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Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II

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CHAPITRE XVII.
Du livre intitulé Cyropédie de Xénophon

LE règne de Kyrus, qui est le terme de grandes difficultés chronologiques, se trouve clairement établi dans toutes ses dates. Si Ktésias diffère d’Hérodote sur quelques circonstances de la vie de ce prince, l’on peut dire qu’il ne le dément point sur le fond. Il n’en est pas de même du philosophe Xénophon, dont le livre intitulé Kyropædie, ou Éducation de Kyrus, suscite une telle controverse, qu’il faut nécessairement que l’un des deux auteurs ait été trompé grossièrement ou ait eu l’intention réfléchie de faire un roman. Ce procès entre Hérodote et Xénophon a beaucoup divisé les modernes. Les uns ont voulu considérer la Kyropædie comme l’histoire véritable de Kyrus, tandis que d’autres n’ont vu dans cet écrit qu’un roman politique dicté par un motif et pour un but de circonstance. Les plaidoyers produits à ce sujet depuis deux siècles, formeraient eux seuls dix gros volumes: néanmoins la question est simple, si on l’envisage par son vrai côté. Nous autres Européens, gens d’église ou de cabinet, qui discourons sur les rois et les conquérants, nous sommes d’assez pauvres juges en fait de vraisemblances ou de probabilités historiques, surtout pour des événements passés en Asie il y a 2,400 ans. Les mœurs de cette contrée et de ces gouvernements diffèrent tellement de nos usages, que même de nos jours des gens de beaucoup d’esprit parlent de ce qui se passe en Perse et en Turquie, d’une manière ridicule pour tout voyageur qui en a été le témoin. Ce n’est point en traitant notre question au fond, en discutant lequel des deux récits est le plus naturel (puisque la nature est pour chacun son habitude), qu’il faut prononcer entre Hérodote et Xénophon: c’est en établissant l’examen préalable de leurs motifs et de leurs intentions; à cet égard les témoignages multipliés des auteurs anciens, qui furent leurs contemporains plus ou moins médiats, nous fournissent des moyens décisifs.

Diogène Laerce, qui a écrit la vie d’un grand nombre de philosophes anciens, sur des mémoires originaux, atteste197 «que Xénophon et Platon, disciples de Socrate, mus de sentiments de jalousie et même d’envie l’un contre l’autre, écrivirent, à dessein de se contredire, sur les mêmes sujets; et qu’entre autres, Platon ayant écrit son Livre de la République, Xénophon lui opposa le sien de Kyropædie, ou Éducation de Kyrus; par représailles; Platon dans son Traité des Lois, appela ce livre une fiction, attendu que Kyrus ne fut pas tel.» Athénée dans son Banquet198 des savants, ouvrage si érudit, si rempli d’anecdotes curieuses; atteste les mêmes faits, en insistant sur le caractère de Platon, bien différent de ce qu’on en croit vulgairement.

Aulugelle, ce père estimable, qui pour l’instruction de ses enfants, tira de ses nombreuses lectures les notes que nous possédons sous le nom de Nuits attiques; Aulugelle, en désirant d’ailleurs atténuer ce fait qui le chagrine, convient cependant que «ceux qui ont écrit de si excellentes choses sur la vie et les mœurs de Xénophon et de Platon ont pensé qu’ils n’avaient pu se défendre de sentiments secrets de jalousie et d’aversion, et ils en montrent certaines preuves plausibles dans leurs propres écrits; par exemple, de n’avoir jamais fait mention l’un de l’autre, quoique tous deux, et surtout Platon, aient nommé tous les disciples de leur commun maître. Ils citent comme une autre preuve de cette inimitié, que Xénophon ayant lu les deux premiers livres du beau traité sur le meilleur gouvernement républicain que Platon publia d’abord, il y opposa son traité du gouvernement monarchique ou royal, intitulé Éducation de Kyrus; et ils ajoutent que Platon en fut si piqué, que, dans un écrit suivant, il dit qu’à la vérité Kyrus avait été un homme habile et courageux, mais qu’il n’avait rien entendu à la science du gouvernement199».

