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La dame de Monsoreau — Tome 2

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CHAPITRE XXXIII
UNE VOLÉE D'ANGEVINS

Bussy parvint à occuper si bien le duc d'Anjou de ses préparatifs de guerre, que, pendant deux jours, il ne trouva ni le temps d'aller à Méridor, ni le temps de faire venir le baron à Angers.

Quelquefois cependant le duc revenait à ses idées de visite. Mais aussitôt Bussy faisait l'empressé, visitait les mousquets de toute la garde, faisait équiper les chevaux en guerre, roulait les canons, les affûts, comme s'il s'agissait de conquérir une cinquième partie du monde.

Ce que voyant Remy, il se mettait à faire de la charpie, à repasser ses instruments, à confectionner ses baumes, comme s'il s'agissait de soigner la moitié du genre humain.

Le duc alors reculait devant l'énormité de pareils préparatifs.

Il va sans dire que, de temps en temps, Bussy, sous prétexte de faire le tour des fortifications extérieures, sautait sur Roland, et, en quarante minutes, arrivait à certain mur, qu'il enjambait d'autant plus lestement, qu'à chaque enjambement il faisait tomber quelque pierre, et que le chaperon, croulant sous son poids, devenait peu à peu une brèche.

Quant à Roland, il n'était plus besoin de lui dire où l'on allait, Bussy n'avait qu'à lui lâcher la bride et fermer les yeux.

— Voilà déjà deux jours de gagnés, disait Bussy, j'aurai bien du malheur si, d'ici à deux autres jours, il ne m'arrive pas un petit bonheur.

Bussy n'avait pas tort de compter sur sa bonne fortune.

Vers le soir du troisième jour, comme on faisait entrer dans la ville un énorme convoi de vivres, produit d'une réquisition frappée par le duc sur ses bons et féaux Angevins; comme M. d'Anjou, pour faire le bon prince, goûtait le pain noir des soldats et déchirait à belles dents les harengs salés et la morue sèche, on entendit une grande rumeur vers une des portes de la ville.

M. d'Anjou s'informa d'où venait cette rumeur; mais personne ne put le lui dire.

Il se faisait par là une distribution de coups de manche de pertuisane et de coups de crosse de mousquet à bon nombre de bourgeois attirés par la nouveauté d'un spectacle curieux.

Un homme, monté sur un cheval blanc ruisselant de sueur, s'était présenté à la barrière de la porte de Paris.

Or Bussy, par suite de son système d'intimidation, s'était fait nommer capitaine général du pays d'Anjou, grand-maître de toutes les places, et avait établi la plus sévère discipline, notamment dans Angers. Nul ne pouvait sortir de la ville sans un mot d'ordre, nul ne pouvait y entrer sans ce même mot d'ordre, une lettre d'appel ou un signe de ralliement quelconque.

Toute cette discipline n'avait d'autre but que d'empêcher le duc d'envoyer quelqu'un à Diane sans qu'il le sût, et d'empêcher Diane d'entrer à Angers sans qu'il en fût averti.

Cela paraîtra peut-être un peu exagéré; mais cinquante ans plus tard Buckingham faisait bien d'autres folies pour Anne d'Autriche.

L'homme et le cheval blanc étaient donc, comme nous l'avons dit, arrivés d'un galop furieux, et ils avaient été donner droit dans le poste.

Mais le poste avait sa consigne. La consigne avait été donnée à la sentinelle; la sentinelle avait croisé la pertuisane; le cavalier avait paru s'en inquiéter médiocrement; mais la sentinelle avait crié: «Aux armes!» le poste était sorti, et force avait été d'entrer en explication.

— Je suis Antraguet, avait dit le cavalier, et je veux parler au duc d'Anjou.

— Nous ne connaissons pas Antraguet, avait répondu le chef du poste; quant à parler au duc d'Anjou, votre désir sera satisfait, car nous allons vous arrêter et vous conduire à Son Altesse.

— M'arrêter! répondit le cavalier, voilà encore un plaisant maroufle pour arrêter Charles de Balzac d'Entragues, baron de Cuneo et comte de Graville.

