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Jacques le fataliste et son maître

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Ici, Jacques fit halte à son récit, et donna une nouvelle atteinte à sa gourde. Les atteintes étaient d'autant plus fréquentes que les distances étaient courtes, ou, comme disent les géomètres, en raison inverse des distances. Il était si précis dans ses mesures, que, pleine en partant, elle était toujours exactement vide en arrivant. Messieurs des ponts et chaussées en auraient fait un excellent odomètre81, et chaque atteinte avait communément sa raison suffisante. Celle-ci était pour faire revenir Denise de son évanouissement, et se remettre de la douleur de l'incision que le chirurgien lui avait faite au genou. Denise revenue, et lui réconforté, il continua.

JACQUES

Cette énorme incision mit à découvert le fond de la blessure, d'où le chirurgien tira, avec ses pinces, une très-petite pièce de drap de ma culotte qui y était restée, et dont le séjour causait mes douleurs et empêchait l'entière cicatrisation de mon mal. Depuis cette opération, mon état alla de mieux en mieux, grâce aux soins de Denise; plus de douleurs, plus de fièvre; de l'appétit, du sommeil, des forces. Denise me pansait avec exactitude et avec une délicatesse infinie. Il fallait voir la circonspection et la légèreté de main avec lesquelles elle levait mon appareil; la crainte qu'elle avait de me faire la moindre douleur; la manière dont elle baignait ma plaie; j'étais assis sur le bord de mon lit; elle avait un genou en terre, ma jambe était posée sur sa cuisse, que je pressais quelquefois un peu: j'avais une main sur son épaule; et je la regardais faire avec un attendrissement que je crois qu'elle partageait. Lorsque mon pansement était achevé, je lui prenais les deux mains, je la remerciais, je ne savais que lui dire, je ne savais comment je lui témoignerais ma reconnaissance; elle était debout, les yeux baissés, et m'écoutait sans mot dire. Il ne passait pas au château un seul porteballe, que je ne lui achetasse quelque chose; une fois c'était un fichu, une autre fois c'était quelques aunes d'indienne ou de mousseline, une croix d'or, des bas de coton, une bague, un collier de grenat. Quand ma petite emplette était faite, mon embarras était de l'offrir, le sien de l'accepter. D'abord je lui montrais la chose; si elle la trouvait bien, je lui disais: «Denise, c'est pour vous que je l'ai achetée…» Si elle l'acceptait, ma main tremblait en la lui présentant, et la sienne en la recevant. Un jour, ne sachant plus que lui donner, j'achetai des jarretières; elles étaient de soie, chamarrées de blanc, de rouge et de bleu, avec une devise. Le matin, avant qu'elle arrivât, je les mis sur le dossier de la chaise qui était à côté de mon lit. Aussitôt que Denise les aperçut, elle dit: «Oh! les jolies jarretières!

– C'est pour mon amoureuse, lui répondis-je.

– Vous avez donc une amoureuse, monsieur Jacques?

– Assurément; est-ce que je ne vous l'ai pas encore dit?

– Non. Elle est bien aimable, sans doute?

– Très-aimable.

– Et vous l'aimez bien?

– De tout mon cœur.

– Et elle vous aime de même?

– Je n'en sais rien. Ces jarretières sont pour elle, et elle m'a promis une faveur qui me rendra fou, je crois, si elle me l'accorde.

– Et quelle est cette faveur?

– C'est que de ces deux jarretières-là j'en attacherai une de mes mains…»

Denise rougit, se méprit à mon discours, crut que les jarretières étaient pour une autre, devint triste, fit maladresse sur maladresse, cherchait tout ce qu'il fallait pour mon pansement, l'avait sous les yeux et ne le trouvait pas; renversa le vin qu'elle avait fait chauffer, s'approcha de mon lit pour me panser, prit ma jambe d'une main tremblante, délia mes bandes tout de travers, et quand il fallut étuver ma blessure, elle avait oublié tout ce qui était nécessaire; elle l'alla chercher, me pansa, et en me pansant je vis qu'elle pleurait.

«Denise, je crois que vous pleurez, qu'avez-vous?

– Je n'ai rien.

– Est-ce qu'on vous a fait de la peine?

– Oui.

– Et qui est le méchant qui vous a fait de la peine?

– C'est vous.

– Moi?

– Oui.

– Et comment est-ce que cela m'est arrivé?..»

Au lieu de me répondre, elle tourna les yeux sur les jarretières.

«Eh quoi! lui dis-je, c'est cela qui vous a fait pleurer?

– Oui.

