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Les fleurs du mal

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VII
 
Je n’ai pas pour maîtresse une lionne illustre:
La gueuse, de mon âme, emprunte tout son lustre;
Invisible aux regards de l’univers moqueur,
Sa beauté ne fleurit que dans mon triste cœur.
Pour avoir des souliers elle a vendu son âme.
Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,
Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,
Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur.
Vice beaucoup plus grave, elle porte perruque.
Tous ses beaux cheveux noirs ont fui sa blanche nuque;
Ce qui n’empêche pas les baisers amoureux
De pleuvoir sur son front plus pelé qu’un lépreux.
Elle louche, et l’effet de ce regard étrange
Qu’ombragent des cils noirs plus longs que ceux d’un ange,
Est tel que tous les yeux pour qui l’on s’est damné
Ne valent pas pour moi son œil juif et cerné.
Elle n’a que vingt ans; – la gorge déjà basse
Pend de chaque côté comme une calebasse,
Et pourtant, me traînant chaque nuit sur son corps,
Ainsi qu’un nouveau-né, je la tette et la mords,
Et bien qu’elle n’ait pas souvent même une obole
Pour se frotter la chair et pour s’oindre l’épaule,
Je la lèche en silence avec plus de ferveur
Que Madeleine en feu les deux pieds du Sauveur.
La pauvre créature, au plaisir essoufflée,
A de rauques hoquets la poitrine gonflée,
Et je devine au bruit de son souffle brutal
Qu’elle a souvent mordu le pain de l’hôpital.
Ses grands yeux inquiets, durant la nuit cruelle,
Croient voir deux autres yeux au fond de la ruelle,
Car, ayant trop ouvert son cœur à tous venants,
Elle a peur sans lumière et croit aux revenants.
Ce qui fait que de suif elle use plus de livres
Qu’un vieux savant couché jour et nuit sur ses livres,
Et redoute bien moins la faim et ses tourments
Que l’apparition de ses défunts amants.
Si vous la rencontrez, bizarrement parée,
Se faufilant, au coin d’une rue égarée,
Et la tête et l’œil bas comme un pigeon blessé,
Traînant dans les ruisseaux un talon déchaussé,
Messieurs, ne crachez pas de jurons ni d’ordure
Au visage fardé de cette pauvre impure
Que déesse Famine a par un soir d’hiver,
Contrainte à relever ses jupons en plein air.
Cette bohème-là, c’est mon tout, ma richesse,
Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse,
Celle qui m’a bercé sur son giron vainqueur,
Et qui dans ses deux mains a réchauffé mon cœur.
 
VIII
 
Ci-gît, qui pour avoir par trop aimé les gaupes,
Descendit jeune encore au royaume des taupes.
 
IX
 
Noble femme au bras fort, qui durant les longs jours
Sans penser bien ni mal dors ou rêves toujours,
Fièrement troussée à l’antique,
Toi que depuis dix ans qui pour moi se font lents
Ma bouche bien apprise aux baisers succulents
Choya d’un amour monastique —
Prêtresse de débauche et ma sœur de plaisir
Qui toujours dédaignas de porter et nourrir
Un homme en tes cavités saintes,
Tant tu crains et tu fuis le stygmate alarmant
Que la vertu creusa de son soc infamant
Au flanc des matrones enceintes.
 
