Бесплатно

Moll Flanders

Текст
iOSAndroidWindows Phone
Куда отправить ссылку на приложение?
Не закрывайте это окно, пока не введёте код в мобильном устройстве
ПовторитьСсылка отправлена

По требованию правообладателя эта книга недоступна для скачивания в виде файла.

Однако вы можете читать её в наших мобильных приложениях (даже без подключения к сети интернет) и онлайн на сайте ЛитРес.

Отметить прочитанной
Шрифт:Меньше АаБольше Аа

Je ne compris rien à cela; mais je répondis: «Je suis sûre qu'on l'appelle madame, et elle ne va pas en service, et elle ne fait pas le ménage»; et ainsi je soutins qu'elle était dame de qualité, et que je voulais être dame de qualité, comme elle.

Tout ceci fut répété aux dames, et elles s'en amusèrent et de temps en temps les filles de M. le maire venaient me voir et demandaient où était la petite dame de qualité, ce qui ne me rendait pas peu fière de moi, d'ailleurs j'avais souvent la visite de ces jeunes dames, et elles en amenaient d'autres avec elles; de sorte que par cela je devins connue presque dans toute la ville.

J'avais maintenant près de dix ans et je commençais d'avoir l'air d'une petite femme, car j'étais extrêmement sérieuse, avec de belles manières, et comme j'avais souvent entendu dire aux dames que j'étais jolie, et que je deviendrais extrêmement belle, vous pouvez penser que cela ne me rendait pas peu fière; toutefois cette vanité n'eut pas encore de mauvais effet sur moi; seulement, comme elles me donnaient souvent de l'argent que je donnais à ma vieille nourrice, elle, honnête femme, avait l'intégrité de le dépenser pour moi afin de m'acheter coiffe, linge et gants, et j'allais nettement vêtue; car si je portais des haillons, j'étais toujours très propre, ou je les faisais barboter moi-même dans l'eau, mais, dis-je, ma bonne vieille nourrice, quand on me donnait de l'argent, bien honnêtement le dépensait pour moi, et disait toujours aux dames que ceci ou cela avait été acheté avec leur argent; et ceci faisait qu'elles m'en donnaient davantage; jusqu'enfin je fus tout de bon appelée par les magistrats, pour entrer en service; mais j'étais alors devenue si excellente ouvrière, et les dames étaient si bonnes pour moi, que j'en avais passé le besoin; car je pouvais gagner pour ma nourrice autant qu'il lui fallait pour m'entretenir; de sorte qu'elle leur dit que, s'ils lui permettaient, elle garderait la «dame de qualité» comme elle m'appelait, pour lui servir d'aide et donner leçon aux enfants, ce que j'étais très bien capable de faire; car j'étais très agile au travail, bien que je fusse encore très jeune.

Mais la bonté de ces dames ne s'arrêta pas là, car lorsqu'elles comprirent que je n'étais plus entretenue par la cité, comme auparavant, elles me donnèrent plus souvent de l'argent; et, à mesure que je grandissais, elles m'apportaient de l'ouvrage à faire pour elles: tel que linge à rentoiler, dentelles à réparer, coiffes à façonner, et non seulement me payaient pour mon ouvrage, mais m'apprenaient même à le faire, de sorte que j'étais véritablement une dame de qualité, ainsi que je l'entendais; car avant d'avoir douze ans, non seulement je me suffisais en vêtements et je payais ma nourrice pour m'entretenir, mais encore je mettais de l'argent dans ma poche.

Les dames me donnaient aussi fréquemment de leurs hardes ou de celles de leurs enfants; des bas, des jupons, des habits, les unes telle chose, les autres telle autre, et ma vieille femme soignait tout cela pour moi comme une mère, m'obligeait à raccommoder, et à tourner tout au meilleur usage: car c'était une rare et excellente ménagère.

À la fin, une des dames se prit d'un tel caprice pour moi qu'elle désirait m'avoir chez elle, dans sa maison, pour un mois, dit-elle, afin d'être en compagnie de ses filles.

