Roulette Russe

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Lucious voulait se débarrasser d'elle, il lui donna un léger baiser sur la joue.

- D'accord, ma chérie, murmura-t-il.

- Tu es un allumeur, dit-elle en se rasseyant sur sa chaise.

Lucious décida de ne pas lui répondre et de se rendre directement au bureau d’Alexander. Il longea un long couloir faiblement éclairé, encombré d'affiches de groupes qui ne l'intéressaient pas. Arrivé à une porte en acier au bout du couloir sans fenêtre, il s'arrêta.

Il frappa. Le son traversa le métal épais. En entendant l’invitation, il fit son entrée dans la pièce. Il gémit de mécontentement en voyant Alexander dans une scène intime.

Alexander était connu pour avoir plusieurs partenaires. Il ne changera jamais. Un homme maigre et pâle était allongé entre deux femmes nues sur un très grand lit. Ils étaient tous les trois nus.

Lucious détourna son regard vers le bureau en ébène jonchés de paperasses et d'affiches. Des carreaux de marbre noir brillaient sous ses pieds bottés, contrastant avec les meubles ivoires. Les deux seules couleurs approuvées par Alexander.

- Ne fais pas ton timide ! lui dit Alexander. Tu peux te joindre à nous, si tu veux.

Lucious hocha la tête et se laissa tomber dans un fauteuil face au bureau.

Alexander chuchota quelques mots aux filles et elles se levèrent du lit. Il enfila le pantalon blanc jeté sur le sol. A moitié rhabillé, il donna un coup de coude à la jeune femme aux cheveux courts châtains.

- Permets-moi de t'offrir le dîner.

La jeune femme lança un coup d’œil à Alexander par-dessus son épaule comme pour lui demander la permission.

Avec une expression désintéressée, Lucious la suivit du regard alors qu’elle se rapprochait de lui. Elle avait l'air trop jeune pour être ici. Elle avait une dizaine de marques de morsure sur le corps.

Lucious leva la main en signe de protestation.

- Non, merci, je me suis déjà nourri.

La brune se caressa les seins.

- Tu es sûr, chéri ?

- Assez, dit-il en écartant l'humaine et en fixant Alexander du regard. Il faut qu'on parle.

Son ami se passa les doigts dans ses cheveux courts platine. Ses yeux gris pâle inspectaient Lucious sous des sourcils sombres. Il aboya en italien et les filles se dispersèrent pour ramasser leurs vêtements. Elles sortirent rapidement du bureau, en marmonnant leur mécontentement.

Alors qu'Alexander s'approchait de lui à grands pas, Lucious essaya de se souvenir de leur dernière rencontre. Même s’il était venu en Irlande il y avait dix ans, c’était la première fois qu’il venait au club. Ses recherches à l’époque lui avaient pris tout son temps. La dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés remonte à près de cinquante ans, lorsque les choses avaient mal tourné avec Zafira - une époque qu’il aimerait effacer de sa mémoire.

Lucious se leva et tendit sa main vers Alexander.

- Ça fait longtemps.

- Oui, c'est vrai, répondit Alexander.

Il ignora sa main et attira Lucious en une forte étreinte. Comme toujours, des manières et des maladresses.

- Vous, les britanniques, vous devez apprendre à vous détendre un peu.

Immobile dans ses bras, Lucious tapota le dos d'Alexander.

Alexander gloussa et le relâcha sans dire un mot de plus. Il ouvrit la porte du bar de son bureau.

- Est-ce que je peux t'offrir un verre ?

- J’en ai vraiment besoin avec tout ça !

- Que se passe-t-il ?

Alexander sortit deux verres en cristal du deuxième tiroir de son bureau, les remplit à moitié d’un alcool ambré d'une carafe et lui en tendit un.

- Je crois que tu le sais déjà.

- Si je le savais, je ne risquerais pas mon immunité pour cacher un fugitif à Eliza et au Conseil. Suis-moi !

