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Vingt ans après

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– Il est un peu voleur.

– Oh! monsieur, oh!

– Et surtout il est fort poltron.

– Oh! oh! oh! monsieur, vous me déshonorez, dit Olivain.

– Peste! dit d'Artagnan, apprenez, maître Olivain, que des gens tels que nous ne se font pas servir par des poltrons. Volez votre maître, mangez ses confitures et buvez son vin, mais, cap de Diou! ne soyez pas poltron, ou je vous coupe les oreilles. Regardez monsieur Mousqueton, dites-lui de vous montrer les blessures honorables qu'il a reçues, et voyez ce que sa bravoure habituelle a mis de dignité sur son visage.

Mousqueton était au troisième ciel et eût embrassé d'Artagnan s'il l'eût osé; en attendant, il se promettait de se faire tuer pour lui si l'occasion s'en présentait jamais.

– Renvoyez ce drôle, Raoul, dit d'Artagnan, car s'il est poltron, il se déshonorera quelque jour.

– Monsieur dit que je suis poltron, s'écria Olivain, parce qu'il a voulu se battre l'autre jour avec un cornette du régiment de Grammont, et que j'ai refusé de l'accompagner.

– Monsieur Olivain, un laquais ne doit jamais désobéir, dit sévèrement d'Artagnan.

Et le tirant à l'écart:

– Tu as bien fait, dit-il, si ton maître avait tort, et voici un écu pour toi; mais s'il est jamais insulté et que tu ne te fasses pas couper en quartiers près de lui, je te coupe la langue et je t'en balaye la figure. Retiens bien ceci.

Olivain s'inclina et mit l'écu dans sa poche.

– Et maintenant, ami Raoul, dit d'Artagnan, nous partons, M. du Vallon et moi, comme ambassadeurs. Je ne puis vous dire dans quel but, je n'en sais rien moi-même; mais si vous avez besoin de quelque chose, écrivez à madame Madelon Turquaine, à la Chevrette, rue Tiquetonne, et tirez sur cette caisse comme sur celle d'un banquier: avec ménagement toutefois, car je vous préviens qu'elle n'est pas tout à fait si bien garnie que celle de M. d'Emery.

Et ayant embrassé son pupille par intérim, il le passa aux robustes bras de Porthos, qui l'enlevèrent de terre et le tinrent un moment suspendu sur le noble coeur du redoutable géant.

– Allons, dit d'Artagnan, en route.

Et ils repartirent pour Boulogne, où vers le soir ils arrêtèrent leurs chevaux trempés de sueur et blancs d'écume.

À dix pas de l'endroit où ils faisaient halte avant d'entrer en ville était un jeune homme vêtu de noir qui paraissait attendre quelqu'un, et qui, du moment où il les avait vus paraître, n'avait point cessé d'avoir les yeux fixés sur eux.

D'Artagnan s'approcha de lui, et voyant que son regard ne le quittait pas:

– Hé! dit-il, l'ami, je n'aime pas qu'on me toise.

– Monsieur, dit le jeune homme sans répondre à l'interpellation de d'Artagnan, ne venez-vous pas de Paris, s'il vous plaît?

D'Artagnan pensa que c'était un curieux qui désirait avoir des nouvelles de la capitale.

– Oui, monsieur, dit-il d'un ton plus radouci.

– Ne devez-vous pas loger aux Armes d'Angleterre?

– Oui, monsieur.

– N'êtes-vous pas chargé d'une mission de la part de Son Éminence

M. le cardinal de Mazarin?

– Oui, monsieur.

– En ce cas, dit le jeune homme, c'est à moi que vous avez affaire, je suis M. Mordaunt.

Ah! dit tout bas d'Artagnan, celui dont Athos me dit de me méfier.

– Ah! murmura Porthos, celui qu'Aramis veut que j'étrangle.

Tous deux regardèrent attentivement le jeune homme.

Celui-ci se trompa à l'expression de leur regard.