Vous pensez que cette invitation était excessivement aimable de sa part; toutefois, comme lui dit ma bonne femme, à moins qu'elle se décidât à me garder pour tout de bon, elle ferait à la petite dame de qualité plus de mal que de bien. – «Eh bien, dit la dame, c'est vrai; je la prendrai chez moi seulement pendant une semaine, pour voir comment mes filles et elles s'accordent, et comment son caractère me plaît, et ensuite je vous en dirai plus long; et cependant, s'il vient personne la voir comme d'ordinaire, dites-leur seulement que vous l'avez envoyée en visite à ma maison.»

Ceci était prudemment ménagé, et j'allai faire visite à la dame, où je me plus tellement avec les jeunes demoiselles, et elles si fort avec moi, que j'eus assez à faire pour me séparer d'elles, et elles en furent aussi fâchées que moi-même.

Je les quittai cependant et je vécus presque une année encore avec mon honnête vielle femme; et je commençais maintenant de lui être bien utile; car j'avais presque quatorze ans, j'étais grande pour mon âge, et j'avais déjà l'air d'une petite femme; mais j'avais pris un tel goût de l'air de qualité dont on vivait dans la maison de la dame, que je ne me sentais plus tant à mon aise dans mon ancien logement; et je pensais qu'il était beau d'être vraiment dame de qualité, car j'avais maintenant des notions tout à fait différentes sur les dames de qualité; et comme je pensais qu'il était beau d'être une dame de qualité, ainsi j'aimais être parmi les dames de qualité, et voilà pourquoi je désirais ardemment y retourner.

Quand j'eus environ quatorze ans et trois mois, ma bonne vieille nourrice (ma mère, je devrais l'appeler) tomba malade et mourut. Je me trouvai alors dans une triste condition, en vérité; car ainsi qu'il n'y a pas grand'peine à mettre fin à la famille d'une pauvre personne une fois qu'on les a tous emmenés au cimetière, ainsi la pauvre bonne femme étant enterrée, les enfants de la paroisse furent immédiatement enlevés par les marguilliers; l'école était finie et les externes qui y venaient n'avaient plus qu'à attendre chez eux qu'on les envoyât ailleurs; pour ce qu'elle avait laissé, une fille à elle, femme mariée, arriva et balaya tout; et, comme on emportait les meubles, on ne trouva pas autre chose à me dire que de conseiller par plaisanterie à la petite dame de qualité de s'établir maintenant à son compte, si elle le voulait.

J'étais perdue presque de frayeur, et je ne savais que faire; car j'étais pour ainsi dire mise à la porte dans l'immense monde, et, ce qui était encore pire, la vieille honnête femme avait gardé par devers elle vingt et deux shillings à moi, qui étaient tout l'état que la petite dame de qualité avait au monde; et quand je les demandai à la fille, elle me bouscula et me dit que ce n'étaient point ses affaires.

Il était vrai que la bonne pauvre femme en avait parlé à sa fille, disant que l'argent se trouvait à tel endroit, et que c'était l'argent de l'enfant, et qu'elle m'avait appelée une ou deux fois pour me le donner, mais je ne me trouvais malheureusement pas là, et lorsque je revins, elle était hors la condition de pouvoir en parler; toutefois la fille fut assez honnête ensuite pour me le donner, quoiqu'elle m'eût d'abord à ce sujet traitée si cruellement.

Maintenant j'étais une pauvre dame de qualité, en vérité, et juste cette même nuit j'allais être jetée dans l'immense monde; car la fille avait tout emporté, et je n'avais pas tant qu'un logement pour y aller, ou un bout de pain à manger; mais il semble que quelques-uns des voisins prirent une si grande pitié de moi, qu'ils en informèrent la dame dans la famille de qui j'avais été; et immédiatement elle envoya sa servante pour me chercher; et me voilà partie avec elles, sac et bagages, et avec le cœur joyeux, vous pouvez bien penser; la terreur de ma condition avait fait une telle impression sur moi, que je ne voulais plus être dame de qualité, mais bien volontiers servante, et servante de telle espèce pour laquelle on m'aurait crue bonne.