Ils traversèrent des doubles portes pour se retrouver dans un salon spacieux. Des étagères de livres et des vitrines de poignards de l’antiquité ornaient les murs.

Alexander s'assit sur le canapé Chesterfield en cuir blanc.

- Je t'écoute.

Lucious accepta l'invitation et se détendit dans un fauteuil, face de son ami. Il posa son verre sur la table basse et croisa ses mains sur son ventre.

- Par quoi veux-tu que je commence ?

- Et si tu commençais par m'expliquer pourquoi tu n'es pas allé voir la sorcière ? Apparemment je lui ai fait perdre son temps et elle pourrait nous jeter un sort à tous les deux.

- C'est parce que je l'ai trouvée.

Alexander arqua ses sourcils noirs.

- Trouvé qui ?

- La sorcière ou ce qu'elle est, qui a créé le lien entre nous.

Il se souvint de son apparence - presque trop innocente.

- Et quoi ? Tu l'as laissée partir ?

Lucious sourit.

- J'ai son nom et son numéro de téléphone.

Alexander avala son poison de premier choix.

- Pour être honnête, je ne comprends pas pourquoi tu ne l'as pas amenée ici avec toi. Je l’aurais influencée et je lui aurais fait l’amour jusqu'à ce qu'elle m’avoue pour qui elle travaille.

- Je n'aime pas les gamines, Alexander.

Alexander haussa les sourcils.

- Hum, une jeune sorcière avec un sort de traquage ? Je suis vraiment impatient de voir ça.

- Ce n’est pas un sort de traquage. C’est autre chose.

- Très bien, je t’écoute.

Alexander prit son ordinateur portable du siège à côté de lui et le nicha dans ses genoux.

- Donne-moi ses coordonnées et je verrai ce que je peux trouver sur elle.

Lucious obéit. Alors que son ami faisait des recherches sur son ordinateur, il sirotait son scotch.

Au bout de dix minutes, Alexander poussa un grand soupir.

- Elle n'appartient à aucun cercle Wiccan de mes bases de données. Elle est… étudiante et presque normale.

- Presque normale ?

- On dirait que notre petite sorcière a bénéficié d’une thérapie lorsqu'elle était enfant, mais ses dossiers sont scellés. Je ne peux pas accéder aux informations. Veux-tu que j'envoie quelqu'un trouver plus d’informations sur elle ?

Lucious se frotta le menton.

- Pourquoi ne pas le lui demander en personne ? J'ai une idée.

4
L’entretien

Le bruit sourd de la porte d'entrée lui apprit qu'Andrew venait de quitter l'appartement. Depuis hier soir, elle n’avait pas osé le regarder dans les yeux. Après son cauchemar, elle avait eu froid. Elle avait juste eu besoin d’un peu de chaleur, rien d’autre.

Mais se mentait-elle ?

Helena rangea ses livres et ses affaires dans son sac. Elle sortit un pantalon noir et une chemise blanche de sa garde-robe. Elle détestait porter du blanc. Celui qui avait décidé que les mariées devaient s'habiller en blanc n'avait sûrement pas pensé à la facture du pressing et le discours sur la pureté de la mariée était une chose surestimée de nos jours.

Elle s’attacha les cheveux en queue de cheval, saisit son sac à dos et descendit l’escalier.

Laura s'affairait dans la cuisine. Elle s’était attachée les cheveux en chignon, maintenus par des petits bâtons chinois colorés.

Helena laissa tomber son sac sur le canapé et se rendit à la bouilloire.

Son amie lui lança une expression sévère en s’adossant au comptoir. Elle tenait une fraise dans une main et un couteau dans l'autre.

- Pourquoi tu essayes d’éviter Andrew ?

- Qu'est-ce que tu fais ?

Laura retroussa ses lèvres en un sourire diabolique.

- Tu essayes de changer de sujet ?

Helena vérifia s’il y avait assez d’eau dans la bouilloire et appuya sur le bouton ‘marche’. Elle avait décidé de lui dire la vérité.

- Nous… nous nous sommes enlacés hier soir.