X
 
Tous imberbes alors, sur les vieux bancs de chêne
Plus polis et luisants que des anneaux de chaîne,
Que, jour à jour, la peau des hommes a fourbis,
Nous traînions tristement nos ennuis, accroupis
Et voûtés sous le ciel carré des solitudes,
Où l’enfant boit, dix ans, l’âpre lait des études.
C’était dans ce vieux temps, mémorable et marquant,
Où forcés d’élargir le classique carcan,
Les professeurs, encor rebelles à vos rimes,
Succombaient sous l’effort de nos folles escrimes
Et laissaient l’écolier, triomphant et mutin,
Faire à l’aise hurler Triboulet en latin. —
Qui de nous en ces temps d’adolescences pâles,
N’a connu la torpeur des fatigues claustrales,
– L’œil perdu dans l’azur morne d’un ciel d’été,
Ou l’éblouissement de la neige, – guetté,
L’oreille avide et droite, – et bu, comme une meute,
L’écho lointain d’un livre, ou le cri d’une émeute?
C’était surtout l’été, quand les plombs se fondaient,
Que ces grands murs noircis en tristesse abondaient,
Lorsque la canicule ou le fumeux automne
Irradiait les cieux de son feu monotone,
Et faisait sommeiller, dans les sveltes donjons,
Les tiercelets criards, effroi des blancs pigeons;
Saison de rêverie, où la Muse s’accroche
Pendant un jour entier au battant d’une cloche;
Où la Mélancolie, à midi, quand tout dort,
Le menton dans la main, au fond du corridor, —
L’œil plus noir et plus bleu que la Religieuse
Dont chacun sait l’histoire obscène et douloureuse,
– Traîne un pied alourdi de précoces ennuis,
Et son front moite encore des langueurs de ses nuits.
– Et puis venaient les soirs malsains, les nuits fiévreuses,
Qui rendent de leurs corps les filles amoureuses,
Et les font, aux miroirs, – stérile volupté, —
Contempler les fruits mûrs de leur nubilité, —
Les soirs italiens, de molle insouciance,
– Qui des plaisirs menteurs révèlent la science,
– Quand la sombre Vénus, du haut des balcons noirs,
Verse des flots de musc de ses frais encensoirs. —
……………………
Ce fut dans ce conflit de molles circonstances,
Mûri par vos sonnets, préparés par vos stances,
Qu’un soir, ayant flairé le livre et son esprit,
J’emportai sur mon cœur l’histoire d’Amaury.
Tout abîme mystique est à deux pas du doute. —
Le breuvage infiltré lentement, goutte à goutte,
En moi qui, dès quinze ans, vers le gouffre entraîné,
Déchiffrais couramment les soupirs de René,
Et que de l’inconnu la soif bizarre alterre,
– A travaillé le fond de la plus mince artère. —
J’en ai tout absorbé, les miasmes, les parfums,
Le doux chuchotement des souvenirs défunts,
Les longs enlacements des phrases symboliques,
– Chapelets murmurants de madrigaux mystiques;
– Livre voluptueux, si jamais il en fut. —
Et depuis, soit au fond d’un asile touffu,
Soit que, sous les soleils des zones différentes,
L’éternel bercement des houles enivrantes,
Et l’aspect renaissant des horizons sans fin
Ramenassent ce cœur vers le songe divin, —
Soit dans les lourds loisirs d’un jour caniculaire,
Ou dans l’oisiveté frileuse de frimaire, —
Sous les flots du tabac qui masque le plafond,
J’ai partout feuilleté le mystère profond
De ce livre si cher aux âmes engourdies
Que leur destin marqua des mêmes maladies,
Et, devant le miroir, j’ai perfectionné
L’art cruel qu’un démon, en naissant, m’a donné,
– De la douleur pour faire une volupté vraie. —
D’ensanglanter un mal et de gratter sa plaie.
Poète, est-ce une injure ou bien un compliment?
Car je suis vis à vis de vous comme un amant
En face du fantôme, au geste plein d’amorces,
Dont la main et dont l’œil ont, pour pomper les forces,
Des charmes inconnus. – Tous les êtres aimés
Sont des vases de fiel qu’on boit, les yeux fermés,
Et le cœur transpercé, que la douleur allèche,
Expire chaque jour en bénissant sa flèche.
 
XI
 
– Combien dureront nos amours?
Dit la pucelle au clair de lune.
L’amoureux répond: – Ô ma brune,
Toujours, toujours!
Quand tout sommeille aux alentours,
Élise, se tortillant d’aise,
Dit qu’elle veut que je la baise
Toujours, toujours!
Moi, je dis: – Pour charmer mes jours
Et le souvenir de mes peines,
Bouteilles; que n’êtes-vous pleines
Toujours, toujours!
Mais le plus chaste des amours,
L’amoureux le plus intrépide,
Comme un flacon s’use et se vide
Toujours, toujours!
 
