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La San-Felice, Tome 06

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–Oublies-tu, lui dit Championnet, que j'ai aboli le baisemain entre hommes?

–Que faire, alors? dit Michele en se grattant l'oreille. Je voudrais cependant bien vous dire combien je vous suis reconnaissant.

–Embrasse-moi! dit Championnet en lui ouvrant ses bras.

Michele embrassa le général en sanglotant de joie.

–Maintenant, lui dit le général, parlons raison, ragazzo.

–Je ne demande pas mieux, mon général.

–Tu connais les chefs du complot?

–Oui, mon général.

–Eh bien, suppose un instant ici que la révélation vienne d'un autre.

–Bien.

–Que cet autre m'ait dit: «Faites arrêter Michele: il sait le nom des chefs du complot.»

–Bien.

–Que je t'aie fait arrêter.

–Très-bien.

–Et que je dise: «Michele, tu sais le nom des chefs du complot, tu vas me les nommer, ou je vais te faire fusiller.» Que ferais-tu?

–Je vous dirais: «Faites-moi fusiller, mon général; j'aime mieux mourir que de causer la mort d'un homme.»

–Parce que tu aurais l'espoir que je ne te ferais pas fusiller?

–Parce que j'aurais l'espoir que la Providence, qui m'a déjà sauvé une fois, me sauverait une seconde.

–Diable! voilà qui devient embarrassant, fit Championnet en riant. Je ne puis cependant pas te faire fusiller pour voir si tu dis la vérité.

Michele réfléchit un instant.

–Il est donc bien nécessaire que vous connaissiez le chef ou les chefs du complot?

–Absolument nécessaire. Ne sais tu pas qu'on ne guérit du ver solitaire qu'en lui arrachant la tête?

–Pouvez-vous me promettre qu'ils ne seront pas fusillés?

–Tant que je serai à Naples, oui.

–Mais, si vous quittez Naples?..

–Je ne réponds plus de rien.

Madonna! que faire?

–Cherche!.. Ne vois-tu aucun moyen pour nous tirer tous deux d'embarras.

–Si, mon général, j'en vois un!

–Dis-le.

–Et tant que vous serez à Naples, personne ne sera mis à mort à cause du complot que je vous aurai découvert?

–Personne.

–Eh bien, il y a une autre personne que moi qui connaît le nom des chefs du complot; seulement, cette personne-là ne sait point qu'il y ait un complot.

–Quelle est-elle?

–C'est la femme de chambre de ma soeur de lait, la chevalière San-Felice.

–Et comment appelles-tu cette femme de chambre?

–Giovannina.

–Où demeure-t-elle?

–A Mergellina, maison du Palmier.

–Et comment saurons-nous quelque chose par elle, si elle ne connaît pas le complot?

–Vous la ferez comparaître devant le chef de la police, le citoyen Nicolas Fasulo, et le citoyen Fasulo la menacera de la prison si elle ne dit point quelle est la personne qui a attendu sa maîtresse, la nuit passée, chez elle jusqu'à deux heures du matin, et qui n'est sortie de chez elle qu'à trois.

–Et la personne qu'elle nommera sera le chef du complot?

–Surtout si son prénom commence par la lettre A, et son nom par la lettre B. Et maintenant, mon général, foi de Michele l'honnête homme, je vous ai dit, non pas tout ce que j'ai à vous dire, mais tout ce que je vous dirai.

–Et tu ne me demandes rien pour les services que tu rends à Naples?

–Je demande que vous n'oubliiez jamais que vous êtes mon parrain.

Et, baisant de force cette fois la main que le général lui tendait, Michele s'élança hors de l'appartement, laissant, d'après les renseignements donnés par lui, le général libre de faire tout ce qui lui conviendrait.

CXIV
L'ARRESTATION

Il était deux heures de l'après-midi au moment où Michele sortit de chez le général Championnet.

Il sauta dans le premier corricolo venu, et, par le même procédé qu'il était arrivé, en changeant de véhicule à Portici et à Castellamare, il se trouva à Salerne un peu avant cinq heures.

A cent pas de l'auberge, il descendit, régla ses comptes avec son dernier cocher et rentra à pied à l'hôtel, sans faire plus de bruit que, s'il venait de faire une promenade à Eboli ou à Montalta.

Luisa n'était pas encore de retour.

A six heures, on entendit le bruit d'une voiture; Michele courut à la porte: c'étaient sa soeur de lait et Salvato qui revenaient de Poestum.

