Бесплатно

Le Chevalier de Maison-Rouge

Текст
0
Отзывы
iOSAndroidWindows Phone
Куда отправить ссылку на приложение?
Не закрывайте это окно, пока не введёте код в мобильном устройстве
ПовторитьСсылка отправлена

По требованию правообладателя эта книга недоступна для скачивания в виде файла.

Однако вы можете читать её в наших мобильных приложениях (даже без подключения к сети интернет) и онлайн на сайте ЛитРес.

Отметить прочитанной
Шрифт:Меньше АаБольше Аа

XLIV
Les préparatifs du chevalier de Maison-Rouge

Pendant que la scène décrite dans le chapitre précédent se passait à la porte du greffe donnant dans la prison de la reine, ou plutôt dans la première chambre occupée par les deux gendarmes, d'autres préparatifs se faisaient au côté opposé, c'est-à-dire dans la cour des femmes.

Un homme apparaissait tout à coup comme une statue de pierre qui se serait détachée de la muraille. Cet homme était suivi de deux chiens, et, tout en fredonnant le Ça ira, chanson fort à la mode à cette époque, il avait, d'un coup de trousseau de clefs qu'il tenait à la main, raclé les cinq barreaux qui fermaient la fenêtre de la reine.

La reine avait tressailli d'abord; mais, reconnaissant la chose pour un signal, elle avait aussitôt ouvert doucement sa fenêtre et s'était mise à la besogne d'une main plus expérimentée qu'on n'aurait pu le croire, car plus d'une fois, dans l'atelier de serrurerie où son royal époux s'amusait autrefois à passer une partie de ses journées, elle avait de ses doigts délicats touché des instruments pareils à celui sur lequel, à cette heure, reposaient toutes ses chances de salut.

Dès que l'homme au trousseau de clefs entendit la fenêtre de la reine s'ouvrir, il alla frapper à celle des gendarmes.

– Ah! ah! dit Gilbert en regardant à travers les carreaux, c'est le citoyen Mardoche.

– Lui-même, répondit le guichetier. Eh bien, mais, il paraît que nous faisons bonne garde?

– Comme d'habitude, citoyen porte-clefs. Il me semble que vous ne nous trouvez pas souvent en défaut.

– Ah! dit Mardoche, c'est que cette nuit la vigilance est plus nécessaire que jamais.

– Bah! dit Duchesne, qui s'était approché.

– Certainement.

– Qu'y a-t-il donc?

– Ouvrez la fenêtre, et je vous conterai cela.

– Ouvre, dit Duchesne.

Gilbert ouvrit et échangea une poignée de main avec le porte-clefs, qui s'était déjà fait l'ami des deux gendarmes.

– Qu'y a-t-il donc, citoyen Mardoche? répéta Gilbert.

– Il y a que la séance de la Convention a été un peu chaude. L'avez-vous lue?

– Non. Que s'est-il donc passé?

– Ah! il s'est passé d'abord que le citoyen Hébert a découvert une chose.

– Laquelle?

– C'est que les conspirateurs que l'on croyait morts sont vivants et très vivants.

– Ah! oui, dit Gilbert: Delessart et Thierry; j'ai entendu parler de cela; ils sont en Angleterre, les gueux.

– Et le chevalier de Maison-Rouge? dit le porte-clefs en haussant la voix de manière à ce que la reine l'entendît.

– Comment! il est en Angleterre aussi, celui-là?

– Pas du tout, il est en France, continua Mardoche en soutenant sa voix au même diapason.

– Il est donc revenu?

– Il ne l'a pas quittée.

– En voilà un qui a du front! dit Duchesne.

– C'est comme cela qu'il est.

– Eh bien, on va tâcher de l'arrêter.

– Certainement, qu'on va tâcher de l'arrêter; mais ce n'est pas chose facile, à ce qu'il paraît aussi.

En ce moment, comme la lime de la reine grinçait si fortement sur les barreaux, que le porte-clefs craignait qu'on ne l'entendît, malgré les efforts qu'il faisait pour la couvrir, il appuya le talon sur la patte d'un de ses chiens, qui poussa un hurlement de douleur.