Laura poussa un cri. Helena roula des yeux et leva ses mains pour l’interrompre.

- J’ai fait un cauchemar et il m'a réveillée, expliqua Helena. Nous nous sommes enlacés spontanément. Rien de spécial.

- Continue à te comporter comme ça et tu finiras par devenir une vieille fille, sans personne à tes côtés.

Helena tambourinait le comptoir de ses ongles. Pourquoi la bouilloire mettait autant de temps à bouillir ? Elle ne voulait pas parler de ses relations amoureuses si tôt le matin, pas quand elle devait interroger Michael sur son père. Depuis qu’ils étaient revenus du royaume des anges, elle n’avait pas pu le joindre. C'était comme s'il l'évitait exprès. C'est exactement ce que tu fais avec Andrew…

- Comme tu ne vas pas me donner des détails, je vais devoir utiliser mon charme de pâtissière plus tard.

Helena lui saisit le bras.

- Tu n’as pas le droit de faire ça !

- Bien sûr que j’ai le droit. Andrew sera aux anges.

- La dernière fois que tu as cuisiné, nous avions dû suivre un régime pendant une semaine !

- Je crois que c'est un marché équitable.

Laura posa le couteau toujours en souriant.

- Soit tu me racontes tout maintenant, soit tu prépares ta balance.

Helena renifla. Toute cette situation était ridicule, mais c'était ce qu'elle aimait chez Laura. Elle était toujours prête à aider ou à remonter le moral aux gens, même si elle utilisait des moyens un peu trop indiscrets.

- D'accord, tu as gagné.

La bouilloire siffla et Helena se prépara un café en racontant à Laura une version éditée des événements de la nuit dernière, supprimant bien sûr les parties qui pourraient être interprétées comme débiles.

Son amie l'écoutait attentivement en hochant la tête de temps en temps. Son anecdote terminée, Laura mangea le reste de ses céréales d'un air amusé.

 

- Quoi ? demanda Helena.

- Tu veux savoir ce que je pense ?

- Est-ce que j'ai le choix ?

Laura hocha la tête.

- Quand tu rentreras ce soir, tu iras directement vers lui et tu lui donneras un baiser.

Elle haussa un sourcil.

- Un baiser ?

- Exactement ! Laura passa son sac à rayures roses et jaunes par-dessus son épaule. C’est ce dont vous avez besoin tous les deux. Maintenant, je ferais mieux d'y aller ou je vais être en retard en cours.

Helena jeta un coup d’œil à l'horloge. Il était presque neuf heures, il lui restait encore une heure.

Son amie lui donna une tape rassurante sur le dos.

- Souviens-toi, un beau et un long baiser. Si je reviens et que vous ne sortez pas ensemble, je cuisinerai pendant un mois.

- Avertissement noté, répondit Helena.

Laura sortit avec un léger saut dans sa démarche. Au moins une personne est contente.

Elle finit son café tiède en prenant son temps. Elle se rendit au canapé sur lequel elle s'étira et ferma les yeux, en se concentrant sur ses boucliers. Plus elle pratiquait, plus vite elle sortirait de son état demi-conscient.

À l'intérieur de ses barrières mentales, elle était sur le sol en damier. La bulle en acier familière l'entourait. Cette fois, elle était calme. Tout ce qui s'était frayé un chemin avait disparu et la confrontation lui apporta une autre question sans réponse.

Elle appela Michael qui se matérialisa presque aussitôt devant elle. Son teint doré avait perdu un peu de sa couleur.

- On doit parler, lui dit-elle.

Michael resta immobile. Elle n'était pas sûre qu'il respirait.

- Bien… commençons par ce qui s’est passé hier. Qu'est-ce que c'était ?

- Ça ne te concerne pas.

Contrariée, elle essaya de reformuler sa question. Elle savait qu’il détestait qu'on lui mette la pression pour avoir des réponses. S’il sentait qu’elle allait lui poser des questions sur sa vie d'ange, il disparaîtrait sans dire un mot.