Mais ma nouvelle généreuse maîtresse avait de meilleures pensées pour moi. Je la nomme généreuse, car autant elle excédait la bonne femme avec qui j'avais vécu avant en tout, qu'en état; je dis en tout, sauf en honnêteté; et pour cela, quoique ceci fût une dame bien exactement juste, cependant je ne dois pas oublier de dire en toutes occasions, que la première, bien que pauvre, était aussi foncièrement honnête qu'il est possible.

Je n'eus pas plus tôt été emmenée par cette bonne dame de qualité, que la première dame, c'est-à-dire madame la femme du maire, envoya ses filles pour prendre soin de moi; et une autre famille qui m'avait remarquée, quand j'étais la petite dame de qualité, me fit chercher, après celle-là, de sorte qu'on faisait grand cas de moi; et elles ne furent pas peu fâchées, surtout madame la femme du maire, que son amie m'eût enlevée à elle; car disait-elle, je lui appartenais par droit, elle ayant été la première qui eût pris garde à moi; mais celles qui me tenaient ne voulaient pas me laisser partir; et, pour moi, je ne pouvais être mieux que là où j'étais.

Là, je continuai jusqu'à ce que j'eusse entre dix-sept et dix-huit ans, et j'y trouvai tous les avantages d'éducation qu'on peut s'imaginer; cette dame avait des maîtres qui venaient pour enseigner à ses filles à danser, à parler français et à écrire, et d'autres pour leur enseigner la musique; et, comme j'étais toujours avec elles, j'apprenais aussi vite qu'elles; et quoique les maîtres ne fussent pas appointés pour m'enseigner, cependant j'apprenais par imitation et questions tout ce qu'elles apprenaient par instruction et direction. Si bien qu'en somme j'appris à danser et à parler français aussi bien qu'aucune d'elles et à chanter beaucoup mieux, car j'avais une meilleure voix qu'aucune d'elles; je ne pouvais pas aussi promptement arriver à jouer du clavecin ou de l'épinette, parce que je n'avais pas d'instruments à moi pour m'y exercer, et que je ne pouvais toucher les leurs que par intervalles, quand elles les laissaient; mais, pourtant, j'appris suffisamment bien, et finalement les jeunes demoiselles eurent deux instruments, c'est-à-dire un clavecin et une épinette aussi, et puis me donnèrent leçon elles-mêmes; mais, pour ce qui est de danser, elles ne pouvaient mais que je n'apprisse les danses de campagne, parce qu'elles avaient toujours besoin de moi pour faire un nombre égal, et, d'autre part, elles mettaient aussi bon cœur à m'apprendre tout ce qu'on leur avait enseigné à elles-mêmes que moi à profiter de leurs leçons.

 

Par ces moyens j'eus, comme j'ai dit, tous les avantages d'éducation que j'aurais pu avoir, si j'avais été autant demoiselle de qualité que l'étaient celles avec qui je vivais, et, en quelques points, j'avais l'avantage sur mesdemoiselles, bien qu'elles fussent mes supérieures: en ce que tous mes dons étaient de nature et que toutes leurs fortunes n'eussent pu fournir. D'abord j'étais jolie, avec plus d'apparence qu'aucune d'elles; deuxièmement j'étais mieux faite; troisièmement, je chantais mieux, par quoi je veux dire que j'avais une meilleure voix; en quoi vous me permettrez de dire, j'espère, que je ne donne pas mon propre jugement, mais l'opinion de tous ceux qui connaissaient la famille.

J'avais avec tout cela, la commune vanité de mon sexe, en ce qu'étant réellement considérée comme très jolie, ou, si vous voulez, comme une grande beauté, je le savais fort bien, et j'avais une aussi bonne opinion de moi-même qu'homme du monde, et surtout j'aimais à en entendre parler les gens, ce qui arrivait souvent et me donnait une grande satisfaction.

Jusqu'ici mon histoire a été aisée à dire, et dans toute cette partie de ma vie, j'avais non seulement la réputation de vivre dans une très bonne famille, mais aussi la renommée d'une jeune fille bien sobre, modeste et vertueuse, et telle j'avais toujours été; d'ailleurs, je n'avais jamais eu occasion de penser à autre chose, ou de savoir ce qu'était une tentation au vice. Mais ce dont j'étais trop fière fut ma perte. La maîtresse de la maison où j'étais avait deux fils, jeunes gentilshommes de qualité et tenue peu ordinaires, et ce fut mon malheur d'être très bien avec tous deux, mais ils se conduisirent avec moi d'une manière bien différente.

