

ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I

A Salisbury
Entrent LE SHÉRIF et ses gardes, conduisant BUCKINGHAM au supplice

BUCKINGHAM. – Le roi Richard ne veut donc pas m'accorder un moment d'entretien?

LE SHÉRIF. – Non, mon bon lord: ainsi résignez-vous.

BUCKINGHAM. – Hastings, et vous, enfants d'Édouard, Rivers, Grey! saint roi Henri! Édouard, son aimable fils! Vaughan! et vous tous qui êtes tombés en trahison sous la main corrompue de l'odieuse injustice, si vos âmes offensées et irritées contemplent, au travers des nuages, le spectacle de cette heure fatale, pour votre vengeance, insultez à ma destruction! – Amis, n'est-ce pas aujourd'hui le jour des Morts?

LE SHÉRIF. – Oui, milord.

BUCKINGHAM. – Eh bien, ce jour des Morts est le jour de ma mort. C'est aussi le jour que, sous le règne d'Édouard, j'ai prié le Ciel de me rendre fatal, si je devenais perfide à ses enfants, ou aux parents de son épouse. C'est le jour où je formai le souhait de périr victime de la perfidie de l'homme en qui j'aurais le plus de confiance. Ce jour où tant d'âmes de morts assiégent mon âme tremblante est le terme marqué à mes forfaits. Ce Dieu tout puissant, qui voit tout, et dont je me jouais, a fait tomber sur ma tête l'effet de ma feinte prière; et il me donne en réalité tout ce que je lui demandais en riant. C'est ainsi qu'il force l'épée du méchant de tourner sa pointe contre le sein de son maître. Ainsi tombe de tout son poids sur ma tête la malédiction de Marguerite. Lorsqu'il brisera ton coeur de douleur, me disait-elle, souviens-toi que Marguerite te l'a prédit.-Allons, conduisez-moi à ce honteux échafaud. L'injustice recueille l'injustice, et l'infamie est payée par l'infamie.

(Buckingham sort avec le shérif et les gardes.)

SCÈNE II

Une plaine près de Tamworth
Entrent avec des tambours et des drapeaux RICHMOND, FORD, SIR JAMES BLUNT, SIR WALTER HERBERT, et autres avec des troupes en marche

RICHMOND. – Mes compagnons d'armes et mes bien chers amis, froissés sous le joug de la tyrannie, nous voici parvenus sans obstacle jusque dans le sein de l'Angleterre; et nous recevons ici de notre père Stanley une lettre bien propre à nous soutenir et à nous encourager. Le sanguinaire usurpateur, l'infâme sanglier qui a ravagé vos récoltes de l'été et vos vignes fertiles, et va jusque dans vos entrailles, dont il a fait son auge, engloutir, comme l'eau immonde dont il se nourrit, votre sang encore fumant, cet odieux pourceau est, à ce que nous apprenons, gîté au centre de cette île, près de la ville de Leicester; de Tamworth jusque-là nous n'avons qu'un jour de marche. Au nom de Dieu, courageux amis, allons d'un coeur allègre, dans les sanglants hasards d'un combat dangereux, mais unique, recueillir la moisson d'une paix éternelle.

OXFORD. – La conscience de notre droit vaut en chacun de nous mille épées, pour combattre ce sanguinaire homicide.

HERBERT. – Je ne doute pas que ses amis ne l'abandonnent pour se joindre à nous.

BLUNT. – Il n'a d'amis que ceux que retient la crainte, et qui l'abandonneront au moment où il aura le plus besoin de leur secours.

RICHMOND. – Tout est pour nous. Ainsi, marchons au nom de Dieu. L'espérance légitime avance rapidement et vole sur les ailes de l'hirondelle: des rois elle fait des dieux, et des créatures moins nobles elle fait des rois.

(Ils sortent.)

SCÈNE III

La plaine de Bosworth
Entrent LE ROI RICHARD et des troupes; LE DUC DE NORFOLK, LE COMTE DE SURREY, et autres lords

LE ROI RICHARD. – Plantons ici nos tentes dans la plaine de Bosworth. Milord Surrey, pourquoi avez-vous l'air si triste?