– Douteriez-vous de ma parole? dit-il; en ce cas je suis prêt à vous donner toute preuve.

– Non, monsieur, dit d'Artagnan, et nous nous mettons à votre disposition.

– Eh bien! messieurs, dit Mordaunt, nous partirons sans retard; car c'est aujourd'hui le dernier jour de délai que m'avait demandé le cardinal. Mon bâtiment est prêt; et, si vous n'étiez venus, j'allais partir sans vous, car le général Olivier Cromwell doit attendre mon retour avec impatience.

– Ah! ah! dit d'Artagnan, c'est donc au général Olivier Cromwell que nous sommes dépêchés?

– N'avez-vous donc pas une lettre pour lui? demanda le jeune homme.

– J'ai une lettre dont je ne devais rompre la double enveloppe qu'à Londres; mais puisque vous me dites à qui elle est adressée, il est inutile que j'attende jusque-là.

D'Artagnan déchira l'enveloppe de la lettre. Elle était en effet adressée:

«À monsieur Olivier Cromwell, général des troupes de la nation anglaise.»

– Ah! fit d'Artagnan, singulière commission!

– Qu'est-ce que ce M. Olivier Cromwell? demanda tout bas Porthos.

– Un ancien brasseur, répondit d'Artagnan.

– Est-ce que le Mazarin voudrait faire une spéculation sur la bière comme nous en avons fait sur la paille? demanda Porthos.

– Allons, allons, messieurs, dit Mordaunt impatient, partons.

– Oh! oh! dit Porthos, sans souper? Est-ce que M. Cromwell ne peut pas bien attendre un peu?

– Oui, mais moi? dit Mordaunt.

– Eh bien! vous, dit Porthos, après?

– Moi, je suis pressé.

– Oh! si c'est pour vous, dit Porthos, la chose ne me regarde pas, et je souperai avec votre permission ou sans votre permission.

Le regard vague du jeune homme s'enflamma et parut prêt à jeter un éclair, mais il se contint.

– Monsieur, continua d'Artagnan, il faut excuser des voyageurs affamés. D'ailleurs notre souper ne vous retardera pas beaucoup, nous allons piquer jusqu'à l'auberge. Allez à pied jusqu'au port, nous mangeons un morceau et nous y sommes en même temps que vous.

– Tout ce qu'il vous plaira, messieurs, pourvu que nous partions, dit Mordaunt.

– C'est bien heureux, murmura Porthos.

– Le nom du bâtiment? demanda d'Artagnan.

– Le Standard.

– C'est bien. Dans une demi-heure nous serons à bord.

Et tous deux, donnant de l'éperon à leurs chevaux, piquèrent vers l'hôtel des Armes d'Angleterre.

– Que dites-vous de ce jeune homme? demanda d'Artagnan tout en courant.

– Je dis qu'il ne me revient pas du tout, dit Porthos, et que je me suis senti une rude démangeaison de suivre le conseil d'Aramis.

– Gardez-vous-en, mon cher Porthos, cet homme est un envoyé du général Cromwell, et ce serait une façon de nous faire pauvrement recevoir, je crois que de lui annoncer que nous avons tordu le cou à son confident.

– C'est égal, dit Porthos, j'ai toujours remarqué qu'Aramis était homme de bon conseil.

– Écoutez, dit d'Artagnan, quand notre ambassade sera finie…

– Après?

– S'il nous reconduit en France…

– Eh bien?

– Eh bien! nous verrons.

Les deux amis arrivèrent sur ce à l'hôtel des _Armes d'Angleterre, _où ils soupèrent de grand appétit; puis, incontinent, ils se rendirent sur le port. Un brick était prêt à mettre à la voile; et, sur le pont de ce brick, ils reconnurent Mordaunt, qui se promenait avec impatience.

– C'est incroyable, disait d'Artagnan, tandis que la barque le conduisait à bord du Standard, c'est étonnant comme ce jeune homme ressemble à quelqu'un que j'ai connu, mais je ne puis dire à qui.

