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La dame de Monsoreau — Tome 2

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CHAPITRE XXX
COMMENT BUSSY TROUVA TROIS CENTS PISTOLES DE SON CHEVAL ET LES DONNA POUR RIEN

Le lendemain Bussy partit d'Angers avant que les plus matineux bourgeois de la ville eussent pris leur repas du matin.

Il ne courait pas, il volait sur la route. Diane était montée sur une terrasse du château, d'où l'on voyait le chemin sinueux et blanchâtre qui ondulait dans les prés verts. Elle vit ce point noir qui avançait comme un météore et laissait plus long derrière lui le ruban tordu de la route.

Aussitôt elle redescendit pour ne pas laisser à Bussy le temps d'attendre, et pour se faire un mérite d'avoir attendu.

Le soleil atteignait à peine les cimes des grands chênes, l'herbe était perlée et rosée; on entendait au loin, sur la montagne, le cor de Saint-Luc que Jeanne excitait à sonner pour rappeler à son amie le service qu'elle lui rendait en la laissant seule.

Il y avait une joie si grande, si poignante dans le coeur de Diane, elle se sentait si enivrée de sa jeunesse, de sa beauté, de son amour, que parfois, en courant, il lui semblait que son âme enlevait son corps sur des ailes comme pour le rapprocher de Dieu.

Mais le chemin de la maison au hallier était long, les petits pieds de la jeune femme se lassèrent de fouler l'herbe épaisse, et la respiration lui manqua plusieurs fois en route; elle ne put donc arriver au rendez-vous qu'au moment où Bussy paraissait sur la crête du mur et s'élançait en bas.

Il la vit courir; elle poussa un petit cri de joie; il arriva vers elle les bras étendus; elle se précipita vers lui en appuyant ses deux mains sur son coeur: leur salut du matin fut une longue, une ardente étreinte. Qu'avaient-ils à se dire? ils s'aimaient. Qu'avaient-ils à penser? ils se voyaient. Qu'avaient-ils à souhaiter? ils étaient assis côte à côte et se tenaient la main.

La journée passa comme une heure. Bussy, lorsque Diane, la première, sortit de cette torpeur veloutée qui est le sommeil d'une âme lasse de félicité, Bussy serra la jeune femme rêveuse sur son coeur, et lui dit:

— Diane, il me semble qu'aujourd'hui a commencé ma vie; il me semble que d'aujourd'hui je vois clair sur le chemin qui mène à l'éternité. Vous êtes, n'en doutez pas, la lumière qui me révèle tant de bonheur; je ne savais rien de ce monde ni de la condition des hommes en ce monde; aussi, je puis vous répéter ce que, hier, je vous disais: ayant commencé par vous à vivre, c'est avec vous que je mourrai.

— Et moi, lui répondit-elle, moi qui, un jour, me suis jetée sans regret dans les bras de la mort, je tremble aujourd'hui de ne pas vivre assez longtemps pour épuiser tous les trésors que me promet votre amour. Mais pourquoi ne venez-vous pas au château, Louis? mon père serait heureux de vous voir; M. de Saint-Luc est votre ami, et il est discret... Songez qu'une heure de plus à nous voir, c'est inappréciable.

— Hélas! Diane, si je vais une heure au château, j'irai toujours; si j'y vais, toute la province le saura; si le bruit en vient aux oreilles de cet ogre, votre époux, il accourra... Vous m'avez défendu de vous en délivrer...

— A quoi bon? dit-elle avec cette expression qu'on ne trouve jamais que dans la voix de la femme qu'on aime.

— Eh bien! pour notre sûreté, c'est-à-dire pour la sécurité de notre bonheur, il importe que nous cachions notre secret à tout le monde: madame de Saint-Luc le sait déjà... Saint-Luc le saura aussi.

— Oh! pourquoi...

— Me cacheriez-vous quelque chose, dit Bussy, à moi, à présent?

— Non... c'est vrai.

— J'ai écrit ce matin un mot à Saint-Luc pour lui demander une entrevue à Angers. Il viendra; j'aurai sa parole de gentilhomme que jamais un mot de cette aventure ne lui échappera. C'est d'autant plus important, chère Diane, que partout, certainement, on me cherche. Les événements étaient graves lorsque nous avons quitté Paris.

— Vous avez raison... et puis mon père est un homme si scrupuleux, bien qu'il m'aime, qu'il serait capable de me dénoncer à M. de Monsoreau.