— Ce sera pourtant comme cela, dit en ajustant son hausse-col le bourgeois qui avait vingt hommes derrière lui, et qui n'en voyait qu'un seul en face.

— Attendez un peu, mes bons amis, dit Antraguet. Vous ne connaissez pas encore les Parisiens, n'est-ce pas? eh bien! je vais vous montrer un échantillon de ce qu'ils savent taire.

— Arrêtons-le! conduisons-le à monseigneur! crièrent les miliciens furieux.

— Tout doux, mes petits agneaux, d'Anjou, dit Antraguet, c'est moi qui aurai ce plaisir.

— Que dit-il donc là? se demandèrent les bourgeois.

— Il dit que son cheval n'a encore fait que dix lieues, répondit Antraguet, ce qui fait qu'il va vous passer sur le ventre à tous, si vous ne vous rangez pas. Rangez-vous donc, ou ventre-boeuf...

Et, comme les bourgeois d'Angers avaient l'air de ne pas comprendre le juron parisien, Antraguet avait mis l'épée à la main, et, par un moulinet prestigieux, avait abattu çà et là les hampes les plus rapprochées des hallebardes dont on lui présentait la pointe.

En moins de dix minutes, quinze ou vingt hallebardes furent changées en manches à balais.

Les bourgeois furieux fondirent à coups de bâton sur le nouveau venu, qui parait devant, derrière, à droite et à gauche, avec une adresse prodigieuse, et en riant de tout son coeur.

— Ah! la belle entrée, disait-il en se tordant sur son cheval; oh! les honnêtes bourgeois que les bourgeois d'Angers! Morbleu, comme on s'amuse ici! Que le prince a bien eu raison de quitter Paris, et que j'ai bien fait de venir le rejoindre!

Et Antraguet, non-seulement parait de plus belle, mais, de temps en temps, quand il se sentait serré de trop près, il taillait, avec sa lame espagnole, le buffle de celui-là, la salade de celui-ci, et quelquefois, choisissant son homme, il étourdissait d'un coup de plat d'épée quelque guerrier imprudent qui se jetait dans la mêlée, le chef protégé par le simple bonnet de laine angevin.

Les bourgeois ameutés frappaient à l'envi, s'estropiant les uns les autres, puis revenaient à la charge; comme les soldats de Cadmus, on eût dit qu'ils sortaient de terre.

Antraguet sentit qu'il commençait à se fatiguer.

— Allons, dit-il, voyant que les rangs devenaient de plus en plus compacts, c'est bon; vous êtes braves comme des lions, c'est convenu, et j'en rendrai témoignage. Mais vous voyez qu'il ne vous reste plus que vos manches de hallebardes, et que vous ne savez pas charger vos mousquets. J'avais résolu d'entrer dans la ville, mais j'ignorais qu'elle était gardée par une armée de Césars. Je renonce à vous vaincre; adieu, bonsoir, je m'en vais. Dites seulement au prince que j'étais venu exprès de Paris pour le voir.

Cependant le capitaine était parvenu à communiquer le feu à la mèche de son mousquet; mais, au moment où il appuyait la crosse à son épaule, Antraguet lui cingla de si furieux coups de sa canne flexible sur les doigts, qu'il lâcha son arme et qu'il se mit à sauter alternativement sur le pied droit et sur le pied gauche.

— A mort! à mort! crièrent les miliciens meurtris et enragés, ne le laissons pas fuir! qu'il ne puisse pas s'échapper!

— Ah! dit Antraguet, vous ne vouliez pas me laisser entrer tout à l'heure, et voilà maintenant que vous ne voulez plus me laisser sortir; prenez garde! cela va changer ma tactique: au lieu d'user du plat, j'userai de la pointe; au lieu d'abattre les hallebardes, j'abatterai les poignets. Çà, voyons, mes agneaux d'Anjou, me laisse-t-on partir?

— Non! à mort! à mort! il se lasse! assommons-le!

— Fort bien! c'est pour tout de bon, alors?

— Oui! oui!

— Eh bien! gare les doigts, je coupe les mains!

Il achevait à peine, et se mettait en mesure de mettre sa menace à exécution, quand un second cavalier apparut à l'horizon, accourant avec la même frénésie, entra dans la barrière au triple galop, et tomba comme la foudre au milieu de la mêlée, qui tournait peu à peu en véritable combat.