Ils arrivèrent à l'escalier, et, un instant après, ils furent embarqués.

Mais l'embarquement des chevaux fut plus long que celui des hommes, et le brick ne put lever l'ancre qu'à huit heures du soir.

Le jeune homme trépignait d'impatience et commandait que l'on couvrit les mâts de voiles.

Porthos, éreinté de trois nuits sans sommeil et d'une route de soixante-dix lieues faite à cheval, s'était retiré dans sa cabine et dormait.

D'Artagnan, surmontant sa répugnance pour Mordaunt, se promenait avec lui sur le pont et faisait cent contes pour le forcer à parler.

Mousqueton avait le mal de mer.

LVIII. L'Écossais, parjure à sa foi, pour un denier vendit son roi

Et, maintenant, il faut que nos lecteurs laissent voguer tranquillement le Standard, non pas vers Londres, où d'Artagnan et Porthos croient aller, mais vers Durham, où des lettres reçues d'Angleterre pendant son séjour à Boulogne avaient ordonné à Mordaunt de se rendre, et nous suivent au camp royaliste, situé en deçà de la Tyne, auprès de la ville de Newcastle.

C'est là, placées entre deux rivières, sur la frontière d'Écosse, mais sur le sol d'Angleterre, que s'étalent les tentes d'une petite armée. Il est minuit. Des hommes qu'on peut reconnaître à leurs jambes nues, à leurs jupes courtes, à leurs plaids bariolés et à la plume qui décore leur bonnet pour des highlanders, veillent nonchalamment. La lune, qui glisse entre deux gros nuages, éclaire à chaque intervalle qu'elle trouve sur sa route les mousquets des sentinelles et découpe en vigueur les murailles, les toits et les clochers de la ville que Charles Ier vient de rendre aux troupes du parlement ainsi qu'Oxford et Newark, qui tenaient encore pour lui, dans l'espoir d'un accommodement.

À l'une des extrémités du camp, près d'une tente immense, pleine d'officiers écossais tenant une espèce de conseil présidé par le vieux comte de Loewen, leur chef, un homme, vêtu en cavalier, dort couché sur le gazon et la main droite étendue sur son épée.

À cinquante pas de là, un autre homme, vêtu aussi en cavalier, cause avec une sentinelle écossaise; et grâce à l'habitude qu'il paraît avoir, quoique étranger, de la langue anglaise, il parvient à comprendre les réponses que son interlocuteur lui fait dans le patois du comté de Perth.

Comme une heure du matin sonnait à la ville de Newcastle, le dormeur s'éveilla; et après avoir fait tous les gestes d'un homme qui ouvre les yeux après un profond sommeil, il regarda attentivement autour de lui: voyant qu'il était seul il se leva, et, faisant un détour, alla passer près du cavalier qui causait avec la sentinelle. Celui-ci avait sans doute fini ses interrogations, car après un instant il prit congé de cet homme et suivit sans affectation la même route que le premier cavalier que nous avons vu passer.

 

À l'ombre d'une tente placée sur le chemin, l'autre l'attendait.

– Eh bien, mon cher ami? lui dit-il dans le plus pur français qui ait jamais été parlé de Rouen à Tours.

– Eh bien, mon ami, il n'y a pas de temps à perdre, et il faut prévenir le roi.

– Que se passe-t-il donc?

– Ce serait trop long à vous dire; d'ailleurs, vous l'entendrez tout à l'heure. Puis le moindre mot prononcé ici peut tout perdre. Allons trouver milord de Winter.

Et tous deux s'acheminèrent vers l'extrémité opposée du camp; mais comme le camp ne couvrait pas une surface de plus de cinq cents pas carrés, ils furent bientôt arrivés à la tente de celui qu'ils cherchaient.

– Votre maître dort-il, Tony? dit en anglais l'un des deux cavaliers à un domestique couché dans un premier compartiment qui servait d'antichambre.

