De retour à la maison

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« Alors il n’y a pas vraiment de pistes, c’est bien ça ? » demanda Rhodes.

« C’est bien ça, » dit Anderson.

Chloé baissa les yeux vers les planches en bois du porche. Elle observa la tache de sang et elle repensa au sang qu’elle avait vu sur la bouilloire de son père. Un frisson lui traversa le corps et elle sut qu’elle ne parviendrait pas à en faire abstraction. La disparition de Danielle allait la hanter jusqu’à ce qu’elle sache où elle se trouvait, enquête ou pas enquête.

Le pire de tout, c’était qu’elle commençait à en vouloir à Danielle, en se demandant si elle n’avait pas recommencé à faire n’importe quoi sans réfléchir, comme elle avait l’habitude de le faire dans le passé.

Si je la retrouve, peut-être que je pourrai éviter qu’elle fasse des bêtises, pensa Chloé.

Elle avait envie d’y croire. Mais en regardant la tache de sang de Bo Luntz, elle se dit que, en ce qui concernait sa sœur, c’était probablement déjà trop tard, comme c’était le cas pour Luntz.

***

Pour Chloé, il y avait deux types de médecins légistes : ceux qui étaient plutôt discrets et presque moroses dans leur travail, et ceux qui étaient du genre nerveux et un peu trop passionnés par ce qu’ils faisaient. La femme médecin légiste qui s’occupait du corps de Bo Luntz était du deuxième type. Elle s’appelait Gerda Holloway et elle avait l’air tout droit sortie d’une émission télé pour célibataires. On n’aurait jamais pu deviner qu’elle travaillait sur des cadavres. Elle vint les retrouver dans le vestibule du cabinet. Elle était vraiment très belle, avec ses cheveux attachés en queue de cheval et ses lunettes de bibliothécaire.

« Agents Rhodes et Fine, » dit Rhodes, après qu’Holloway se soit présentée.

« Venez avec moi, » dit Holloway. « Vous pourrez ainsi jeter un coup d’œil au corps. »

Elles la suivirent le long d’un couloir. Quand elles arrivèrent à la salle d’examen où le corps de Luntz était conservé, Holloway leur ouvrit la porte en souriant, comme si elles étaient des amies qu’elle avait invité à dîner, et non des agents du FBI sur le point d’examiner le cadavre d’une victime d’un meurtre.

Elles entrèrent dans la pièce et il fallut un moment à Chloé pour que ses yeux s’habituent à la luminosité qui y régnait et aux surfaces aseptisées. Chaque fois qu’elle entrait dans la salle d’examen d’un médecin légiste, elle avait l’impression d’entrer dans un autre univers. Puis elle voyait le corps allongé sur la table et ça la ramenait généralement à la réalité.

Et c’était le cas maintenant avec Bo Luntz. Il était allongé sur la table, les yeux fermés. À part la blessure qu’il avait au front, il avait l’air plutôt normal. Holloway laissa un moment aux agents avant de s’avancer vers le corps, une tablette en main.

« Comme vous pouvez le voir, il a subi un traumatisme crânien, » dit Holloway. « Il est impossible de savoir exactement ce qui l’a causé mais vu l’angle, la profondeur de la blessure et la manière dont le crâne a été renfoncé, ça pourrait être quelque chose d’aussi ordinaire qu’une pierre, ou aussi complexe qu’une décoration de jardin en ciment. »

« Est-ce qu’on peut en déduire quoi que ce soit concernant l’assassin ? » demanda Chloé.

« Eh bien, comme vous pouvez le voir, l’angle de la blessure présente une légère inclinaison vers le haut. Le coup semble avoir été porté dans cette direction. Ce qui indique que l’assassin était plus petit que la victime. »

« Selon le dossier, » dit Rhodes, « Bo Luntz faisait un mètre quatre-vingt-cinq. Alors il devait être plus grand que beaucoup de gens. »

« C’est vrai, » dit Holloway. « En revanche, en observant très attentivement la marque le long du crâne, il y a des indices qui signalent qu’il a été frappé à deux reprises. Et le deuxième coup était un peu plus fort, mais porté en oblique. »

Chloé s’approcha de la table et vit exactement ce qu’Holloway voulait dire. Sur le côté gauche de la marque sur le front de Luntz, le renfoncement était plus profond de cinq centimètres. L’endroit était également légèrement plus foncé, comme s’il avait été frappé avec plus de force. Chloé pencha la tête et essaya d’imaginer si ça pouvait avoir été causé par une arme ayant une forme un peu bizarre.