Enfin Cicéron, si versé dans la littérature grecque, qui dans son voyage à Athènes, comme dans ses conversations scientifiques à Rome, puisa la connaissance des traditions biographiques; Cicéron écrivant à son frère Quintus, lui dit: «Kyrus est peint par Xénophon, non comme vérité historique, mais comme image d’un gouvernement juste; dans cet ouvrage, le philosophe a su donner aux sujets les plus graves les formes les plus gracieuses et les plus douces200

Ainsi l’opinion des anciens, fondée en faits et en traditions de première source, a été que la Kyropædie de Xénophon est un pur roman politique et moral, une sorte de censure de la république idéale de Platon; ajoutons encore un panégyrique tacite du gouvernement royal, sujet cauteleux à traiter devant les démocrates Athéniens. Voilà pourquoi sans doute Xénophon s’est étudié à donner à son récit les formes et les vraisemblances de l’histoire, et à placer son héros sur un théâtre qu’il connaissait. Cela n’empêche pas qu’il ne trahisse son secret, lorsqu’il prête au Persan Kyrus, non-seulement la religion d’un Grec, mais encore le langage d’un disciple de Socrate, à tel point que toute la partie morale de son roman est la pure morale de ce philosophe, souvent avec les propres phrases de ses dits mémorables, recueillis par Xénophon, ou semés dans Platon, ainsi que l’a très-bien démontré l’abbé Fraguier dans son analyse du livre de Xénophon.201 L’intention et la position de cet écrivain étant expliquées et connues, on conçoit comment il dut écarter de l’histoire de son héros tout ce qui eût altéré le caractère juste et vertueux qu’il lui donnait. Un premier fait choquant était la rébellion de Kyrus contre son aïeul, et son usurpation du trône de Médie, attestées par Hérodote et avouées par Ktésias. Pour déguiser ce trait, Xénophon, s’appuyant du récit d’Hérodote, donne à Kyrus Mandane pour mère, Astyag pour aïeul, et le Persan Cambyse pour père; mais il suppose que ce dernier fut roi de Perse, quand à cette époque les Perses, tributaires des Mèdes, n’avaient de roi que dans le sens de satrape. Puis, afin de sauver à Kyrus le rôle odieux de détrôner son aïeul, il suppose qu’Astyag eut un fils appelé Kyaxarès, frère de Mandane, lequel succède légitimement à leur père: et enfin supposant encore à ce Kyaxarès une fille unique, il la marie avec Kyrus, qui, par tous ces moyens, arrive à l’empire en tout bien et en tout honneur.

Dans la question que nous venons d’exposer, il est remarquable que les partisans les plus distingués de Xénophon sont des gens de robe, ecclésiastique; l’archevêque Ussérius, l’évêque Bossuet, le doyen Prideaux, le recteur Rollin, l’abbé Banier, le pieux chevalier Marsham202. Pourquoi cela? par la raison que le récit de Xénophon prête à l’un des livres canoniques juifs un appui que lui refuse celui d’Hérodote, et que, prenant l’oncle prétendu de Kyrus (Kyaxarès) pour le Darius mède amené par Daniel au siége et au trône de Babylone, ils trouvent dans la Kyropædie un témoignage qui leur est refusé par toute l’histoire.

Ce livre de Daniel a jeté les chronologistes dans des embarras inextricables, parce qu’ils ont posé d’abord en principe ce qu’il fallait discuter comme question..... Qu’est-ce que le livre intitulé Daniel? Si le lecteur a la patience d’en lire une courte analyse, il y trouvera les moyens de juger par lui-même.

CHAPITRE XVIII.
Du livre intitulé Daniel

«L’an 3 de Ihouaqim, roi de Juda, Nabukodonosor vint assiéger Jérusalem, et Dieu livra en ses mains Ihouaqim et une partie des vases sacrés, que Nabukodonosor emporta dans la terre de Sennar et plaça dans le temple de son dieu203

 