— Antraguet, cria le nouveau venu, Antraguet! eh! que diable fais-tu au milieu de tous ces bourgeois?

— Livarot! s'écria Antraguet en se retournant, ah! mordieu, tu es le bienvenu, Montjoie et Saint-Denis, à la rescousse!

— Je savais bien que je te rattraperais; il y a quatre heures que j'ai eu de tes nouvelles, et, depuis ce moment, je te suis. Mais où t'es-tu donc fourré? on te massacre, Dieu me pardonne.

— Oui, ce sont nos amis d'Anjou, qui ne veulent ni me laisser entrer ni me laisser sortir.

— Messieurs, dit Livarot en mettant le chapeau à la main, vous plairait-il de vous ranger à droite ou à gauche, afin que nous passions?

— Ils nous insultent! crièrent les bourgeois; à mort! à mort!

— Ah! voilà comme ils sont à Angers! fit Livarot en remettant d'une main son chapeau sur sa tête, et en tirant de l'autre son épée.

— Oui, tu vois, dit Antraguet; malheureusement ils sont beaucoup.

— Bah! à nous trois nous en viendrons bien à bout.

— Oui, à nous trois, si nous étions trois; mais nous ne sommes que nous deux.

— Voici Ribérac qui arrive.

— Lui aussi?

— L'entends-tu?

— Je le vois. Eh! Ribérac! eh! ici! ici!

En effet, au moment même, Ribérac, non moins pressé que ses compagnons, à ce qu'il paraissait, faisait la même entrée qu'eux dans la ville d'Angers.

— Tiens! on se bat, dit Ribérac, voilà une chance! Bonjour, Antraguet; bonjour, Livarot.

— Chargeons, répondit Antraguet.

Les miliciens regardaient, assez étourdis, le nouveau renfort qui venait d'arriver aux deux amis, lesquels, de l'état d'assaillis, se préparaient à passer à celui d'assaillants.

— Ah çà! mais ils sont donc un régiment, dit le capitaine de la milice à ces hommes; messieurs, notre ordre de bataille me paraît vicieux, et je propose que nous fassions demi-tour à gauche.

 

Les bourgeois, avec cette habileté qui les caractérise dans l'exécution des mouvements militaires, commencèrent aussitôt un demi-tour à droite.

C'est qu'outre l'invitation de leur capitaine qui les ramenait naturellement à la prudence, ils voyaient les trois cavaliers se ranger de front avec une contenance martiale qui faisait frémir les plus intrépides.

— C'est leur avant-garde, crièrent les bourgeois qui voulaient se donner à eux-mêmes un prétexte pour fuir. Alarme! alarme!

— Au feu! crièrent les autres, au feu!

— L'ennemi! l'ennemi! dirent la plupart.

— Nous sommes des pères de famille; nous nous devons à nos femmes et à nos enfants. Sauve qui peut! hurla le capitaine.

Et en raison de ces cris divers, qui tous cependant, comme on le voit, avaient le même but, un effroyable tumulte se fit dans la rue, et les coups de bâton commencèrent à tomber comme la grêle sur les curieux, dont le cercle pressé empêchait les peureux de fuir.

Ce fut alors que le bruit de la bagarre arriva jusqu'à la place du Château, où, comme nous l'avons dit, le prince goûtait le pain noir, les harengs saurs et la morue sèche de ses partisans.

Bussy et le prince s'informèrent; on leur dit que c'étaient trois hommes, ou plutôt trois diables incarnés arrivant de Paris, qui faisaient tout ce tapage.

— Trois hommes? dit le prince; va donc voir ce que c'est, Bussy.

— Trois hommes? dit Bussy: venez, monseigneur.

Et tous deux partirent: Bussy en avant, le prince le suivant prudemment, accompagné d'une vingtaine de cavaliers.

Ils arrivèrent comme les bourgeois commençaient d'exécuter la manoeuvre que nous avons dite, au grand détriment des épaules et des crâne des curieux.

Bussy se dressa sur ses étriers, et, son oeil d'aigle plongeant dans la mêlée, il reconnut Livarot à sa longue figure.