Elle se serra les mains et se retint de lui lancer des accusations inutiles. La créature d’hier soir avait essayé d’entrer à l'intérieur de ses boucliers mentaux. Bien sûr que cela la concernait !

- Michael, dis-moi, s'il te plait.

- Si t'as fini, j’ai d’autres choses à faire.

Elle attrapa la manche crème de sa chemise, dont une grande partie était cachée par un gilet en cuir marron attaché par des boucles argentées sur sa poitrine. Le coton rugueux irrita sa peau, mais elle s'y accrocha tout de même.

Il se renfrogna.

- Tu ne peux pas partir. Et…

Elle baissa les yeux en essayant de penser à ce qu'elle pourrait lui dire. La corde pâle, dont elle se souvenait du royaume du destin, lui sortait du ventre. D'un air absent, elle la caressa.

- Et la corde ? Pourquoi est-elle toujours là ?

Michael lui toucha la main et leurs regards se croisèrent. Pendant un bref instant, elle croyait qu'il était sur le point de lui dire quelque chose, mais il repoussa sa main.

- Tu dois me faire confiance, Helena. Je suis ici pour veiller sur toi et non pour répondre à ta profusion infinie de questions.

Ses mots irritants la blessèrent. Elle n'était pas sûre de vouloir des réponses à toutes ses questions. Ses doigts tirèrent sur la corde qui émit un léger bourdonnement. Puisqu'il l'avait emmenée dans le royaume des anges, elle pensait qu'il pourrait également l’aider dans ses recherches. Il pourrait avoir des ennuis pour avoir accepté de l’aider.

- Je suis désolée, dit-elle.

L’expression de Michael s’adoucit.

- Tout ce que je te demande est de me faire confiance. Je serai toujours à tes côtés, quoi qu'il arrive.

Ses doigts caressaient doucement sa joue, comme si elle était en verre fragile.

- Le lien que tu as créé avec le vampire doit être rompu dès que possible. Tu es en danger. Ce soir, lorsque tu rentreras et que tu affirmeras tes sentiments pour ton ami humain, je ferai de mon mieux pour briser le lien. D'accord ?

Helena ne voulait plus rien avoir avec le monde surnaturel. Tout ce qui lui importait pour le moment était de retrouver son père - où qu'il soit. Se mettre en danger ne lui serait d’aucune aide.

- D’accord !

*****

Son sac dansait sur son dos alors qu'elle courait vers le bâtiment des arts. Elle ne s'était pas attendue à ce que son bus tombe en panne au milieu d’une rue encombrée. Ce n’était vraiment pas son jour de chance aujourd'hui.

Elle releva le bord de la manche de sa veste pour vérifier l'heure. Son cours allait commencer dans trois minutes. En haletant, elle fit irruption dans le bâtiment rempli d'étudiants énergiques et de bavardages. En se faufilant dans la foule, elle se rua vers une salle de conférence. Près de la porte, elle aperçut sa camarade de classe.

- Nadine, attends ! appela-t-elle.

La fille s'arrêta.

- Bonjour !

Helena avait du mal à contrôler son malaise. Nadine était presque contrariée de la voir. Elle avait pris à cœur l'encouragement de Laura à se faire des amis et elle voulait être sûre de faire de son mieux pour y arriver.

En glissant ses mains dans les poches de son jeans, Helena dit :

- Je suis désolée de t'avoir vexée la dernière fois.

Nadine la fixait de ses yeux marrons. Pour quelqu'un de si jeune, elle semblait avoir beaucoup de connaissances et d’expériences dans la vie. Dès qu’elle avait détecté son sourire ennuyé, Helena se dit mentalement qu’elle n’arriverait jamais à se faire de nouveaux amis.

- Tu ne m'as pas vexée, j’avais un rendez-vous.

Helena lutta pour ne pas laisser sa surprise paraître sur son visage. Est-elle sérieuse ? Elle se mordit les lèvres. Elle n’aurait jamais pensé que leur conversation irait plus loin qu’un simple bonjour.