– Eh! Denise, ne pleurez plus, c'est pour vous que je les ai achetées.

– Monsieur Jacques, dites-vous bien vrai?

– Très-vrai; si vrai, que les voilà.» En même temps je les lui présentai toutes deux, mais j'en retins une; à l'instant il s'échappa un souris à travers ses larmes. Je la pris par le bras, je l'approchai de mon lit, je pris un de ses pieds que je mis sur le bord; je relevai ses jupons jusqu'à son genou, où elle les tenait serrés avec ses deux mains; je baisai sa jambe, j'y attachai la jarretière que j'avais retenue; et à peine était-elle attachée, que Jeanne sa mère entra.

LE MAÎTRE

Voilà une fâcheuse visite.

JACQUES

Peut-être que oui, peut-être que non. Au lieu de s'apercevoir de notre trouble, elle ne vit que la jarretière que sa fille avait entre ses mains. «Voilà une jolie jarretière, dit-elle: mais où est l'autre?

– À ma jambe, lui répondit Denise. Il m'a dit qu'il les avait achetées pour son amoureuse, et j'ai jugé que c'était pour moi. N'est-il pas vrai, maman, que puisque j'en ai mis une, il faut que je garde l'autre?

– Ah! monsieur Jacques, Denise a raison, une jarretière ne va pas sans l'autre, et vous ne voudriez pas lui reprendre ce qu'elle a.

– Pourquoi non?

– C'est que Denise ne le voudrait pas, ni moi non plus.

– Mais arrangeons-nous, je lui attacherai l'autre en votre présence.

– Non, non, cela ne se peut pas.

– Qu'elle me les rende donc toutes deux.

– Cela ne se peut pas non plus.»

Mais Jacques et son maître sont à l'entrée du village où ils allaient voir l'enfant et les nourriciers de l'enfant du chevalier de Saint-Ouin. Jacques se tut; son maître lui dit: «Descendons, et faisons ici une pause.

– Pourquoi?

– Parce que, selon toute apparence, tu touches à la conclusion de tes amours.

– Pas tout à fait.

– Quand on est arrivé au genou, il y a peu de chemin à faire.

– Mon maître, Denise avait la cuisse plus longue qu'une autre.

– Descendons toujours.»

Ils descendent de cheval, Jacques le premier, et se présentant avec célérité à la botte de son maître, qui n'eut pas plus tôt posé le pied sur l'étrier que les courroies se détachent et que mon cavalier, renversé en arrière, allait s'étendre rudement par terre si son valet ne l'eût reçu entre ses bras.

LE MAÎTRE

Eh bien! Jacques, voilà comme tu me soignes! Que s'en est-il fallu que je ne me sois enfoncé un côté, cassé le bras, fendu la tête, peut-être tué?

JACQUES

Le grand malheur!

LE MAÎTRE

Que dis-tu, maroufle? Attends, attends, je vais t'apprendre à parler…

Et le maître, après avoir fait faire au cordon de son fouet deux tours sur le poignet, de poursuivre Jacques, et Jacques de tourner autour du cheval en éclatant de rire; et son maître de jurer, de sacrer, d'écumer de rage, et de tourner aussi autour du cheval en vomissant contre Jacques un torrent d'invectives; et cette course de durer jusqu'à ce que tous deux, traversés de sueur et épuisés de fatigue, s'arrêtèrent l'un d'un côté du cheval, l'autre de l'autre, Jacques haletant et continuant de rire; son maître haletant et lui lançant des regards de fureur. Ils commençaient à reprendre haleine, lorsque Jacques dit à son maître: Monsieur mon maître en conviendra-t-il à présent?

LE MAÎTRE

Et de quoi veux-tu que je convienne, chien, coquin, infâme, sinon que tu es le plus méchant de tous les valets, et que je suis le plus malheureux de tous les maîtres?

JACQUES

N'est-il pas évidemment démontré que nous agissons la plupart du temps sans vouloir? Là, mettez la main sur la conscience: de tout ce que vous avez dit ou fait depuis une demi-heure, en avez-vous rien voulu? N'avez-vous pas été ma marionnette, et n'auriez-vous pas continué d'être mon polichinelle pendant un mois, si je me l'étais proposé?

LE MAÎTRE

Quoi! c'était un jeu?

JACQUES

Un jeu.

LE MAÎTRE

Et tu t'attendais à la rupture des courroies?

JACQUES

Je l'avais préparée.

LE MAÎTRE

Et c'était le fil d'archal que tu attachais au-dessus de ma tête pour me démener à ta fantaisie?

JACQUES

À merveille!