L'aîné, un gentilhomme gai, qui connaissait la ville autant que la campagne, et, bien qu'il eût de légèreté assez pour commettre une mauvaise action, cependant avait trop de jugement pratique pour payer trop cher ses plaisirs; il commença par ce triste piège pour toutes les femmes, c'est-à-dire qu'il prenait garde à toutes occasions combien j'étais jolie, comme il disait, combien agréable, combien mon port était gracieux, et mille autres choses; et il y mettait autant de subtilité que s'il eût eu la même science à prendre une femme au filet qu'une perdrix à l'affût, car il s'arrangeait toujours pour répéter ces compliments à ses sœurs au moment que, bien que je ne fusse pas là, cependant il savait que je n'étais pas assez éloignée pour ne pas être assurée de l'entendre. Ses sœurs lui répondaient doucement: «Chut! frère, elle va t'entendre, elle est dans la chambre d'à côté.» Alors il s'interrompait et parlait à voix basse, prétendant ne l'avoir pas su, et avouait qu'il avait eu tort; puis, feignant de s'oublier, se mettait à parler de nouveau à voix haute, et moi, qui étais si charmée de l'entendre, je n'avais garde de ne point l'écouter à toutes occasions.

Après qu'il eut ainsi amorcé son hameçon et assez aisément trouvé le moyen de placer l'appât sur ma route, il joua à jeu découvert, et un jour, passant par la chambre de sa sœur pendant que j'y étais, il entre avec un air de gaieté:

– Oh! madame Betty, me dit-il, comment allez-vous, madame Betty? Est-ce que les joues ne vous brûlent pas, madame Betty.

Je fis une révérence et me mis à rougir, mais ne répondis rien.

– Pourquoi lui dis-tu cela, mon frère? dit la demoiselle.

– Mais, reprit-il, parce que nous venons de parler d'elle, en bas, cette demi-heure.

– Eh bien, dit sa sœur, vous n'avez pas pu dire de mal d'elle, j'en suis sûre; ainsi, peu importe ce dont vous avez pu parler.

– Non, non, dit-il, nous avons été si loin de dire du mal d'elle, que nous en avons dit infiniment de bien, et beaucoup, beaucoup de belles choses ont été répétées sur Mme Betty, je t'assure, et en particulier que c'est la plus jolie jeune fille de Colchester; et, bref, ils commencent en ville à boire à sa santé.

– Je suis vraiment surprise de ce que tu dis, mon frère, répond la sœur; il ne manque qu'une chose à Betty, mais autant vaudrait qu'il lui manquât tout, car son sexe est en baisse sur le marché au temps présent; et si une jeune femme a beauté, naissance, éducation, esprit, sens, bonne façon et chasteté, et tout a l'extrême, toutefois si elle n'a point d'argent, elle n'est rien; autant vaudrait que tout lui fit défaut: l'argent seul, de nos jours, recommande une femme; les hommes se passent le beau jeu tour à tour.

Son frère cadet, qui était là, s'écria:

– Arrête, ma sœur, tu vas trop vite; je suis une exception à ta règle; je t'assure que si je trouve une femme aussi accomplie, je ne m'inquiéterai guère de l'argent.

– Oh! dit la sœur, mais tu prendras garde alors de ne point te mettre dans l'esprit une qui n'ait pas d'argent.

– Pour cela, tu n'en sais rien non plus, dit le frère.

– Mais pourquoi, ma sœur, dit le frère aîné, pourquoi cette exclamation sur la fortune? Tu n'es pas de celles à qui elle fait défaut, quelles que soient les qualités qui te manquent.

– Je te comprends très bien, mon frère, réplique la dame fort aigrement, tu supposes que j'ai la fortune et que la beauté me manque; mais tel est le temps que la première suffira: je serai donc encore mieux partagée que mes voisines.