Cette date de l’an 3 répond à l’an 605. Nous avons vu, par 3 passages de Jérémie, que Nabukodonosor ne fut roi que l’année suivante, 604, 4e de Ihouaqim: la bataille de Karkemis ne fut livrée qu’en cette année 4e, et jusque-là Nékos avait été le maître de la Syrie et de la Judée. Si Nabukodonosor prit Jérusalem et le roi Ihouaqim, ce ne put être qu’en 604, et par les suites de cette victoire; par conséquent la date de l’an 3 est impossible. Et comment imaginer que Nabukodonosor eût assiégé Jérusalem, pris le roi, enlevé les vases, sans que Jérémie, qui jouait alors un rôle très-remarquable d’opposition au roi, eût dit un seul mot de ces événements? Le livre des Rois n’en fait aucune mention, et le récit de ces deux autorités est tel, que l’on ne saurait y adapter cet anachronisme; enfin l’historien Josèphe, qui eut sous les yeux tous les détails du récit de Bérose, n’indique rien de semblable. La source de cette erreur se trouve dans les Paralipomènes, chap. 36, ainsi que nous l’avons remarqué ci-devant, page 237, à l’occasion d’un passage de Polyhistor; et cette conformité nous devient déjà un indice de la tardive et posthume composition du livre intitulé Daniel. Maintenant, que deviendront les règles de la critique en histoire, si les autorités que nous citons ne l’emportent pas sur celle d’un livre apocryphie, sans date et sans nom d’auteur? car un auteur n’a jamais dit, en parlant de lui-même: «Or Daniel vécut jusqu’à l’an Ier de Kyrus204

On suppose que Daniel, enlevé jeune en l’an 3, est emmené dans la terre de Sennaar, expression sans exemple pour désigner Babylone; qu’il y est élevé dans les sciences des Chaldéens, qui, comme l’on sait, consistaient surtout en astrologie et divination prohibées par Moïse.

Chap. 2. L’an 2 de son règne (603), Nabukodonosor a un songe qui l’alarme; il fait venir les voyants ou prophètes (shoufim), les devins et les découvreurs (makshafim); ils ne le satisfont point205: Daniel est appelé, et il explique le songe fameux de la statue d’or aux pieds d’argile, et des 4 grands empires (le Babylonien à blason d’or le Perse à blason d’argent, le Macédonien à blason d’airain, et le Romain à blason de fer).

Comment cette allégorie d’un genre tout grec se trouve-t-elle dans un auteur juif? Le grand monarque Nabukodonosor se prosterne devant son page le juif Daniel, et cependant peu après, irrité contre ses 3 amis juifs, qui refusent d’adorer le dieu Bel, il les fait jeter dans un brasier ardent, où ils se promènent en chantant, et d’où ils sortent sains et frais.

Au chapitre 4 vient l’histoire du grand arbre coupé et de Nabukodonosor changé en bête.—Chap. 5. Puis, sans transition, se présente Balthasar, fils de Nabukodonosor, qui donne un grand festin que trouble l’apparition de trois mots sur la muraille; Daniel les explique..... Le royaume de Balthasar est livré aux Mèdes et aux PersesLa nuit suivante Balthasar est tué et Darius règne dans Babylone.

Chap. 6. Le roi Darius établit 120 gouverneurs ou satrapes pour gouverner les 120 provinces de son empire, et 3 visirs supérieurs, dont l’un est Daniel. Darius fit un édit conformément aux lois des Mèdes et des Perses, et par suite de cet édit Daniel fut jeté dans la fosse aux lions, qui ne le touchèrent pas; et il continua de vivre jusqu’au règne de Darius et de Kyrus le Perse.

Les chap. 7 et 8 contiennent encore des visions de Daniel, l’une l’an 1er, l’autre l’an 3 de Balthasar, quoique ce prince soit mort au chap. 5.

Chap. 9. L’an 1er de Darius, Daniel voit dans les livres que le nombre des 70 années prédites par Jérémie touche à son terme: «70 sabbats (ou semaines d’années),» dit-il à Dieu, «ont été décrétés sur votre peuple.»

Chap. 10. L’an 3 de Kyrus, nouveau songe de Daniel. Enfin chap. 11. «L’an 1er de Darius, je l’aidai sans cesse à gouverner, et je vous dirai la vérité: il y aura en Perse 3 rois206. Le 4e amassera de grands trésors, et il fera la guerre aux Grecs (Xercès); puis s’élèvera un roi puissant qui fera tout ce qu’il voudra. Son empire sera divisé aux 4 coins du ciel et ne passera point à ses enfants (Alexandre). Puis un roi du midi (Ptolomée), dont un général (Séleucus) deviendra plus puissant que lui.... Puis les guerres de Syrie et la désolation du temple (sous Antiochus Epiphanès) (l’an 170 Av. J.-C.).»

