Le Quartier Idéal

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Le Quartier Idéal
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l e q u a r t i e r i d é a l e

(roman de suspense psychologique avec Jessie Hunt, tome n°2)

b l a k e p i e r c e

Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série de romans à suspense à succès RILEY PAGE, qui comporte quinze tomes (pour l’instant). Blake Pierce est aussi l’auteur de la série de romans à suspense MACKENZIE WHITE, qui comprend neuf tomes (pour l’instant) ; de la série de romans à suspense AVERY BLACK, qui comprend six tomes ; de la série de romans à suspense KERI LOCKE, qui comprend cinq tomes ; de la série de romans à suspense LE MAKING OF DE RILEY PAIGE, qui comprend trois tomes (pour l’instant) ; de la série de romans à suspense KATE WISE, qui comprend deux tomes (pour l’instant) ; de la série de romans à suspense psychologique CHLOE FINE, qui comprend trois tomes (pour l’instant) et de la série de thrillers psychologiques JESSIE HUNT, qui comprend trois tomes (pour l’instant).

Lecteur gourmand et fan depuis toujours de romans à mystère et à suspense, Blake aime beaucoup recevoir de vos nouvelles, donc, n’hésitez pas à vous rendre sur www.blakepierceauthor.com pour en apprendre plus et rester en contact.

Copyright © 2018 par Blake Pierce.

Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi états-unienne sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l’autorisation préalable de l’auteur.

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Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n’est que pure coïncidence.

Image de couverture : copyright hurricanehank, utilisée en vertu d’une licence accordée par Shutterstock.com.

LIVRES PAR BLAKE PIERCE

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE AVEC JESSIE HUNT

LA FEMME IDÉALE (Tome n°1)

LE QUARTIER PARFAIT (Tome n°2)

LA MAISON IDÉALE (Tome n°3)

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE AVEC CHLOE FINE

CHEZ LE VOISIN (Tome n°1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Tome n°2)

CUL DE SAC (Tome n°3)

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE AVEC KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Tome n°1)

SI ELLE VOYAIT (Tome n°2)

SI ELLE FUYAIT (Tome n°3)

SÉRIE LE MAKING OF DE RILEY PAIGE

SURVEILLANCE (Tome n°1)

ATTENTE (Tome n°2)

LEURRE (Tome n°3)

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE AVEC RILEY PAIGE

UNE FOIS DISPARUE (Tome n°1)

UNE FOIS PRISE (Tome n°2)

UNE FOIS DÉSIRÉE (Tome n°3)

UNE FOIS ATTIRÉE (Tome n°4)

UNE FOIS CHASSÉE (Tome n°5)

UNE FOIS FORTEMENT DÉSIRÉE (Tome n°6)

UNE FOIS OUBLIÉE (Tome n°7)

UNE FOIS FROIDE (Tome n°8)

UNE FOIS POURCHASSÉE (Tome n°9)

UNE FOIS PERDUE (Tome n°10)

UNE FOIS ENTERRÉE (Tome n°11)

UNE FOIS ATTACHÉE (Tome n°12)

UNE FOIS PIÉGÉE (Tome n°13)

UNE FOIS EN SOMMEIL (Tome n°14)

UNE FOIS ÉVITÉE (Tome n°15)

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE AVEC MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Tome n°1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Tome n°2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Tome n°3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Tome n°4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Tome n°5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Tome n°6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Tome n°7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Tome n°8)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Tome n°9)

AVANT QU’IL NE DÉSIRE FORTEMENT (Tome n°10)

AVANT QU’IL NE SE DÉGRADE (Tome n°11)

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE AVEC AVERY BLACK

UNE RAISON POUR TUER (Tome n°1)

UNE RAISON POUR FUIR (Tome n°2)

UNE RAISON POUR SE CACHER (Tome n°3)

UNE RAISON POUR CRAINDRE (Tome n°4)

UNE RAISON POUR SAUVER (Tome n°5)

UNE RAISON POUR REDOUTER (Tome n°6)

SÉRIE DE ROMANS À SUSPENSE AVEC KERI LOCKE

UNE TRACE DE MORT (Tome n°1)

UNE TRACE DE MEURTRE (Tome n°2)

UNE TRACE DE VICE (Tome n°3)

UNE TRACE DE CRIME (Tome n°4)

UNE TRACE D’ESPOIR (Tome n°5)

Résumé du tome n°1 de la série Jessie Hunt

Dans “La Femme Idéale”, l’étudiante en maîtrise de psychologie judiciaire Jessie Hunt et son mari le banquier d’affaires Kyle Voss quittent leur appartement du centre-ville de Los Angeles pour une maison de banlieue vulgaire située dans la communauté de Westport Beach, Comté d’Orange, après que Kyle a été muté et augmenté.