- Le cours va bientôt commencer. Tu veux bien t’asseoir à côté de moi ? demanda Nadine.

Avec un sourire d’idiote, Helena la suivit dans la salle de conférence en se donnant mentalement une tape dans le dos pour se féliciter. Laura sera fière d’elle.

*****

Helena attendit à côté de Nadine que tous les étudiants sortent. Elle regarda sa nouvelle amie. Pour une raison quelconque, Nadine se comportait comme un chat perdu et Helena ressentit le besoin de lui venir en aide.

- Es-tu libre pour le déjeuner ? demanda Helena.

Nadine jeta un coup d'œil dans son journal. Plusieurs choses y étaient notées pour la soirée, mais Helena n’arrivait pas à lire ses minuscules gribouillis.

- Oui.

Elles sortirent ensemble de la salle de conférence. Le couloir était presque vide, seulement quelques étudiants assis par terre à bavarder.

Helena décida de se rendre au café où elles s'étaient rencontrées la première fois. Ses doigts jouaient avec le crochet métallique de son sac, tandis que le silence entre elles était rempli des conversations occasionnelles des personnes qui passaient. Elle ne savait pas si Nadine préférait le silence ou si elle attendait qu’elle commence à parler.

- L'essai que nous avons sur l'Égypte ancienne, as-tu décidé sur quoi tu vas écrire ?

La fille pencha la tête sur le côté.

- Je pense que ce devoir va beaucoup me plaire. Ça parle du long chemin que nous, les humains, avons parcouru.

Elles tournèrent au coin. Les murs étaient couverts d'affiches pour une prochaine fête. Helena les regarda avec dégoût. Les fêtes, les boîtes de nuit et les concerts n'étaient pas son truc. Elle préférait s'éloigner des endroits bondés.

- Je n'ai jamais trouvé les égyptiens intéressants, admit Helena. L'esclavage n'est pas ma tasse de thé.

- Une âme pure ne peut pas accepter la cruauté.

Helena dévisagea Nadine. Elle affichait ce même sourire mystérieux qui la troublait.

- Pourquoi tu fais ça ?

Nadine fronça des sourcils.

- Que veux-tu dire ?

- Tu souris, mais on a l'impression que tu te forces à le faire.

Nadine s'arrêta dans l'escalier, la tête baissée.

- Ecoute, je ne voulais pas te vexer…

Nadine hocha la tête. Elle écarta sa frange de ses yeux et sourit. Son premier vrai sourire. Helena se sentit heureuse.

- Personne ne m'a jamais dit ça auparavant. Les gens, en général, préfèrent m’éviter dès qu’ils en apprennent plus sur moi… le vrai moi.

Nadine reprit la descente des marches.

Un million de questions se poussaient les unes les autres à l’intérieur de sa tête. N'importe qui de normal feindrait le désintérêt et changerait de sujet. Helena refusait de le faire. Elle voulait savoir pourquoi cette fille avait dressé une barrière autour d'elle pour s’éloigner des autres.

Helena attrapa le bras de la fille en bas des escaliers.

- Est-ce que tu tortures des chiots, est-ce que tu roules en sens inverse dans une rue à sens unique ou quelque chose comme ça ?

Nadine détourna ses yeux et se mordit la lèvre inférieure. Helena avait détecté dans ses yeux une douleur profonde et déchirante.

- Je ne peux pas avoir d'amis parce qu'ils seront chassés par les ténèbres qui me suivent.

La frange de Nadine tomba sur ses yeux comme une armure.

- J'allais oublier, je dois me rendre quelque part.

Helena la rattrapa par les épaules, forçant la fille à s’arrêter. Pour une fois, elle s’était retenue de dire ce qu’elle pensait. Alors qu’Helena cherchait ses mots, Nadine repoussa sa main.

- Helena, les gens comme toi brillent de mille feux. Je ne veux pas qu’une chose de mal t’arrive à cause de moi.

- Tu ne penses pas que c’est à moi de prendre cette décision ?

- Tu ne réalises pas à quel point c’est dangereux d’être avec moi !