Michele ne connaissait pas Poestum; mais, en admirant le visage rayonnant des deux jeunes gens, il dut penser qu'il y avait de bien belles choses à voir à Poestum.

Et, en effet, il semblait que Luisa eût la tête ceinte d'une auréole de bonheur et Salvato d'un rayon d'orgueil.

Luisa était plus belle, Salvato était plus grand.

Quelque chose d'inconnu, et de visible cependant, s'était complété dans la beauté de Luisa. Il y avait en elle cette différence qu'il dut y avoir entre Galathée statue, et Galathée femme.

Supposez la Vénus pudique entrant dans l'Eden et, sous le souffle de l'ange de l'amour, devenant l'Ève de la Genèse.

C'était sur ses joues la blancheur du lis avec la teinte et le velouté de la pêche; c'était dans ses yeux la dernière lueur de la virginité se mêlant aux premières flammes de l'amour.

Sa tête, renversée en arrière, semblait n'avoir point la force de porter le poids de son bonheur; ses narines, dilatées, cherchaient à aspirer dans l'air des parfums nouveaux et jusque-là ignorés; sa bouche, entr'ouverte, laissait passer un souffle haletant et voluptueux.

Michele, en la voyant, ne put s'empêcher de lui dire:

–Qu'as-tu donc, petite soeur? Oh! comme tu es belle!

Luisa sourit, regarda Salvato et tendit la main à Michele.

Elle semblait lui dire:

–Je dois ma beauté à celui à qui je dois mon bonheur.

Puis, d'une voix douce et caressante comme un chant d'oiseau:

–Oh! comme c'est beau, Poestum! dit-elle. Quel malheur de ne point pouvoir y retourner demain, après-demain, tous les jours!

Salvato la serra contre son coeur. Il est évident qu'il trouvait, comme Luisa, que Poestum était le paradis du monde.

Les deux jeunes gens, d'un pas si léger qu'il semblait effleurer les marches de l'escalier, rentrèrent dans leur chambre. Mais, avant d'y rentrer, Luisa se retourna et laissa tomber ces mots:

–Michele, dans un quart d'heure, nous partons.

Au bout d'un quart d'heure, la voiture était prête; mais ce ne fut qu'au bout d'une heure que Luisa descendit.

Cette fois, sa physionomie était bien différente. Son visage s'était couvert d'une légère teinte de tristesse, et la flamme de son regard s'était tempérée dans les larmes.

Quoiqu'ils dussent se revoir le lendemain, les adieux des jeunes gens n'en avaient pas moins été tristes. En effet, lorsqu'on s'aime et qu'on se quitte, ne fût-ce que pour un jour, on remet pendant un jour son bonheur aux mains du hasard.

Quelle est la sagesse si profonde qu'elle puisse prévoir ce qui se passera entre deux soleils!

Lorsque Luisa descendit, la nuit commençait à tomber et la voiture était prête depuis trois quarts d'heure.

Elle était attelée de trois chevaux; sept heures sonnaient; le cocher promettait d'être de retour à Naples vers dix heures.

Luisa se ferait conduire droit chez les Backer, et suivrait vis-à-vis d'André le conseil que lui avait donné Salvato.

Salvato reviendrait le lendemain dans l'après-midi, se mettre aux ordres de son général.

Dix minutes s'écoulèrent en adieux. Les deux jeunes gens semblaient ne point pouvoir se séparer. Tantôt c'était Salvato qui retenait Luisa; tantôt c'était Luisa qui retenait Salvato.

Enfin, la voiture partit, les grelots sonnèrent, et le mouchoir de Luisa, trempé de larmes, jeta à son amant un dernier adieu, que celui-ci lui rendit en agitant son chapeau.

Puis la voiture, qui avait commencé à disparaître dans l'obscurité, disparut tout à fait dans la courbe de la rue.

Au fur et à mesure que Luisa s'éloignait de Salvato, cette puissance magnétique que le jeune homme avait exercée sur elle se calmait, et Luisa, se rappelant le sujet qui l'avait amenée, redevenait sérieuse, et, du sérieux, passait à la tristesse.

Pendant toute la route, Michele ne dit pas un mot qui pût faire allusion au secret qu'il avait surpris et au voyage qu'il avait fait.

On traversa successivement Torre-del-Greco, Portici, Resina, le pont de la Madeleine, la Marinella.