— Cachons-nous bien... et, si Dieu nous livre à nos ennemis, au moins pourrons-nous dire que faire autrement était impossible.

— Dieu est bon, Louis; ne doutez pas de lui en ce moment.

— Je ne doute pas de Dieu, j'ai peur de quelque démon, jaloux de voir notre joie.

— Dites-moi adieu, monseigneur, et ne retournez pas si vite, votre cheval me fait peur.

— Ne craignez rien, il connaît déjà la route; c'est le plus doux, le plus sûr coursier que j'aie encore monté. Quand je retourne à la ville, abîmé dans mes douces pensées, il me conduit sans que je touche à la bride.

Les deux amants échangèrent mille propos de ce genre entrecoupés de mille baisers. Enfin la trompe de chasse, rapprochée du château, fit entendre l'air dont Jeanne était convenue avec son amie, et Bussy partit.

— Comme il approchait de la ville, rêvant à cette enivrante journée, et tout fier d'être libre, lui, que les honneurs, les soins de la richesse et les faveurs d'un prince du sang tenaient toujours embrassé dans des chaînes d'or, il remarqua que l'heure approchait où l'on allait fermer les portes de la ville. Le cheval, qui avait brouté tout le jour sous les feuillages et l'herbe, avait continué en chemin, et la nuit venait.

Bussy se préparait à piquer pour réparer le temps perdu, quand il entendit derrière lui le galop de quelques chevaux.

Pour un homme qui se cache, et surtout pour un amant, tout semble une menace; les amants heureux ont cela de commun avec les voleurs. Bussy se demandait s'il valait mieux prendre le galop pour gagner l'avance, ou se jeter de côté pour laisser passer les cavaliers; mais leur course était si rapide, qu'ils furent sur lui en un moment.

Ils étaient deux. Bussy, jugeant qu'il n'y avait pas de lâcheté à éviter deux hommes lorsqu'on en vaut quatre, se rangea, et aperçut un des cavaliers dont les talons entraient dans les flancs de sa monture, stimulée d'ailleurs par bon nombre de coups d'étrivières que lui détachait son compagnon.

— Allons, voici la ville, disait cet homme avec un accent gascon des plus prononcés; encore trois cents coups de fouet et cent coups d'éperon, du courage et de la vigueur.

— La bête n'a plus le souffle, elle frissonne, elle faiblit, elle refuse de marcher, répondit celui qui précédait... Je donnerais pourtant cent chevaux pour être dans ma ville.

— C'est quelque Angevin attardé, se dit Bussy... Cependant... comme la peur rend les gens stupides! j'avais cru reconnaître cette voix. Mais voilà le cheval de ce brave homme qui chancelle...

En ce moment les cavaliers étaient au niveau de Bussy sur la route.

— Eh! prenez garde, s'écria-t-il, monsieur; quittez l'étrier, quittez vite, la bête va choir.

En effet, le cheval tomba lourdement sur le flanc, remua convulsivement une jambe comme s'il labourait la terre, et, tout d'un coup, son souffle bruyant s'arrêta, ses yeux s'obscurcirent; l'écume l'étouffait; il expira.

— Monsieur, cria le cavalier démonté à Bussy, trois cents pistoles du cheval qui vous porte.

— Ah! mon Dieu! s'écria Bussy en se rapprochant...

— M'entendez-vous? monsieur, je suis pressé...

— Eh! mon prince, prenez-le pour rien, dit avec le tremblement d'une émotion indicible Bussy, qui venait de reconnaître le duc d'Anjou.

En même temps on entendit le bruit sec d'un pistolet qu'armait le compagnon du prince.

— Arrêtez! cria le duc d'Anjou à ce défenseur impitoyable; — arrêtez! monsieur d'Aubigné; c'est Bussy, ou le diable m'emporte!

— Eh oui, mon prince, c'est moi! mais que diable faites-vous à crever des chevaux à l'heure qu'il est sur ce chemin?

— Ah! c'est M. de Bussy? dit d'Aubigné; alors, monseigneur, vous n'avez plus besoin de moi... Permettez-moi de m'en retourner vers celui qui m'a envoyé, comme dit la sainte Écriture.

— Non pas sans recevoir mes remercîments bien sincères et la promesse d'une solide amitié, dit le prince.

— J'accepte tout, monseigneur, et vous rappellerai vos paroles quelque jour.