– Non, monsieur le comte, répondit le laquais, je ne crois pas, ou ce serait depuis, bien peu de temps, car il a marché pendant plus de deux heures après avoir quitté le roi, et le bruit de ses pas a cessé à peine depuis dix minutes; d'ailleurs, ajouta le laquais en levant la portière de la tente, vous pouvez le voir.

En effet, de Winter était assis devant une ouverture, pratiquée comme une fenêtre, qui laissait pénétrer l'air de la nuit, et à travers laquelle il suivait mélancoliquement des yeux la lune, perdue, comme nous l'avons dit tout à l'heure, au milieu de gros nuages noirs.

Les deux amis s'approchèrent de de Winter, qui, la tête appuyée sur sa main, regardait le ciel; il ne les entendit pas venir et resta dans la même attitude, jusqu'au moment où il sentit qu'on lui posait la main sur l'épaule. Alors il se retourna, reconnut Athos et Aramis, et leur tendit la main.

– Avez-vous remarqué, leur dit-il, comme la lune est ce soir couleur de sang?

– Non, dit Athos, elle m'a semblé comme à l'ordinaire.

– Regardez, chevalier, dit de Winter.

– Je vous avoue, dit Aramis, que je suis comme le comte de La

Fère, et que je n'y vois rien de particulier.

– Comte, dit Athos, dans une position aussi précaire que la nôtre, c'est la terre qu'il faut examiner, et non le ciel. Avez- vous étudié nos Écossais et en êtes-vous sûr?

– Les Écossais? demanda de Winter; quels Écossais?

– Eh! les nôtres, pardieu! dit Athos; ceux auxquels le roi s'est confié, les Écossais du comte de Loewen.

– Non, dit de Winter. Puis il ajouta: Ainsi, dites-moi, vous ne voyez pas comme moi cette teinte rougeâtre qui couvre le ciel?

– Pas le moins du monde, dirent ensemble Athos et Aramis.

– Dites-moi, continua de Winter toujours préoccupé de la même idée, n'est-ce pas une tradition en France, que, la veille du jour où il fut assassiné, Henri IV, qui jouait aux échecs avec M. de Bassompierre, vit des taches de sang sur l'échiquier?

– Oui, dit Athos et le maréchal me l'a raconté maintes fois à moi-même.

– C'est cela, murmura de Winter, et le lendemain Henri IV fut tué.

– Mais quel rapport cette vision de Henri IV a-t-elle avec vous, comte? demanda Aramis.

– Aucune, messieurs, et en vérité je suis fou de vous entretenir de pareilles choses, quand votre entrée à cette heure dans ma tente m'annonce que vous êtes porteurs de quelque nouvelle importante.

– Oui, milord, dit Athos, je voudrais parler au roi.

– Au roi? mais le roi dort.

– J'ai à lui révéler des choses de conséquence.

– Ces choses ne peuvent-elles être remises à demain?

– Il faut qu'il les sache à l'instant même, et peut-être est-il déjà trop tard.

– Entrons, messieurs, dit de Winter.

La tente de de Winter était posée à côté de la tente royale, une espèce de corridor communiquait de l'une à l'autre. Ce corridor était gardé non par une sentinelle, mais par un valet de confiance de Charles Ier, afin qu'en cas urgent le roi pût à l'instant même communiquer avec son fidèle serviteur.

– Ces messieurs sont avec moi, dit de Winter.

Le laquais s'inclina et laissa passer.

En effet, sur un lit de camp, vêtu de son pourpoint noir, chaussé de ses bottes longues, la ceinture lâche et son feutre près de lui, le roi Charles, cédant à un besoin irrésistible de sommeil, s'était endormi. Les hommes s'avancèrent, et Athos, qui marchait le premier, considéra un instant en silence cette noble figure si pâle, encadrée de ses longs cheveux noirs que collait à ses tempes la sueur d'un mauvais sommeil et que marbraient de grosses veines bleues, qui semblaient gonflées de larmes sous ses yeux fatigués.

Athos poussa un profond soupir; ce soupir réveilla le roi, tant il dormait d'un faible sommeil.

