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Histoire de la Guerre de Trente Ans

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Gallas comprit l'impossibilité de remplir sa commission sous les yeux de Friedland, et son vœu le plus ardent était de s'aboucher avec Altringer, avant de risquer un seul pas pour l'exécution. Le long retard de ce dernier commençant à éveiller le soupçon chez le duc, Gallas offrit de se rendre en personne à Frauenberg, et, comme parent d'Altringer, de le déterminer à venir. Wallenstein reçut avec une si grande satisfaction cette preuve de son zèle, qu'il lui donna son propre équipage pour faire la route. Joyeux du succès de sa ruse, Gallas quitta Pilsen sans délai et chargea Piccolomini d'observer la conduite de Wallenstein; mais il ne tarda pas lui-même à faire usage de la patente impériale partout où la chose était praticable, et les troupes se déclarèrent beaucoup plus favorablement qu'il n'eût pu l'espérer. Au lieu de ramener à Pilsen son ami, il l'envoya au contraire à Vienne, pour défendre l'empereur contre une attaque dont il était menacé, et il se porta lui-même vers la haute Autriche, où le voisinage du duc Bernard de Weimar excitait les plus vives alarmes. En Bohême, les villes de Budweiss et de Tabor furent de nouveau occupées pour l'empereur, et l'on fit toutes les dispositions pour résister promptement et vigoureusement aux entreprises du traître.

Comme Gallas ne paraissait pas non plus songer à revenir, Piccolomini hasarda de mettre encore à l'épreuve la crédulité de Wallenstein. Il lui demanda la permission d'aller quérir Gallas, et Wallenstein se laissa tromper pour la seconde fois. Cet inconcevable aveuglement n'est explicable pour nous que comme une conséquence de son orgueil: jamais il ne revenait sur le jugement qu'il avait porté de quelqu'un, et il ne voulait pas s'avouer à lui-même qu'il lui fût possible de se tromper. Il fit encore conduire dans sa propre voiture le comte Piccolomini, jusqu'à la ville de Lintz, où ce général suivit aussitôt l'exemple de Gallas, et fit même un pas de plus. Il avait promis à Wallenstein de revenir: il revint, mais à la tête d'une armée, pour surprendre le duc dans Pilsen. Une autre armée, sous le général de Suys, courut à Prague pour recevoir, au nom de l'empereur, la soumission de cette capitale et la défendre contre une attaque des rebelles. En même temps, Gallas s'annonce à tous les corps d'armée répandus en Autriche comme l'unique chef de qui l'on ait désormais à recevoir les ordres. Dans tous les camps impériaux, des placards sont semés, qui déclarent proscrits le duc et quatre de ses affidés et délient les armées de leurs devoirs envers le traître.