Les Backer demeuraient strada Medina, entre la strada dei Fiorentini et la via Schizzitella.

Dès Marinella, Luisa avait donné l'ordre au cocher de la déposer à la fontaine Medina, c'est-à-dire à l'extrémité de la strada del Molo.

Mais, à l'extrémité de la rue del Piliere, Luisa commença de s'apercevoir, à l'affluence du monde qui se précipitait vers la strada del Molo, que quelque chose d'extraordinaire se passait dans le quartier.

A la hauteur de la strada del Porto, le cocher déclara qu'il lui était impossible d'aller plus loin avec sa voiture: son cheval risquait d'être éventré par ceux que lui-même menaçait d'écraser.

Michele fit ce qu'il put pour obtenir de sa soeur de lait qu'elle revînt sur ses pas, suivît un autre chemin ou prît une barque au Môle.

Cette barque, en une demi-heure, l'eut conduite à Mergellina.

Mais Luisa avait un but qu'elle considérait comme sacré, et elle refusa de s'éloigner. D'ailleurs, cette foule se précipitait vers la rue Medina, le bruit qu'on entendait venait de la rue Medina, et, aux quelques paroles que surprenait la jeune femme, se mêlaient des mots qui éveillaient l'inquiétude dans son coeur.

Il lui semblait que tout ce peuple qui s'engouffrait dans la rue Medina, parlait de complots, de trahisons, de massacres, et nommait les Backer.

Elle sauta à bas de la voiture, et, toute frissonnante, prit le bras de Michele, avec lequel elle se laissa entraîner par le flot.

On voyait au fond de la rue briller des torches et étinceler des baïonnettes; puis, au milieu d'une rumeur confuse, on entendait des cris de menace.

 

–Michele, dit Luisa, monte donc sur la margelle de la fontaine, et dis-moi ce que tu vois.

–Michele obéit, et ainsi, dépassant toutes les têtes, put plonger au fond de la rue.

–Eh bien? demanda Luisa.

Michele hésitait à répondre.

–Mais parle donc! s'écria Luisa de plus en plus inquiète, parle donc! Que vois-tu?

–Je vois, dit Michele, des hommes de la police qui portent des torches, et des soldats qui gardent la maison de MM. Backer.

–Ah! dit Luisa, ils ont été dénoncés, les malheureux! Il faut que je pénètre jusqu'à eux, il faut que je les voie.

–Non, non, petite soeur, dit Michele. Tu n'es pour rien là dedans, n'est-ce pas?

–Dieu merci, non.

–Alors, viens; éloignons-nous.

–Au contraire, au contraire, dit Luisa, avançons.

Et, tirant à elle Michele, elle le força de descendre de la margelle et de rentrer dans la foule.

En ce moment, les cris redoublèrent, et il se fit un grand mouvement parmi cette foule. On entendit les crosses des fusils retentir sur le pavé, des voix impératives crièrent: «Place!» une espèce de tranchée s'ouvrit, et Michele et Luisa se trouvèrent en face des deux prisonniers, dont l'un-c'était le plus jeune-tenait, entre ses bras liés autour du corps, le drapeau blanc des Bourbons.

Ils étaient au milieu d'hommes portant d'une main des torches et de l'autre des sabres, et, malgré les injures, les huées et les insultes de la canaille, toujours prête à insulter, à huer, à injurier le plus faible, ils marchaient tête levée, comme des gens qui confessent hautement leur foi.

Stupéfaite à cette vue, Luisa, au lieu de se ranger comme les autres, resta immobile et se trouva en face du plus jeune des deux prisonniers, c'est-à-dire d'André Backer.

Tous deux, en se reconnaissant, firent un pas en arrière.

–Ah! madame, dit amèrement le jeune homme, je savais bien que c'était vous qui m'aviez trahi; mais je ne savais pas que vous eussiez le courage d'assister à mon arrestation!

La San-Felice voulut répondre, nier, protester, jurer Dieu; mais le prisonnier l'écarta doucement, et passa en disant:

–Je vous pardonne, au nom de mon père et au mien, madame; puissent Dieu et le roi vous pardonner comme moi!

Luisa voulut répondre, la voix lui manqua; et, au milieu des cris: «C'est elle! c'est cette femme, c'est la San-Felice qui les a dénoncés!» elle tomba dans les bras de Michele.

Les prisonniers continuèrent leur route vers le Castel-Nuovo, où ils furent enfermés sous la garde de son commandant, le colonel Massa.