— Mort de ma vie! cria-t-il au prince d'une voix tonnante, accourez donc, monseigneur, ce sont nos amis de Paris qui nous assiègent.

— Eh non! répondit Livarot d'une voix qui dominait le bruit de la bataille, ce sont, au contraire, les amis d'Anjou qui nous écharpent.

— Bas les armes! cria le duc; bas les armes, marauds, ce sont des amis.

— Des amis! s'écrièrent les bourgeois contusionnés, écorchés, rendus. Des amis! il fallait donc leur donner le mot d'ordre alors; depuis une bonne heure, nous les traitons comme des païens, et ils nous traitent comme des Turcs.

Et le mouvement rétrograde acheva de se faire.

Livarot, Antraguet et Ribérac s'avancèrent en triomphateurs dans l'espace laissé libre par la retraite des bourgeois, et tous s'empressèrent d'aller baiser la main de Son Altesse; après quoi, chacun, à son tour, se jeta dans les bras de Bussy.

— Il paraît, dit philosophiquement le capitaine, que c'est une volée d'Angevins que nous prenions pour un vol de vautours.

— Monseigneur, glissa Bussy à l'oreille du duc, comptez vos miliciens, je vous prie.

— Pour quoi faire?

— Comptez toujours, à peu près, en gros; je ne dis pas un à un.

— Ils sont au moins cent cinquante.

— Au moins, oui.

— Eh bien! que veux-tu dire?

— Je veux dire que vous n'avez point là de fameux soldats, puisque trois hommes les ont battus.

— C'est vrai, dit le duc. Après?

— Après! sortez donc de la ville avec des gaillards comme ceux-là!

— Oui, dit le duc; mais j'en sortirai avec les trois hommes qui ont battu les autres, répliqua le duc.

— Ouais! fit tout bas Bussy, je n'avais pas songé à celle-là. Vivent les poltrons pour être logiques!

CHAPITRE XXXIV
ROLAND

Grâce au renfort qui lui était arrivé, M. le duc d'Anjou put se livrer à des reconnaissances sans fin autour de la place.

Accompagné de ses amis, arrivés d'une façon si opportune, il marchait dans un équipage de guerre dont les bourgeois d'Angers se montraient on ne peut plus orgueilleux, bien que la comparaison de ces gentilshommes bien montés, bien équipés, avec les harnais déchirés et les armures rouillées de la milice urbaine, ne fût pas précisément à l'avantage de cette dernière.

On explora d'abord les remparts, puis les jardins attenants aux remparts, puis la campagne attenante aux jardins, puis enfin les châteaux épars dans cette campagne, et ce n'était point sans un sentiment d'arrogance très-marquée que le duc narguait, en passant, soit près d'eux, soit au milieu d'eux, les bois qui lui avaient fait si grande peur, ou plutôt dont Bussy lui avait fait si grande peur.

Les gentilshommes angevins arrivaient avec de l'argent, ils trouvaient à la cour du duc d'Anjou une liberté qu'ils étaient loin de rencontrer à la cour de Henri III; ils ne pouvaient donc manquer de faire joyeuse vie dans une ville toute disposée, comme doit l'être une capitale quelconque, à piller la bourse de ses hôtes.

Trois jours ne s'étaient point encore écoulés, qu'Antraguet, Ribérac et Livarot avaient lié des relations avec les nobles angevins les plus épris des modes et des façons parisiennes. Il va sans dire que ces dignes seigneurs étaient mariés et avaient de jeunes et jolies femmes.

Aussi n'était-ce pas pour son plaisir particulier, comme pourraient le croire ceux qui connaissent l'égoïsme du duc d'Anjou, qu'il faisait de si belles cavalcades dans la ville. Non. Ces promenades tournaient au plaisir des gentilshommes parisiens, qui étaient venus le rejoindre, des seigneurs angevins, et surtout des dames angevines.

Dieu d'abord devait s'en réjouir, puisque la cause de la Ligue était la cause de Dieu.

Puis le roi devait incontestablement en enrager.

Enfin les dames en étaient heureuses.

Ainsi, la grande Trinité de l'époque était représentée: Dieu, le roi et les dames.