« Je pense, » dit Holloway, « qu’il a été frappé à deux reprises. Et que les coups ont été portés rapidement l’un après l’autre. Ce qui expliquerait le fait qu’il ait été frappé au même endroit. Mais vu que le deuxième coup semble l’avoir atteint en oblique, je pense qu’il a été porté au moment où il perdait l’équilibre. »

« Et les deux coups l’ont atteint en plein milieu du front, » dit Chloé. « Si c’était l’œuvre de quelqu’un qui l’avait pris par surprise, il lui aurait été difficile de le frapper à cet endroit, non ? »

« Oui. Ça n’aurait pas été totalement impossible, mais très difficile. »

« Alors quelqu’un qu’il connaissait probablement se trouvait dans la maison ? » suggéra Rhodes.

« Je parierais là-dessus, » dit Holloway.

Chloé réfléchit aux détails que Johnson leur avait communiqués, ainsi qu’aux informations fournies par Anderson. Aucun signe d’entrée par effraction, aucun signe de lutte, et ça s’est passé le jour de leur anniversaire de mariage. Au premier coup d’œil, tout indiquait que la femme pourrait être responsable.

« À part la chaussette, est-ce que vous avez trouvé autre chose dans sa gorge ? » demanda Chloé.

« Non. Mais elle a sûrement été placée là après sa mort. La langue était enfoncée dans sa gorge. Si la chaussette lui avait été mise en bouche alors qu’il était encore vivant, les muscles de sa langue auraient instinctivement cherché à la repousser. »

Cette chaussette rendait l’affaire un peu plus bizarre. C’était le genre d’élément inhabituel sur lequel Chloé avait tendance à s’attarder, vu qu’il devait probablement cacher une forme de symbolisme. Et derrière le symbolisme, se cachait en général un mobile.

Chloé regarda le corps de Luntz pendant encore quelques instants, en essayant d’y trouver un quelconque indice qui pourrait leur donner une autre piste que celle de l’épouse. Mais elle ne vit rien de plus. Elles remercièrent Holloway et quittèrent le cabinet.

« Tu penses également que ça pourrait être sa femme ? » demanda Rhodes, au moment où elles sortaient du bâtiment.

« Oui. Et même si elle n’était pas une suspecte potentielle – ce qu’elle est pour l’instant – ne serait-ce que pour lui demander si elle sait pourquoi une chaussette avait été enfoncée dans la gorge de son mari. »

Rhodes acquiesça d’un signe de tête. Elles traversèrent le parking et entrèrent dans leur véhicule. Avant même d’être sorties du parking, Chloé était déjà au téléphone avec le détective Anderson pour lui demander où se trouvait Sherry Luntz. En prenant son téléphone, elle n’avait pas pu s’empêcher d’avoir l’espoir d’y voir un appel perdu de la part de Danielle.

Mais ce n’était pas cas. Et Chloé n’eut pas d’autre choix que de supposer le pire et d’essayer d’enfouir sa préoccupation sous l’affaire Luntz.

CHAPITRE SIX

Anderson n’avait pas l’air d’avoir très envie qu’elles aillent parler à Sherry Luntz. D’après les rapports de police, elle avait été tellement affectée émotionnellement par la découverte du corps de son mari qu’elle s’était évanouie à deux reprises. Mais ce n’était pas ça qui allait arrêter Chloé. Elle avait déjà eu affaire à des veuves en deuil et elle savait que beaucoup d’entre elles savaient des choses qui pouvaient permettre de faire avancer l’enquête.