CXV
L'APOTHÉOSE

Lorsque Luisa revint à elle, elle se trouva dans une espèce de café faisant l'angle de la strada del Molo et de la calata San-Marco. Michele l'y avait transportée à travers la foule, qui s'était amassée à la porte, et la regardait par les fenêtres fermées et pas les portes ouvertes.

Cette foule répétait les paroles du prisonnier et disait en la montrant du doigt:

–C'est elle qui les a dénoncés.

En rouvrant les yeux, elle avait d'abord tout oublié; mais peu à peu, en regardant autour d'elle, en reconnaissant où elle se trouvait, en voyant cette multitude amassée autour de la maison, elle se souvint de tout ce qui s'était passé, jeta un cri et cacha sa tête dans ses mains.

–Une voiture! au nom du ciel, mon cher Michele! une voiture, et rentrons chez moi!

La chose n'était point difficile; il y avait alors et il y a encore aujourd'hui, entre le théâtre Saint-Charles et le théâtre du Fondo, une station de voitures pour la commodité des dilettanti qui venaient, à cette époque, assister à la représentation des chefs-d'oeuvre de Cimarosa et de Paesiello, et qui viennent aujourd'hui assister à celle des oeuvres de Bellini, de Rossini et de Verdi. Michele sortit, appela une voiture fermée, la fit approcher de la porte qui donne sur la strada del Molo, y conduisit Luisa au milieu des vivats ou des murmures des assistants, selon que ceux-ci, étaient patriotes ou bourboniens, lui savaient gré ou lui voulaient mal pour sa prétendue délation, y monta avec elle et referma la portière en disant:

–A Mergellina!

La foule s'ouvrit, la voiture passa, traversa le largo Castello, prit la rue Chiaïa, et, au bout d'un quart d'heure, s'arrêta à la maison du Palmier.

Michele sonna vigoureusement; Giovannina vint ouvrir.

La jeune fille avait sur les lèvres cette joyeuse expression des mauvais serviteurs qui ont une fâcheuse nouvelle à annoncer.

–Ah! dit-elle entamant la conversation la première, pendant que madame n'y était point, il s'est passé de belles choses ici!

–Ici? demanda Luisa.

–Oui, ici, madame.

–Ici, dans la maison ou à Naples?

–Ici, dans la maison.

–Que s'est-il donc passé?

–Madame aurait dû me dire, dans le cas où l'on m'interrogerait sur M. André Backer, ce qu'il faudrait répondre.

–On vous a donc interrogée sur M. André Backer?

–Comment, madame! j'ai été arrêtée, conduite à la police, menacée de la prison si je ne disais pas qui était venu la nuit passée chez madame. On savait que quelqu'un était venu; seulement, on ne savait pas qui.

–Et vous avez nommé M. Backer?

–Il l'a bien fallu. Dame, je n'ai pas été tentée d'aller en prison, moi. Ce n'était point pour moi que M. Backer était venu.

–Malheureuse! qu'avez-vous fait! dit Luisa tombant assise et inclinant sa tête dans ses mains.

–Que voulez-vous! j'ai eu peur, en niant, d'être convaincue, malgré ma dénégation, et que les mauvaises langues, voyant que j'avais voulu dissimuler la présence de M. André Backer chez madame, ne dissent que M. André Backer était l'amant de madame, comme on commence à le dire de M. Salvato.

–Oh! Giovannina! s'écria Michele.

Luisa se leva, lança un regard d'étonnement et de reproche à la jeune fille, et, d'une voix douce mais ferme:

–Giovannina, dit-elle, je ne sais quelle raison vous avez de reconnaître mes bontés par une si grande ingratitude. Demain, vous sortirez de chez moi.

–Comme il fera plaisir à madame, répondit insolemment la jeune fille.

Et elle sortit sans même se retourner.

Luisa sentit les larmes lui venir aux yeux. Elle tendit la main à Michele, qui s'agenouilla devant elle.

–Oh! Michele! mon cher Michele! murmura-t-elle en éclatant en sanglots.

Michele lui prit la main et la lui baisa, d'autant plus émotionné qu'il sentait au fond du coeur que tout ce trouble venait de lui.

–Voilà une soirée mauvaise, en effet, après une belle journée, dit-il. Pauvre petite soeur! tu étais si heureuse en revenant de Poestum!