La joie fut à son comble le jour où l'on vit arriver, en superbe ordonnance, vingt-deux chevaux de main, trente chevaux de trait, enfin, quarante mulets, qui, avec les litières, les chariots et les fourgons, formaient les équipages de M. le duc d'Anjou.

Tout cela venait, comme par enchantement, de Tours, pour la modique somme de cinquante mille écus, que M. le duc d'Anjou avait consacrée à cet usage.

Il faut dire que ces chevaux étaient sellés, mais que les selles étaient dues aux selliers; il faut dire que les coffres avaient de magnifiques serrures, fermant à clef, mais que les coffres étaient vides; il faut dire que ce dernier article était tout à la louange du prince, puisque le prince aurait pu les remplir par des exactions.

Mais ce n'était pas dans la nature du prince de prendre; il aimait mieux soustraire.

Néanmoins l'entrée de ce cortège produisit un magnifique effet dans Angers.

Les chevaux entrèrent dans les écuries, les chariots furent rangés sous les remises. Les coffres furent portés par les familiers les plus intimes du prince. Il fallait des mains bien sûres, pour qu'on osât leur confier les sommes qu'ils ne contenaient pas.

Enfin on ferma les portes du palais au nez d'une foule empressée, qui fut convaincue, grâce à cette mesure de prévoyance, que le prince venait de faire entrer deux millions dans la ville, tandis qu'il ne s'agissait, au contraire, que de faire sortir de la ville une somme à peu près pareille, sur laquelle comptaient les coffres vides.

La réputation d'opulence de M. le duc d'Anjou fut solidement établie à partir de ce jour-là; et toute la province demeura convaincue, d'après le spectacle qui avait passé sous ses yeux, qu'il était assez riche pour guerroyer contre l'Europe entière, si besoin était.

Cette confiance devait aider les bourgeois à prendre en patience les nouvelles tailles que le duc, aidé des conseils de ses amis, était dans l'intention de lever sur les Angevins. D'ailleurs, les Angevins allaient presque au-devant des désirs du duc d'Anjou.

On ne regrette jamais l'argent que l'on prête ou que l'on donne aux riches.

Le roi de Navarre, avec sa renommée de misère, n'aurait pas obtenu le quart du succès qu'obtenait le duc d'Anjou avec sa renommée d'opulence.

Mais revenons au duc.

Le digne prince vivait en patriarche, regorgeant de tous les biens de la terre, et, chacun le sait, l'Anjou est une bonne terre.

Les routes étaient couvertes de cavaliers accourant vers Angers, pour faire au prince leurs soumissions ou leurs offres de services.

De son côté, M. d'Anjou poussait des reconnaissances aboutissant toujours à la recherche de quelque trésor.

Bussy était arrivé à ce qu'aucune de ces reconnaissances n'eût été poussée jusqu'au château qu'habitait Diane.

C'est que Bussy se réservait ce trésor-là pour lui seul, pillant, à sa manière, ce petit coin de la province, qui, après s'être défendu de façon convenable, s'était enfin livré à discrétion.

Or, tandis que M. d'Anjou reconnaissait et que Bussy pillait, M. de Monsoreau, monté sur son cheval de chasse, arrivait aux portes d'Anjou.

Il pouvait être quatre heures du soir; pour arriver à quatre heures, M. de Monsoreau avait fait dix-huit lieues dans la journée. Aussi, ses éperons étaient rouges; et son cheval, blanc d'écume, était à moitié mort.

Le temps était passé de faire aux portes de la ville des difficultés à ceux qui arrivaient: on était si fier, si dédaigneux maintenant à Angers, qu'on eût laissé passer sans conteste un bataillon de Suisses, ces Suisses eussent-ils été commandés par le brave Crillon lui-même.

M. de Monsoreau, qui n'était pas Crillon, entra tout droit en disant:

— Au palais de monseigneur le duc d'Anjou.

Il n'écouta point la réponse des gardes, qui hurlaient une réponse derrière lui. Son cheval ne semblait tenir sur ses jambes que par un miracle d'équilibre dû à la vitesse même avec laquelle il marchait: il allait, le pauvre animal, sans avoir plus aucune conscience de sa vie, et il y avait à parier qu'il tomberait quand il s'arrêterait.