XII
 
Au milieu de la foule, errantes, confondues,
Gardant le souvenir précieux d’autrefois,
Elles cherchent l’écho de leurs voix éperdues,
Tristes comme, le soir, deux colombes perdues
Et qui s’appellent dans les bois.
 
XIII
 
Je vis, et ton bouquet est de l’architecture:
C’est donc lui la beauté, car c’est moi la nature;
Si toujours la nature embellit la beauté,
Je fais valoir tes fleurs… me voilà trop flatté.
 
XIV. Monselet Paillard
 
Vers destinés à son portrait.
On me nomme le petit chat;
Modernes petites-maîtresses,
J’unis à vos délicatesses
La force d’un jeune pacha.
La douceur de la voûte bleue
Est concentrée en mon regard;
Si vous voulez me voir hagard,
Lectrices, mordez-moi la queue!
 
XV
 
D’un esprit biscornu le séduisant projet
– Qui de tant de héros va choisir Bruandet!
 
XVI
 
Vers laissés chez un ami absent
5 heures, à l’Hermitage.
Mon cher, je suis venu chez vous
Pour entendre une langue humaine;
Comme un, qui, parmi les Papous,
Chercherait son ancienne Athène,
Puisque chez les Topinambous
Dieu me fait faire quarantaine,
Aux sots je préfère les fous
– Dont je suis, chose, hélas! certaine.
Offrez à Mam’selle Fanny
(Qui ne répondra pas: Nenny,
Le salut n’étant pas d’un âne,)
L’hommage d’un bon écrivain,
– Ainsi qu’à l’ami Lécrivain
Et qu’à Mams’elle Jeanne.
 
XVII
 
Sonnet pour s’excuser de ne pas accompagner un ami à Namur.
Puisque vous allez vers la ville
Qui, bien qu’un fort mur l’encastrât,
Défraya la verve servile
Du fameux poète castrat;
Puisque vous allez en vacances
Goûter un plaisir recherché,
Usez toutes vos éloquences,
Mon bien cher Coco-Malperché.
(Comme je le ferais moi-même)
À dire là-bas combien j’aime
Ce tant folâtre Monsieur Rops,
Qui n’est pas un grand prix de Rome,
Mais dont le talent est haut comme
La pyramide de Chéops!
 
XVIII
 
Monsieur Auguste Malassis
Rue de Mercélis
Numéro trente-cinq bis
Dans le faubourg d’Ixelles,
Bruxelles.
(Recommandée à l’Arioste
De la poste,
C’est-à-dire à quelque facteur
Versificateur)
Amœnitates Belgicae
 

Venus Belga

 
(Montagne de la Cour)
Ces mollets sur ces pieds montés,
Qui vont sous des cottes peu blanches,
Ressemblent à des troncs plantés
Dans des planches
Les seins des moindres femmelettes,
Ici, pèsent plusieurs quintaux,
Et leurs membres sont des poteaux
Qui donnent le goût des squelettes.
Il ne me suffit pas qu’un sein soit gros et doux:
Il le faut un peu ferme, ou je tourne casaque.
Car, sacré nom de Dieu! je ne suis pas Cosaque
Pour me soûler avec du suif et du saindoux.
La propreté des demoiselles belges
Elle puait comme une fleur moisie
Moi, je lui dis (mais avec courtoisie):
«Vous devriez prendre un bain régulier
Pour dissiper ce parfum de bélier.»
Que me répond cette jeune hébétée?
«Je ne suis pas, moi, de vous dégoûtée!»
– Ici pourtant on lave le trottoir
Et le parquet avec un savon noir!
 