–Bien heureuse! bien heureuse! murmura-t-elle. Mais je ne sais quelle voix me dit à l'oreille que le plus beau et surtout le plus pur de mon bonheur est passé. Oh! Michele! Michele! quelle chose horrible a dite cette folle!

–Oui; mais, pour qu'elle ne dise point aux autres ce qu'elle vient de te dire, à toi, il ne faut pas la chasser. Songe qu'elle sait tout: l'assassinat de Salvato, l'asile que nous lui avons donné, son séjour dans la maison, tes intimités avec lui. Eh! mon Dieu, je sais bien, moi, qu'il n'y a pas de mal à tout cela; mais le monde y verra du mal, et, si, au lieu d'avoir intérêt à se taire en restant chez toi, elle a intérêt à parler, ne fût-ce que par vengeance, ta réputation en souffrira.

–Ne fût-ce que par vengeance, dis-tu? Et pourquoi Giovannina se vengerait-elle de moi? Je ne lui ai jamais fait que du bien.

–La belle raison! Il y a des esprits mauvais, petite soeur, qui d'autant plus vous en veulent, qu'on leur a fait plus de bien; et, depuis quelque temps, j'ai cru m'apercevoir que Giovannina était de ces esprits-là; Tu ne t'en es point aperçue, toi?

Luisa regarda Michele. Depuis quelque temps aussi, les rébellions de la jeune fille l'étonnaient en effet. Elle s'était demandé plusieurs fois la cause de ce changement de caractère et n'avait pu s'en rendre compte. Elle avait pu s'être trompée; mais, du moment que Michele reconnaissait comme elle cette mauvaise disposition de la jeune femme de chambre, c'est que, réellement, cette mauvaise disposition existait.

Tout à coup une lueur lui passa par l'esprit. Elle jeta les yeux avec inquiétude autour d'elle:

–Regarde, dit-elle, si l'on ne nous écoute point.

Michele s'avança vers la porte, mais sans avoir le soin d'amortir le bruit de ses pas, de sorte qu'au moment où la porte de la chambre de Luisa s'ouvrait, celle de la chambre de Nina se refermait. Nina écoutait-elle, ou cette porte ouverte d'une part et fermée de l'autre était-elle un pur effet du hasard?

Michele referma la porte, poussa le verrou, et, reprenant sa place aux pieds de sa soeur:

–Tu peux parler, lui dit-il. Je ne dirai point: «Personne ne nous écoutait,» mais je dirai: «Personne ne nous écoute plus.»

–Eh bien, dit Luisa en éteignant sa voix et en se penchant sur Michele, voilà deux choses qui m'arrivent et qui me confirment dans mes soupçons. Lorsque, la nuit dernière, le pauvre André Backer est venu me voir, il savait de point en point ce qui s'était passé entre Salvato et moi. Ce matin, tandis qu'à Salerne je causais avec Salvato, une lettre anonyme est arrivée, racontant à Salvato qu'un jeune homme m'avait attendu chez moi la nuit précédente, jusqu'à deux heures du matin, et ne s'était retiré qu'à trois, après avoir causé une heure avec moi. De qui viennent ces dénonciations, sinon de Giovannina, je te le demande?

Managgia la Madonna! murmura Michele, voilà qui était grave. Mais je ne t'en dirai pas moins: Dans ce moment-ci, et à moins d'une certitude, ne fais pas d'éclat. Je te donnerais bien un autre conseil, mais tu ne le suivrais pas.

–Lequel?

–Je te dirais bien: Va rejoindre le chevalier à Palerme; voilà ce qui coupera court à tous les mauvais propos.

Un vive rougeur envahit les joues de Luisa; elle laissa tomber sa tête dans ses mains, et, d'une voix étouffée:

–Hélas! répondit-elle, le conseil est bon et vient d'un ami…

–Eh bien?

–Je pouvais le suivre hier; je ne puis plus le suivre aujourd'hui.

Et un gémissement profond s'échappa du coeur de Luisa.

Michele regarda Luisa et comprit tout: la tristesse de Naples confirmait les soupçons qu'avait fait naître en lui la joie de Salerne.

En ce moment, Luisa entendit des pas dans le corridor de communication. Mais ces pas ne cherchaient point à se dissimuler. Elle releva la tête et écouta avec inquiétude. Dans la situation où elle se trouvait, tout était, en effet, inquiétant.

Bientôt on frappa à sa porte, et la voix de la duchesse Fusco demanda:

–Chère Luisa, êtes-vous chez vous?