L'exemple donné à Lintz trouve partout des imitateurs; on maudit la mémoire du rebelle; toutes les armées se détachent de lui. Enfin, Piccolomini lui-même ne reparaissant pas, le voile tombe des yeux de Wallenstein, et il s'éveille avec horreur de son rêve. Cependant, à ce moment encore, il croit à la véracité des étoiles et à la fidélité de l'armée. Aussitôt qu'il apprend la défection de Piccolomini, il fait publier la défense d'obéir désormais à aucun ordre qui ne parte directement de lui-même ou de Terzky et d'Illo. Il se prépare en toute hâte à marcher sur Prague, où il est résolu de jeter enfin le masque et de se déclarer ouvertement contre l'empereur. Toutes les troupes devaient se rassembler devant Prague et de là, aussi promptes que la foudre, se précipiter sur l'Autriche. Le duc Bernard, qu'on avait attiré dans la conspiration, devait soutenir avec les Suédois les opérations de Wallenstein et faire une diversion sur le Danube. Déjà Terzky avait pris les devants et courait sur Prague, et le manque de chevaux empêcha seul le duc de suivre avec le reste des régiments demeurés fidèles. Mais, au moment où il attend avec la plus ardente impatience des nouvelles de Prague, il apprend la perte de cette ville, il apprend la défection de ses généraux, la désertion de ses troupes, la découverte de tout son complot, l'approche rapide de Piccolomini, qui a juré sa perte. Tous ses plans croulent à la fois avec une effrayante célérité; toutes ses espérances sont trompées. Il reste seul, abandonné de tous ceux à qui il a fait du bien, trahi de tous ceux sur lesquels il se reposait. Mais ce sont de pareilles situations qui éprouvent les grands caractères. Déçu dans tout ce qu'il attendait, il ne renonce à aucun de ses projets; il ne croit rien perdu, puisqu'il se reste encore à lui-même. Le moment était venu où il avait besoin de l'assistance des Suédois et des Saxons, si souvent demandée, et où disparaissaient tous les doutes sur la sincérité de ses intentions. Et maintenant qu'Oxenstiern et Arnheim reconnaissaient la réalité de son projet et sa détresse, ils n'hésitèrent pas plus longtemps à profiter de l'occasion favorable et à lui promettre leur appui. Du côté des Saxons, le duc François-Albert de Saxe-Lauenbourg devait lui amener quatre mille hommes; du côté des Suédois, le duc Bernard et le comte palatin Christian de Birkenfeld, six mille hommes de troupes aguerries. Wallenstein abandonna Pilsen avec le régiment de Terzky et le peu de soldats qui lui étaient restés fidèles ou qui feignaient de l'être, et il courut à Égra, aux frontières du royaume, pour être plus près du haut Palatinat et rendre ainsi plus facile sa jonction avec le duc Bernard. Il ne connaissait pas encore la sentence qui le déclarait ennemi public et traître; ce n'était qu'à Égra que ce coup de foudre devait le frapper. Il comptait encore sur une armée que le général Schafgotsch lui tenait prête en Silésie, et se flattait toujours de l'espérance qu'un grand nombre de ceux mêmes qui s'étaient séparés de lui depuis longtemps lui reviendraient à la première lueur de sa fortune renaissante. Même dans sa fuite vers Égra, tant cette décourageante expérience avait peu dompté son téméraire courage, il s'occupait encore du gigantesque projet de détrôner l'empereur. Dans ces conjonctures, il arriva qu'un homme de sa suite lui demanda la permission de lui donner un conseil: «Chez l'empereur, lui dit-il, Votre Altesse occupe un rang certain, elle est un grand et très-estimé seigneur; chez l'ennemi, vous n'êtes encore qu'un roi incertain. Or, il n'est pas sage de risquer le certain pour l'incertain. L'ennemi se servira de Votre Altesse, parce que l'occasion est favorable; mais votre personne lui sera toujours suspecte, et toujours il craindra que vous n'agissiez peut-être une fois, envers lui aussi, comme vous agissez aujourd'hui envers l'empereur. Revenez donc sur vos pas, pendant qu'il en est temps encore.» Le duc l'interrompit: «Et quel moyen me reste-t-il? – Vous avez dans votre caisse, lui répondit le conseiller, quarante mille hommes d'armes (des ducats ayant pour effigie des hommes cuirassés); prenez-les avec vous, et allez droit à la cour impériale. Là, déclarez que toutes vos démarches jusqu'ici n'ont eu pour objet que d'éprouver la fidélité des serviteurs impériaux et de distinguer les bons des suspects. Et, comme la plupart se sont montrés disposés à la défection, vous êtes venu mettre en garde Sa Majesté Impériale contre ces hommes dangereux. Ainsi, vous ferez des traîtres de chacun de ceux qui veulent faire aujourd'hui de vous un coquin. A la cour impériale, vous serez assurément le bienvenu avec vos quarante mille hommes d'armes, et vous redeviendrez l'ancien Friedland. – La proposition est bonne, répondit Wallenstein après quelque réflexion, mais le diable s'y fie!»