Il s'arrêta au palais; mais M. de Monsoreau était excellent écuyer, le cheval était de race: le cheval et le cavalier restèrent debout.

— Monsieur le duc! cria le grand veneur.

— Monseigneur est allé faire une reconnaissance, répondit la sentinelle.

— Où cela? demanda M. de Monsoreau.

— Par-là, dit le factionnaire en étendant la main vers un des quatre points cardinaux.

— Diable! fit Monsoreau, ce que j'avais à dire au duc était cependant bien pressé; comment faire?

— Mettre t'abord fotre chifal à l'égurie, répliqua la sentinelle, qui était un reître d'Alsace; gar si fous ne l'abbuyez pas contre un mur il dombera.

— Le conseil est bon, quoique donné en mauvais français, dit Monsoreau. Où sont les écuries, mon brave homme?

— Là-pas!

En ce moment un homme s'approcha du gentilhomme et déclina ses qualités.

C'était le majordome.

M. de Monsoreau répondit à son tour par l'énumération de ses nom, prénoms et qualités.

Le majordome salua respectueusement; le nom du grand veneur était dès longtemps connu dans la province.

— Monsieur, dit-il, veuillez entrer et prendre quelque repos. Il y a dix minutes à peine que monseigneur est sorti; Son Altesse ne rentrera pas avant huit heures du soir.

— Huit heures du soir! reprit Monsoreau en rongeant sa moustache, ce serait perdre trop de temps. Je suis porteur d'une grande nouvelle qui ne peut être sue trop tôt par Son Altesse. N'avez-vous pas un cheval et un guide à me donner?

— Un cheval! il y en a dix, monsieur, dit le majordome. Quant à un guide, c'est différent, car monseigneur n'a pas dit où il allait, et vous en saurez, en interrogeant, autant que qui que ce soit, sous ce rapport; d'ailleurs, je ne voudrais pas dégarnir le château. C'est une des grandes recommandations de Son Altesse.

— Ah! ah! fit le grand veneur, on n'est donc pas en sûreté ici?

— Oh! monsieur, on est toujours en sûreté au milieu d'hommes tels que MM. Bussy, Livarot, Ribérac, Antraguet, sans compter notre invincible prince, monseigneur le duc d'Anjou; mais vous comprenez...

— Oui, je comprends que lorsqu'ils n'y sont pas, il y a moins de sûreté.

— C'est cela même, monsieur.

 

— Alors je prendrai un cheval frais dans l'écurie, et je tâcherai de joindre Son Altesse en m'informant.

— Il y a tout à parier, monsieur, que, de cette façon, vous rejoindrez monseigneur.

— On n'est point parti au galop?

— Au pas, monsieur, au pas.

— Très-bien! c'est chose conclue; montrez-moi le cheval que je puis prendre.

— Entrez dans l'écurie, monsieur, et choisissez vous-même: tous sont à monseigneur.

— Très-bien.

Monsoreau entra.

Dix ou douze chevaux, des plus beaux et des plus frais, prenaient un ample repas dans les crèches bourrées du grain et du fourrage le plus savoureux de l'Anjou.

— Voilà, dit le majordome, choisissez. Monsoreau promena sur la rangée de quadrupèdes un regard de connaisseur.

— Je prends ce cheval bai-brun, dit-il, faites-le-moi seller.

— Roland.

— Il s'appelle Roland?

— Oui, c'est le cheval de prédilection de Son Altesse. Il le monte tous les jours; il lui a été donné par M. de Bussy, et vous ne le trouveriez certes pas à l'écurie si Son Altesse n'essayait pas de nouveaux chevaux qui lui sont arrivés de Tours.

— Allons, il paraît que je n'ai pas le coup d'oeil mauvais.

Un palefrenier s'approcha.

— Sellez Roland, dit le majordome.

Quant au cheval du comte, il était entré de lui-même dans l'écurie et s'était étendu sur la litière, sans attendre même qu'on lui ôtât son harnais.

Roland fut sellé en quelques secondes. M. de Monsoreau se mit légèrement en selle, et s'informa une seconde fois de quel côté la cavalcade s'était dirigée.