–Oh! oui, oui; entrez, entrez! cria Luisa.

La duchesse entra, Michele voulut se lever; mais La main de Luisa le maintint où il était.

–Que faites-vous donc ici, ma belle Luisa, s'écria la duchesse, seule et presque dans l'obscurité, avec votre frère de lait, tandis que l'on vous fait chez moi un triomphe?

–Un triomphe, chez vous, chère Amélie? demanda Luisa tout étonnée. Et à quel propos?

–Mais à propos de ce qui s'est passé. N'est-il pas vrai que vous avez découvert une conspiration qui nous menaçait tous, et qu'en la dénonçant, non-seulement vous nous avez sauvés tous, mais encore vous avez sauvé la patrie!

–Oh! vous aussi, Amélie, s'écria Luisa en laissant échapper un sanglot, vous aussi, vous avez pu me croire capable d'une pareille infamie!

–Infamie! s'écria à son tour la duchesse, à laquelle son ardent patriotisme et sa haine des Bourbons faisaient apparaître les choses sous un tout autre point de vue qu'elles apparaissaient à Luisa; tu appelles infamie une action qui eût illustré une Romaine du temps de la République! Ah! pourquoi n'étais-tu pas ce soir chez nous quand cette nouvelle est arrivée: tu eusses vu l'enthousiasme qu'elle a excité. Monti a improvisé des vers en ton honneur; Cirillo et Pagano ont proposé de te décerner la couronne civique; Cuoco, qui écrit l'histoire de notre révolution, t'y garde une de ses plus belles pages. Pimentel annoncera demain, dans son Moniteur, la dette immense que Naples a contractée envers toi; les femmes, la duchesse de Pepoli t'appelaient pour t'embrasser; les hommes t'attendaient à genoux pour te baiser la main; quant à moi, j'étais fière et joyeuse d'être ta meilleure amie. Demain, Naples ne s'occupera que de toi; demain, Naples t'élèvera des autels, comme Athènes en élevait à Minerve, déesse protectrice de la patrie.

–Oh! malheur! s'écria Luisa. Un seul jour a suffi pour imprimer une double tache sur moi! 7 février! 7 février! date terrible!

Et elle tomba renversée, presque mourante, dans les bras de la duchesse Fusco, tandis que Michele, plein de doute maintenant sur l'action qu'il avait commise, plein de remords en voyant dans cet état celle qu'il aimait plus que sa vie, déchirait avec ses ongles sa poitrine ensanglantée.

 

Le lendemain, 8 février 1799, on lisait dans le Moniteur parthénopéen, en premier article et en grosses lettres, les lignes suivantes:

«Une admirable citoyenne, Luisa Molina San-Felice, a découvert hier soir, vendredi, la conspiration ourdie par quelques scélérats insensés, qui, se fiant à la présence de plusieurs vaisseaux de l'escadre anglaise dans nos ports, de concert avec elle, devaient, dans la nuit de samedi à dimanche, c'est-à-dire ce soir, renverser le gouvernement, massacrer les bons patriotes et tenter une contre-révolution.

»Les chefs de ce projet impie étaient les banquiers Backer père et fils, Allemands tous deux d'origine et demeurant rue Médina. Ils ont été arrêtés hier au soir et conduits en prison, André Backer portant, comme symbole de sa honte, le drapeau royal trouvé chez lui. On y a trouvé aussi un certain nombre de cartes de sûreté, qui devaient être distribuées à ceux que l'on voulait épargner. Tous ceux qui n'auraient point été porteurs de ces cartes étaient désignés pour la mort.

»Diverses arrestations secondaires ont eu lieu à la suite de cette arrestation principale, et le monastère de San-Francesco-delle-Monache, attendu l'opportunité du local (chacun sait qu'il forme une espèce d'île), a été désigné pour servir de prison aux prévenus. Les religieuses l'ont, par conséquent, abandonné, et sont passées à celui de Donna-Albina.

»Au nombre des individus arrêtés, outre Backer père et fils; on compte le curé des Carmes, le prince de Canassa, les deux frères Jorio, l'un magistrat, l'autre évêque, et un juge nommé Jean-Baptiste Vecchione.

»Un dépôt de cent cinquante fusils et d'autres armes, telles que sabres et baïonnettes, a été, en outre, trouvé à la douane.

»Gloire à Luisa Molina San-Felice! Elle a sauvé la patrie!»

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