– Ah! pauvre bête! dit Gilbert.

– Bah! dit le porte-clefs, il n'avait qu'à mettre des sabots. Veux-tu te taire, Girondin, veux-tu te taire!

– Il s'appelle Girondin, ton chien, citoyen Mardoche?

– Oui, c'est un nom que je lui ai donné comme cela.

– Et tu disais donc, reprit Duchesne, qui, prisonnier lui-même, prenait aux nouvelles tout l'intérêt qu'y prennent les prisonniers, tu disais donc?

– Ah! c'est vrai, je disais qu'alors le citoyen Hébert, en voilà un patriote! je disais que le citoyen Hébert avait fait la motion de ramener l'Autrichienne au Temple.

– Et pourquoi cela?

– Dame! parce qu'il prétend qu'on ne l'a tirée du Temple que pour la soustraire à l'inspection immédiate de la Commune de Paris.

– Oh! et puis un peu aux tentatives de ce damné Maison-Rouge, dit Gilbert; il me semble que le souterrain existe.

– C'est aussi ce que lui a répondu le citoyen Santerre; mais Hébert a dit que, du moment où l'on était prévenu, il n'y avait plus de danger; qu'on pouvait, au Temple, garder Marie-Antoinette avec la moitié des précautions qu'il faut pour la garder ici, et, de fait, c'est que le Temple est une maison autrement ferme que la Conciergerie.

– Ma foi, dit Gilbert, moi, je voudrais qu'on la reconduisît au Temple.

– Je comprends, cela t'ennuie de la garder.

– Non, cela m'attriste. Maison-Rouge toussa fortement; la lime faisait d'autant plus de bruit qu'elle mordait plus profondément le barreau de fer.

– Et qu'a-t-on décidé? demanda Duchesne quand la quinte du porte-clefs fut passée.

– Il a été décidé qu'elle resterait ici, mais que son procès lui serait fait immédiatement.

– Ah! pauvre femme! dit Gilbert. Duchesne, dont l'oreille était plus fine sans doute que celle de son collègue, ou l'attention moins fortement captivée par le récit de Mardoche, se baissa pour écouter du côté du compartiment de gauche. Le porte-clefs vit le mouvement.

– De sorte que, tu comprends, citoyen Duchesne, dit-il vivement, les tentatives des conspirateurs vont devenir d'autant plus désespérées qu'ils sauront avoir moins de temps devant eux pour les exécuter. On va doubler les gardes des prisons, attendu qu'il n'est question de rien moins que d'une irruption à force armée dans la Conciergerie; les conspirateurs tueraient tout, jusqu'à ce qu'ils pénétrassent jusqu'à la reine, jusqu'à la veuve Capet, veux-je dire.

– Ah bah! comment entreraient-ils, tes conspirateurs?

– Déguisés en patriotes, ils feraient semblant de recommencer un 2 Septembre, les gredins! et puis, une fois les portes ouvertes, bonsoir!

Il se fit un instant de silence occasionné par la stupeur des gendarmes. Le porte-clefs entendit avec une joie mêlée de terreur la lime qui continuait de grincer. Neuf heures sonnèrent. En même temps, on frappa à la porte du greffe; mais les deux gendarmes, préoccupés, ne répondirent point.

– Eh bien, nous veillerons, nous veillerons, dit Gilbert.

– Et, s'il le faut, nous mourrons à notre poste en vrais républicains, ajouta Duchesne.

«Elle doit avoir bientôt achevé», se dit à lui-même le porte-clefs en essuyant son front mouillé de sueur.

– Et vous, de votre côté, dit Gilbert, vous veillez, je présume; car on ne vous épargnerait pas plus que nous, si un événement comme celui que vous nous annoncez arrivait.

– Je crois bien, dit le porte-clefs; je passe les nuits à faire des rondes; aussi je suis sur les dents; vous autres, au moins, vous vous relayez, et vous pouvez dormir de deux nuits l'une.

En ce moment, on frappa une seconde fois à la porte du greffe. Mardoche tressaillit; tout événement, si minime qu'il fût, pouvait empêcher son projet de réussir.