« C’est la seule suspecte potentielle que nous avons pour l’instant, » dit Chloé à Anderson. « Avec tout le respect que je vous dois, soit vous nous dites où on peut la trouver, soit on appelle Washington pour obtenir l’information. »

Anderson finit par plier et lui dit que Sherry restait chez sa sœur, en ville. « Mais écoutez, » dit-il. « Je tiens vraiment à insister sur le fait que cette femme est complètement anéantie. Est-ce qu’il serait possible que seule l’une d’entre vous l’interroge ? »

Ce n’était pas la manière dont Chloé avait l’habitude de procéder mais elle savait également que ça ne valait pas la peine de discuter. De plus, si l’une d’entre elles rendait visite à Sherry, pendant ce temps-là, l’autre pourrait aller interroger les voisins des Luntz.

C’est comme ça que Chloé finit par arriver seule devant la maison de Tamara Nelson, la sœur de Sherry, vingt minutes plus tard. Rhodes avait eu l’air contente de parler aux voisins pendant que Chloé allait interroger Sherry. Bien que Chloé n’aime pas particulièrement parler à des personnes en deuil, elles savaient toutes les deux qu’elle était beaucoup plus compatissante que Rhodes. Ce n’était pas quelque chose dont Rhodes était particulièrement fière, mais elle l’acceptait.

Anderson avait appelé Tamara pour la prévenir qu’un agent du FBI allait lui rendre visite. Alors quand Chloé frappa à la porte, elle s’ouvrit presque immédiatement. Deux femmes apparurent et il fut très facile à Chloé de deviner laquelle était Sherry Luntz. Elle se tenait légèrement en retrait derrière sa sœur, ses cheveux roux en pagaille, le visage pâle et de larges cernes foncées sous ses yeux injectés de sang, tellement elle avait pleuré. Bien qu’on eût dit que ses yeux allaient se fermer d’un moment à l’autre, il y avait également tellement de tristesse dans son regard que Chloé sut tout de suite que cette femme n’allait probablement pas trouver le sommeil de sitôt.

« Sherry Luntz ? » demanda Chloé.

La femme fragile et épuisée hocha la tête, mais sans faire un mouvement de plus. Sa sœur resta devant elle, comme pour la protéger.

 

« Je suis l’agent Fine. Je pense que le détective Anderson vous a appelée pour vous prévenir de ma visite, n’est-ce pas ? »

« Oui, en effet, » dit Tamara. « J’espère que vous ne le prendrez pas mal, mais je resterai avec vous dans la pièce pendant que vous parlez à Sherry. »

« Oui, bien sûr, je comprends, » dit Chloé. Elle commençait à se demander si Sherry allait parler tout court. Elle avait l’air dans un état second – à la limite du coma.

Tamara se retourna et rentra dans la maison sans vraiment inviter Chloé à la suivre. Mais elle le fit tout de même, en refermant la porte derrière elle. Tamara la guida jusque dans un salon joliment décoré. Une odeur agréable venait d’ailleurs dans la maison – une odeur de thé, se dit Chloé.

« Je comprends combien c’est dur pour vous, madame Luntz, » dit Chloé. « Alors j’essaierai de faire vite. »

« Non, ne vous tracassez pas, » dit Sherry. Au son de sa voix, on aurait dit qu’elle venait de se réveiller d’un sommeil de douze heures, après une soirée bien arrosée. « Je veux savoir ce qui s’est passé. Alors n’arrondissez pas les angles pour moi. »

Chloé jeta un coup d’œil en direction de Tamara, comme pour lui demander son approbation. La sœur haussa les épaules d’un air las.