SURREY. – Mon coeur est dix fois plus gai que mes yeux.

LE ROI RICHARD. – Milord de Norfolk?

NORFOLK. – Mon souverain?..

LE ROI RICHARD. – Norfolk, nous aurons des coups; ah! n'est-ce pas que nous en aurons?

NORFOLK. – Nous en donnerons et nous en recevrons, mon cher seigneur.

LE ROI RICHARD. – Qu'on dresse ma tente. Je passerai la nuit ici. (Des soldats viennent dresser la tente du roi.) Mais où la passerai-je demain? – Allons, n'importe. – Qui de vous a reconnu le nombre des rebelles?

NORFOLK. – Ils sont tout au plus six à sept mille hommes.

LE ROI RICHARD. – Eh quoi? notre armée est trois fois plus nombreuse. D'ailleurs, le nom du roi est une puissante citadelle qui manque au parti de nos ennemis. Dressez cette tente. – Venez, nobles lords, allons reconnaître le terrain. – Qu'on fasse appeler quelques hommes de bon jugement: observons avec soin la discipline, et ne perdons pas une minute; car demain, mes lords, sera une laborieuse journée.

(Ils sortent.)

(Entrent de l'autre côté du champ de bataille Richmond, sir William Brandon, Oxford et d'autres lords. Quelques soldats sont occupés à dresser la tente de Richmond.)

RICHMOND. – Le soleil fatigué s'est couché dans des nuages d'or, et la trace brillante qu'a laissée son char enflammé nous promet pour demain un beau jour. Sir William Brandon, vous porterez mon étendard. – Qu'on m'apporte de l'encre et du papier dans ma tente. – Je veux tracer le plan figuré de notre ordre de bataille, distribuer à chaque chef son poste et ses fonctions, et régler sur de justes proportions le partage de notre petite armée. – Milord d'Oxford, et vous, sir William Brandon, et vous, sir Walter Herbert, restez avec moi. Le comte de Pembroke commandera son régiment. – Bon capitaine Blunt, saluez-le de ma part, et priez-le de me venir trouver dans ma tente vers deux heures du matin. Faites-moi encore un plaisir, mon bon capitaine: où est le quartier de milord Stanley? le savez-vous?

BLUNT. – Ou je me suis bien trompé sur ses couleurs, et je suis sûr du contraire, ou son régiment est à un demi-mille au moins au midi de la puissante armée du roi.

RICHMOND. – S'il était possible, sans danger, cher Blunt, de trouver quelque moyen de vous aboucher avec lui, et de lui remettre de ma part cette note extrêmement importante…

BLUNT. – Fût-ce au péril de ma vie, milord, je le tenterai; et, sur ce, Dieu vous envoie un sommeil tranquille cette nuit!

RICHMOND. – Bonne nuit, mon bon capitaine Blunt! – Venez, messieurs; allons nous consulter sur les opérations de demain. Entrons dans ma tente; l'air devient âpre et froid.

(Ils se retirent sous la tente du comte.)
(Entre dans sa tente le roi Richard avec Norfolk, Ratcliff et Catesby.)

LE ROI RICHARD. – Quelle heure est-il?

 

CATESBY. – Il est temps de souper, seigneur; il est neuf heures.

LE ROI RICHARD. – Je ne soupe point ce soir. – Donne-moi de l'encre et du papier. – A-t-on arrangé la visière de mon casque de manière qu'elle ne me gêne plus? – Toute mon armure est-elle dans ma tente?

CATESBY. – Oui, mon souverain; et tout est prêt.

LE ROI RICHARD. – Mon bon Norfolk, rends-toi sur-le-champ à ton poste. Fais la garde avec soin, choisis des sentinelles sûres.

NORFOLK. – J'y vais, seigneur.

LE ROI RICHARD. – Levez-vous demain avec l'alouette, cher Norfolk.

NORFOLK. – Vous pouvez y compter, mon prince.

(Il sort.)

LE ROI RICHARD. – Ratcliff?

RATCLIFF. – Seigneur?