Tandis que le duc poussait vivement de la ville d'Égra les négociations avec l'ennemi, qu'il consultait les astres et se livrait à de nouvelles espérances, on aiguisait presque sous ses yeux le fer qui mit fin à sa vie. La sentence impériale, qui le déclarait proscrit, n'avait pas manqué son effet, et la Némésis vengeresse voulut que l'ingrat tombât sous les coups de l'ingratitude. Au nombre de ses officiers, Wallenstein avait honoré d'une faveur particulière un Irlandais nommé Leslie, et il avait fait toute la fortune de cet homme. Ce fut celui-là même qui se sentit destiné et appelé à exécuter sur lui la sentence de mort et à mériter le sanglant salaire. Ce Leslie ne fut pas plutôt arrivé à Égra à la suite de Wallenstein, qu'il révéla au colonel Buttler, commandant de cette ville, et au lieutenant-colonel Gordon, l'un et l'autre Écossais protestants, tous les criminels projets de Friedland, que cet imprudent lui avait confiés chemin faisant. Leslie trouva en eux deux hommes capables d'une résolution. On avait le choix entre la trahison et le devoir, entre le souverain légitime et un rebelle fugitif, abandonné de tous. Quoique celui-ci fût le bienfaiteur commun, le choix ne pouvait demeurer un instant douteux. On s'engage fermement et solennellement à la fidélité envers l'empereur, et cette fidélité exige contre l'ennemi public les mesures les plus promptes. L'occasion est favorable, et son mauvais génie l'a livré, de lui-même, dans les mains de la vengeance. Cependant, pour ne point usurper les fonctions de la justice, on décide de lui amener sa victime vivante, et l'on se sépare avec la résolution hasardeuse d'arrêter le général. Un profond secret enveloppe ce noir complot, et Wallenstein, sans aucun pressentiment de sa perte, dont il est si proche, se flatte, au contraire, de trouver dans la garnison d'Égra ses plus vaillants et ses plus fidèles défenseurs.

Dans ce temps même, on lui apporte la patente impériale qui renferme son arrêt, et qui a été publiée contre lui dans tous les camps. Il reconnaît alors toute la grandeur du danger qui l'environne, l'impossibilité absolue de revenir sur ses pas, son affreux isolement, la nécessité de se remettre à la discrétion de l'ennemi. Toute l'indignation de son âme ulcérée s'épanche devant Leslie, et la violence de la passion lui arrache son dernier secret. Il révèle à cet officier sa résolution de livrer au comte palatin de Birkenfeld Égra et Elnbogen, comme les clefs du royaume, et l'instruit en même temps de la prochaine arrivée du duc Bernard à Égra, dont il a été averti cette nuit même par un courrier. Cette découverte, que Leslie communique au plus tôt aux conjurés, change leur première résolution. Le pressant danger ne permet plus aucun ménagement. Égra peut à chaque instant tomber dans les mains de l'ennemi, et une soudaine révolution mettre leur captif en liberté. Pour prévenir ce malheur, ils décident de le tuer, lui et ses affidés, la nuit suivante.

 