– Eh bien, dit le frère cadet, mais tes voisines pourront bien avoir part égale, car beauté ravit un mari parfois en dépit d'argent, et quand la fille se trouve mieux faite que la maîtresse, par chance elle fait un aussi bon marché et monte en carrosse avant l'autre.

Je crus qu'il était temps pour moi de me retirer, et je le fis, mais pas assez loin pour ne pas saisir tout leur discours, où j'entendis abondance de belles choses qu'on disait de moi, ce qui excita ma vanité, mais ne me mit pas en chemin, comme je le découvris bientôt, d'augmenter mon intérêt dans la famille, car la sœur et le frère cadet se querellèrent amèrement là-dessus; et, comme il lui dit, à mon sujet, des choses fort désobligeantes, je pus voir facilement qu'elle en gardait rancune par la conduite qu'elle tint envers moi, et qui fut en vérité bien injuste, car je n'avais jamais eu la moindre pensée de ce qu'elle soupçonnait en ce qui touchait son frère cadet; certainement l'aîné, à sa façon obscure et lointaine, avait dit quantité de choses plaisamment que j'avais la folie de tenir pour sérieuses ou de me flatter de l'espoir de ce que j'aurais dû supposer qu'il n'entendrait jamais.

Il arriva, un jour, qu'il monta tout courant l'escalier vers la chambre où ses sœurs se tenaient d'ordinaire pour coudre, comme il le faisait souvent, et, les appelant de loin avant d'entrer, comme il en avait aussi coutume, moi, étant là, seule, j'allai à la porte et dis:

– Monsieur, ces dames ne sont pas là, elles sont allées se promener au jardin.

Comme je m'avançais pour parler ainsi, il venait d'arriver jusqu'à la porte, et me saisissant dans ses bras, comme c'eût été par chance:

– Oh! madame Betty, dit-il, êtes-vous donc là? C'est encore mieux, je veux vous parler à vous bien plus qu'à elles.

Et puis, me tenant dans ses bras, il me baisa trois ou quatre fois.

Je me débattis pour me dégager, et toutefois je ne le fis que faiblement, et il me tint serrée, et continua de me baiser jusqu'à ce qu'il fût hors d'haleine; et, s'asseyant, il dit:

– Chère Betty, je suis amoureux de vous.

Ses paroles, je dois l'avouer, m'enflammèrent le sang; tous mes esprits volèrent à mon cœur et me mirent assez en désordre. Il répéta ensuite plusieurs fois qu'il était amoureux de moi, et mon cœur disait aussi clairement qu'une voix que j'en étais charmée; oui, et chaque fois qu'il disait: «Je suis amoureux de vous», mes rougeurs répondaient clairement: «Je le voudrais bien, monsieur.» Toutefois, rien d'autre ne se passa alors; ce ne fut qu'une surprise, et je me remis bientôt. Il serait resté plus longtemps avec moi, mais par hasard, il regardai la fenêtre, et vit ses sœurs qui remontaient le jardin. Il prit donc congé, me baisa encore, me dit qu'il était très sérieux, et que j'en entendrais bien promptement davantage. Et le voilà parti infiniment joyeux, et s'il n'y avait eu un malheur en cela, j'aurais été dans le vrai, mais l'erreur était que Mme Betty était sérieuse et que le gentilhomme ne l'était pas.

À partir de ce temps, ma tête courut sur d'étranges choses, et je puis véritablement dire que je n'étais pas moi-même, d'avoir un tel gentilhomme qui me répétait qu'il était amoureux de moi, et que j'étais une si charmante créature, comme il me disait que je l'étais: c'étaient là des choses que je ne savais comment supporter; ma vanité était élevée au dernier degré. Il est vrai que j'avais la tête pleine d'orgueil, mais, ne sachant rien des vices de ce temps, je n'avais pas une pensée sur ma vertu; et si mon jeune maître l'avait proposé à première vue, il eût pu prendre toute liberté qu'il eût cru bonne; mais il ne perçut pas son avantage, ce qui fut mon bonheur à ce moment.