« Madame Luntz, j’ai déjà été informée des détails de cette journée, alors nous ne sommes pas obligées d’en reparler. Ce que j’aurais aimé savoir, c’est s’il y avait certaines choses dans la vie de votre mari dont nous n’aurions pas connaissance. Est-ce qu’il avait des ennemis ou est-ce qu’il y avait des gens qui ne l’appréciaient pas ? »

« J’y ai également beaucoup réfléchi, en essayant de trouver quelqu’un qui aurait pu lui vouloir du mal, » dit-elle. « La seule personne qui m’est venue à l’esprit, c’est un ancien concurrent en affaires, mais il vit maintenant en Californie. Ça peut paraître un peu exagéré, mais vraiment, tout le monde appréciait Bo. »

« Est-ce qu’il vous a récemment parlé de difficultés dans son boulot ? »

« Non. Rien de tout cela. J’ai même demandé à Tamara d’appeler son patron pour savoir s’il m’avait caché quelque chose, mais il n’y avait rien. »

« Vous avez un enfant ensemble, c’est bien ça ? » demanda Chloé.

« Oui, un fils. Luke. Il a commencé l’université cette année. Il est aussi ici, chez Tamara. Il est occupé à dormir dans la chambre d’amis. Il a du mal à… accepter ce qui vient de se passer. »

« Est-ce que vous lui avez posé la question ? Est-ce qu’il a une idée de qui aurait bien pu vouloir faire du mal à son père ? » demanda Chloé.

« Pas de manière aussi directe, mais oui. On s’est demandé qui pourrait bien avoir fait ça. Ça pourrait être un cambriolage, mais… rien n’a été volé. Il ne manque rien. »

« J’ai appelé la banque de Sherry hier, » dit Tamara. « Toutes leurs cartes de crédit étaient encore dans le portefeuille de Bo, mais je me suis dit qu’il pourrait y avoir eu une sorte de fraude numérique ou quelque chose dans le genre. Mais tout est en ordre. Si c’est l’œuvre d’un sociopathe, c’était juste pour le plaisir quitter la vie à quelqu’un. »

« On a encore été vérifier hier soir, Luke et moi, » dit Sherry. « Mais rien ne manquait dans la maison. Tout était là. »

Chloé savait ce qu’elle voulait lui demander ensuite, mais ça allait être une question difficile à poser. Elle était de plus en plus certaine que Sherry n’avait rien à voir avec la mort de son mari. Il était possible de faire semblant de pleurer, et même de s’effondrer de chagrin. Mais perdre connaissance en présence de la police et manquer de sommeil au point d’avoir l’air d’un véritable zombie… c’était bien plus compliqué.

« Est-ce que vous avez remarqué s’il y avait quoi que ce soit qui n’était pas à sa place dans la maison, ou même dans le jardin ou sur le porche arrière ? Même si ça n’avait été déplacé que de quelques centimètres ? » demanda-t-elle. C’était sa manière de demander s’ils avaient éventuellement trouvé l’objet utilisé pour attaquer Bo.

« Nous n’avons rien remarqué. »

« Est-ce que quelqu’un avait le double de la clé de votre maison ? »

« Personne. Nous n’avons jamais eu besoin de donner un double de notre clé. On n’a jamais eu de femme de ménage, ni de membres de la famille qui logeaient chez nous. »

« Et est-ce que vous aviez un système de sécurité ? Je n’en ai pas vu quand je suis allé inspecter votre maison avec ma coéquipière. »

« Non. On n’arrêtait pas de dire qu’il faudrait qu’on en installe un, mais le quartier est tellement tranquille… c’était quelque chose qu’on remettait continuellement à plus tard. »

« Encore une chose, madame Luntz… et je suis désolée mais ça pourrait être une question difficile pour vous. »

« Allez-y, je suis prête. »

« Un détail vraiment étrange sur le corps de votre mari, c’était… »

« La chaussette dans sa bouche, » dit-elle. Elle le dit sur un ton résigné, comme si elle s’attendait à cette question.

« Oui. Vous avez une idée de ce que ça pourrait signifier ? »

« Absolument aucune idée, » dit Sherry, la voix tremblante. « Quand je l’ai trouvé, j’ai vu qu’il y avait quelque chose dans sa bouche, mais je ne savais pas ce que c’était. Je ne l’ai su que des heures plus tard, quand je m’en suis rappelée et que j’ai posé la question à la police. Le détective Anderson m’a dit que c’était une chaussette. En entendant ça, j’ai d’abord cru que j’étais à nouveau dans le gaz et que j’entendais des voix mais… non. C’était bien ça… une chaussette. Il m’en a même montré une photo hier soir, après que… après que le médecin légiste… »

« Si vous voulez, on peut arrêter là, madame Luntz, » dit Chloé.