– Qu'est-ce donc? demanda-t-il comme malgré lui.

– Rien, rien, dit Gilbert; c'est le greffier du ministère de la guerre qui s'en va et qui me prévient.

– Ah! fort bien, dit le porte-clefs. Mais le greffier s'obstinait à frapper.

– Bon! bon! cria Gilbert sans quitter sa fenêtre. Bonsoir!.. adieu!..

– Il me semble qu'il te parle, dit Duchesne en se retournant du côté de la porte. Réponds-lui donc… On entendit alors la voix du greffier.

– Viens donc, citoyen gendarme, disait-il; je voudrais te parler un instant.

Cette voix, tout empreinte qu'elle paraissait être d'un sentiment d'émotion qui lui ôtait son accent habituel, fit dresser l'oreille au porte-clefs, qui crut la reconnaître.

– Que veux-tu donc, citoyen Durand? demanda Gilbert.

– Je veux te dire un mot.

– Eh bien, tu me le diras demain.

– Non, ce soir; il faut que je te parle ce soir, reprit la même voix.

– Oh! murmura le porte-clefs, que va-t-il donc se passer? C'est la voix de Dixmer.

Sinistre et vibrante, cette voix semblait emprunter quelque chose de funèbre à l'écho lointain du sombre corridor. Duchesne se retourna.

– Allons, dit Gilbert, puisqu'il le veut absolument, j'y vais. Et il se dirigea vers la porte.

Le porte-clefs profita de ce moment, pendant lequel l'attention des deux gendarmes était absorbée par une circonstance imprévue. Il courut à la fenêtre de la reine.

– Est-ce fait? dit-il.

– Je suis plus qu'à moitié, répondit la reine.

– Oh! mon Dieu! mon Dieu! murmura-t-il, hâtez-vous! hâtez-vous!

– Eh bien, citoyen Mardoche, dit Duchesne, qu'es-tu donc devenu?

– Me voilà, s'écria le porte-clefs en revenant vivement à la fenêtre du premier compartiment.

Au moment même, et comme il allait reprendre sa place, un cri terrible retentit dans la prison, puis une imprécation, puis le bruit d'un sabre qui jaillit du fourreau de métal.

– Ah! scélérat! ah! brigand! cria Gilbert. Et le bruit d'une lutte se fit entendre dans le corridor. En même temps, la porte s'ouvrit, découvrant aux yeux du guichetier deux ombres se colletant dans le guichet et donnant passage à une femme, qui, repoussant Duchesne, s'élança dans le compartiment de la reine.

Duchesne, sans s'inquiéter de cette femme, courait au secours de son camarade.

Le guichetier bondit vers l'autre fenêtre; il vit la femme aux genoux de la reine; elle priait, elle suppliait la prisonnière de changer d'habits avec elle.

Il se pencha avec des yeux flamboyants, cherchant à reconnaître cette femme qu'il craignait d'avoir déjà trop reconnue. Tout à coup il poussa un cri douloureux.

– Geneviève! Geneviève! s'écria-t-il. La reine avait laissé tomber la lime et semblait anéantie. C'était encore une tentative avortée. Le guichetier saisit des deux mains et secoua d'un effort suprême le barreau de fer entamé par la lime. Mais la morsure de l'acier n'était pas assez profonde, le barreau résista. Pendant ce temps, Dixmer était parvenu à refouler Gilbert dans la prison, et il allait y entrer avec lui, quand Duchesne, pesant sur la porte, parvint à la repousser. Mais il ne put la fermer. Dixmer, désespéré, avait passé son bras entre la porte et la muraille. Au bout de ce bras était le poignard, qui, émoussé par la boucle de cuivre du ceinturon, avait glissé le long de la poitrine du gendarme, ouvrant son habit et déchirant les chairs. Les deux hommes s'encourageaient à réunir toutes leurs forces, et, en même temps, ils appelaient à l'aide. Dixmer sentit que son bras allait se briser; il appuya son épaule contre la porte, donna une violente secousse et parvint à retirer son bras meurtri.

 

La porte se referma avec bruit; Duchesne poussa les verrous, tandis que Gilbert donnait un tour à la clef.