Tel est le plan sommaire du livre intitulé Daniel. Si de nos jours un tel livre était découvert parmi les manuscrits sanscrits de l’Inde; si les brahmes nous présentaient un tel shastra comme réellement écrit au temps des rois de Babylone, nous ne manquerions pas de leur opposer les axiomes de critique établis par eux-mêmes; nous leur dirions, avec les savants anglais Maurice et Bentley207, que «tout livre est suspect d’altération et même de supposition, lorsqu’il contient des faits postérieurs à l’époque de son auteur; et quant au style prophétique employé par les compositeurs, nous insisterions sur la remarque de M. Bentley, à l’occasion du souria sidhanta, savoir: que de l’aveu des brahmes les plus honnêtes et les plus probes, il s’est fréquemment et depuis long-temps composé en Asie des livres apocryphes dans lesquels on a donné au récit une forme prophétique pour imposer plus de respect et de croyance à la foule des lecteurs

Maintenant, pourquoi ce qui est juste vis-à-vis des Indous ne le serait-il pas vis-à-vis des Juifs? Pourquoi, dans la cause d’autrui, emploierions-nous d’autres poids et d’autres mesures que dans la nôtre? Nos théologiens, ayant à leur tête saint Jérôme208, déclament contre le platonicien Porphyre, parce qu’il écrivit un livre pour prouver que les prophéties de Daniel n’ont point été écrites par un homme de ce nom, mais par un Juif anonyme, contemporain d’Antiochùs Epiphanès209, et qu’il fallait bien moins les regarder comme prédiction de ce qui doit arriver, que comme narration de ce qui s’était déjà passé.» Mais nos théologiens ne font pas attention que Porphyre a raisonné d’après les mêmes principes que nos savants biblistes et nos missionnaires dans la Chine et dans l’Inde. Or, si l’on applique au livre juif intitulé Daniel les principes par lesquels on juge les shastras et les pouranas, il n’est aucun jury équitable qui n’admette les propositions suivantes:

1° Que l’on ne connaît au livre de Daniel aucune date de composition;

2° Qu’il est hors de raison et de probabilité qu’un auteur dise de lui-même qu’il a vécu jusqu’en tel temps, et qu’en outre il y a contradiction entre le passage qu’il vécut jusqu’à l’an 1er de Kyrus (ch. 1er, vers. dernier), et qu’il eut une vision l’an 3e de ce même prince (chap. 6;);

3° Que le caractère vraiment prophétique ne peut être constaté que par l’antériorité bien authentique de l’oracle;

4° Que la chronologie dudit ouvrage, dans la partie des rois de Babylone, ne peut se concilier avec celle des historiens authentiques;

5° Que la partie mythologique porte évidemment le caractère de la mythologie persane et zoroastrienne;

6° Et que le style employé par l’auteur anonyme offre plusieurs mots persans et même grecs, contraires au génie de l’idiome hébreu, et qui ne se trouvent dans aucun autre livre de cette langue210;

7° Que, selon la remarque de saint Jérôme (p. 2074, tom. III), les prophéties de ce livre sont si énigmatiques, si obscures, que pour les comprendre il faut avoir lu une foule d’historiens grecs d’une époque tardive, entre autres Polybe et Possidonius; d’où il résulte, d’une part, qu’étant inintelligibles, lues isolément, elles ne peuvent impliquer croyance; et d’autre part, que, comparées avec l’histoire, elles en contiennent de tels détails, que l’on a droit de supposer que l’auteur les a connus et les a vêtus à sa manière.

Par tous ces motifs, il est constant que le livre de Daniel est un ouvrage apocryphe d’une date postérieure de plusieurs années à Antiochus Épiphanès; on peut même dire, dont la composition a été faite à diverses reprises et par plusieurs mains, dont la dernière a dû tarder jusqu’à l’entrée des Romains en Syrie.