LE MAÎTRE

Et ta réponse impertinente était préméditée?

JACQUES

Préméditée.

LE MAÎTRE

Tu es un dangereux vaurien.

JACQUES

Dites, grâce à mon capitaine qui se fit un jour un pareil passe-temps à mes dépens, que je suis un subtil raisonneur.

LE MAÎTRE

Si pourtant je m'étais blessé?

JACQUES

Il était écrit là-haut et dans ma prévoyance que cela n'arriverait pas.

LE MAÎTRE

Allons, asseyons-nous; nous avons besoin de repos.

Ils s'asseyent, Jacques disant: Peste soit du sot!

LE MAÎTRE

C'est de toi que tu parles apparemment.

 
JACQUES

Oui, de moi, qui n'ai pas réservé un coup de plus dans la gourde.

LE MAÎTRE

Ne regrette rien, je l'aurais bu, car je meurs de soif.

JACQUES

Peste soit encore du sot de n'en avoir pas réservé deux!

Le maître le suppliant, pour tromper leur lassitude et leur soif, de continuer son récit, Jacques s'y refusant, son maître boudant, Jacques se laissant bouder; enfin Jacques, après avoir protesté contre le malheur qui en arriverait, reprenant l'histoire de ses amours, dit:

«Un jour de fête que le seigneur du château était à la chasse…» Après ces mots il s'arrêta tout court, et dit: «Je ne saurais; il m'est impossible d'avancer; il me semble que j'aie derechef la main du destin à la gorge, et que je me la sente serrer; pour Dieu, monsieur, permettez que je me taise.

– Eh bien! tais-toi, et va demander à la première chaumière que voilà, la demeure du nourricier…»

C'était à la porte plus bas; ils y vont, chacun d'eux tenant son cheval par la bride. À l'instant la porte du nourricier s'ouvre, un homme se montre; le maître de Jacques pousse un cri et porte la main à son épée; l'homme en question en fait autant. Les deux chevaux s'effrayent du cliquetis des armes, celui de Jacques casse sa bride et s'échappe, et dans le même instant le cavalier contre lequel son maître se bat est étendu mort sur la place. Les paysans du village accourent. Le maître de Jacques se remet prestement en selle et s'éloigne à toutes jambes. On s'empare de Jacques, on lui lie les mains sur le dos, et on le conduit devant le juge du lieu, qui l'envoie en prison. L'homme tué était le chevalier de Saint-Ouin, que le hasard avait conduit précisément ce jour-là avec Agathe chez la nourrice de leur enfant. Agathe s'arrache les cheveux sur le cadavre de son amant. Le maître de Jacques est déjà si loin qu'on l'a perdu de vue. Jacques, en allant de la maison du juge à la prison, disait: «Il fallait que cela fût, cela était écrit là-haut…»

Et moi, je m'arrête, parce que je vous ai dit de ces deux personnages tout ce que j'en sais. – Et les amours de Jacques? Jacques a dit cent fois qu'il était écrit là-haut qu'il n'en finirait pas l'histoire, et je vois que Jacques avait raison. Je vois, lecteur, que cela vous fâche; eh bien, reprenez son récit où il l'a laissé, et continuez-le à votre fantaisie, ou bien faites une visite à Mlle Agathe, sachez le nom du village où Jacques est emprisonné; voyez Jacques, questionnez-le: il ne se fera pas tirer l'oreille pour vous satisfaire; cela le désennuiera. D'après des mémoires que j'ai de bonnes raisons de tenir pour suspects, je pourrais peut-être suppléer ce qui manque ici; mais à quoi bon? on ne peut s'intéresser qu'à ce qu'on croit vrai. Cependant comme il y aurait de la témérité à prononcer sans un mûr examen sur les entretiens de Jacques le Fataliste et de son maître, ouvrage le plus important qui ait paru depuis le Pantagruel de maître François Rabelais, et la vie et les aventures du Compère Mathieu82, je relirai ces mémoires avec toute la contention d'esprit et toute l'impartialité dont je suis capable; et sous huitaine je vous en dirai mon jugement définitif, sauf à me rétracter lorsqu'un plus intelligent que moi me démontrera que je me suis trompé.

L'éditeur ajoute: La huitaine est passée. J'ai lu les mémoires en question; des trois paragraphes que j'y trouve de plus que dans le manuscrit dont je suis le possesseur, le premier et le dernier me paraissent originaux, et celui du milieu évidemment interpolé. Voici le premier, qui suppose une seconde lacune dans l'entretien de Jacques et son maître.