La propreté belge

 
«Bains». – J’entre et demande un bain. Alors le maître
Me regarde avec l’œil d’un bœuf qui vient de paître,
Et me dit: «Ça n’est pas possible, ça, sais-tu,
Monsieur!» – Et puis, d’un air plus abattu:
«Nous avons au grenier porté nos trois baignoires.»
J’ai lu, je m’en souviens, dans les vieilles histoires,
Que le Romain mettait son vin au grenier; mais,
Si barbare qu’il fût, ses baignoires, jamais!
Aussi, je m’écriai: «Quelle idée, ô mon Dieu!»
Mais l’ingénu: «Monsieur, c’est qu’on venait si peu!»
 

L’amateur des beaux-arts en Belgique

 
Un ministre qu’on dit le Mecenas flamand,
Me promenait un jour dans son appartement,
Interrogeant mes yeux devant chaque peinture,
Parlant un peu de l’art, beaucoup de la nature,
Vantant le paysage, expliquant le sujet,
Et surtout me marquant le prix de chaque objet.
– Mais voilà qu’arrivé devant un portrait d’Ingres,
(Pédant dont j’aime peu les qualités malingres)
Je fus pris tout à coup d’une sainte fureur
De célébrer David, le grand peintre empereur!
– Lui, se tourne vers son fournisseur ordinaire,
Qui se tenait debout comme un factionnaire,
Ou comme un chambellan qui savoure avec foi
Les sottises tombant des lèvres de son roi,
Et lui dit, avec l’œil d’un marchand de la Beauce:
«Je crois, mon cher, je crois que David est en hausse!»
 

Une eau salutaire

 
Joseph Delorme a découvert
Un ruisseau si clair et si vert
Qu’il donne aux malheureux l’envie
D’y terminer leur triste vie.
– Je sais un moyen de guérir
De cette passion malsaine
Ceux qui veulent ainsi périr:
Menez-les au bord de la Senne,
Voyez – dit ce Belge badin
Qui n’est certes pas un ondin —
La contrefaçon de la Seine.
– «Oui – lui dis-je – une Seine obscène!»
Car cette Senne, à proprement
Parler, où de tout mur et de tout fondement
L’indescriptible tombe en foule
Ce n’est guères qu’un excrément
Qui coule.
 

Les belges et la lune

 
On n’a jamais connu de race si baroque
Que ces Belges. Devant le joli, le charmant,
Ils roulent de gros yeux et grognent sourdement.
Tout ce qui réjouit nos cœurs mortels les choque.
Dites un mot plaisant, et leur œil devient gris
Et terne comme l’œil d’un poisson qu’on fait frire;
Une histoire touchante; ils éclatent de rire,
Pour faire voir qu’ils ont parfaitement compris.
Comme l’esprit, ils ont en horreur les lumières;
Parfois sous la clarté calme du firmament,
J’en ai vu, qui rongés d’un bizarre tourment,
Dans l’horreur de la fange et du vomissement,
Et gorgés jusqu’aux dents de genièvre et de bières,
Aboyaient à la Lune, assis sur leurs derrières.
 

Épigraphe pour l’atelier de M. Rops, fabricant de cercueils à Bruxelles

 
Je rêvais, contemplant ces bières
De palissandre ou d’acajou,
Qu’un habile ébéniste orne de cent manières:
«Quel écrin! et pour quel bijou!
Les morts, ici, sont sans vergogne!
Un jour, des cadavres flamands
Souilleront ces cercueils charmants.
Faire de tels étuis pour de telles charognes!»
 

La nymphe de la senne

 
«Je voudrais bien – me dit un ami singulier,
Dont souvent la pensée alterne avec la mienne, —
Voir la Naïade de la Senne;
Elle doit ressembler à quelque charbonnier
Dont la face est toute souillée.»
– «Mon ami, vous êtes bien bon.
Non, non! Ce n’est pas de charbon
Que cette nymphe est barbouillée!»
 

Opinion de M. Hetzel sur le faro

 
«Buvez-vous du faro?» – dis-je à monsieur Hetzel;
Je vis un peu d’horreur sur sa mine barbue,
– «Non, jamais! le faro (je dis cela sans fiel!)
C’est de la bière deux fois bue.»
Hetzel parlait ainsi, dans un Café flamand,
Par prudence sans doute, énigmatiquement;
Je compris que c’était une manière fine
De me dire: «Faro, synonyme d’urine!»
«Observez bien que le faro
Se fait avec de l’eau de Senne»
– «Je comprends d’où lui vient sa saveur citoyenne.
Après tout, c’est selon ce qu’on entend par eau!»
 