Afin que la chose pût se faire avec le moins de bruit possible, on convint de l'exécuter dans un repas, que donna le colonel Buttler au château d'Égra. Les autres conviés y parurent; mais Wallenstein, beaucoup trop agité pour figurer dans une société joyeuse, se fit excuser. Il fallut donc, en ce qui le concernait, changer de plan; mais on résolut d'agir envers les autres comme on en était convenu. Les trois généraux Illo, Terzky et Guillaume Kinsky, et avec eux le capitaine de cavalerie Neumann, officier plein de capacité, que Terzky avait coutume d'employer dans toute affaire épineuse qui demandait de la tête, se présentèrent avec une parfaite sécurité. Avant leur arrivée, on avait introduit dans le château les soldats les plus sûrs de la garnison, qui avait été mise dans le complot. On avait occupé toutes les issues qui menaient hors du château, et caché dans une chambre à côté de la salle à manger dix dragons de Buttler, qui devaient paraître à un signal convenu et massacrer les traîtres. Sans aucun pressentiment du danger suspendu sur leurs têtes, les convives se livrèrent avec confiance aux plaisirs du festin et portèrent à pleines coupes la santé de Wallenstein, non plus du serviteur impérial, mais du prince souverain. Le vin leur ouvrit le cœur, et Illo déclara, avec beaucoup d'orgueil, que, dans trois jours, une armée serait là, telle que Wallenstein n'en avait jamais commandé. «Oui!» interrompt Neumann, ajoutant «qu'alors il espère laver ses mains dans le sang des Autrichiens.» Pendant ces discours, on apporte le dessert, et, à ce moment, Leslie donne le signal convenu de lever le pont, et il prend sur lui les clefs du château. Tout à coup, la salle se remplit de gens armés, qui se placent derrière les siéges des convives désignés, avec le cri inattendu de: «Vive Ferdinand!» Consternés et saisis d'un pressentiment funeste, tous les quatre, d'un bond, se lèvent de table en même temps. Kinsky et Terzky sont égorgés sur-le-champ, avant d'avoir pu se mettre en défense; Neumann trouve moyen de s'enfuir dans la cour pendant la confusion, mais il y est reconnu par les gardes et massacré à l'instant même. Illo lui seul eut assez de présence d'esprit pour se défendre. Il se plaça auprès d'une fenêtre, d'où il reprocha, avec les plus amères injures, à Gordon sa trahison, le provoquant à se battre avec lui en homme d'honneur et en chevalier. Ce ne fut qu'après la plus courageuse résistance, après avoir étendu morts deux de ses ennemis, qu'il succomba, accablé par le nombre et percé de dix coups. Aussitôt que cet acte fut accompli, Leslie se hâta d'aller dans la ville pour prévenir une émeute. Quand les sentinelles du château le virent courant hors d'haleine, elles le prirent pour un des rebelles et tirèrent sur lui, mais sans l'atteindre. Cependant, ces coups de feu mirent en mouvement toutes les gardes de la ville, et la prompte présence de Leslie fut nécessaire pour les tranquilliser. Il leur découvrit alors en détail tout le plan de la conspiration de Friedland et les mesures déjà prises pour s'y opposer, le sort des quatre rebelles, ainsi que celui qui attendait le chef lui-même. Comme il les trouva disposés à seconder son dessein, il leur fit de nouveau prêter serment d'être fidèles à l'empereur et de vivre et de mourir pour la bonne cause. Alors cent dragons de Buttler furent introduits du château dans la ville et reçurent l'ordre de parcourir les rues à cheval, pour tenir en bride les partisans de Wallenstein et prévenir tout tumulte. En même temps, toutes les portes d'Égra et tous les abords du château de Friedland, qui touchait à la place du marché, furent occupés par des soldats nombreux et sûrs, afin que le duc ne pût ni s'échapper ni recevoir de secours du dehors.

Mais, avant de passer à l'exécution, les conjurés tinrent encore au château une longue conférence, pour décider si réellement ils tueraient Wallenstein ou s'ils ne se borneraient pas plutôt à le faire prisonnier. Couverts de sang, et debout, en quelque sorte, sur les cadavres de ses complices égorgés, ces hommes farouches reculaient d'horreur devant l'attentat qui devait mettre fin à une vie si grande, si mémorable. Ils le voyaient encore, le chef tout-puissant, au milieu de la bataille, dans ses jours heureux, environné de son armée victorieuse, dans tout l'éclat de sa grandeur souveraine; et la crainte invétérée saisit encore une fois leurs cœurs ébranlés. Mais bientôt l'image du pressant danger étouffe cette émotion fugitive. On se souvient des menaces que Neumann et Illo ont proférées à table; on voit déjà les Saxons et les Suédois dans le voisinage d'Égra, avec une formidable armée, et plus de salut que dans la prompte mort du traître. On s'arrête donc à la première résolution, et le meurtrier qu'on tient déjà tout prêt, le capitaine Deveroux, un Irlandais, reçoit l'ordre sanglant.