Ces faits bien reconnus, on aperçoit à plusieurs problèmes chronologiques de Daniel une solution facile qu’ils n’ont reçue dans aucune autre hypothèse. A l’époque tardive où vécut le principal auteur, on conçoit que, semblable à ses confrères les auteurs de Judith, d’Esther, de Tobie; de Bel et Dagon, et autres apocryphes, il put être mal instruit de certaines parties d’histoire comprises dans son plan, et qui n’avaient été traitées que dans la langue grecque, peu cultivée jusqu’alors en Judée211. Par exemple, lorsqu’on analyse tout ce qu’il dit de Balthasar, de Darius le Mède, et de Kyrus, on se convainc qu’il a confondu et pris pour un seul et même événement les deux siéges et les deux prises de Babylone, mentionnés par Hérodote à 2 dates différentes; l’une en l’an 539 sous Kyrus, l’autre en l’an 507 ou 506 sous Darius, fils d’Hystaspes: de manière que, n’ayant point d’idée claire du second siége, il a attribué le premier à Darius, qu’il a cru être un roi mède, trompé probablement à cet égard par le récit de Xénophon.

 

La confrontation d’Hérodote va justifier notre opinion. Selon cet historien, un premier siége de Babylone eut lieu sous Kyrus. «Cette grande ville «fut prise alors, pour la première fois, par l’armée des Perses et des Mèdes réunis. Le roi de Babylone, à cette époque, était fils de Nitokris, et s’appelait Labynet, comme son père (Nabukodonosor). Ce jour-là les Babyloniens célébraient une fête, et ne s’occupaient que de plaisirs et de danses212

N’est-ce pas là le texte de Daniel? Balthasar est fils de Nabukodonosor (Labynet). Ce roi célèbre une grande fête; on ne s’occupe que de festins et de plaisirs. La ville est prise par les Mèdes et les Perses. Voilà bien le siége de Kyrus; mais, selon Daniel (ch. 5, vers. dernier), ce fut Darius Mède, qui régna âgé de 62 ans. Écoutons Hérodote: «L’an 15 de Darius, fils d’Hystaspes, la ville de Babylone se révolta contre ce prince; elle subit alors un second siége qui dura 20 mois; enfin, par l’effet d’un stratagème, elle fut prise une seconde fois par l’armée des Perses et des Mèdes réunis; et Darius régna (de nouveau) dans Babylone213. Ce fut même ce prince,» nous dit ailleurs Hérodote, «qui le premier divisa en 20 grands gouvernements ou satrapies la masse de l’empire perse jusqu’alors confuse.»

Nous disons que, trompé par ce second siége, l’auteur de Daniel a placé au premier siége un Darius Mède, qui n’est que le fils d’Hystaspes: la preuve en est dans tous les caractères qu’il donne à ce roi.

1° Il lui fait diviser l’empire perse en satrapies, comme Hérodote: le nombre n’est pas le même; au lieu de 20, c’est 120; mais cela peut venir d’une autre méprise. Josèphe nous apprend que Xercès étant mort, son trône passa à son fils Kyrus, appelé Artaxercès par les Grecs, lequel Kyrus divisa l’empire en 120 satrapies214. L’anonyme n’aurait-il pas confondu ce Kyrus avec le premier?

2° Il dit que Darius fut fils d’Ahshouroush, et de race mède; mais Ahshouroush n’est pas autre que Cambyses, comme il résulte du chap. 4 d’Ezdras. Ne connaissant point Smerdis, l’anonyme a cru que Darius, à titre de successeur de Cambyses, était son fils. Aussi ne compte-t-il que trois rois jusqu’à Xercès. Dès lors il a dû le faire de race mède, puisque Kyrus, père de Cambyses, était petit-fils d’Astyag.

3° Sans cesse il joint l’idée et le nom de Darius au nom et à l’idée de Kyrus… Daniel, dit-il, vécut jusqu’à l’an 1er de Kyrus, et il continua de vivre jusqu’au temps de Darius et de Kyrus.