LE ROI RICHARD. – Envoie un sergent d'armes au quartier de Stanley. Qu'il lui porte l'ordre d'amener sa troupe avant le lever du soleil, s'il ne veut pas que son fils George tombe dans la sombre caverne de la nuit éternelle. – Remplis-moi un verre de vin. Qu'on me donne une garde 32. (A Catesby.) Tu selleras mon cheval blanc, Surrey, pour la bataille de demain. Aie soin que le bois de mes lances soit solide et point trop lourd. – Ratcliff?

On est incertain sur le sens de ces paroles. A watch veut dire une montre, veut dire une sentinelle, peut vouloir dire une lumière pour passer la nuit, une de ces sortes de bougies sur lesquelles était indiqué, par des marques placées de distance en distance, le nombre d'heures qu'elles devaient durer. On ne connaissait pas les montres en Angleterre du temps de Richard; mais ce ne serait pas une raison pour Shakspeare; et d'ailleurs, selon toute apparence, le nom de watch (veille) avait été donné d'abord aux instruments tels que sabliers, clepsydres, destinés à mesurer le temps dans l'absence du soleil. On pourrait donc alors assez arbitrairement choisir entre cette interprétation du mot watch, et celle par laquelle il signifierait flambeau de veille. C'est à ce dernier sens que se sont arrêtés les commentateurs, observant, sans doute avec beaucoup de raison, qu'il va sans dire qu'on mettra une garde à la tente du roi, et qu'il n'a pas besoin de la demander. Cependant une autre observation qui leur a échappé, c'est le soin qu'a apporté le poëte à mettre en opposition les inquiétudes de Richard avec la tranquille confiance de Richmond. La peur d'être trahi le poursuit; il va épier ce qui se passe dans le camp, avertit le duc de Norfolk de choisir des sentinelles sûres, recommande, au moment où l'on se retire, que la garde veille avec soin, tandis que Richmond s'endort remettant à Dieu le soin de le garder. Cette opposition est trop marquée pour que Shakspeare n'ait pas eu intention de la faire ressortir, et rien n'est plus propre à indiquer l'agitation de l'esprit de Richard que ce soin inutile de demander une garde. Il n'est pas d'ailleurs bien rare de voir Shakspeare sacrifier la vraisemblance à l'effet: c'est donc ce sens du mot watch qu'on a cru devoir choisir.

RATCLIFF. – Seigneur?

LE ROI RICHARD. – As-tu vu le mélancolique lord Northumberland?

RATCLIFF. – Je les ai vus, le comte de Surrey et lui, à l'heure du crépuscule, aller de quartier en quartier, parcourant l'armée, et animant les soldats.

LE ROI RICHARD. – J'en suis bien aise. Donne-moi un verre de vin. – Je ne me sens point cette allégresse de coeur, cette gaieté d'esprit à laquelle j'étais accoutumé. Bon, mets-le là. – M'as-tu préparé de l'encre et du papier?

RATCLIFF. – Oui, seigneur.

LE ROI RICHARD. – Va recommander à ma garde de veiller avec soin, et laisse-moi. Vers le milieu de la nuit, tu reviendras dans ma tente, et tu m'aideras à m'armer. – Va-t'en, te dis-je.

(Ratcliff sort.)
(La tente de Richmond s'ouvre, on voit le comte avec ses officiers.)
(Entre Stanley.)

STANLEY. – Que la fortune et la victoire reposent sur ton casque!

RICHMOND. – Que tout le bonheur que peut donner la sombre nuit t'accompagne, mon noble beau-père! – Dis-moi comment se porte notre tendre mère?

STANLEY. – Je suis chargé par procuration de te bénir au nom de ta mère, qui ne cesse de prier pour le bonheur de Richmond. C'en est assez là-dessus. – Les heures silencieuses de la nuit s'écoulent, et l'ombre éclaircie commence à s'entr'ouvrir dans l'Orient. Pour abréger, car le temps nous l'ordonne, ce que tu as à faire, c'est de ranger ton armée en bataille dès le point du jour, et de confier ta fortune à la sanglante décision des coups et de la guerre aux regards meurtriers. Moi, autant que je le pourrai (car je ne puis faire tout ce que je désirerais), je chercherai les moyens d'éluder et de te secourir dans la confusion du combat; mais je ne peux me déclarer trop ouvertement pour toi, de crainte que, si mes mouvements étaient aperçus, ton jeune frère George ne fût exécuté à la vue de son père. Adieu. Le temps et le danger coupent court aux témoignages usités d'attachement; et à cet abondant échange de discours affectueux dont auraient besoin des amis séparés depuis si longtemps. Dieu veuille nous donner le loisir de vaquer à ce culte de l'amitié! Encore une fois, adieu. Vaillance et succès!