— M. d'Aubigné!.. Monseigneur!.. Ah! mais je tombe des nues! fit Bussy...

— Ne le savais-tu pas? dit le prince avec une expression de mécontentement et de défiance qui n'échappa point au gentilhomme... Si tu es ici, n'est-ce pas que tu m'y attendais?

— Diable! se dit Bussy réfléchissant à tout ce que son séjour caché dans l'Anjou pouvait offrir d'équivoque à l'esprit soupçonneux de François, ne nous compromettons pas!

— Je faisais mieux que de vous attendre, dit-il, et, tenez, puisque vous voulez entrer en ville avant la fermeture des portes, en selle, monseigneur.

Il offrit son cheval au prince, qui s'était occupé de débarrasser le sien de quelques papiers importants cachés entre la selle et la housse.

— Adieu donc, monseigneur, dit d'Aubigné qui fit volte-face. Monsieur de Bussy, serviteur.

Et il partit.

Bussy sauta légèrement en croupe de son maître, et dirigea le cheval vers la ville, en se demandant tout bas si ce prince, habillé de noir, n'était pas le sombre démon que lui suscitait l'enfer, jaloux déjà de son bonheur.

Ils entrèrent dans Angers au premier son des trompettes de l'échevinage.

— Que faire maintenant, monseigneur?

— Au château! qu'on arbore ma bannière, qu'on vienne me reconnaître, que l'on convoque la noblesse de la province.

— Rien de plus facile, dit Bussy, décidé à faire de la docilité pour gagner du temps, et d'ailleurs trop surpris lui-même pour être autre chose que passif.

 

— Çà, messieurs de la trompette! cria-t-il aux hérauts qui revenaient après le premier son.

Ceux-ci regardèrent et ne prêtèrent pas grande attention, parce qu'ils voyaient deux hommes poudreux, suants, et en assez mince équipage.

— Oh! oh! dit Bussy en marchant à eux... est-ce que le maître n'est pas connu dans sa maison?.. Qu'on fasse venir l'échevin de service!

Ce ton arrogant imposa aux hérauts; l'un d'eux s'approcha.

— Jésus-Dieu! s'écria-t-il avec effroi en regardant attentivement le duc... n'est-ce pas là notre seigneur et maître?

Le duc était fort reconnaissable à la difformité de son nez partagé en deux, comme le disait la chanson de Chicot.

— Monseigneur le duc! ajouta-t-il en saisissant le bras de l'autre héraut, qui bondit d'une surprise pareille.

— Vous en savez aussi long que moi maintenant, dit Bussy; enflez-moi votre haleine, faites suer sang et eau à vos trompettes, et que toute la ville sache dans un quart d'heure que monseigneur est arrivé chez lui. Nous, monseigneur, allons lentement au château. Quand nous y arriverons, la broche sera déjà mise pour nous recevoir.

En effet, au premier cri des hérauts, les groupes se formèrent; au second, les enfants et les commères coururent tous les quartiers en criant:

— Monseigneur est dans la ville!.. Noël à monseigneur!

Les échevins, le gouverneur, les principaux gentilshommes, se précipitèrent vers le palais, suivis d'une foule qui devenait de plus en plus compacte.

Ainsi que l'avait prévu Bussy, les autorités de la ville étaient au château avant le prince pour le recevoir dignement. Lorsqu'il traversa le quai, à peine put-il fendre la presse; mais Bussy avait retrouvé un des hérauts, qui, frappant à coups de trompette sur le populaire empressé, fraya un passage à son prince jusqu'aux degrés de la maison de ville.

Bussy formait l'arrière-garde.

«Messieurs et très-féaux âmes, dit le prince, je suis venu me jeter dans ma bonne ville d'Angers. A Paris, les dangers les plus terribles ont menacé ma vie; j'avais perdu même ma liberté. J'ai réussi à fuir, grâce à de bons amis.»

Bussy se mordit les lèvres: il devinait le sens du regard ironique de François.

«Et depuis que je me sens dans votre ville, ma tranquillité, ma vie, sont assurées.»

Les magistrats, stupéfaits, crièrent faiblement: Vive notre seigneur!

Le peuple, qui espérait les aubaines usitées à chaque voyage du prince, cria vigoureusement: Noël!

— Soupons, dit le prince, je n'ai rien pris depuis ce matin.