Un nom de bon augure

 
Sur la porte je lus: «Lise Van Swiéten»
(C’était dans un quartier qui n’est pas un Eden)
– Heureux l’époux, heureux l’amant qui la possède,
Cette Ève qui contient en elle son remède!
Cet homme enviable a trouvé,
Ce que nul n’a jamais rêvé,
Depuis le pôle nord jusqu’au pôle antarctique
Une épouse prophylactique!
 

Le rêve Belge

 
La Belgique se croit toute pleine d’appas;
Elle dort. Voyageur, ne la réveillez pas.
 

L’inviolabilité de la Belgique

 
«Qu’on ne me touche pas! Je suis inviolable!»
Dit la Belgique. – C’est hélas! incontestable.
Y toucher? Ce serait, en effet hasardeux,
Puisqu’elle est un bâton merdeux.
 

Épitaphe pour Léopold I

 
Ci-gît un roi constitutionnel,
(Ce qui veut dire: Automate en hôtel Garni)
Qui se croyait sempiternel
Heureusement, c’est bien fini!
 

Épitaphe pour la Belgique

 
On me demande une épitaphe
Pour la Belgique morte. En vain
Je creuse, et je rue et je piaffe;
Je ne trouve qu’un mot: «Enfin!»
 

L’esprit conforme

I
 
Cet imbécile de Tournai
Me dit: «J’ai l’esprit mieux tourné
Que vous, Monsieur. Ma jouissance
Dérive de l’obéissance;
J’ai mis toute ma volupté
Dans l’esprit de Conformité;
Mon cœur craint toute façon neuve
En fait de plaisir ou d’ennui,
Et veut que le bonheur d’autrui
Toujours au sien serve de preuve.»
Ce que dit l’homme de Tournai,
(Dont vous devinez bien, je pense,
Que j’ai retouché l’éloquence)
N’était pas si bien tourné.
 
II
 
Les Belges poussent, ma parole!
L’imitation à l’excès,
Et s’ils attrapent la vérole,
C’est pour ressembler aux Français.
 

Les panégyriques du roi

 
Tout le monde, ici, parle un français ridicule:
On proclame immortel ce vieux principicule.
Je veux bien qu’immortalité
Soit le synonyme
De longévité,
La différence est si minime!
Bruxelles, ces jours-ci, déclarait (c’est grotesque!)
Léopold immortel. – Au fait, il le fut presque.
 

Le mot de Cuvier

 
«En quel genre, en quel coin de l’animalité
Classerons-nous le Belge?» Une Société
Scientifique avait posé ce dur problème.
Alors le grand Cuvier se leva, tremblant, blême,
Et pour toutes raisons criant: «Je jette aux chiens
Ma langue! Car, messieurs les Académiciens,
L’espace est un peu grand depuis les singes jusques
Jusques aux mollusques!»
 

Au concert, à Bruxelles

 
On venait de jouer de ces airs ravissants
Qui font rêver l’esprit et transportent les sens;
Mais un peu lâchement, hélas! à la flamande.
«Tiens! l’on n’applaudit pas ici?» fis-je. – Un voisin,
Amoureux comme moi de musique allemande,
Me dit: «Vous êtes neuf dans ce pays malsain,
Monsieur? Sans ça, vous sauriez qu’en musique,
Comme en peinture et comme en politique,
Le Belge croit qu’on le veut attraper,
– Et puis qu’il craint surtout de se tromper.»
 