RICHMOND. – Chers lords, conduisez-le jusqu'à son quartier. Je vais tâcher, au milieu du trouble de mes pensées, de prendre quelque repos, de crainte qu'un sommeil de plomb ne m'accable demain, lorsqu'il me faudra monter sur les ailes de la Victoire. Encore une fois, bonne nuit, chers lords, et messieurs. (Sortent les lords avec Stanley.) O toi dont je me regarde ici comme le capitaine, jette sur mes soldats un regard favorable! Mets dans leurs mains les massues meurtrières de ta vengeance, et que de leur chute pesante elles écrasent les casques usurpateurs de nos ennemis! Fais de nous les ministres de ta justice, afin que nous puissions te glorifier dans la victoire! C'est sur toi que je me repose des soins qui occupent mon âme, tandis que je vais laisser tomber le rideau de mes paupières. Soit que je dorme ou que je veille, oh! ne cesse pas de me défendre!

(Il s'endort.)
(L'ombre du prince Édouard, fils de Henri VI, sort de terre entre les deux tentes.)

L'OMBRE, à Richard. – Que demain je pèse sur ton âme! Souviens-toi comme tu m'as assassiné dans la fleur de ma jeunesse à Tewksbury. Désespère donc, et meurs. (A Richmond.) Aie bon courage, Richmond: les âmes irritées des princes égorgés combattent pour toi: c'est le fils du roi Henri, Richmond, qui vient t'encourager.

(L'ombre du roi Henri VI sort de terre.)

L'OMBRE, à Richard. – Lorsque j'étais mortel, mon corps oint du Seigneur, a été par toi percé de mille coups meurtriers. Songe à la Tour et à moi. Désespère et meurs. C'est Henri VI qui vient te le souhaiter; désespère et meurs. (A Richmond.) Vertueux et pieux, tu seras vainqueur. Henri, qui t'a prédit que tu serais roi, vient t'encourager dans ton sommeil. Vis et prospère.

(L'ombre de Clarence sort de terre.)

L'OMBRE, à Richard. – Que demain je pèse sur ton âme! Moi qui péris noyé dans un vin doucereux, moi pauvre Clarence, que ta perfidie fit tomber dans les piéges de la mort; pense à moi demain dans la bataille, et que ton épée tombe émoussée! Désespère et meurs. (A Richmond.) Rejeton de la maison de Lancastre, les héritiers d'York, victimes de l'injustice, prient pour toi. Que les anges te protégent dans le combat! Vis et prospère.

(Les ombres de Rivers, Grey et Vaughan, sortent de terre.)

L'OMBRE DE RIVERS, à Richard. – Que demain je pèse sur ton âme! C'est Rivers, mort à Pomfret. Désespère et meurs!

L'OMBRE DE GREY. – Souviens-toi de Grey; et que ton âme désespère!

L'OMBRE DE VAUGHAN. – Souviens-toi de Vaughan; et plein de la terreur du crime, laisse tomber ta lance! Désespère et meurs!

TOUTES TROIS, à Richmond. – Éveille-toi avec la pensée que nos injures attachées au coeur de Richard vont le faire succomber: éveille-toi et remporte la victoire.

(L'ombre de lord Hastings sort de terre.)

L'OMBRE, à Richard. – Couvert de sang et de crimes, réveille-toi du réveil du crime, et finis tes jours dans une bataille sanglante. Pense à lord Hastings. Désespère et meurs! (A Richmond.) Ame calme et tranquille, éveille-toi, éveille-toi. Prends tes armes, combats, et triomphe pour le bonheur de l'Angleterre!

(Les ombres des deux jeunes princes sortent de terre.)