Le duc fut entouré en un moment de toute la maison qu'il entretenait à Angers en qualité de duc d'Anjou, et dont les principaux serviteurs seuls connaissaient leur maître.

Puis ce fut le tour des gentilshommes et des dames de la ville.

La réception dura jusqu'à minuit. La ville fut illuminée, les coups de mousquet retentirent dans les rues et sur les places, la cloche de la cathédrale fut mise en branle, et le vent porta jusqu'à Méridor les bouffées bruyantes de la joie traditionnelle des bons Angevins.

CHAPITRE XXXI
DIPLOMATIE DE M. LE DUC D'ANJOU

Quand le bruit des mousquets se fut un peu calmé dans les rues, quand les battements de la cloche eurent ralenti leurs vibrations, quand les antichambres furent dégarnies, quand enfin Bussy et le duc d'Anjou se trouvèrent seuls:

— Causons, dit le duc.

En effet, grâce à sa perspicacité, François comprenait que Bussy, depuis leur rencontre, avait fait beaucoup plus d'avances qu'il n'avait l'habitude d'en faire; il jugea alors, avec sa connaissance de la cour, qu'il était dans une position embarrassée, et que, par conséquent, il pouvait, avec un peu d'adresse, prendre avantage sur lui.

Mais Bussy avait eu le temps de se préparer, et il attendait son prince de pied ferme.

— Causons, monseigneur, répliqua-t-il.

— Le dernier jour que nous nous vîmes, dit le prince, vous étiez bien malade, mon pauvre Bussy!

— C'est vrai, monseigneur, répliqua le jeune homme; j'étais très-malade, et c'est presque un miracle qui m'a sauvé.

— Ce jour-là, il y avait près de vous, continua le duc, certain médecin bien enragé pour votre salut, car il mordait vigoureusement, ce me semble, ceux qui vous approchaient.

— C'est encore vrai, mon prince, car le Haudoin m'aime beaucoup.

— Il vous tenait rigoureusement au lit, n'est-ce pas?

— Ce dont j'enrageais de toute mon âme, comme Votre Altesse a pu le voir.

— Mais, dit le duc, si vous eussiez si fort enragé, vous auriez pu envoyer la Faculté à tous les diables, et sortir avec moi, comme je vous en priais.

— Dame! fit Bussy en tournant et retournant de cent façons entre ses doigts son chapeau de pharmacien.

— Mais, continua le duc, comme il s'agissait d'une grave affaire, vous avez eu peur de vous compromettre.

— Plaît-il? dit Bussy en enfonçant d'un coup de poing le même chapeau sur ses yeux: vous avez dit, je crois, que j'avais eu peur de me compromettre, mon prince?

— Je l'ai dit, répliqua le duc d'Anjou.

Bussy bondit sur sa chaise, et se trouva debout.

— Eh bien! vous en avez menti, monseigneur, s'écria-t-il, menti à vous-même, entendez-vous, car vous ne croyez pas un mot, mais pas un seul, de ce que vous venez de dire; il y a sur ma peau vingt cicatrices, qui prouvent que je me suis compromis quelquefois, mais que je n'ai jamais eu peur; et, ma foi, je connais beaucoup de gens qui ne sauraient pas en dire et surtout en montrer autant.

— Vous avez toujours des arguments irréfragables, monsieur de Bussy, reprit le duc fort pâle et fort agité; quand on vous accuse, vous criez plus haut que le reproche, et alors vous vous figurez que vous avez raison.

— Oh! je n'ai pas toujours raison, monseigneur, dit Bussy, je le sais bien; mais je sais bien aussi dans quelles occasions j'ai tort.

— Et dans lesquelles avez-vous tort? dites, je vous prie.

— Quand je sers des ingrats.

— En vérité, monsieur, je croie que vous vous oubliez, dit le prince en se levant tout à coup avec cette dignité qui lui était propre dans certaines circonstances.

— Eh bien! je m'oublie, monseigneur, dit Bussy; une fois dans votre vie, faites-en autant, oubliez-vous ou oubliez-moi.

Bussy fit alors deux pas pour sortir; mais le prince fut encore plus prompt que lui, et le gentilhomme trouva le duc devant la porte.

— Nierez-vous, monsieur, dit le duc, que, le jour où vous avez refusé de sortir avec moi, vous ne soyez sorti l'instant d'après?