« Je ne sais pas si ça peut vous aider, » dit Sherry, « mais ce n’était pas une de ses chaussettes. Il détestait les chaussettes épaisses, même en hiver. Ses pieds avaient tendance à transpirer et des chaussettes épaisses, c’était vraiment inconfortables pour lui. » L’ombre d’un sourire se dessina sur ses lèvres quand elle se rappela ce détail concernant son mari.

Chloé sortit une carte de visite de la poche de sa veste et la tendit à Tamara. « S’il vous plaît… si vous vous rappelez quoi que ce soit, même un détail, n’hésitez pas à m’appeler. »

« Bien entendu, » dit Tamara. Mais elle regarda à peine Chloé. Toute son attention était concentrée sur sa sœur. Après un silence gênant, Tamara se leva de son siège pour raccompagner Chloé jusqu’à la porte d’entrée.

Tamara sortit avec elle sur le porche et referma la porte derrière elles. Elle croisa les bras sur sa poitrine et regarda Chloé d’un air désolé.

« Elle n’exagère pas du tout, » dit Tamara. « Bo était vraiment un type bien, vous savez ? Humble, honnête, il aimait sa femme et son fils. Je n’ai jamais entendu qui que ce soit dire quelque chose de mal à son sujet – pas même notre mère, et ce n’est pas peu dire. »

« Vous n’êtes pas la seule à me le dire. Mais il y a une question que j’aimerais vous poser… et ce n’est que par pure formalité. »

« Si je pense que Sherry pourrait l’avoir tué ? »

Chloé fronça les sourcils et hocha la tête. « Je suis convaincue que ce n’est pas elle, mais j’ai besoin de l’entendre de quelqu’un qui la connait bien. »

« C’est impossible que ce soit Sherry. Et même si je pensais qu’elle pourrait avoir fait une telle chose, il vous serait facile de vérifier avec son boulot. La police l’a déjà fait, d’ailleurs. Sur les caméras de sécurité, on la voit sortir de son travail à dix-sept heures deux, cet après-midi-là. Vu l’heure à laquelle ils pensent qu’il a été tué… il est impossible que ce soit elle. »

Chloé faillit lui demander si Bo cachait certaines choses à sa femme. Mais elle se ravisa en se disant que non seulement elle n’obtiendrait aucune information utile de Tamara, mais aussi qu’elle risquait de la contrarier. Et pour l’instant, elle avait une épouse en deuil et une sœur solidaire qui pourraient peut-être lui fournir des informations utiles par la suite.

« Je vous remercie pour le temps que vous m’avez consacré, » dit Chloé. « Et si vous pensez à quoi que ce soit, appelez-moi. »

« Je n’y manquerai pas. »

Chloé descendit les marches du porche et retourna à sa voiture, en espérant que Rhodes en ait appris plus qu’elle. Rhodes avait une manière pressante de poser des questions précises tout en restant polie, et si elle avait seulement interrogé des voisins qui n’avaient aucun lien émotionnel avec la victime, peut-être qu’elle avait eu plus de chance qu’elle. Chloé se remit en route vers le quartier des Luntz, sous une petite pluie fine qui donnait une lueur grisâtre à la journée.

Chloé n’était pas du genre à croire aux présages, ni aux superstitions, mais elle ne put s’empêcher d’avoir l’impression que cette pluie – qui semblait tomber de plus en plus drue – pourrait être un signe de ce qui les attendait.

CHAPITRE SEPT

Rhodes avait l’air de bonne humeur quand Chloé la retrouva. S’il y avait quelque chose qui l’avait légèrement agacée, c’était d’être légèrement mouillée par la pluie qui était tombée. Après l’avoir récupérée, Chloé démarra tout de suite. Elle avait envie de trouver un endroit au chaud pour comparer leurs notes, peut-être une cafétéria. Elles pourraient y boire un café et décider des prochaines étapes à suivre.