Un jour de fête que le seigneur du château était à la chasse, et que le reste de ses commensaux étaient allés à la messe de la paroisse, qui en était éloignée d'un bon quart de lieue, Jacques était levé, Denise était assise à côté de lui. Ils gardaient le silence, ils avaient l'air de se bouder, et ils se boudaient en effet. Jacques avait tout mis en œuvre pour résoudre Denise à le rendre heureux, et Denise avait tenu ferme. Après ce long silence, Jacques, pleurant à chaudes larmes, lui dit d'un ton dur et amer: «C'est que vous ne m'aimez pas…» Denise, dépitée, se lève, le prend par le bras, le conduit brusquement vers le bord du lit, s'y assied, et lui dit: «Eh bien! monsieur Jacques, je ne vous aime donc pas? Eh bien! monsieur Jacques, faites de la malheureuse Denise tout ce qu'il vous plaira…» Et en disant ces mots, la voilà fondant en pleurs et suffoquée par ses sanglots.

Dites-moi, lecteur, ce que vous eussiez fait à la place de Jacques? Rien. Eh bien! c'est ce qu'il fit. Il reconduisit Denise sur sa chaise, se jeta à ses pieds, essuya les pleurs qui coulaient de ses yeux, lui baisa les mains, la consola, la rassura, crut qu'il en était tendrement aimé, et s'en remit à sa tendresse sur le moment qu'il lui plairait de récompenser la sienne. Ce procédé toucha sensiblement Denise.

On objectera peut-être que Jacques, aux pieds de Denise, ne pouvait guère lui essuyer les yeux… à moins que la chaise ne fût fort basse. Le manuscrit ne le dit pas; mais cela est à supposer.

Voici le second paragraphe, copié de la vie de Tristram Shandy83, à moins que l'entretien de Jacques le Fataliste et de son maître ne soit antérieur à cet ouvrage, et que le ministre Sterne ne soit le plagiaire, ce que je ne crois pas, mais par une estime toute particulière de M. Sterne, que je distingue de la plupart des littérateurs de sa nation, dont l'usage assez fréquent est de nous voler et de nous dire des injures84.

Une autre fois, c'était le matin, Denise était venue panser Jacques. Tout dormait encore dans le château, Denise s'approcha en tremblant. Arrivée à la porte de Jacques, elle s'arrêta, incertaine si elle entrerait ou non. Elle entra en tremblant; elle demeura assez longtemps à côté du lit de Jacques sans oser ouvrir les rideaux. Elle les entr'ouvrit doucement; elle dit bonjour à Jacques en tremblant; elle s'informa de sa nuit et de sa santé en tremblant; Jacques lui dit qu'il n'avait pas fermé l'œil, qu'il avait souffert, et qu'il souffrait encore d'une démangeaison cruelle à son genou. Denise s'offrit à le soulager; elle prit une petite pièce de flanelle; Jacques mit sa jambe hors du lit, et Denise se mit à frotter avec sa flanelle au-dessous de la blessure, d'abord avec un doigt, puis avec deux, avec trois, avec quatre, avec toute la main. Jacques la regardait faire, et s'enivrait d'amour. Puis Denise se mit à frotter avec sa flanelle sur la blessure même, dont la cicatrice était encore rouge, d'abord avec un doigt, ensuite avec deux, avec trois, avec quatre, avec toute la main. Mais ce n'était pas assez d'avoir éteint la démangeaison au dessous du genou, sur le genou, il fallait encore l'éteindre au-dessus, où elle ne se faisait sentir que plus vivement. Denise posa sa flanelle au-dessus du genou, et se mit à frotter là assez fermement, d'abord avec un doigt, avec deux, avec trois, avec quatre, avec toute la main. La passion de Jacques, qui n'avait cessé de la regarder, s'accrut à un tel point, que, n'y pouvant plus résister, il se précipita sur la main de Denise… et la baisa85.

Mais ce qui ne laisse aucun doute sur le plagiat, c'est ce qui suit. Le plagiaire ajoute: «Si vous n'êtes pas satisfait de ce que je vous révèle des amours de Jacques, lecteur, faites mieux, j'y consens. De quelque manière que vous vous y preniez, je suis sûr que vous finirez comme moi. – Tu te trompes, insigne calomniateur, je ne finirai point comme toi. Denise fut sage. – Et qui est-ce qui vous dit le contraire? Jacques se précipita sur sa main, et la baisa, sa main. C'est vous qui avez l'esprit corrompu, et qui entendez ce qu'on ne vous dit pas. – Eh bien! il ne baisa donc que sa main? – Certainement: Jacques avait trop de sens pour abuser de celle dont il voulait faire sa femme, et se préparer une méfiance qui aurait pu empoisonner le reste de sa vie. – Mais il est dit, dans le paragraphe qui précède, que Jacques avait mis tout en œuvre pour déterminer Denise à le rendre heureux. – C'est qu'apparemment il n'en voulait pas encore faire sa femme.