Alors que Kyle adore leur nouvelle vie, Jessie a des doutes et se sent mal à l’aise chez l’élite nantie. Néanmoins, elle essaie d’adopter leur nouvelle vie, de se faire des amis dans le quartier et de s’inscrire au yacht club local dont les rituels secrets ont l’air sinistres.

En cours, Jessie impressionne Ryan Hernandez, conférencier invité de la Police de Los Angeles, en résolvant une étude de cas compliquée. Pour compléter son travail de terrain, elle réussit à se faire assigner à un hôpital psychiatrique d’état proche où le célèbre tueur en série Bolton Crutchfield est incarcéré.

Les crimes de Crutchfield lui rappellent un homme que l’on appelle le Bourreau des Ozarks, qui a enlevé et tué des dizaines de personnes quand elle était enfant dans le Missouri. Parmi les personnes enlevées, il y avait Jessie et sa mère, qui a été assassinée en sa présence. Jessie voit régulièrement le Dr Janice Lemmon pour survivre à ses traumatismes.

Lors de ses interrogatoires, Crutchfield révèle qu’il est un admirateur du Bourreau des Ozarks, qui n’a jamais été capturé, et qu’ils ont communiqué d’une façon ou d’une autre. Rien qu’en observant Jessie et en lui parlant, il lui suggère aussi que les soupçons qu’elle a sur son nouveau style de vie opulent sont fondés.

À mesure que ses compétences en profilage criminel s’améliorent, Jessie, maintenant enceinte, découvre que le yacht club sert en fait de vitrine à un réseau de prostitution de haut niveau. Elle découvre aussi la triste vérité sur son mari : Kyle est un sociopathe qui a tué une prostituée du club avec laquelle il couchait et qui a tenté de faire porter le chapeau à Jessie. Jessie a une fausse couche parce qu’elle a été droguée par Kyle. Seule la capacité de Jessie à réfléchir rapidement empêche Kyle de la tuer et d’en faire autant avec deux voisins. Elle est blessée mais Kyle est arrêté.

Jessie retourne dans son vieux quartier du centre-ville de Los Angeles pour refaire sa vie. Peu de temps après, Kat Gentry, directrice de la sécurité de l’hôpital psychiatrique, rend visite à Jessie et lui transmet un message de Crutchfield : le Bourreau des Ozarks la recherche. Jessie révèle à Kat son secret le plus intime : si le Bourreau des Ozarks la recherche, c’est parce qu’il est son père.

Jessie Hunt, qui va bientôt divorcer, désire devenir profileuse criminelle.

Kyle Voss est son mari sociopathe. Séparé de Jessie, il est maintenant en prison.

Bolton Crutchfield est un tueur en série brillant qui idéalise le père meurtrier de Jessie.

Kat Gentry est directrice de la sécurité à l’hôpital psychiatrique où Crutchfield est incarcéré.

Le Dr Janice Lemmon est le psychiatre de Jessie ainsi qu’une ex-profileuse.

Lacy Cartwright est une amie que Jessie a connue à l’université et chez laquelle elle loge actuellement.

Ryan Hernandez est le membre de la Police de Los Angeles qui est intervenu dans le cours que suivait Jessie.

Le Bourreau des Ozarks est un tueur en série notoire qui n’a jamais été capturé. C’est aussi le père de Jessie.