« Tu as appris quelque chose ? » demanda-t-elle, en arrivant au bout de la rue des Luntz et en s’engageant dans la rue principale du quartier.

« Eh bien, j’ai découvert qu’il semblerait y avoir une sorte de fan club autour de Bo Luntz, » dit Rhodes. « Non seulement tout le monde l’adore mais il y a même quelques personnes qui ont émis le regret de n’avoir pas eu l’occasion de mieux le connaître. »

« À combien de personnes est-ce que tu as pu parler ? »

« J’ai quadrillé toute la rue. La plupart des gens étaient au travail mais j’ai réussi à parler à quatre personnes différentes. Ils ont tous dit du bien de Bo. Une dame âgée qui vit dans la rue m’a raconté que Bo lui a prêté sa voiture pendant trois semaines après qu’elle ait eu un accident avec la sienne et que la compagnie d’assurance faisait traîner le dossier. Il l’a fait sans hésiter, alors qu’il la connaissait à peine. »

« Et personne n’a vu, ni entendu, quoi que ce soit ? » demanda Chloé.

« Non, personne. »

On dirait que c’est un schéma récurrent, dernièrement, pensa Chloé, en se disant combien il avait été facile à Danielle et à son père de tout simplement disparaître.

Elles restèrent silencieuses jusqu’à ce qu’elles arrivent devant un coffee shop pseudo-branché, spécialisé en muffins sans gluten. Ça faisait assez longtemps qu’elles travaillaient ensemble pour être à l’aise au moment d’entrer dans un endroit, passer commande, aller aux toilettes et se retrouver à une table pour examiner leurs notes. Chloé était parfois un peu surprise combien leur relation avait évolué. Elle avait l’impression que ça remontait à hier quand Rhodes avait été agacée par le fait de se retrouver coincée avec Chloé en tant que coéquipière. C’était bien entendu avant que Chloé lui sauve la vie, le jour où elle avait reçu une balle lors de leur première enquête ensemble.

Chloé but une gorgée de son café pendant que Rhodes mélangeait son thé vert. Elles se mirent à examiner leurs notes et à les comparer, en se rendant compte que les voisins et la famille n’avaient rien apporté de neuf à l’enquête.

La seule certitude que Chloé avait maintenant à offrir, c’était que Sherry n’avait rien à voir avec le meurtre de son mari. « Je pense qu’on peut écarter la femme de notre liste de suspects. Sa sœur dit que la police a vérifié et que Sherry apparaît sur les caméras de sécurité, quittant son boulot à dix-sept heures deux. Ça ne colle pas avec l’heure présumée du meurtre. »

Rhodes hocha la tête, en feuilletant les quelques pages de dossier qu’elles avaient sur l’affaire. « Ils pensent qu’il a été assassiné entre quinze heures trente et seize heures quarante-cinq. Des collègues de Bo ont affirmé qu’il était encore au bureau vers quinze heures trente. D’après l’un d’entre eux, Bo avait mentionné qu’il partirait plus tôt pour préparer quelque chose de spécial pour leur anniversaire de mariage. »

« C’est bizarre. C’est comme si l’assassin savait qu’il rentrerait plus tôt chez lui. »

« Soit ça, soit l’assassin était déjà là pour une autre raison et il a tué Bo sous l’effet de la surprise. »

Elles restèrent silencieuses un moment. Chloé regarda la pluie qui tombait de plus en plus drue dehors. « Sherry Luntz dit que personne n’avait la clé de leur maison. Aucun membre de la famille, pas de femme de ménage, aucun ami, personne. »

 

« Et aucun signe d’entrée par effraction… »

Chloé savait où allaient les mener leurs déductions. C’était une explication logique même si elle n’avait pas vraiment l’impression que ça tenait la route. Mais elle le dit tout de même. « Alors, Bo a laissé entrer l’assassin. Peut-être même que cette personne est arrivée chez lui avec lui. »

« Une liaison extra-conjugale, peut-être ? »

« Mouais. Mais… s’il projetait de faire quelque chose de spécial cet après-midi-là pour leur anniversaire de mariage, ça paraît tout de même culotté, non ? »

« Ou stupide, » dit Rhodes.