Un pas résonna rapide dans le corridor, puis tout fut fini. Les deux gendarmes se regardèrent et cherchèrent autour d'eux.

Ils entendirent le bruit que faisait le faux guichetier en essayant de briser le barreau.

Gilbert se précipita dans la prison de la reine; il trouva Geneviève à ses genoux et la suppliant de changer de costume avec elle.

Duchesne saisit sa carabine et courut à la fenêtre: il vit un homme pendu aux barreaux, qu'il secouait avec rage et qu'il essayait vainement d'escalader.

Il le mit en joue.

Le jeune homme vit le canon de la carabine se baisser vers lui.

– Oh! oui, dit-il, tue-moi; tue!

Et, sublime de désespoir, il élargit sa poitrine pour défier la balle.

– Chevalier, s'écria la reine, chevalier, je vous en supplie; vivez, vivez! À la voix de Marie-Antoinette, Maison-Rouge tomba à genoux. Le coup partit; mais ce mouvement le sauva, la balle passa au-dessus de sa tête. Geneviève crut son ami tué et tomba sans connaissance sur le carreau.

Lorsque la fumée fut dissipée, il n'y avait plus personne dans la cour des femmes.

Dix minutes après, trente soldats, conduits par deux commissaires, fouillaient la Conciergerie dans ses plus inaccessibles retraites.

On ne trouva personne; le greffier avait passé calme et souriant devant le fauteuil du père Richard.

Quant au guichetier, il était sorti en criant:

– Alarme! alarme! Le factionnaire avait voulu croiser la baïonnette contre lui; mais ses chiens avaient sauté au cou du factionnaire.

Il n'y eut que Geneviève qui fut arrêtée, interrogée, emprisonnée.

XLV
Les recherches

Nous ne pouvons laisser plus longtemps dans l'oubli un des personnages principaux de cette histoire, celui qui, pendant que s'accomplissaient les événements accumulés dans le précédent chapitre, a souffert le plus de tous, et dont les souffrances méritaient le plus d'éveiller la sympathie de nos lecteurs.

Il faisait grand soleil dans la rue de la Monnaie, et les commères devisaient sur les portes aussi joyeusement que si, depuis dix mois, un nuage de sang ne semblait pas s'être arrêté sur la ville, lorsque Maurice revint avec le cabriolet qu'il avait promis d'amener.

Il laissa la bride de son cheval aux mains d'un décrotteur du parvis Saint-Eustache, et monta, le cœur rempli de joie, les marches de son escalier.

C'est un sentiment vivifiant que l'amour: il sait animer des cœurs morts à toute sensation; il peuple les déserts, il suscite aux yeux le fantôme de l'objet aimé; il fait que la voix qui chante dans l'âme de l'amant lui montre la création tout entière éclairée par le jour lumineux de l'espérance et du bonheur, et, comme, en même temps que c'est un sentiment expansif, c'est encore un sentiment égoïste, il aveugle celui qui aime pour tout ce qui n'est pas l'objet aimé.

Maurice ne vit pas ces femmes, Maurice n'entendit pas leurs commentaires; il ne voyait que Geneviève faisant les préparatifs d'un départ qui allait leur donner un bonheur durable; il n'entendait que Geneviève chantonnant distraitement sa petite chanson habituelle, et cette petite chanson bourdonnait si gracieusement à son oreille, qu'il eût juré entendre les différentes modulations de sa voix mêlées au bruit d'une serrure que l'on ferme.

Sur le palier, Maurice s'arrêta; la porte était entr'ouverte: l'habitude était qu'elle fût constamment fermée, et cette circonstance étonna Maurice. Il regarda tout autour de lui pour voir s'il n'apercevrait pas Geneviève dans le corridor; Geneviève n'y était pas. Il entra, traversa l'antichambre, la salle à manger, le salon; il visita la chambre à coucher. Antichambre, salle à manger, salon, chambre à coucher étaient solitaires. Il appela, personne ne répondit.