SOMMAIRE

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE DEUX

CHAPITRE TROIS

CHAPITRE QUATRE

CHAPITRE CINQ

CHAPITRE SIX

CHAPITRE SEPT

CHAPITRE HUIT

CHAPITRE NEUF

CHAPITRE DIX

CHAPITRE ONZE

CHAPITRE DOUZE

CHAPITRE TREIZE

 

CHAPITRE QUATORZE

CHAPITRE QUINZE

CHAPITRE SEIZE

CHAPITRE DIX-SEPT

CHAPITRE DIX-HUIT

CHAPITRE DIX-NEUF

CHAPITRE VINGT

CHAPITRE VINGT-ET-UN

CHAPITRE VINGT-DEUX

CHAPITRE VINGT-TROIS

CHAPITRE VINGT-QUATRE

CHAPITRE VINGT-CINQ

CHAPITRE VINGT-SIX

CHAPITRE VINGT-SEPT

CHAPITRE VINGT-HUIT

CHAPITRE VINGT-NEUF

CHAPITRE TRENTE

CHAPITRE TRENTE-ET-UN

CHAPITRE TRENTE-DEUX

CHAPITRE TRENTE-TROIS

CHAPITRE TRENTE-QUATRE

CHAPITRE PREMIER

Les échardes des accoudoirs en bois de la chaise s’enfonçaient dans les avant-bras de Jessica Thurman, qui étaient attachés à la chaise par une corde grossière. Comme elle avait souvent essayé de se libérer, la peau de ses bras était à vif et saignait à plusieurs endroits.

Jessica était forte pour une fille de six ans mais pas assez forte pour se libérer des cordes avec lesquelles son ravisseur l’avait attachée. Elle ne pouvait que rester là, les paupières scotchées en position ouverte, et regarder sa propre mère se tenir devant elle, impuissante, les bras menottés aux poutres en bois du plafond de la cabane isolée des Ozarks où elles étaient détenues toutes les deux.

Elle entendait les murmures de leur ravisseur, qui se tenait derrière elle et qui lui ordonnait de regarder, en l’appelant doucement sa “petite chérie”. Elle connaissait bien la voix.

Après tout, c’était celle de son père.

Soudain, avec une force inattendue qu’elle n’aurait pas crue possible, la petite Jessica jeta son corps de côté, envoyant la chaise – et elle avec – par terre. Elle ne sentit pas de choc quand elle heurta le plancher et cela l’étonna.

Elle leva les yeux et vit qu’elle n’était plus dans la cabane. Au lieu de cela, elle était au rez-de-chaussée d’un manoir moderne impressionnant. De plus, elle n’était plus la petite Jessica Thurman de six ans. À présent, elle s’appelait Jessie Hunt et elle avait vingt-huit ans. Elle était allongée sur le sol de sa propre maison. Elle regardait un homme qui tenait un tisonnier au-dessus de sa tête et qui allait lui en asséner un coup. Cependant, l’homme en question n’était plus son père.

En fait, c’était son mari, Kyle.

Les yeux brûlant d’une intensité frénétique, il abattit le tisonnier vers le visage de Jessie.

Elle leva les bras pour se défendre mais comprit que c’était trop tard.

*

Jessie se réveilla en poussant un cri étouffé. Elle avait encore les mains levées au-dessus de la tête comme pour bloquer une attaque. Pourtant, elle était seule dans la chambre de l’appartement. Elle se poussa en avant dans le lit pour s’asseoir droit. Son corps et les draps du lit étaient trempés de sueur. Son cœur battait beaucoup trop vite.

Elle sortit les jambes du lit, plaça les pieds sur le sol et se pencha en avant, posant les coudes sur les cuisses et se mettant la tête dans les mains. Quand elle eut donné à son corps quelques secondes pour qu’il s’acclimate à son véritable environnement (l’appartement de son amie Lacy, situé dans le centre-ville de Los Angeles), elle jeta un coup d’œil au réveil qui se trouvait sur la table de nuit. Il était 3 h 54 du matin.

Quand elle sentit la sueur commencer à sécher sur sa peau, elle se rassura.

Je ne suis plus dans cette cabane. Je ne suis plus dans cette maison. Je suis en sécurité. Ce ne sont que des cauchemars. Ces hommes ne peuvent plus me faire de mal.