4° L’an 1er de Darius, il lit dans les livres (de Jérémie), et il trouve que les 70 ans de captivité ou de désolation touchent à leur terme. Ce trait est décisif; car, si de l’an 587, où commença la captivité sous Nabukodonosor, vous descendez à l’an 520, qui fut la seconde année de Darius (année dans laquelle ce prince rendit son édit pour rebâtir le temple), vous aurez 68 ans révolus, qui sont le terme très-voisin de 70; enfin il est remarquable qu’un des plus anciens chronologistes chrétiens, Maxime le martyr, donnant une liste des rois de Babylone, après Kyrus et Cambyses, nomme Darius avec son épithète de Mède, ce qui prouve l’identité alors supposée du fils d’Hystaspes et du prétendu Darius de Daniel215. Maintenant si, comme nous le pensons, la méprise est incontestable, tout le livre de Daniel est jugé. Il n’est plus nécessaire de rechercher de quelle date doivent partir ni les 7 semaines qu’il compte depuis l’ordre de rebâtir jusqu’à l’oint de Dieu, ni les 62 semaines qu’il compte de là jusqu’à l’extermination d’un autre oint216. Seulement il convient de remarquer que la conversion des jours de ces semaines en années est totalement arbitraire; que les deux sommes ne doivent pas être réunies, comme l’a voulu Africanus, qui, par une autre erreur, compte 70 au lieu de 69, et cela, pour avoir une somme de 490 ans, dont le départ, dit-il, est l’an 20 d’Artaxercès. Mais si, comme il est de fait, l’an 20 d’Artaxèrcès correspond à l’an 445, la prophétie prétendue n’est pas applicable au cas que l’on indique… Au reste, il suffit de lire l’aventure des trois jeunes gens dans la fournaise, celle de Daniel dans la fosse aux lions, et la métamorphose du roi de Babylone en quadrupède paissant et broutant, pour voir que tout le livre doit être joint à celui de Bel et Dagon, et partager la sentence portée par les théologiens mêmes contre cette fabuleuse production217.

Relativement au roi de Babylone, l’historien Mégasthènes218 rapporte, d’après les Chaldéens, que Nabukodonosor eut une maladie qui semblerait avoir été ou la manie, ou l’épilepsie, l’une et l’autre regardées comme un mal divin, et que, dans un accès de ce mal, il émit une prophétie sur la prise de Babylone par Kyrus. Ce trait prouve que les prophéties étaient la mode de ce temps-là et le goût général des peuples. Lorsqu’une grande catastrophe arrivait, on la trouvait toujours prédite dans quelque livre ancien, avec d’autant plus de facilité qu’il n’en coûtait que l’insertion d’un feuillet de papyrus, ou de palmier, ou même d’un seul verset, dans les manuscrits reliés à l’indienne: le vainqueur en était flatté, apaisé, et le vaincu se consolait par la persuasion que l’événement était dû aux immuables décrets de la fatalité.

197Diog. Laert., Vita Platonis, tom. I, liv. III, pag. 185; et notes de Ménage, tom. II, pag. 152, n° 34. Voyez aussi Dacier, Vie de Platon, tom. I, p. 107 à III.
198Athénée, liv. XI.
199Aulugel. Noctes atticæ, lib. XIV, chap. 3.
200Cicero ad Quintum fratrem, epistola Iª. Cyrus ille a Xenophonte, non ad historiœ fidem scriptus, sed ad effigiem justi imperii.
201Voyez sa dissertation, Mémoires de l’Académie des inscript., tome III, pag. 58.
202Pétau fait exception; Fréret a varié.
203Daniel, chap. I.
204Daniel, chap. I, v. dernier.
205Le songe d’Astyag, dans Hérodote, offre les mêmes circonstances.
206A dater de Kyrus (Smerdis est omis).
207Asiatick Researches, tom. VIII, Mém. n° 6.
208Hieronym., Comment. in Daniel, tome III, page 1071.
209170 ans avant notre ère.
210Entre autres le mot symphonie. Voyez, à ce sujet, Michaelis, Dissertation sur le style du livre de Daniel.
211On peut remarquer que tous les apocryphes juifs sont postérieurs au siècle d’Alexandre, et qu’ils ont dû leur origine à la connaissance imparfaite que les Juifs prirent de la littérature grecque, à une époque où le bon goût fut altéré par le malheur des guerres.
212Lib. I, fin du § CXCI, et § CLXXXVII.
213Herod., lib III, in fine.
214Josèphe, Antiq. jud., lib., IX, chap. 6.
215Voyez Petau, Uranolog., p. 312 et 313.
216Sancti Hieronym., Comment. in Daniel, tome III, pag. 1110.
217Ce livre, comme celui de Suzanne, a été classé au rang des apocryphes dès le temps de saint Jérôme. Quant à Daniel, nous ajouterons la remarque qu’entre le style et les images de plusieurs de ses chapitres et de ceux de l’Apocalypse, il y a une analogie qui indique, 1° un rapprochement dans le temps de composition; 2° une identité de source religieuse et mythologique, qui, pour ces deux livres, est la théologie persane et mithriaque.
218Eusèbe, Prépar. évang., liv. IX.
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