Tandis que ces trois hommes décidaient de son sort au château d'Égra, Wallenstein, en conversation avec Séni, était occupé à lire sa destinée dans les astres. «Le danger n'est pas encore passé, disait l'astrologue avec un esprit prophétique. – Il est passé, disait le duc, qui voulait faire prévaloir sa volonté jusque dans le ciel. Mais que tu sois prochainement jeté dans un cachot, continua-t-il non moins prophète à son tour, voilà, pauvre Séni, ce qui est écrit dans les étoiles.» L'astrologue avait pris congé, et Wallenstein était au lit, quand le capitaine Deveroux parut devant sa demeure avec six hallebardiers, et la garde, pour qui ce n'était point une chose extraordinaire de le voir chez le général entrer et sortir à toute heure, le laissa passer sans difficulté. Un page qui le rencontre sur l'escalier et veut faire du bruit est percé d'un coup de pique. Dans l'antichambre, les meurtriers trouvent un valet qui sort de la chambre à coucher de son maître et qui vient d'en retirer la clef. Le doigt sur sa bouche, ce serviteur effrayé leur fait signe de ne point faire de bruit, parce que le duc vient de s'endormir. «Mon ami, lui crie Deveroux, le moment est venu de faire du bruit.» En disant ces mots, il s'élance contre la porte, qui est aussi verrouillée en dedans, et l'enfonce d'un coup de pied.

Wallenstein avait été réveillé en sursaut de son premier sommeil par le bruit d'un coup de mousquet et s'était élancé vers la fenêtre pour appeler la garde. A ce moment, il entendit, des fenêtres de la maison, les gémissements et les lamentations des comtesses Terzky et Kinsky, qui venaient d'apprendre la mort violente de leurs maris. Avant qu'il eût le temps de réfléchir à ce sujet d'effroi, Deveroux était dans la chambre avec ses sicaires. Wallenstein était encore en chemise, comme il avait sauté du lit. Il se tenait près de la fenêtre, appuyé à une table. «Tu es donc le scélérat, lui crie Deveroux, qui veut faire passer à l'ennemi les soldats de l'empereur et arracher la couronne du front de Sa Majesté? Il faut que tu meures à l'instant même!» Deveroux s'arrête quelques minutes, comme s'il attendait une réponse; mais la surprise et l'orgueil qui brave la menace ferment la bouche de Wallenstein. Les bras étendus, il reçoit par devant, dans la poitrine, le coup mortel de la hallebarde, et, sans faire entendre un soupir, il tombe, baigné dans son sang.

Le lendemain accourt un exprès du duc de Lauenbourg, qui annonce la prochaine arrivée de ce prince. On s'assure de la personne de ce messager, et l'on expédie au duc un autre laquais, à la livrée de Friedland, pour l'attirer à Égra. La ruse réussit, et François-Albert se livre lui-même aux mains des ennemis. Il s'en fallut peu que le duc Bernard de Weimar, qui s'était déjà mis en route pour Égra, n'éprouvât le même sort. Heureusement, il apprit assez tôt la fin tragique de Wallenstein pour se dérober au danger par une prompte retraite. Ferdinand donna quelques larmes au sort de son général, et fit dire à Vienne trois mille messes pour ceux qu'on avait tués à Égra; mais en même temps il n'oublia pas de récompenser les meurtriers par des chaînes d'or, des clefs de chambellans, des dignités et des terres nobles.