Pourtant, en fait, ce n’était qu’à moitié vrai. Même Kyle, qui cesserait bientôt d’être son mari, était en prison, où il attendait d’être jugé pour divers crimes, dont sa tentative de tuer sa femme. Quant à son père, il n’avait jamais été capturé.

Il hantait encore ses rêves de façon régulière. Pire encore, elle avait récemment appris que, bien qu’elle ait été placée sous un régime de protection des témoins quand elle était enfant et bien qu’on lui ait donné une nouvelle maison et un nouveau nom, il était encore dans la nature et il la recherchait.

Jessie se leva et se dirigea vers la douche. Elle n’allait pas essayer de se rendormir. Elle savait que ce serait inutile.

De plus, une idée lui tournait dans la tête et elle voulait y réfléchir. Peut-être était-il temps qu’elle arrête d’accepter que ces cauchemars soient inévitables. Peut-être fallait-il qu’elle arrête de craindre que son père ne la retrouve un jour.

Peut-être était-il temps qu’elle le pourchasse elle-même.

CHAPITRE DEUX

Quand Lacy Cartwright, son ex-amie d’université et colocataire actuelle, entra dans la salle de petit déjeuner, Jessie était réveillée depuis plus de trois heures. Elle avait préparé du café frais et en versa une tasse à Lacy, qui approcha et la prit avec gratitude tout en remerciant Jessie d’un sourire sympathique.

“Tu as encore fait un cauchemar ?” demanda-t-elle.

Jessie hocha la tête. Pendant les six semaines que Jessie avait passées dans l’appartement de Lacy à essayer de se refaire une vie, son amie s’était habituée à ce que Jessie pousse des cris au beau milieu de la nuit et se réveille tôt le matin de façon plus ou moins régulière. À l’université, c’était arrivé de temps à autre, donc, ce n’était pas une surprise complète. Cependant, la fréquence avait augmenté de façon notable depuis que le mari de Jessie avait essayé de la tuer.

“Est-ce que j’ai crié fort ?” demanda Jessie d’un air désolé.

“Un peu”, reconnut Lacy, “mais tu t’es arrêtée de crier au bout de deux ou trois secondes. Je me suis rendormie immédiatement après.”

“Je suis vraiment désolée, Lace. Je devrais peut-être t’acheter de meilleurs bouchons d’oreilles tant que je n’ai pas encore déménagé ou une machine à réduction de bruit plus puissante. Je jure que je n’en ai plus pour très longtemps.”

“Ne t’inquiète pas pour ça. Tu t’en sors beaucoup mieux que si c’était moi”, insista Lacy en attachant ses longs cheveux en queue de cheval.

“Tu es gentille.”

“Ce n’est pas de la simple politesse, ma fille. Penses-y. Dans les deux derniers mois, ton mari a assassiné une femme, a essayé de te faire porter le chapeau puis a tenté de te tuer quand tu as découvert le pot aux roses. Sans compter ta fausse couche.”

Jessie hocha la tête mais ne dit rien. La liste d’horreurs de Lacy ne contenait pas son père tueur en série parce que Lacy ne connaissait pas son existence ; presque personne n’était au courant. Jessie préférait qu’il en soit ainsi, pour sa propre sécurité et pour celle de son amie. Lacy continua.

“Si c’était moi, je serais encore recroquevillée en position fœtale. Le fait que tu aies presque terminé ta kinésithérapie et que tu sois sur le point de commencer un programme de formation spécial du FBI me pousse à me demander si tu es une sorte de cyborg.”

Jessie était bien obligée d’admettre que, de ce point de vue, il était vraiment impressionnant qu’elle soit aussi autonome. Sa main se déplaça involontairement vers la partie gauche de son abdomen, où Kyle avait plongé le tisonnier. Les docteurs lui avaient dit qu’elle avait eu de la chance qu’il n’ait pas endommagé ses organes internes.