— Moi, dit Bussy, je ne nie jamais rien, monseigneur, si ce n'est ce qu'on veut me forcer d'avouer.

— Dites-moi donc alors pourquoi vous vous êtes obstiné à rester en votre hôtel?

— Parce que j'avais des affaires.

— Chez vous?

— Chez moi ou ailleurs.

— Je croyais que, quand un gentilhomme est au service d'un prince, ses principales affaires sont les affaires de ce prince.

— Et, d'habitude, qui donc les fait, vos affaires, monseigneur, si ce n'est moi?

— Je ne dis pas non, dit François; et d'ordinaire je vous trouve fidèle et dévoué, je dirai même plus, j'excuse votre mauvaise humeur.

— Ah! vous êtes bien bon.

— Oui, car vous aviez quelque raison de m'en vouloir.

— Vous l'avouez, monseigneur?

— Oui. Je vous avais promis la disgrâce de M. de Monsoreau. Il paraît que vous le détestez fort, M. de Monsoreau?

— Moi, pas du tout. Je lui trouve une laide figure et j'aurais voulu qu'il s'éloignât de la cour pour ne point avoir cette figure sous les yeux. Vous, au contraire, monseigneur, vous aimez cette figure-là. Il ne faut pas discuter sur les goûts.

— Eh bien! alors, comme c'était votre seule excuse que de me bouder comme eût fait un enfant gâté et hargneux, je vous dirai que vous avez doublement eu tort de ne pas vouloir sortir avec moi, et de sortir après moi pour faire des vaillantises inutiles.

— J'ai fait des vaillantises inutiles, moi? et tout à l'heure vous me reprochiez d'avoir eu... Voyons, monseigneur, soyons conséquent; quelles vaillantises ai-je faites?

— Sans doute; que vous en vouliez à M. d'Épernon et à M. de Schomberg, je conçois cela. Je leur en veux, moi aussi, et même mortellement; mais il fallait se borner à leur en vouloir, et attendre le moment.

— Oh! oh! dit Bussy, qu'y a-t-il encore là-dessous, monseigneur?

— Tuez-les, morbleu! tuez-les tous deux, tuez-les tous quatre, je ne vous en serai que plus reconnaissant; mais ne les exaspérez pas, surtout quand vous êtes loin: car leur exaspération retombe sur moi.

— Voyons, que lui ai-je donc fait, à ce digne Gascon?

— Vous parlez de d'Épernon, n'est-ce pas?

— Oui.

— Eh bien! vous l'avez fait lapider.

— Moi?

— Au point que son pourpoint a été mis en lambeaux, son manteau en pièces, et qu'il est rentré au Louvre en haut-de-chausses.

— Bon, dit Bussy, et d'un; passons à l'Allemand. Quels sont mes torts envers M. de Schomberg?

— Nierez-vous que vous ne l'ayez fait teindre en indigo? Quand je l'ai revu trois heures après son accident, il était encore couleur d'azur; et vous appelez cela une bonne plaisanterie. Allons donc!

Et le prince se mit à rire malgré lui, tandis que Bussy, se rappelant de son côté la figure que faisait Schomberg dans son cuvier, ne pouvait s'empêcher de rire aux éclats.

— Alors, dit-il, c'est moi qui passe pour leur avoir joué ce tour.

— Pardieu! c'est moi peut-être?

— Et vous vous sentez le courage, monseigneur, de venir faire des reproches à un homme qui a de ces idées-là. Tenez, je vous le disais tout à l'heure, vous êtes un ingrat.

— D'accord. Maintenant, voyons, et si tu es réellement sorti pour cela, je te pardonne.

— Bien sûr?

— Oui, parole d'honneur; mais tu n'es pas au bout de mes griefs.

— Allez.

— Parlons de moi un peu.

— Soit.

— Qu'as-tu fait pour me tirer d'embarras?

— Vous le voyez bien, dit Bussy, ce que j'ai fait.

— Non, je ne le vois pas.

— Eh bien! je suis parti pour l'Anjou.

— C'est-à-dire que tu t'es sauvé.

— Oui, car en me sauvant je vous sauvais.

— Mais, au lieu de te sauver si loin, ne pouvais-tu donc rester aux environs de Paris? Il me semble que tu m'étais plus utile à Montmartre qu'à Angers.

— Ah! voilà où nous différons d'avis, monseigneur: j'aimais mieux venir en Anjou.

— C'est une médiocre raison, vous en conviendrez, que votre caprice...