L'officieux était sorti, comme on sait; Maurice pensa qu'en son absence Geneviève avait eu besoin de quelque corde pour ficeler ses malles, ou de quelques provisions de voyage pour garnir la voiture, et qu'elle était descendue acheter ces objets. L'imprudence lui parut forte; mais, quoique l'inquiétude commençât à le gagner, il ne se douta encore de rien.

Maurice attendit donc en se promenant de long en large, et en se penchant de temps en temps hors de la fenêtre, par l'entrebâillement de laquelle passaient des bouffées d'air chargées de pluie.

Bientôt Maurice crut entendre un pas dans l'escalier; il écouta; ce n'était pas celui de Geneviève; il ne courut pas moins jusqu'au palier, se pencha sur la rampe et reconnut l'officieux, qui montait les degrés avec l'insouciance habituelle aux domestiques.

– Scévola! s'écria-t-il. L'officieux leva la tête.

– Ah! c'est vous, citoyen!

– Oui, c'est moi: mais où est donc la citoyenne?

– La citoyenne? demanda Scévola étonné en montant toujours.

– Sans doute. L'as-tu vue en bas?

– Non.

– Alors, redescends. Demande au concierge et informe-toi chez les voisins.

– À l'instant même. Scévola redescendit.

– Plus vite, donc! plus vite! cria Maurice; ne vois-tu pas que je suis sur des charbons ardents?

Maurice attendit cinq ou six minutes sur l'escalier; puis, ne voyant point reparaître Scévola, il entra dans l'appartement et se pencha de nouveau hors de la fenêtre; il vit Scévola entrer dans deux ou trois boutiques et sortir sans avoir rien appris de nouveau.

Impatienté, il l'appela. L'officieux leva la tête et vit à la fenêtre son maître impatient. Maurice lui fit signe de remonter.

– C'est impossible qu'elle soit sortie, se dit Maurice. Et il appela de nouveau:

– Geneviève! Geneviève!

Tout était mort. La chambre solitaire semblait même n'avoir plus d'écho.

Scévola reparut.

– Eh bien, le concierge est le seul qui l'ait vue.

– Le concierge l'a vue?

– Oui; les voisins n'en ont pas entendu parler.

– Le concierge l'a vue, dis-tu? Comment cela?

– Il l'a vue sortir.

– Elle est donc sortie?

– Il paraît.

– Seule? Il est impossible que Geneviève soit sortie seule.

– Elle n'était pas seule, citoyen, elle était avec un homme.

– Comment! avec un homme?

– À ce que dit le citoyen concierge, du moins.

– Va le chercher, il faut que je sache quel est cet homme. Scévola fit deux pas vers la porte; puis, se retournant:

– Attendez donc, dit-il en paraissant réfléchir.

– Quoi? que veux-tu? Parle, tu me fais mourir.

– C'est peut-être avec l'homme qui a couru après moi.

– Un homme a couru après toi?

– Oui.

– Pourquoi faire?

– Pour me demander la clef de votre part.

– Quelle clef, malheureux? Mais parle donc, parle donc!

– La clef de l'appartement.

– Tu as donné la clef de l'appartement à un étranger? s'écria Maurice en saisissant des deux mains l'officieux au collet.

– Mais ce n'était pas un étranger, monsieur, puisque c'était un de vos amis.

– Ah! oui, un de mes amis? Bon, c'est Lorin, sans doute. C'est cela, elle sera sortie avec Lorin.

Et Maurice, souriant dans sa pâleur, passa son mouchoir sur son front mouillé de sueur.

– Non, non, non, monsieur, ce n'est pas lui, dit Scévola. Pardieu! je connais bien M. Lorin, peut-être.

– Mais qui est-ce donc, alors?

– Vous savez bien, citoyen, c'est cet homme, celui qui est venu un jour…

– Quel jour?

– Le jour où vous étiez si triste, qui vous a emmené et qu'ensuite vous êtes revenu si gai…

Scévola avait remarqué toutes ces choses. Maurice le regarda d'un air effaré; un frisson courut par tous ses membres; puis, après un long silence:

– Dixmer? s'écria-t-il.

– Ma foi, oui, je crois que c'est cela, citoyen, dit l'officieux. Maurice chancela et alla tomber à reculons sur un fauteuil. Ses yeux se voilèrent.