Elle avait une affreuse cicatrice. Quand on la rajoutait à celle qu’elle avait au travers de la clavicule depuis l’enfance, le résultat n’était pas esthétique. De temps à autre, elle sentait encore un élancement aigu à l’estomac mais, dans l’ensemble, elle allait bien. Une semaine auparavant, on lui avait permis de ne plus porter de canne et son kinésithérapeute avait seulement prévu une seule séance de rééducation de plus, qui devait avoir lieu aujourd’hui. Après cela, elle était censée effectuer les exercices requis toute seule. Par contre, elle était loin d’avoir terminé la rééducation mentale et émotionnelle dont elle avait besoin depuis qu’elle avait appris que son mari était un sociopathe et un assassin.

“J’imagine que ça ne va pas si mal”, finit-elle par répondre sans conviction en regardant son amie finir de s’habiller.

Lacy se mit ses talons hauts et, de grande femme, elle devint une Amazone complète. Avec ses jambes et ses pommettes longues, elle ressemblait plus à un mannequin en cavale qu’à une femme qui voulait devenir designer de mode. Elle avait les cheveux attachés en une haute queue de cheval qui laissait voir son cou. Elle était méticuleusement habillée dans une tenue qu’elle avait créée elle-même. Même si elle n’était encore qu’acheteuse en boutique de luxe, elle prévoyait d’ouvrir sa propre entreprise de design avant d’avoir trente ans et de devenir la designer de mode afro-américaine lesbienne la plus chic de tout le pays peu après.

“Je ne te comprends pas, Jessie”, dit-elle en se mettant son manteau. “Tu as été acceptée à Quantico dans un programme prestigieux du FBI réservé aux profileurs criminels prometteurs et l’idée ne semble pas t’enthousiasmer. J’avais pensé que tu sauterais sur cette occasion de changer de décor quelque temps. De plus, ça ne dure que dix semaines. Tu n’aurais même pas à déménager là-bas.”

“Tu as raison”, convint Jessie en finissant sa troisième tasse de café. “C’est juste qu’il se passe tant de choses ces temps-ci que je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment. Le divorce avec Kyle n’est pas encore finalisé. Il faut encore que je vende la maison de Westport Beach. Physiquement parlant, je ne vais pas bien à cent pour cent. De plus, je me réveille en hurlant la plupart des nuits. Je ne suis pas sûre d’être prête à supporter le programme de formation à l’analyse du comportement du FBI.”

“Eh bien, tu ferais mieux de te décider vite”, dit Lacy en se dirigeant vers la porte de devant. “Ne dois-tu pas leur donner une réponse à la fin de la semaine ?”

“C’est exact.”

“Dans ce cas, tu pourras me dire quelle décision tu prendras. Et au fait, peux-tu ouvrir la fenêtre de ta chambre avant de partir ? Sans vouloir te vexer, ça sent comme une salle de gym, là-bas.”

Lacy partit avant que Jessie ait pu répondre. De toute façon, Jessie n’aurait pas su quoi dire. Lacy était une très bonne amie sur laquelle on pouvait toujours compter pour être franche mais le tact n’était pas son fort.

Jessie se leva et se dirigea vers sa chambre pour se changer. Elle s’aperçut dans le grand miroir qui était sur la porte et ne se reconnut pas tout de suite. De façon superficielle, elle était encore la même, avec ses cheveux bruns qui lui tombaient sur les épaules, ses yeux verts et son mètre soixante-dix-sept.

Cependant, l’épuisement lui dessinait des cernes autour des yeux et ses cheveux étaient si filiformes et si gras qu’elle décida de se faire une queue de cheval et de porter une casquette. De plus, elle avait la sensation d’être voûtée en permanence parce qu’elle craignait constamment que son abdomen la fasse souffrir sans prévenir.

Est-ce que je redeviendrai un jour comme avant ? Cette personne existe-t-elle encore ?

Elle décida de penser à autre chose et de forcer son auto-apitoiement à la laisser tranquille, au moins pour quelque temps. Elle était trop occupée pour se laisser aller maintenant.

 

Il était temps qu’elle se prépare à sa séance de kinésithérapie, à rencontrer l’agent immobilier, à aller à son rendez-vous avec son psychiatre puis chez sa gynécologue. Toute cette longue journée, elle allait devoir faire semblant d’être un être humain en bon état.

*

L’agent immobilier, une petite derviche tourneuse en tailleur-pantalon du nom de Bridget, lui présentait le troisième appartement de la matinée quand Jessie commença à avoir très envie de sauter d’un balcon.