LES OMBRES, à Richard. – Rêve de tes neveux étouffés dans la Tour. Que nous soyons dans ton sein, Richard, un plomb qui t'entraîne à ta ruine, à l'infamie et à la mort! Les âmes de tes neveux viennent te le souhaiter. Désespère et meurs! (A Richmond.) Dors, Richmond, dors en paix, et réveille-toi dans la joie. Que les bons anges te gardent du sanglier! Vis et sois le père d'une race heureuse de rois! Les malheureux enfants d'Édouard font des voeux pour ta prospérité!

(L'ombre de la reine Anne sort de terre.)

L'OMBRE, à Richard. – C'est ta femme, Richard, la malheureuse Anne, ta femme, qui ne goûta jamais près de toi une heure d'un tranquille sommeil; c'est elle qui remplit ton sommeil de trouble. Pense à moi demain dans la bataille, et que ton épée tombe émoussée. Désespère et meurs! (A Richmond.) Et toi, âme paisible, dors d'un paisible sommeil; rêve de succès et d'une heureuse victoire. La femme de ton adversaire prie pour toi!

(L'ombre de Buckingham sort de terre.)

L'OMBRE, à Richard. – C'est moi qui le premier t'aidai à monter sur le trône; c'est moi qui le dernier éprouvai ta tyrannie. Oh! pense à Buckingham dans la bataille, et meurs dans les terreurs de tes forfaits. Rêve, rêve de faits sanglants et de mort, de défaite, de désespoir, et dans le désespoir rends ton dernier soupir! (A Richmond.) J'ai péri pour t'avoir voulu seconder, avant que je pusse te prêter mon appui. Mais que ton coeur s'affermisse et ne sois point effrayé: Dieu et les bons anges combattent pour Richmond, et Richard va tomber de toute la hauteur de son orgueil.

(Les ombres disparaissent.)
(Le roi Richard sort en sursaut de son rêve.)

LE ROI RICHARD. – Donnez-moi un autre cheval. – Bandez mes plaies. – Jésus, aie pitié de moi! – Mais doucement, ce n'est qu'un rêve. O lâche conscience, comme tu me tourmentes! Ce flambeau jette une flamme bleuâtre. Nous sommes au plus profond de la nuit. La sueur froide de la crainte couvre mon corps tremblant. – De quoi ai-je donc peur? De moi? Il n'y a ici que moi. Richard aime Richard. – Y a-t-il ici quelque meurtrier? Non. – Oui, moi. Fuyons donc. Quoi, me fuir moi-même? Beau projet! et pourquoi? De peur que je ne me venge… Quoi! que je me venge sur moi-même? Je m'aime… Et pourquoi? Pour quelque bien que je me sois fait à moi-même? Oh! non, hélas! Je me hais plutôt moi-même, pour les actions haïssables commises par moi. Je suis un misérable… Mais non, je mens, cela n'est pas vrai. Imbécile, parle donc bien de toi… Imbécile, pas de flatterie. Ma conscience a mille langues et chacune répète son histoire, et chaque histoire me déclare un misérable. Le parjure, le parjure au plus haut degré! Le meurtre, le meurtre féroce, au degré le plus abominable! Tous les crimes divers, tous commis sous toutes les formes, se pressent en foule au tribunal et crient tous: Coupable! coupable! Je tomberai dans le désespoir. – Il n'y a pas une créature qui m'aime; et si je meurs, pas une âme n'aura pitié de moi… Et pourquoi auraient-ils pitié de moi? Moi-même je n'en trouve aucune pour moi dans mon coeur. Il m'a semblé que toutes les âmes de ceux que j'ai fait périr étaient venues dans ma tente, et chacune d'elles avait pour demain crié vengeance sur la tête de Richard.

29Sweetly in force unto her fair life end;-But how long fairly shall her sweet life last? Ce sont des oppositions qu'il faut renoncer à rendre en français.
30Your reasons are too shallow and too quick.-Oh no! my reasons are too deep and dead.
31Too deep and dead poor infants in their graves. Encore des oppositions impossibles à rendre tout à fait, même en s'écartant un peu du sens littéral.
32Give me a watch.
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