Il ne se passa pas longtemps avant qu'il trouvât l'occasion de me surprendre encore, et presque dans la même posture; en vérité, il y eut plus de dessein de sa part, quoique non de la mienne. Ce fut ainsi: les jeunes dames étaient sorties pour faire des visites avec leur mère; son frère n'était pas en ville, et pour son père, il était à Londres depuis une semaine; il m'avait si bien guettée qu'il savait où j'étais, tandis que moi je ne savais pas tant s'il était à la maison, et il monte vivement l'escalier, et, me voyant au travail, entre droit dans la chambre, où il commença juste comme l'autre fois, me prenant dans ses bras, et me baisant pendant presque un quart d'heure de suite.

C'est dans la chambre de sa plus jeune sœur que j'étais, et comme il n'y avait personne à la maison que la servante au bas de l'escalier, il en fut peut-être plus hardi; bref, il commença d'être pressant avec moi; il est possible qu'il me trouva un peu trop facile, car je ne lui résistai pas tandis qu'il ne faisait que me tenir dans ses bras et me baiser; en vérité, cela me donnait trop de plaisir pour lui résister beaucoup.

Eh bien, fatigués de ce genre de travail, nous nous assîmes, et là il me parla pendant longtemps; me dit qu'il était charmé de moi, qu'il ne pouvait avoir de repos qu'il ne m'eût persuadé qu'il était amoureux de moi, et que si je pouvais l'aimer en retour, et si je voulais le rendre heureux, je lui sauverais la vie, et mille belles choses semblables. Je ne lui répondis que peu, mais découvris aisément que j'étais une sotte et que je ne comprenais pas le moins du monde ce qu'il entendait.

Puis il marcha par la chambre, et, me prenant par la main, je marchai avec lui, et soudain, prenant son avantage, il me jeta sur le lit et m'y baisa très violemment, mais, pour lui faire justice, ne se livra à aucune grossièreté, seulement me baisa pendant très longtemps; après quoi il crut entendre quelqu'un monter dans l'escalier, de sorte qu'il sauta du lit et me souleva, professant infiniment d'amour pour moi, mais me dit que c'était une affection entièrement honorable, et qu'il ne voulait me causer aucun mal, et là-dessus il me mit cinq guinées dans la main et redescendit l'escalier.

Je fus plus confondue de l'argent que je ne l'avais été auparavant de l'amour, et commençai de me sentir si élevée que je savais à peine si je touchais la terre. Ce gentilhomme avait maintenant enflammé son inclination autant que ma vanité, et, comme s'il eût trouvé qu'il avait une occasion et qu'il fût lâché de ne pas la saisir, le voilà qui remonte au bout d'environ une demi-heure, et reprend son travail avec moi, juste comme il avait fait avant, mais avec un peu moins de préparation.

Et d'abord quand il fût entré dans la chambre, il se retourna et ferma la porte.

– Madame Betty, dit-il, je m'étais figuré tout à l'heure que quelqu'un montait dans l'escalier, mais il n'en était rien; toutefois, dit-il, si on me trouve dans la chambre avec vous, on ne me surprendra pas à vous baiser.

Je lui dis que je ne savais pas qui aurait pu monter l'escalier, car je croyais qu'il n'y avait personne à la maison que la cuisinière et l'autre servante et elles ne prenaient jamais cet escalier-là.

– Eh bien, ma mignonne, il vaut mieux s'assurer, en tout cas. – Et puis, s'assied, et nous commençâmes à causer.

Et maintenant, quoique je fusse encore toute en feu de sa première visite, ne pouvant parler que peu, il semblait qu'il me mît les paroles dans la bouche, me disant combien passionnément il m'aimait, et comment il ne pouvait rien avant d'avoir disposition de sa fortune, mais que dans ce temps-là il était bien résolu à me rendre heureuse, et lui-même, c'est-à-dire de m'épouser, et abondance de telles choses, dont moi pauvre sotte je ne comprenais pas le dessein, mais agissais comme s'il n'y eût eu d'autre amour que celui qui tendait au mariage; et s'il eût parlé de l'autre je m'eusse trouvé ni lieu ni pouvoir pour dire non; mais nous n'en étions pas encore venus à ce point-là.