D’abord, tout s’était bien passé. Suite à sa dernière séance de kinésithérapie, à la fin de laquelle on lui avait dit qu’elle était “raisonnablement équipée pour les tâches de la vie quotidienne”, elle s’était sentie très heureuse. Bridget lui avait permis de garder son enthousiasme pendant qu’elles avaient visité les deux premiers appartements en discutant des détails, du prix et des commodités. Ce ne fut qu’au troisième appartement, le seul qui ait intrigué Jessie jusque-là, que les questions personnelles commencèrent.

“Êtes-vous sûre de n’être intéressée que par les appartements à une seule chambre ?” demanda Bridget. “Je vois que vous aimez celui-là mais, à l’étage au-dessus, il y a un appartement à deux chambres qui a quasiment la même disposition de pièces. Il ne coûte que trente mille dollars de plus et il aurait une valeur de revente plus élevée. En outre, vous ne savez pas quelle sera votre situation dans quelques années.”

“C’est vrai”, reconnut Jessie en se souvenant que, seulement deux mois auparavant, elle était mariée, enceinte et habitait dans une maison luxueuse du Comté d’Orange. À présent, elle était séparée d’un tueur condamné, elle avait perdu son enfant avant qu’il naisse et elle logeait chez une amie d’université. “Cela dit, une seule chambre me suffit.”

“Bien sûr”, dit Bridget sur un ton qui suggérait qu’elle comptait revenir à la charge plus tard. “Puis-je vous demander quelles sont vos circonstances ? Cela pourrait m’aider à mieux cibler vos préférences. Je ne peux m’empêcher de remarquer que vous avez la peau blanche à l’endroit où vous avez dû récemment avoir une alliance. Je pourrais mieux choisir votre appartement si je savais si vous comptez vraiment retrouver quelqu’un ou… attendre.”

“Nous sommes dans la bonne zone”, dit Jessie, dont la voix se refroidit involontairement. “Par ici, je ne désire visiter que les appartements à une seule chambre. C’est la seule information qu’il vous faut pour l’instant, Bridget.”

“Bien sûr. Je suis désolée”, dit humblement Bridget.

“Il faut que j’aille aux toilettes un instant”, dit Jessie, sentant le blocage qui avait commencé dans sa gorge s’étendre à sa poitrine. “Est-ce possible ?”

“Aucun problème”, dit Bridget. “Vous vous souvenez où elles sont, dans le vestibule ?”

Jessie hocha la tête et s’y rendit aussi vite que possible sans courir. Quand elle y entra et ferma la porte, elle eut peur de s’évanouir. Elle avait l’impression de sentir arriver une crise de panique.

Qu’est-ce qui m’arrive, bon sang ?

Elle s’éclaboussa le visage d’eau froide puis posa les mains sur le lavabo en se forçant à inspirer et à expirer lentement et profondément.

Des images lui passaient en tête sans rime ni raison : elle était blottie sur le sofa avec Kyle, elle frissonnait dans une cabane isolée des Monts Ozarks, elle regardait l’échographie de son enfant qui n’était jamais né, elle lisait une histoire pour dormir dans un fauteuil à bascule avec son père adoptif, elle regardait son mari jeter un corps depuis un yacht au large de la côte, elle entendait son père lui murmurer “petite chérie” à l’oreille.

Jessie ne savait pas pourquoi la question inoffensive de Bridget sur ses circonstances et ce qu’elle avait dit sur l’attente l’avait angoissée mais c’était bien le cas et, maintenant, elle avait des sueurs froides, elle tremblait involontairement et, dans le miroir, elle ne reconnaissait pas la personne qu’elle voyait.

Heureusement qu’elle allait rendre visite à sa psychiatre juste après. Cette idée calma légèrement Jessie et elle inspira et expira profondément quelques fois de plus avant de quitter les toilettes et de se diriger vers la porte de devant.

“Je vous rappellerai”, cria-t-elle à Bridget en refermant la porte derrière elle mais sans être sûre qu’elle le ferait. Pour l’instant, elle n’était sûre de rien.

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