« Et tu sais, il y a également autre chose. Tout ce que nous savons au sujet du meurtre de la première victime, Richard Wells, semble être une copie conforme de ce qui est arrivé à Bo Luntz. La chaussette enfoncée dans la gorge, un coup au niveau du front. Et deux jours se sont écoulés entre les deux meurtres. Si tu fais le calcul… »

« Si tu fais le calcul, » continua Rhodes, « et qu’il s’agit d’un tueur en série et non pas d’incidents isolés, il pourrait y avoir une autre victime dans les prochaines vingt-quatre heures. »

« Peut-être qu’il serait temps qu’on arrête de creuser sur Luntz et qu’on fasse un peu plus de recherches sur la première victime. »

« Oui, mais Anderson a dit qu’il n’y avait aucune personne proche dans la région, » dit Rhodes. « Pas de famille, pas d’amis, personne. »

« Exactement, » dit Chloé, en se levant de son siège. « Et si tu veux mon avis, c’est exactement le genre d’homme qui doit avoir pas mal de secrets. »

***

Pendant le trajet vers Eastbrook, elles appelèrent la police locale. Vu que c’était une toute petite ville avec des forces de police assez limitées, une femme du département des archives put leur envoyer par email des copies numériques du dossier, plutôt que de faire venir Chloé et Rhodes jusqu’au commissariat. En ce qui concernait Chloé, c’était plutôt une bonne nouvelle. Elle préférait de loin travailler sur une enquête sans être assistée par la police locale. Oui, bien sûr, leur aide était souvent très utile mais ils avaient également tendance à compatir avec les gens du coin et à avoir un point de vue biaisé.

Elles se trouvaient à sept kilomètres d’Eastbrook quand elles reçurent les dossiers. Rhodes les lut à haute voix pendant que Chloé conduisait. La pluie avait cessé et le soleil commençait à briller à travers les nuages. De la brume s’élevait de la route devant eux.

« Richard Wells, cinquante-deux ans, habitant d’Eastbrook pour la plus grande partie de sa vie d’adulte. Il a très peu d’antécédents – deux amendes pour conduite en état d’ivresse et une sanction pour ne pas s’être présenté au tribunal. On lui a donc retiré son permis de conduire il y a trois ans. La police locale a contacté son ex-femme et, bien qu’elle ait répondu à toutes leurs questions, elle n’avait pas l’air spécialement triste d’apprendre sa mort. Elle est le seul numéro indiqué à appeler en cas d’urgence. »

« Et elle vit à Rhode Island, c’est bien ça ? »

« C’est ça. »

« Wells était un entrepreneur privé, n’est-ce pas ? On a le nom de son entreprise ? »

« Oui, et ce n’est pas très original. Construction et Design Wells, situé à Eastbrook. »

Chloé était sur le point de demander à Rhodes d’introduire l’adresse de l’entreprise dans le GPS mais Rhodes était déjà occupée à le faire. Chloé se rappela que Johnson leur avait dit que l’une des raisons pour laquelle il leur assignait cette affaire, c’était parce qu’il avait l’impression que c’était une enquête qui leur conviendrait. Chloé se rendait compte qu’elle avait développé avec Rhodes une cohésion bien plus forte que les autres agents qui avaient terminé leur formation avec elles. Et c’était d’autant plus facile à croire quand elles en arrivaient à travailler ainsi, de manière tacite, sans même à avoir à prononcer un seul mot.

Quand elles arrivèrent au petit espace qui abritait le bureau de Construction et Design Wells, il était un peu après 11 heures. Le bureau était situé dans la rue principale d’Eastbrook, une ville qui ne devait probablement son existence qu’à sa proximité avec Baltimore. C’était le genre de ville où on s’arrêtait pour faire le plein ou acheter un truc à manger, avant de finir la route jusqu’en ville.