 

Nous n'étions pas restés assis longtemps qu'il se leva et m'étouffant vraiment la respiration sous ses baisers, me jeta de nouveau sur le lit; mais alors il alla plus loin que la décence ne me permet de rapporter, et il n'aurait pas été en mon pouvoir de lui refuser à ce moment, s'il avait pris plus de privautés qu'il ne fit.

Toutefois, bien qu'il prît ces libertés, il n'alla pas jusqu'à ce qu'on appelle la dernière faveur, laquelle, pour lui rendre justice, il ne tenta point; et ce renoncement volontaire lui servit d'excuse pour toutes ses libertés avec moi en d'autres occasions. Quand ce fut terminé, il ne resta qu'un petit moment, mais me glissa presque une poignée d'or dans la main et me laissa mille prestations de sa passion pour moi, m'assurant qu'il m'aimait au-dessus de toutes les femmes du monde.

Il ne semblera pas étrange que maintenant je commençai de réfléchir; mais, hélas! ce fut avec une réflexion bien peu solide. J'avais un fonds illimité de vanité et d'orgueil, un très petit fonds de vertu. Parfois, certes, je ruminais en moi pour deviner ce que visait mon jeune maître, mais ne pensais à rien qu'aux belles paroles et à l'or; qu'il eût intention de m'épouser ou non me paraissait affaire d'assez petite importance; et je ne pensais pas tant à faire mes conditions pour capituler, jusqu'à ce qu'il me fit une sorte de proposition en forme comme vous allez l'entendre.

Ainsi je m'abandonnai à la ruine sans la moindre inquiétude. Jamais rien ne fut si stupide des deux côtés; si j'avais agi selon la convenance, et résisté comme l'exigeaient l'honneur et la vertu, ou bien il eût renoncé à ses attaques, ne trouvant point lieu d'attendre l'accomplissement de son dessein, ou bien il eût fait de belles et honorables propositions de mariage; dans quel cas on aurait pu le blâmer par aventure mais non moi. Bref, s'il m'eût connue, et combien était aisée à obtenir la bagatelle qu'il voulait, il ne se serait pas troublé davantage la tête, mais m'aurait donné quatre ou cinq guinées et aurait couché avec moi la prochaine fois qu'il serait venu me trouver. D'autre part, si j'avais connu ses pensées et combien dure il supposait que je serais à gagner, j'aurais pu faire mes conditions, et si je n'avais capitulé pour un mariage immédiat, j'aurais pu le faire pour être entretenue jusqu'au mariage, et j'aurais eu ce que j'aurais voulu; car il était riche à l'excès, outre ses espérances; mais j'avais entièrement abandonné de semblables pensées et j'étais occupée seulement de l'orgueil de ma beauté, et de me savoir aimée par un tel gentilhomme; pour l'or, je passais des heures entières à le regarder; je comptais les guinées plus de mille fois par jour. Jamais pauvre vaine créature ne fut si enveloppée par toutes les parties du mensonge que je ne le fus, ne considérant pas ce qui était devant moi, et que la ruine était tout près de ma porte, et, en vérité, je crois que je désirais plutôt cette ruine que je ne m'étudiais à l'éviter.

Néanmoins, pendant ce temps, j'avais assez de ruse pour ne donner lieu le moins du monde à personne de la famille d'imaginer que j'entretinsse la moindre correspondance avec lui. À peine si je le regardais en public ou si je lui répondais, lorsqu'il m'adressait la parole; et cependant malgré tout, nous avions de temps en temps une petite entrevue où nous pouvions placer un mot ou deux, et çà et là un baiser, mais point de belle occasion pour le mal médité; considérant surtout qu'il faisait plus de détours qu'il n'en était besoin, et que la chose lui paraissant difficile, il la rendait telle en réalité.

Mais comme le démon est un tentateur qui ne se lasse point, ainsi ne manque-t-il jamais de trouver l'occasion du crime auquel il invite. Ce fut un soir que j'étais au jardin, avec ses deux jeunes sœurs et lui, qu'il trouva le moyen de me glisser un billet dans la main où il me disait que le lendemain il me demanderait en présence de tout le monde d'aller faire un message pour lui et que je le verrais quelque part sur mon chemin.