Le troisième paragraphe nous montre Jacques, notre pauvre Fataliste, les fers aux pieds et aux mains, étendu sur la paille au fond d'un cachot obscur, se rappelant tout ce qu'il avait retenu des principes de la philosophie de son capitaine, et n'étant pas éloigné de croire qu'il regretterait peut-être un jour cette demeure humide, infecte, ténébreuse, où il était nourri de pain noir et d'eau, et où il avait ses pieds et ses mains à défendre contre les attaques des souris et des rats. On nous apprend qu'au milieu de ses méditations les portes de sa prison et de son cachot sont enfoncées; qu'il est mis en liberté avec une douzaine de brigands, et qu'il se trouve enrôlé dans la troupe de Mandrin. Cependant la maréchaussée, qui suivait son maître à la piste, l'avait atteint, saisi et constitué dans une autre prison. Il en était sorti par les bons offices du commissaire qui l'avait si bien servi dans sa première aventure, et il vivait retiré depuis deux ou trois mois dans le château de Desglands, lorsque le hasard lui rendit un serviteur presque aussi essentiel à son bonheur que sa montre et sa tabatière. Il ne prenait pas une prise de tabac, il ne regardait pas une fois l'heure qu'il était, qu'il ne dît en soupirant: «Qu'es-tu devenu, mon pauvre Jacques!..» Une nuit le château de Desglands est attaqué par les Mandrins; Jacques reconnaît la demeure de son bienfaiteur et de sa maîtresse; il intercède et garantit le château du pillage. On lit ensuite le détail pathétique de l'entrevue inopinée de Jacques, de son maître, de Desglands, de Denise et de Jeanne.

«C'est toi, mon ami!

– C'est vous, mon cher maître!

– Comment t'es-tu trouvé parmi ces gens-là?

– Et vous, comment se fait-il que je vous rencontre ici?

– C'est vous, Denise?

– C'est vous, monsieur Jacques? Combien vous m'avez fait pleurer!..»

Cependant Desglands criait: «Qu'on apporte des verres et du vin; vite, vite: c'est lui qui nous a sauvé la vie à tous…»

Quelques jours après, le vieux concierge du château décéda; Jacques obtient sa place et épouse Denise, avec laquelle il s'occupe à susciter des disciples à Zénon et à Spinosa, aimé de Desglands, chéri de son maître et adoré de sa femme; car c'est ainsi qu'il était écrit là-haut.

On a voulu me persuader que son maître et Desglands étaient devenus amoureux de sa femme. Je ne sais ce qui en est, mais je suis sûr qu'il se disait le soir à lui-même: «S'il est écrit là-haut que tu seras cocu, Jacques, tu auras beau faire, tu le seras; s'il est écrit au contraire que tu ne le seras pas, ils auront beau faire, tu ne le seras pas; dors donc, mon ami…» et qu'il s'endormait.

 
81Odomètre, compte-pas, instrument qui sert à mesurer le chemin qu'on a fait; de ὁδὸσ, chemin, μετρὸν, mesure. (Br.)
82Le Compère Mathieu, ou les Bigarrures de l'Esprit humain, fut longtemps attribué à Voltaire et à Diderot. Cet ouvrage est de l'abbé Dulaurens (Henri-Joseph), né à Douai le 27 mars, et suivant quelques biographes le 27 mai 1719. Vers 1761, il s'était réfugié en Hollande, faisant la route à pied. Il passa ensuite en Allemagne. Dénoncé à la chambre ecclésiastique à Mayence, il fut jugé et condamné à une prison perpétuelle par sentence du 30 août 1767, et mourut en 1797 dans une maison de détention située près de Mayence. (Br.)
83Voyez Notice préliminaire, p. .
84Voltaire, dans une lettre qui fait partie du premier volume publié en 1820 par la Société des Bibliophiles français, a dit aussi: Je connais de réputation Aaron Hill; c'est un digne Anglais; il nous pille et il dit du mal de ceux qu'il vole. Cette lettre, adressée à l'abbé Raynal, est du 30 juillet 1749. (Br.)
85Comparer avec le chapitre cclxii de Tristram Shandy, un peu long pour être mis en note, et qui est beaucoup plus libre, à notre avis.
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