Une Béotie Belge

 
La Belgique a sa Béotie!
C’est une légende, une scie,
Un proverbe! – Un comparatif
Dans un état superlatif!
Bruxelles, ô mon Dieu! méprise Poperinghe!
Un vendeur de trois-six blaguant un mannezingue!
Un clysoir, ô terreur! raillant une seringue!
Bruxelles n’a pas droit de railler Poperinghe!
Comprend-on le comparatif
(C’est une épouvantable scie!)
À côté du superlatif?
La Belgique a sa Béotie!
 

La civilisation Belge

 
Le Belge est très civilisé;
Il est voleur, il est rusé;
Il est parfois syphilisé;
Il est donc très civilisé.
Il ne déchire pas sa proie
Avec ses ongles; met sa joie
À montrer qu’il sait employer
À table fourchette et cuiller;
Il néglige de s’essuyer,
Mais porte paletots, culottes,
Chapeau, chemise même et bottes;
Fait de dégoûtantes ribottes;
Dégueule aussi bien que l’Anglais;
Met sur le trottoir des engrais;
Rit du Ciel et croit au progrès
Tout comme un journaliste d’Outre-
Quiévrain; – de plus, il peut foutre
Debout comme un singe avisé.
Il est donc très civilisé.
 

La mort de Léopold I

I
 
Le grand juge de paix d’Europe
A donc dévissé son billard!
(Je vous expliquerai ce trope).
Ce roi n’était pas un fuyard
Comme notre Louis-Philippe.
Il pensait, l’obstiné vieillard.
Qu’il n’était jamais assez tard
Pour casser son ignoble pipe.
 
II
 
Léopold voulait sur la Mort
Gagner sa première victoire
Il n’a pas été le plus fort;
Mais dans l’impartiale histoire,
Sa résistance méritoire
Lui vaudra ce nom fulgurant:
«Le cadavre récalcitrant».
 

APPENDICE III. DOCUMENTS DIVERS

Projets de préface pour une édition nouvelle

Préface

La France traverse une phase de vulgarité. Paris, centre et rayonnement de bêtise universelle. Malgré Molière et Béranger, on n’aurait jamais cru que la France irait si grand train dans la voie du progrès. – Questions d’art, terrae incognitae.

 

Le grand homme est bête.

Mon livre a pu faire du bien. Je ne m’en afflige pas. Il a pu faire du mal. Je ne m’en réjouis pas.

Le but de la poésie. Ce livre n’est pas fait pour mes femmes, mes filles ou mes sœurs.

 

On m’a attribué tous les crimes que je racontais.

Divertissement de la haine et du mépris. Les élégiaques sont des canailles. Et verbum caro factum est. Or le poète n’est d’aucun parti. Autrement il serait un simple mortel.

Le Diable. Le péché originel. Homme bon. Si vous vouliez, vous seriez le favori du Tyran; il est plus difficile d’aimer Dieu que de croire en lui. Au contraire, il est plus difficile pour les gens de ce siècle de croire au diable que de l’aimer. Tout le monde le sent et personne n’y croit. Sublime subtilité du Diable.

Une âme de mon choix. Le Décor. – Ainsi la nouveauté. – L’Épigraphe. – D’Aurevilly. – La Renaissance. – Gérard de Nerval. – Nous sommes tous pendus ou pendables.

J’avais mis quelques ordures pour plaire à M. M. les journalistes. Ils se sont montrés ingrats.

Préface des Fleurs

Ce n’est pas pour mes femmes, mes filles ou mes sœurs que ce livre a été écrit; non plus que pour les femmes, les filles ou les sœurs de mon voisin. Je laisse cette fonction à ceux qui ont intérêt à confondre les bonnes actions avec le beau langage.

Je sais que l’amant passionné du beau style s’expose à la haine des multitudes; mais aucun respect humain, aucune fausse pudeur, aucune coalition, aucun suffrage universel ne me contraindront à parler le patois incomparable de ce siècle, ni à confondre l’encre avec la vertu.

Des poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du Mal. Ce livre, essentiellement inutile et absolument innocent, n’a pas été fait dans un autre but que de me divertir et d’exercer mon goût passionné de l’obstacle.