En effet, après dîner, il me dit gravement, ses sœurs étant toutes là:

– Madame Betty, j'ai une faveur à vous demander.

– Et laquelle donc? demande la seconde sœur.

– Alors, ma sœur, dit-il très gravement, si tu ne peux te passer de Mme Betty aujourd'hui, tout autre moment sera bon.

Mais si, dirent-elles, elles pouvaient se passer d'elle fort bien, et la sœur lui demanda pardon de sa question.

– Eh bien, mais, dit la sœur aînée, il faut que tu dises à Mme Betty ce que c'est; si c'est quelque affaire privée que nous ne devions pas entendre, tu peux l'appeler dehors: la voilà.

– Comment, ma sœur, dit le gentilhomme très gravement, que veux-tu dire? Je voulais seulement la prier de passer dans High Street (et il tire de sa poche un rabat), dans telle boutique. Et puis il leur raconte une longue histoire sur deux belles cravates de mousseline dont il avait demandé le prix, et qu'il désirait que j'allasse en message acheter un tour de cou, pour ce rabat qu'il montrait, et que si on ne voulait pas prendre le prix que j'offrirais des cravates, que je misse un shilling de plus et marchandasse avec eux; et ensuite il imagina d'autres messages et continua ainsi de me donner prou d'affaires, afin que je fusse bien assurée de demeurer sortie un bon moment.

Quand il m'eût donné mes messages, il leur fit une longue histoire d'une visite qu'il allait rendre dans une famille qu'ils connaissaient tous, et où devaient se trouver tels et tels gentilshommes, et très cérémonieusement pria ses sœurs de l'accompagner, et elles, en semblable cérémonie, lui refusèrent à cause d'une société qui devait venir leur rendre visite cette après-midi; toutes choses, soit dit en passant, qu'il avait imaginées à dessein.

Il avait à peine fini de parler que son laquais entra pour lui dire que le carrosse de sir W… H… venait de s'arrêter devant la porte; il y court et revient aussitôt.

– Hélas! dit-il à haute voix, voilà tout mon plaisir gâté d'un seul coup; sir W… envoie son carrosse pour me ramener: il désire me parler. Il paraît que ce sir W… était un gentilhomme qui vivait à trois lieues de là, à qui il avait parlé à dessein afin qu'il lui prêtât sa voiture pour une affaire particulière et l'avait appointée pour venir le chercher au temps qu'elle arriva, vers trois heures.

Aussitôt il demanda sa meilleure perruque, son chapeau, son épée, et, ordonnant à son laquais d'aller l'excuser à l'autre endroit, – c'est-à-dire qu'il inventa une excuse pour renvoyer son laquais, – il se prépare à monter dans le carrosse. Comme il sortait, il s'arrêta un instant et me parle en grand sérieux de son affaire, et trouve occasion de me dire très doucement:

– Venez me rejoindre, ma chérie, aussitôt que possible.

Je ne dis rien, mais lui fis ma révérence, comme je l'avais faite auparavant, lorsqu'il avait parlé devant tout le monde. Au bout d'un quart d'heure environ, je sortis aussi, sans avoir mis d'autre habit que celui que je portais, sauf que j'avais une coiffe, un masque, un éventail et une paire de gants dans ma poche; si bien qu'il n'y eut pas le moindre soupçon dans la maison. Il m'attendait dans une rue de derrière, près de laquelle il savait que je devais passer, et le cocher savait où il devait toucher, en un certain endroit nommé Mile-End, où vivait un confident à lui, où nous entrâmes, et où se trouvaient toutes les commodités du monde pour faire tout le mal qu'il nous plairait.

Другие книги автора

Купите 3 книги одновременно и выберите четвёртую в подарок!

Чтобы воспользоваться акцией, добавьте нужные книги в корзину. Сделать это можно на странице каждой книги, либо в общем списке:

  1. Нажмите на многоточие
    рядом с книгой
  2. Выберите пункт
    «Добавить в корзину»