– Oh! mon Dieu! murmura-t-il.

Puis, en se rouvrant, ses yeux se portèrent sur le bouquet de violettes oublié, ou plutôt laissé par Geneviève.

Il se précipita dessus, le prit, le baisa; puis, remarquant l'endroit où il était déposé:

– Plus de doute, dit-il; ces violettes… c'est son dernier adieu!

Alors Maurice se retourna; et seulement alors il remarqua que la malle était à moitié pleine, que le reste du linge était à terre ou dans l'armoire entr'ouverte.

Sans doute le linge qui était à terre était tombé des mains de Geneviève à l'apparition de Dixmer.

De ce moment il s'expliqua tout. La scène surgit vivante et terrible à ses yeux, entre ces quatre murs témoins naguère de tant de bonheur.

Jusque-là, Maurice était resté abattu, écrasé. Le réveil fut affreux, la colère du jeune homme effrayante.

Il se leva, ferma la fenêtre restée entr'ouverte, prit sur le haut de son secrétaire deux pistolets tout chargés pour le voyage, en examina l'amorce, et, voyant que l'amorce était en bon état, il mit les pistolets dans sa poche.

Puis il glissa dans sa bourse deux rouleaux de louis, que, malgré son patriotisme, il avait jugé prudent de garder au fond d'un tiroir, et, prenant à la main son sabre dans le fourreau:

– Scévola, dit-il, tu m'es attaché, je crois; tu as servi mon père et moi depuis quinze ans.

– Oui, citoyen, reprit l'officieux saisi d'effroi à l'aspect de cette pâleur marbrée et de ce tremblement nerveux que jamais il n'avait remarqué dans son maître, qui passait à bon droit pour le plus intrépide et le plus vigoureux des hommes; oui, que m'ordonnez-vous?

– Écoute! si cette dame qui demeurait ici…

Il s'interrompit; sa voix tremblait si fort en prononçant ces mots, qu'il ne put continuer.

– Si elle revient, reprit-il au bout d'un instant, reçois-la; ferme la porte derrière elle; prends cette carabine, place-toi sur l'escalier, et, sur ta tête, sur ta vie, sur ton âme, ne laisse entrer personne; si l'on veut forcer la porte, défends-la; frappe! tue! tue! et ne crains rien, Scévola, je prends tout sur moi.

L'accent du jeune homme, sa véhémente confiance électrisèrent Scévola.

– Non seulement je tuerai, dit-il, mais encore je me ferai tuer pour la citoyenne Geneviève.

– Merci… Maintenant, écoute. Cet appartement m'est odieux, et je ne veux pas remonter ici que je ne l'aie retrouvée. Si elle a pu s'échapper, si elle est revenue, place sur ta fenêtre le grand vase du Japon avec les reines-marguerites qu'elle aimait tant. Voilà pour le jour. La nuit, mets une lanterne. Chaque fois que je passerai au bout de la rue, je serai informé; tant que je ne verrai ni lanterne ni vase, je continuerai mes recherches.

– Oh! monsieur, soyez prudent! soyez prudent! s'écria Scévola.

Maurice ne répondit même pas; il s'élança hors de la chambre, descendit l'escalier comme s'il eût eu des ailes, et courut chez Lorin.

Il serait difficile d'exprimer la stupéfaction, la colère, la rage du digne poète lorsqu'il apprit cette nouvelle; autant vaudrait recommencer les touchantes élégies que devait inspirer Oreste à Pylade.

– Ainsi tu ne sais où elle est? ne cessait-il de répéter.

– Perdue, disparue! hurlait Maurice dans un paroxysme de désespoir; il l'a tuée, Lorin, il l'a tuée!

– Eh! non, mon cher ami; non, mon bon Maurice, il ne l'a pas tuée; non, ce n'est pas après tant de jours de réflexion qu'on assassine une femme comme Geneviève; non, s'il l'avait tuée, il l'eût tuée sur la place, et il eût, en signe de sa vengeance, laissé le corps chez toi. Non, vois-tu, il s'est enfui avec elle, trop heureux d'avoir retrouvé son trésor.