Il ouvrit les yeux.

– Ah? dit-il en se soulevant sur son coude, c'est vous, comte de

La Fère?

– Oui, sire, répondit Athos.

– Vous veillez tandis que je dors, et vous venez m'apporter quelque nouvelle?

– Hélas! sire, répondit Athos, Votre Majesté a deviné juste.

– Alors, la nouvelle est mauvaise? dit le roi en souriant avec mélancolie.

– Oui, sire.

– N'importe, le messager est le bienvenu, et vous ne pouvez entrer chez moi sans me faire toujours plaisir. Vous dont le dévouement ne connaît ni patrie, ni malheur, vous m'êtes envoyé par Henriette; quelle que soit la nouvelle que vous m'apportez, parlez donc avec assurance.

– Sire, M. Cromwell est arrivé cette nuit à Newcastle.

– Ah! fit le roi, pour me combattre?

– Non, sire, pour vous acheter.

– Que dites-vous?

– Je dis, sire, qu'il est dû à l'armée écossaise quatre cent mille livres sterling.

– Pour solde arriérée; oui, je le sais. Depuis près d'un an mes braves et fidèles Écossais se battent pour l'honneur.

Athos sourit.

– Eh bien! sire, quoique l'honneur soit une belle chose, il se sont lassés de se battre pour lui, et, cette nuit, ils vous ont vendu pour deux cent mille livres, c'est-à-dire pour la moitié de ce qui leur était dû.

– Impossible! s'écria le roi, les Écossais vendre leur roi pour deux cent mille livres!

– Les Juifs ont bien vendu leur Dieu pour trente deniers.

– Et quel est le Judas qui a fait ce marché infâme?

– Le comte de Loewen.

– En êtes-vous sûr, monsieur?

– Je l'ai entendu de mes propres oreilles.

Le roi poussa un soupir profond, comme si son coeur se brisait, et laissa tomber sa tête entre ses mains.

– Oh! les Écossais! dit-il, les Écossais! que j'appelais mes fidèles; les Écossais! à qui je m'étais confié, quand je pouvais fuir à Oxford; les Écossais! mes compatriotes; les Écossais! mes frères! Mais en êtes-vous bien sûr, monsieur?

– Couché derrière la tente du comte de Loewen, dont j'avais soulevé la toile, j'ai tout vu, tout entendu.

– Et quand doit se consommer cet odieux marché?

– Aujourd'hui, dans la matinée. Comme le voit Votre Majesté, il n'y a pas de temps à perdre.

– Pour quoi faire, puisque vous dites que je suis vendu?

– Pour traverser la Tyne, pour gagner l'Écosse, pour rejoindre lord Montrose, qui ne vous vendra pas, lui.

– Et que ferais-je en Écosse? une guerre de partisans? une pareille guerre est indigne d'un roi.

– L'exemple de Robert Bruce est là pour vous absoudre, sire.

– Non, non! il y a trop longtemps que je lutte; s'ils m'ont vendu, qu'ils me livrent, et que la honte éternelle de leur trahison retombe sur eux.

– Sire, dit Athos, peut-être est-ce ainsi que doit agir un roi, mais ce n'est point ainsi que doit agir un époux et un père. Je suis venu au nom de votre femme et de votre fille, et, au nom de votre femme et de votre fille et des deux autres enfants que vous avez encore à Londres, je vous dis: Vivez, sire, Dieu le veut!

Le roi se leva, resserra sa ceinture, ceignit son épée, et essuyant d'un mouchoir son front mouillé de sueur:

– Eh bien! dit-il, que faut-il faire?

– Sire, avez-vous dans toute l'armée un régiment sur lequel vous puissiez compter?

– De Winter, dit le roi, croyez-vous à la fidélité du vôtre?

– Sire, ce ne sont que des hommes, et les hommes sont devenus bien faibles ou bien méchants. Je crois à leur fidélité, mais je n'en réponds pas; je leur confierais ma vie, mais j'hésite à leur confier celle de Votre Majesté.