- Et si tu m’expliquais !

La main chaude de Nadine caressa la joue d'Helena.

- Je suis désolée, mais, à la place, je vais te montrer.

Le corps d'Helena se détendit et sa vision s'assombrit. Des images floues se mirent à flotter devant ses yeux. Elle se concentra. Plus elles défilaient, plus elles devenaient claires.

Au début, elle vit une obscurité semblable à un brouillard recouvrant le sol. Elle leva les yeux et croisa des orbes rouge brillant. Ils s'ouvraient et la fixaient. L'obscurité se déplaça. Elle réalisa que ce qu’elle voyait n’était pas un brouillard, mais une masse de corps. Des centaines de corps ébène lisses, écaillés, velus, affamés, entrelacés comme dans un nid. Impossible de voir leurs extrémités. Leurs mains griffues étaient tendues dans sa direction, comme si elles essayaient de l'attirer à l’intérieur de l’amas emmêlé.

De l'air froid l'enveloppa, s'infiltrant sous sa peau. Elle sentit des frissons. Elle ne voulait pas que ces créatures la touchent ou même qu'elles s’approchent d'elle.

Ce n’est pas réelle, se rassura-t-elle. C’est juste un rêve débile.

De longues mains osseuses s'enroulèrent autour de sa cheville. Elles serrèrent fort.

Elle se mit à crier et recula en titubant, relâchant la main de Nadine. Helena était sur le point de lui donner une partie de son esprit, mais elle se figea lorsqu'elle vit les traits tristes de Nadine.

Nadine baissa la tête.

- Je suis désolée, je dois m’en aller. S'il te plait, oublie-moi.

Helena tendit la main pour la retenir, mais changea aussitôt d’avis. Le froid du rêve était toujours présent en elle. Il la glaçait au plus profond de son âme, même si elle n’avait plus mal à la cheville.

Quoi que Nadine fût, elle n'était pas normale, et normal était la seule chose dont Helena avait besoin ces jours-ci.

*****

La journée à l'université était terminée et le soleil commençait à se coucher sur la ville monotone, baignant le ciel de teintes multicolores. Helena se changea dans les toilettes dans les vêtements qu’elle avait apportés pour l'entretien et prit un taxi. Lorsqu’elle donna l'adresse au chauffeur, il lui fit un sourire narquois, comme pour dire qu’il savait où elle allait.

Elle l’ignora et se concentra sur son entretien. Elle voulait penser à n'importe quoi qui lui ferait oublier Nadine et ses visions.

La dernière fois qu'elle s’était rendue à un entretien remontait à deux ans. Elle l'avait lamentablement raté. Elle ne s'était pas préparée au bombardement de questions sur les tendances actuelles de la mode ou sur ce qu'elle savait de l'entreprise. Pour elle, les vêtements servaient tout simplement à cacher sa nudité. Les personnes dans le quartier où son taxi s'était arrêté ne semblaient pas être du même avis, elles affichaient plus de chair que nécessaire dans leurs minijupes moulantes et leurs décolletés bien échancrés.

 

- Êtes-vous sûr que c’est la bonne adresse ? demanda-t-elle en détachant sa ceinture de sécurité.

Il hocha la tête et regarda son sac avec impatience.

Elle fixa les femmes qui faisaient la queue devant le manoir victorien. Une enseigne en néon rouge vif au-dessus de la porte affichait « Russian Roulette ».

Helena régla sa course au chauffeur et sortit du taxi, hésitante. Elle ne pouvait plus changer d’avis, le taxi avait déjà redémarré en soulevant le gravier sous ses pneus. L'une des pierres la cogna à la cuisse et elle lança un regard noir vers le véhicule qui s’éloignait.

Pourquoi je suis ici ?

Elle se rappela de son indépendance, elle avait besoin d'un emploi. Mais travailler dans une boîte de nuit la faisait se sentir mal.

Peut-être qu'ils ont un travail de bureau ?