Quelques-uns m’ont dit que ces poésies pouvaient faire du mal; je ne m’en suis pas réjoui. D’autres, de bonnes âmes, qu’elles pouvaient faire du bien; et cela ne m’a pas affligé. La crainte des uns et l’espérance des autres m’ont également étonné, et n’ont servi qu’à me prouver une fois de plus que ce siècle avait désappris toutes les notions classiques relatives à la littérature.

Malgré les secours que quelques cuistres célèbres ont apportés à la sottise naturelle de l’homme, je n’aurais jamais cru que notre patrie pût marcher avec une telle vélocité dans la voie du progrès. Ce monde a acquis une épaisseur de vulgarité qui donne au mépris de l’homme spirituel la violence d’une passion. Mais il est des carapaces heureuses que le poison lui-même n’entamerait pas.

J’avais primitivement l’intention de répondre à de nombreuses critiques, et, en même temps, d’expliquer quelques questions très simples, totalement obscurcies par la lumière moderne: Qu’est-ce que la poésie? Quel est son but? De la distinction du Bien d’avec le Beau; de la Beauté dans le Mal; que le rythme et la rime répondent dans l’homme aux immortels besoins de monotonie, de symétrie et de surprise; de l’adaptation du style au sujet; de la vanité et du danger de l’inspiration, etc. , etc.; mais j’ai eu l’imprudence de lire ce matin quelques feuilles publiques; soudain, une indolence, du poids de vingt atmosphères, s’est abattue sur moi, et je me suis arrêté devant l’épouvantable inutilité d’expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit. Ceux qui savent me devinent, et pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas comprendre, j’amoncellerais sans fruit les explications.

C. B.

Comment, par une série d’efforts déterminée, l’artiste peut s’élever à une originalité proportionnelle;

Comment la poésie touche à la musique par une prosodie dont les racines plongent plus avant dans l’âme humaine que ne l’indique aucune théorie classique;

Que la poésie française possède une prosodie mystérieuse et méconnue, comme les langues latine et anglaise;

Pourquoi tout poète, qui ne sait pas au juste combien chaque mot comporte de rimes, est incapable d’exprimer une idée quelconque;

Que la phrase poétique peut imiter (et par là elle touche à l’art musical et à la science mathématique) la ligne horizontale, la ligne droite ascendante, la ligne droite descendante; qu’elle peut monter à pic vers le ciel, sans essoufflement, ou descendre perpendiculairement vers l’enfer avec la vélocité de toute pesanteur; qu’elle peut suivre la spirale, décrire la parabole, ou le zigzag figurant une série d’angles superposés;

Que la poésie se rattache aux arts de la peinture, de la cuisine et du cosmétique par la possibilité d’exprimer toute sensation de suavité ou d’amertume, de béatitude ou d’horreur, par l’accouplement de tel substantif avec tel adjectif, analogue ou contraire;

Comment, appuyé sur mes principes et disposant de la science que je me charge de lui enseigner en vingt leçons tout homme devient capable de composer une tragédie qui ne sera pas plus sifflée qu’une autre, ou d’aligner un poème de la longueur nécessaire pour être aussi ennuyeux que tout poème épique connu.

Tâche difficile que de s’élever vers cette insensibilité divine! Car moi-même, malgré les plus louables efforts, je n’ai su résister au désir de plaire à mes contemporains, comme l’attestent en quelques endroits, apposées comme un fard, certaines basses flatteries adressées à la démocratie, et même quelques ordures destinées à me faire pardonner la tristesse de mon sujet. Mais MM. les journalistes s’étant montrés ingrats envers les caresses de ce genre, j’en ai supprimé la trace, autant qu’il m’a été possible, dans cette nouvelle édition.

Je me propose, pour vérifier de nouveau l’excellence de ma méthode, de l’appliquer prochainement à la célébration des jouissances de la dévotion et des ivresses de la gloire militaire, bien que je ne les aie jamais connues.

Note sur les plagiats. – Thomas Gray. Edgar Poe (2 passages). Longfellow (2 passages). Stace. Virgile (tout le morceau d’Andromaque). Eschyle. Victor Hugo.

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