– Eh bien! dit Athos, à défaut de régiment, nous sommes trois hommes dévoués, nous suffirons. Que Votre Majesté monte à cheval, qu'elle se place au milieu de nous, nous traversons la Tyne, nous gagnons Écosse, et nous sommes sauvés.

– Est-ce votre avis, de Winter? demanda le roi.

– Oui, sire.

– Est-ce le vôtre, monsieur d'Herblay?

– Oui, sire.

– Qu'il soit donc fait ainsi que vous le voulez. De Winter, donnez les ordres.

De Winter sortit; pendant ce temps, le roi acheva sa toilette. Les premiers rayons du jour commençaient à filtrer à travers les ouvertures de la tente lorsque de Winter entra.

– Tout est prêt, sire, dit-il.

– Et nous? demanda Athos.

– Grimaud et Blaisois vous tiennent vos chevaux tout sellés.

– En ce cas, dit Athos, ne perdons pas un instant et partons.

– Partons, dit le roi.

– Sire, dit Aramis, Votre Majesté ne prévient-elle pas ses amis?

– Mes amis, dit Charles Ier en secouant tristement la tête, je n'en ai plus d'autres que vous trois. Un ami de vingt ans qui ne m'a jamais oublié; deux amis de huit jours que je n'oublierai jamais. Venez, messieurs, venez.

Le roi sortit de sa tente et trouva effectivement son cheval prêt. C'était un cheval isabelle qu'il montait depuis trois ans et qu'il affectionnait beaucoup.

Le cheval en le voyant hennit de plaisir.

– Ah! dit le roi, j'étais injuste, et voilà encore, sinon un ami, du moins un être qui m'aime. Toi, tu me seras fidèle, n'est-ce pas, Arthus?

Et comme s'il eût entendu ces paroles, le cheval approcha ses naseaux fumants du visage du roi, en relevant ses lèvres et en montrant joyeusement ses dents blanches.

– Oui, oui, dit le roi en le flattant de la main; oui, c'est bien, Arthus, et je suis content de toi.

Et avec cette légèreté qui faisait du roi un des meilleurs cavaliers de l'Europe, Charles se mit en selle, et, se retournant vers Athos, Aramis et de Winter:

– Eh bien! messieurs, dit-il, je vous attends.

Mais Athos était debout, immobile, les yeux fixés et la main tendue vers une ligne noire, qui suivait le rivage de la Tyne et qui s'étendait sur une longueur double de celle du camp.

– Qu'est-ce que cette ligne? dit Athos, auquel les dernières ténèbres de la nuit, luttant avec les premiers rayons du jour, ne permettaient pas bien de distinguer encore. Qu'est-ce que cette ligne? je ne l'ai pas vue hier.

– C'est sans doute le brouillard qui s'élève de la rivière, dit le roi.

– Sire, c'est quelque chose de plus compact qu'une vapeur.

– En effet, je vois comme une barrière rougeâtre, dit de Winter.

– C'est l'ennemi qui sort de Newcastle et qui nous enveloppe, s'écria Athos.

– L'ennemi! dit le roi.

– Oui, l'ennemi. Il est trop tard. Tenez! tenez! sous ce rayon de soleil, là, du côté de la ville, voyez-vous reluire les côtes de fer?

On appelait ainsi les cuirassiers dont Cromwell avait fait ses gardes.

– Ah! dit le roi, nous allons savoir s'il est vrai que mes

Écossais me trahissent.

– Qu'allez-vous faire? s'écria Athos.

– Leur donner l'ordre de charger et passer avec eux sur le ventre de ces misérables rebelles.

Et le roi, piquant son cheval, s'élança vers la tente du comte de

Loewen.

– Suivons-le, dit Athos.

– Allons, dit Aramis.

– Est-ce que le roi serait blessé? dit de Winter. Je vois à terre des taches de sang.

Et il s'élança sur la trace des deux amis. Athos l'arrêta.

– Allez rassembler votre régiment, dit-il, je prévois que nous en aurons besoin tout à l'heure.