– Tu ne le connais pas, Lorin, tu ne le connais pas, disait Maurice; cet homme avait quelque chose de funeste dans le regard.

– Mais non, tu te trompes; il m'a toujours fait l'effet d'un brave homme, à moi. Il l'a prise pour la sacrifier. Il se fera arrêter avec elle; on les tuera ensemble. Ah! voilà où est le danger, disait Lorin.

 

Et ces paroles redoublaient le délire de Maurice.

– Je la retrouverai! je la retrouverai, ou je mourrai! s'écriait-il.

– Oh! quant à cela, il est certain que nous la retrouverons, dit Lorin; seulement, calme-toi. Voyons, Maurice, mon bon Maurice, crois-moi, on cherche mal quand on ne réfléchit pas; on réfléchit mal quand on s'agite comme tu fais.

– Adieu, Lorin, adieu!

– Que fais-tu donc?

– Je m'en vais.

– Tu me quittes? pourquoi cela?

– Parce que cela ne regarde que moi seul; parce que moi seul dois risquer ma vie pour sauver celle de Geneviève.

– Tu veux mourir?

– J'affronterai tout: je veux aller trouver le président du comité de surveillance, je veux parler à Hébert, à Danton, à Robespierre; j'avouerai tout, mais il faut qu'on me la rende.

– C'est bien, dit Lorin. Et, sans ajouter un mot, il se leva, ajusta son ceinturon, se coiffa du chapeau d'uniforme, et, comme avait fait Maurice, il prit deux pistolets chargés qu'il mit dans ses poches.

– Partons, ajouta-t-il simplement.

– Mais tu te compromets! s'écria Maurice.

– Eh bien, après?

 
Il faut, mon cher, quand la pièce est finie,
S'en retourner en bonne compagnie.
 

– Où allons-nous chercher d'abord? dit Maurice.

– Cherchons d'abord dans l'ancien quartier, tu sais? vieille rue Saint-Jacques; puis guettons le Maison-Rouge; où il sera, sera sans doute Dixmer; puis rapprochons-nous des maisons de la Vieille-Corderie. Tu sais que l'on parle de transférer Antoinette au Temple! Crois-moi, des hommes comme ceux-là ne perdront qu'au dernier moment l'espoir de la sauver.

– Oui, répéta Maurice, en effet, tu as raison… Maison-Rouge, crois-tu donc qu'il soit à Paris?

– Dixmer y est bien.

– C'est vrai, c'est vrai; ils se sont réunis, dit Maurice, à qui de vagues lueurs venaient de rendre un peu de raison.

Alors, et à partir de ce moment, les deux amis se mirent à chercher; mais ce fut en vain. Paris est grand, et son ombre est épaisse. Jamais gouffre n'a su receler plus obscurément le secret que le crime ou le malheur lui confie.

Cent fois Lorin et Maurice passèrent sur la place de Grève, cent fois ils effleurèrent la petite maison dans laquelle vivait Geneviève, surveillée sans relâche par Dixmer, comme les prêtres d'autrefois surveillaient la victime destinée au sacrifice.

De son côté, se voyant destinée à périr, Geneviève, comme toutes les âmes généreuses, accepta le sacrifice et voulut mourir sans bruit; d'ailleurs, elle redoutait moins encore pour Dixmer que pour la cause de la reine une publicité que Maurice n'eût pas manqué de donner à sa vengeance.

Elle garda donc un silence aussi profond que si la mort eût déjà fermé sa bouche.

Cependant, sans en rien dire à Lorin, Maurice avait été supplier les membres du terrible comité de Salut public; et Lorin, sans en parler à Maurice, s'était, de son côté, dévoué aux mêmes démarches.

Aussi, le même jour, une croix rouge fut tracée par Fouquier-Tinville à côté de leurs noms, et le mot SUSPECTS les réunit dans une sanglante accolade.

Купите 3 книги одновременно и выберите четвёртую в подарок!

Чтобы воспользоваться акцией, добавьте нужные книги в корзину. Сделать это можно на странице каждой книги, либо в общем списке:

  1. Нажмите на многоточие
    рядом с книгой
  2. Выберите пункт
    «Добавить в корзину»