C'est ainsi que Wallenstein termina, à l'âge de cinquante ans, sa vie extraordinaire et remplie d'événements. L'ambition l'avait élevé, l'ambition le perdit. Avec tous ses défauts, il fut grand cependant, digne d'admiration, incomparable s'il eût gardé la mesure. Les vertus du souverain et du héros, la prudence, la justice, la fermeté et le courage, s'élèvent dans son caractère à des proportions colossales; mais il manquait des vertus plus douces de l'homme, qui décorent le héros et gagnent les cœurs au maître. La peur était le talisman par lequel il agissait. Excessif dans les punitions comme dans les récompenses, il savait entretenir dans une ardeur continuelle le zèle de ses subordonnés; aucun général du moyen âge ou des temps modernes ne pourrait se vanter d'avoir été obéi comme lui. Il appréciait plus que la valeur la soumission à ses ordres, parce que par la première c'est seulement le soldat qui agit, et par la seconde le général. Il exerçait la docilité de ses troupes par des ordres capricieux, et récompensait avec prodigalité l'empressement à lui obéir, même dans les moindres choses, parce qu'il estimait plus l'obéissance elle-même que l'objet de l'obéissance. Un jour, il fit défendre, sous peine de mort, dans toute l'armée, de porter d'autres écharpes que de couleur rouge. Un capitaine de cavalerie eut à peine appris cet ordre qu'il arracha la sienne, brochée d'or, et la foula aux pieds. Wallenstein, à qui l'on rapporta la chose, le fit sur-le-champ colonel. Son regard était sans cesse dirigé sur l'ensemble, et, malgré toutes les apparences de l'arbitraire et de la fantaisie, un principe, qu'il ne perdait jamais de vue, était la convenance des moyens et de la fin. Les brigandages des soldats en pays ami avaient provoqué de rigoureuses ordonnances contre les maraudeurs, et il y avait menace de la corde pour quiconque était surpris à voler. Il arriva un jour que Wallenstein lui-même rencontra dans la campagne un soldat, qu'il fit arrêter, sans enquête, comme un transgresseur de la loi, et qu'il condamna au gibet, avec le mot ordinaire, le mot foudroyant, auquel il n'y avait pas de réplique: «Qu'on pende la bête!» Le soldat proteste et prouve son innocence; mais la sentence irrévocable est prononcée. «Eh bien! qu'on le pende innocent, répond le barbare; le coupable n'en tremblera que plus sûrement.» Déjà l'on fait les préparatifs pour exécuter cet ordre, quand le soldat, qui se voit perdu sans ressource, prend la résolution désespérée de ne pas mourir sans vengeance. Il s'élance avec fureur sur son juge, mais il est accablé par le nombre et désarmé avant de pouvoir exécuter son dessein. «Laissez-le aller maintenant, dit le duc; voilà qui effrayera bien assez.» Sa libéralité était soutenue par des revenus immenses, qu'on estimait à trois millions par année, sans compter les sommes énormes qu'il savait extorquer sous le nom de contributions. Son esprit indépendant et sa lumineuse intelligence l'élevaient au-dessus des préjugés religieux de son siècle, et les jésuites ne lui pardonnèrent jamais d'avoir pénétré leur système et de n'avoir vu dans le pape qu'un évêque de Rome.

Mais, dès le temps du prophète Samuel, jamais homme qui s'est séparé de l'Église ne fit une heureuse fin, et Wallenstein augmenta, lui aussi, le nombre de ses victimes. Par des intrigues de moines, il perdit à Ratisbonne le bâton du commandement, et dans Égra la vie; par des ruses monacales, il perdit peut-être ce qui est plus encore, son nom honorable et sa bonne renommée auprès de la postérité. Car enfin on doit avouer, pour rendre hommage à la vérité, que ce ne sont pas des plumes entièrement fidèles qui nous ont transmis l'histoire de cet homme extraordinaire; que la trahison de Wallenstein et ses projets sur la couronne de Bohême ne s'appuient sur aucun fait rigoureusement démontré, mais seulement sur des présomptions vraisemblables. On n'a pas encore trouvé le document qui nous découvrirait, avec une certitude historique, les ressorts secrets de sa conduite, et, parmi ses actes publics, universellement attestés, il n'en est aucun qui ne pût découler finalement d'une source innocente. Plusieurs de ses démarches les plus blâmées ne prouvent que son penchant sérieux pour la paix; la plupart des autres s'expliquent et s'excusent par sa juste défiance envers l'empereur et par le désir pardonnable de maintenir son importance. A la vérité, sa conduite envers l'électeur de Bavière atteste une basse passion de vengeance et un caractère implacable; mais aucune de ses actions ne nous autorise à le tenir pour convaincu de trahison. Si la nécessité et le désespoir le poussèrent enfin à mériter réellement la sentence qui l'avait frappé innocent, cela ne peut suffire pour justifier la sentence même. Ainsi, Wallenstein ne tomba point parce qu'il était rebelle, mais il fut rebelle parce qu'il tombait. Ce fut un malheur pour lui, pendant sa vie, de s'être fait un ennemi d'un parti victorieux, ce fut un malheur pour lui, après sa mort, que cet ennemi lui survécût et que ce fût lui qui écrivit son histoire.

 
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