De Winter tourna bride, et les deux amis continuèrent leur route. En deux secondes le roi était arrivé à la tente du général en chef de l'armée écossaise. Il sauta à terre et entra.

Le général était au milieu des principaux chefs.

– Le roi! s'écrièrent-ils en se levant et en se regardant avec stupéfaction.

En effet, Charles était debout devant eux, le chapeau sur la tête, les sourcils froncés, et fouettant sa botte avec la cravache.

– Oui, messieurs, dit-il, le roi en personne; le roi qui vient vous demander compte de ce qui se passe.

– Qu'y a-t-il donc, sire? demanda le comte de Loewen.

– Il y a, monsieur, dit le roi, se laissant emporter par la colère, que le général Cromwell est arrivé cette nuit à Newcastle; que vous le savez et que je n'en suis pas averti; il y a que l'ennemi sort de la ville et nous ferme le passage de la Tyne, que vos sentinelles ont dû voir ce mouvement, et que je n'en suis pas averti; il y a que vous m'avez, par un infâme traité, vendu deux cent mille livres sterling au parlement, mais que de ce traité au moins j'en suis averti. Voici ce qu'il y a, messieurs; répondez ou disculpez-vous, car je vous accuse.

 

– Sire, balbutia le comte de Loewen, sire, Votre Majesté aura été trompée par quelque faux rapport.

– J'ai vu de mes yeux l'armée ennemie s'étendre entre moi et Écosse, dit Charles, et je puis presque dire: J'ai entendu de mes propres oreilles débattre les clauses du marché.

Les chefs écossais se regardèrent en fronçant le sourcil à leur tour.

– Sire, murmura le comte de Loewen courbé sous le poids de la honte, sire, nous sommes prêts à vous donner toutes preuves.

– Je n'en demande qu'une seule, dit le roi. Mettez l'armée en bataille et marchons à l'ennemi.

– Cela ne se peut pas, sire, dit le comte.

– Comment! cela ne se peut pas! et qui empêche que cela se puisse? s'écria Charles Ier.

– Votre Majesté sait bien qu'il y a trêve entre nous et l'armée anglaise, répondit le comte.

– S'il y a trêve, l'armée anglaise l'a rompue en sortant de la ville, contre les conventions qui l'y tenaient enfermée; or, je vous le dis, il faut passer avec moi à travers cette armée et rentrer en Écosse, et si vous ne le faites pas, eh bien! choisissez entre les deux noms qui font les hommes en mépris et en exécration aux autres hommes: ou vous êtes des lâches, ou vous êtes des traîtres!

Les yeux des Écossais flamboyèrent, et, comme cela arrive souvent en pareille occasion, ils passèrent de l'extrême honte à l'extrême impudence, et deux chefs de clan s'avançant de chaque côté du roi:

– Eh bien, oui, dirent-ils, nous avons promis de délivrer Écosse et l'Angleterre de celui qui depuis vingt-cinq ans boit le sang et l'or de l'Angleterre et de Écosse Nous avons promis, et nous tenons nos promesses. Roi Charles Stuart, vous êtes notre prisonnier.

Et tous deux étendirent en même temps la main pour saisir le roi; mais avant que le bout de leurs doigts touchât sa personne, tous deux étaient tombés, l'un évanoui et l'autre mort.

Athos avait assommé l'un avec le pommeau de son pistolet, et

Aramis avait passé son épée au travers du corps de l'autre.

Puis, comme le comte de Loewen et les autres chefs reculaient devant ce secours inattendu qui semblait tomber du ciel à celui qu'ils croyaient déjà leur prisonnier, Athos et Aramis entraînèrent le roi hors de la tente parjure, où il s'était si imprudemment aventuré, et sautant sur les chevaux que les laquais tenaient préparés, tous trois reprirent au galop le chemin de la tente royale.

En passant ils aperçurent de Winter qui accourait à la tête de son régiment. Le roi lui fit signe de les accompagner.

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