Chloé se gara devant l’édifice, en espérant que le bureau ne soit pas fermé, suite à la mort du propriétaire. Mais elle trouva la porte d’entrée ouverte. Le bureau était composé d’un vaste espace qui avait été subdivisé en box à l’aide de parois. Un grand bureau en forme de L se trouvait à l’avant, afin de permettre à la femme qui y était assise d’accueillir les gens quand ils entraient.

Elle leva les yeux vers Chloé et Rhodes. Elle avait visiblement l’air de s’ennuyer. Chloé se dit que ça devait être bizarre pour une petite entreprise d’essayer de poursuivre ses activités alors que le propriétaire avait été aussi brutalement assassiné.

« Mesdames, est-ce que je peux vous aider ? » demanda la femme.

« Oui, en effet, » dit Chloé. Elle fit les présentations et sortit son badge. « Nous enquêtons sur le meurtre de Richard Wells. Il n’a aucune famille dans la région et il semblerait que les personnes qui aient été les plus proches de lui soient celles qui travaillaient pour lui. »

« C’est vrai, » dit-elle. « Et c’est triste, aussi. De se rendre compte d’une telle chose qu’au moment où la personne n’est plus là, vous savez ? »

« Est-ce que vous savez si l’entreprise compte poursuivre ses activités sans lui ? »

La femme haussa les épaules d’une manière nonchalante, indiquant par là que non seulement elle ne savait pas, mais que ça ne lui importait guère. « Nous attendons de savoir ce que vont dire ses avocats. Richard n’avait apparemment pas rédigé de testament. Alors l’entreprise n’a été léguée à personne. Il y a trois constructeurs qui travaillent ici et ils se trouvent à l’instant présent sur deux sites différents de construction, en faisant de leur mieux pour essayer de terminer certains projets avant qu’il y ait des problèmes au niveau légal. »

« Est-ce que je peux vous demander votre nom ? » demanda Chloé.

« Oui, bien sûr. Je m’appelle Patty Marsh. »

« Mademoiselle Marsh, est-ce que ça fait longtemps que vous travaillez ici ? »

« Ça fait six ans. »

« Et que pensiez-vous de Richard Wells ? Quelle impression il vous donnait ? Pas seulement en tant que patron, mais aussi en tant qu’être humain… »

« Eh bien, il travaillait dur, ça, c’est sûr. Mais c’était aussi le genre de type qui était resté calé à l’époque du lycée, vous voyez ? Il avait la descente facile et il draguait pas mal, malgré le fait qu’il soit marié. C’était le genre de type à toujours raconter une histoire concernant ses années de gloire en tant que joueur de football au lycée. C’était un peu triste, mais lui, ça le rendait heureux. »

« Est-ce qu’il s’est déjà fâché sur vous ou sur d’autres employés ? »

« Oh, je suis sûre qu’il y avait parfois des mésententes avec les constructeurs. Mais ils étaient tous très bons amis. Ils sont un peu plus jeunes que Richard mais c’est un peu le même genre de personnages… avec pas grand-chose qui se passe dans leur vie, ils ressassaient continuellement de vieilles histoires du lycée et de l’université pour se sentir bien. Mon dieu… j’ai vraiment l’impression de casser du sucre sur leur dos. »

« Mais non, ne vous tracassez pas pour ça, » dit Rhodes. « Vu la nature de son boulot, est-ce que Richard avait des ennemis ou des gens qui lui voulaient du mal ? Peut-être des clients mécontents ? »

« La police nous a posé la même question et aucun nom ne nous est venu en tête. Bien sûr, Richard avait ses démons, mais il bossait dur. Il buvait beaucoup et il ne s’en cachait pas. Mais il parvenait à maintenir un équilibre avec sa vie professionnelle. Il était perfectionniste dans son boulot. Il n’y a pas eu un seul client mécontent depuis que je travaille ici. »

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