— Non pas, car ce caprice avait pour but de vous recruter des partisans.

— Ah! voilà qui est différent. Eh bien! voyons, qu'avez-vous fait?

— Il sera temps de vous l'expliquer demain, monseigneur, car voici justement l'heure à laquelle je dois vous quitter.

— Et pourquoi me quitter?

— Pour m'aboucher avec un personnage des plus importants.

— Ah! s'il en est ainsi, c'est autre chose; allez, Bussy, mais soyez prudent.

— Prudent, à quoi bon? Ne sommes-nous pas les plus forts ici!

— N'importe, ne risque rien; as-tu déjà fait beaucoup de démarches?

— Je suis ici depuis deux jours, comment voulez-vous...

— Mais tu te caches, au moins.

— Si je me cache, je le crois morbleu bien! Voyez-vous sous quel costume je vous parle, est-ce que j'ai l'habitude de porter des pourpoints cannelle? C'est pourtant pour vous encore que je suis entré dans cet affreux fourreau.

— Et où loges-tu?

— Ah! voilà où vous apprécierez mon dévouement. Je loge... je loge dans une masure près du rempart, avec une sortie sur la rivière, mais vous, mon prince, à votre tour, voyons, comment êtes-vous sorti du Louvre? comment vous ai-je trouvé sur un grand chemin, avec un cheval fourbu entre les jambes et M. d'Aubigné à vos côtés?

— Parce que j'ai des amis, dit le prince.

— Vous, des amis? fit Bussy. Allons donc!

— Oui, des amis que tu ne connais pas.

— A la bonne heure! et quels sont ces amis?

— Le roi de Navarre et M. d'Aubigné que tu as vu.

 

— Le roi de Navarre!.. Ah! c'est vrai. N'avez-vous point conspiré ensemble?

— Je n'ai jamais conspiré, monsieur de Bussy.

— Non! demandez un peu à la Mole et à Coconnas.

— La Mole, dit le prince d'un air sombre, avait commis un autre crime que celui pour lequel on croit qu'il est mort.

— Bien! laissons la Mole et revenons à vous; d'autant plus, monseigneur, que nous aurions quelque peine à nous entendre sur ce point-là. Par où diable êtes-vous sorti du Louvre?

— Par la fenêtre.

— Ah! vraiment. Et par laquelle?

— Par celle de ma chambre à coucher.

— Vous connaissiez donc l'échelle de corde?

— Quelle échelle de corde?

— Celle de l'armoire.

— Ah! il paraît que tu la connaissais, toi? dit le prince en pâlissant.

— Dame! dit Bussy. Votre Altesse sait que j'ai eu quelquefois le bonheur d'entrer dans cette chambre.

— Du temps de ma soeur Margot, n'est-ce pas! et tu entrais par la fenêtre?

— Dame! vous sortez bien par là, vous. Ce qui m'étonne seulement, c'est que vous ayez trouvé l'échelle.

— Ce n'est pas moi qui l'ai trouvée.

— Qui donc?

— Personne; on me l'a indiquée.

— Qui cela?

— Le roi de Navarre.

— Ah! ah! le roi de Navarre connaît l'échelle; je ne l'aurais pas cru. Enfin, tant il y a que vous voici, monseigneur, sain et sauf et bien portant! nous allons mettre l'Anjou en feu, et, de la même traînée, l'Angoumois et le Béarn s'enflammeront: cela fera un assez joli petit incendie.

— Mais ne parlais-tu pas d'un rendez-vous? dit le duc.

— Ah! morbleu! c'est vrai; mais l'intérêt de la conversation me le faisait oublier. Adieu, monseigneur.

— Prends-tu ton cheval?

— Dame! s'il est utile à monseigneur, Son Altesse peut le garder; j'en ai un second.

— Alors, j'accepte; plus tard nous ferons nos comptes.

— Oui, monseigneur, et Dieu veuille que ce ne soit pas moi qui vous redoive quelque chose!

— Pourquoi cela?

— Parce que je n'aime pas celui que vous chargez d'ordinaire d'apurer vos comptes.

— Bussy!

— C'est vrai, monseigneur; il était convenu que nous ne parlerions plus de cela.

Le prince, qui sentait le besoin qu'il avait de Bussy, lui tendit la main.

Bussy lui donna la sienne, mais en secouant la tête.

Tous deux se séparèrent.

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