Helena resserra sa veste autour de son corps tremblant. Elle se sentait mal à l'aise avec son sac à dos volumineux suspendu à son épaule, alors que les autres femmes tenaient des sacs à main scintillants. Elle prit une profonde inspiration. Cela l'aida à calmer l'étrange sensation qui lui chatouillait l'estomac. Elle se dirigea vers un imposant videur d’un mètre quatre-vingt, debout à l'entrée.

Il la fusilla du regard et elle le raya mentalement de sa liste des personnes avec lesquelles elle s'entendrait.

- Je suis ici pour un entretien.

Au moins, sa voix ne tremblait pas autant que ses entrailles, face au regard mortel qu'il lui lançait.

Le videur croisa les bras sur sa large poitrine. Le mouvement étira le tissu de son T-shirt noir pour révéler une masse intimidante de muscles.

- Votre nom ?

Son ton était menaçant. Helena dit son nom d’un rythme saccadé. Il ouvrit la porte derrière lui. Dès qu’elle franchit le seuil, elle entendit un flot de plaintes des autres clients attendant leur tour pour rentrer.

Helena leva la tête et avança en traînant des pieds. Le couloir sombre menait à une réception où une femme était assise derrière un comptoir, tenant un magazine de mode dans des mains parfaitement manucurées. Ses talons rouge vif reposaient sur la table. Helena fixa ses pieds. Sa position avait fait remonter sa jupe noire jusqu'aux cuisses, exposant sa lingerie en dentelle.

- Bienvenue à Russian Roulette.

La blonde regarda ses vêtements et fit une grimace.

- Tu dois être la candidate pour le poste.

Helena répondit par un signe de tête et attendit les instructions. La blonde lui désigna le couloir adjacent.

- C’est par là. La deuxième porte au fond sur ta droite.

Helena avait la gorge sèche. Elle avala le peu de salive qui s'était accumulée dans sa bouche. En faisant de grands efforts pour se rassurer, elle prit la direction indiquée. Elle sentait des picotements au ventre. Qu’est-ce qui lui arrivait ? C'était comme si son lien essayait de lui dire quelque chose.

Helena s'arrêta devant la porte pour vérifier si elle était au bon endroit. Elle frappa, mais elle n’eut aucune réponse. Elle décida de rentrer. C'était probablement la salle d'attente.

Elle enclencha la poignée métallique froide et, avec un clic presque silencieux, la porte s'ouvrit. Elle jeta un coup d'œil à l'intérieur et étudia le décor monochromatique. Un minibar en bois noir sur sa droite avec des bouteilles de whisky à moitié vides, deux canapés en cuir blanc au centre d’une vaste pièce. Ses yeux se posèrent sur deux hommes assis, comme le jour et la nuit.

Un homme aux cheveux blanchâtre et platine l'étudiait du regard. Ses yeux argentés troublants reflétaient presque le dégoût et l'irritation, contrairement à l'accueil chaleureux auquel elle s’était attendue. Elle baissa les yeux sur ses vêtements. Ils étaient parfaits pour un entretien.

Une sonnette d’alarme retentit dans son esprit. Elle l’ignora et essaya de reprendre le contrôle de ses nerfs.

L’homme se leva, exhibant son costume blanc impeccable, et lui fit signe de s'asseoir face à lui. Aucun de ses recruteurs n’avait prononcé un seul mot. C'était peut-être une sorte de test ? Et si c'était le cas, elle espérait que cet entretien ne soit pas long.

- Helena, cours !

Les mots de Michael résonnèrent fort dans sa tête, la faisant grincer des dents. Elle s'arrêta dans son élan dans l’espoir qu’il lui donne des explications.

- Ils ne sont pas ce que tu crois. Excuse-toi. Dis-leur que tu veux aller aux toilettes. N'importe quoi. Vite !

Helena sentit son rythme cardiaque s’emballer de panique, alors qu’elle essayait de trouver une excuse.

- Je... Je... est-ce qu'il y a des toilettes, ici ?