— Elle est sortie par cette porte, et elle a suivi cette rue, dit le majordome en indiquant au grand veneur le même point que lui avait déjà indiqué la sentinelle.

— Ma foi, dit Monsoreau en lâchant le bride, en voyant que de lui-même le cheval prenait ce chemin, on dirait, ma parole, que Roland suit la piste.

— Oh! n'en soyez pas inquiet, dit le majordome, j'ai entendu dire à M. de Bussy et à son médecin, M. Remy, que c'était l'animal le plus intelligent qui existât; dès qu'il sentira ses compagnons, il les rejoindra. Voyez les belles jambes, elles feraient envie à un cerf.

Monsoreau se pencha de côté.

— Magnifiques, dit-il.

En effet, le cheval partit sans attendre qu'on l'excitât, et sortit fort délibérément de la ville; il fit même un détour, avant d'arriver à la porte, pour abréger la route, qui se bifurquait circulairement à gauche, directement à droite.

Tout en donnant cette preuve d'intelligence, le cheval secouait la tête comme pour échapper au frein qu'il sentait peser sur ses lèvres; il semblait dire au cavalier que toute influence dominatrice lui était inutile, et, à mesure qu'il approchait de la porte de la ville, il accélérait sa marche.

— En vérité, murmura Monsoreau, je vois qu'on ne m'en avait pas trop dit; ainsi, puisque tu sais si bien ton chemin, va, Roland, va.

Et il abandonna les rênes sur le cou de Roland.

Le cheval, arrivé au boulevard extérieur, hésita un moment pour savoir s'il tournerait à droite ou à gauche,

Il tourna à gauche.

Un paysan passait en ce moment.

— Avez-vous vu une troupe de cavaliers, l'ami? demanda Monsoreau.

— Oui, monsieur, répondit le rustique, je l'ai rencontrée là-bas, en avant.

C'était justement dans la direction qu'avait prise Roland, que le paysan venait de rencontrer cette troupe.

— Va, Roland, va, dit le grand veneur en lâchant les rênes à son cheval, qui prit un trot allongé avec lequel on devait naturellement faire trois ou quatre lieues à l'heure.

Le cheval suivit encore quelque temps le boulevard, puis il donna tout à coup à droite, prenant un sentier fleuri qui coupait à travers la campagne.

Monsoreau hésita un instant pour savoir s'il n'arrêterait pas Roland; mais Roland paraissait si sûr de son affaire, qu'il le laissa aller.

A mesure que le cheval s'avançait, il s'animait. Il passa du trot au galop, et, en moins d'un quart d'heure, la ville eut disparu aux regards du cavalier.

De son côté aussi, le cavalier, à mesure qu'il s'avançait, semblait reconnaître les localités.

— Eh! mais, dit-il en entrant sous le bois, on dirait que nous allons vers Méridor; est-ce que Son Altesse, par hasard, se serait dirigée du côté du château?

Et le front du grand veneur se rembrunit à cette idée, qui ne se présentait pas à son esprit pour la première fois.

— Oh! oh! murmura-t-il, moi qui venais d'abord voir le prince, remettant à demain de voir ma femme. Aurais-je donc le bonheur de les voir tous les deux en même temps?

Un sourire terrible passa sur les lèvres du grand veneur.

Le cheval allait toujours, continuant d'appuyer à droite avec une ténacité qui indiquait la marche la plus résolue et la plus sûre.

— Mais, sur mon âme, pensa Monsoreau, je ne dois plus maintenant être bien loin du parc de Méridor.

En ce moment, le cheval se mit à hennir.

Au même instant, un autre hennissement lui répondit du fond de la feuillée.

— Ah! ah! dit le grand veneur, voilà Roland qui a trouvé ses compagnons, à ce qu'il paraît.

Le cheval redoublait de vitesse, passant comme l'éclair sous les hautes futaies.

Soudain Monsoreau aperçut un mur et un cheval attaché près de ce mur. Le cheval hennit une seconde fois, et Monsoreau reconnut que c'était lui qui avait dû hennir la première.

— Il y a quelqu'un ici! dit Monsoreau pâlissant.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE
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