L'homme pâle tourna son regard vers le deuxième inconnu. Ce dernier avait les cheveux courts couleur corbeau et portait une veste en cuir noir cintrée aux épaules. Il lui semblait familier.

- Sors d’ici ! Maintenant ! lui cria Michael dans sa tête.

Helena ne prit pas la peine d’attendre qu’on lui réponde. Elle tourna ses talons et se précipita vers la porte. Mais avant qu’elle n’y arrive, une chose la claqua contre le mur et elle poussa un grognement de douleur.

- Nous n’avons pas encore fini avec toi, ma chère, lui chuchota une voix rauque à l’oreille.

Elle avait détecté un accent anglais.

- Je veux m’en aller !

Elle se poussa du mur.

- Si tu essayes de t’enfuir, tu mourras.

Ses mots froids l’envahirent d'une terreur paralysante. Le grand inconnu lui serra les bras et la fit tourner, lui pressant le dos contre sa poitrine solide. Son sac à dos glissa de son épaule. Il le ramassa et le balança près du minibar. Le deuxième homme était maintenant assis sur le canapé.

Helena pencha la tête sur le côté, essayant de comprendre comment quelqu’un pouvait se déplacer aussi vite sans qu’elle ne le remarque.

Il la tira vers le canapé, la poussa dessus et se laissa choir à côté d'elle avec élégance tout en gardant ses yeux bleu-marron pénétrant fixés sur elle.

Helena se souvint soudain.

- Vous…

Elle voulait se maudire de ne pas avoir compris plus tôt. Elle avait ressenti le même étrange picotement au ventre la première fois qu'elle l'avait croisé dans la rue.

Le bel inconnu révéla une paire de dents blanches avec deux canines allongées.

- Vampire ! s’exclama-t-elle.

- Lucious, es-tu sûr que cette enfant est Wiccan ? lui demanda son compagnon.

Sans briser leur contact visuel, Lucious répondit :

- Je ne sais pas ce qu’elle est, Alexander. Je n'ai pas d'influence sur elle.

Helena était confuse, que voulaient-ils dire ?

Rapide comme l'éclair, sa main attrapa son épaule et l'attira assez près pour que leurs cuisses se touchent.

Elle fit la grimace.

- Qu'est-ce que tu pensais faire ?

Lucious gloussa.

- Je l'aime bien. Elle a l’air intelligente.

- Arrêtez de parler comme si je n’étais pas présente dans la pièce !

Elle se mordit la lèvre, sentant leurs yeux la fixer. Pourquoi Michael ne dit plus rien ? Attend-il qu’une chose arrive ? Elle appela mentalement son tuteur. Comment a-t-il pu m'abandonner dans cette situation ?

Alexander se leva et serra sa mâchoire entre son pouce et son index.

- Si tu oses encore parler sans qu’on te le demande ou si tu nous mens, sorcière, je t'arracherai le cœur.

Helena frissonna, ne sachant pas si le froid qui la consumait était sous l’effet de ses paroles froides ou de son toucher.

Alexander la relâcha et se rassit face à elle. Il posa ses coudes sur ses genoux en joignant les mains.

- Maintenant, dis-nous ce que tu es.

Paralysée par ses nerfs déchaînés, elle réunit tout son courage.

- Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je suis humaine.

Lucious leva la tête, la forçant à le regarder. Ses yeux bleu étrange brillaient intensément.

Les secondes s'écoulèrent. La lueur dans ses yeux s'intensifia, puis il fronça des sourcils et baissa la main.

- À moins que tu ais une autodiscipline extraordinaire, ma chérie, tu es plus que ce que tu veux laisser entendre, même si tes mots sonnent vrais.

Le regard d'Alexander la troublait. Il ne disait rien. Son silence l’effrayait. Ses yeux perçants devenaient de plus en plus brillants.

Est-ce que tous les vampires avaient la capacité de faire ressembler leurs yeux à de minuscules lampes de poche ? Pourquoi faisaient-ils ça ?

- Tu as raison. Je n’arrive pas non plus à l’influencer, dit finalement Alexander.

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